Histoire du blues chanté

Blind Willie Johnson, alors c'est tout un poème - aveugle à l'âge de 7 ans, pour autant que ses données concernant son âge soient fiables, gaucher jouant, sur des guitares de droitiers, y compris sur ces fameuses cigar-boxes bricolées récup', archétype du bluesman / gospelman archi-fauché et ignoré, mais étant en droit de revendiquer une immense descendance musicale post-mortem.
Roots, pas loin de la césure Delta-Blues/Gospel sur le 1er (émouvant) extrait, avec les moyens de l'époque.

Comme il va de soi pour le (bon) Blues, ses titres ont fait florès, cette seconde chanson a été reprise, ré-arrangée, paroles comprises, au cours des décennies.
Y compris par Larkin Poe, dont je suis en train de rentrer voracement la discographie complète, et elle est fournie pour de si jeunes trentenaires.
Larkin Poe que je ne fais qu'écouter dès que je peux dérober 3 minutes, assidu tel un chien affamé devant un étal de boucherie depuis quelques jours     .

Comble du comble, là où il est ça doit le faire marrer le bon Blind Willie, son titre Dark Was The Night Cold Was The Ground est embedded sur la sonde Voyager I, à moins que ce ne soit Voyager II, bien au-delà du système solaire et de tout contrôle au moment de ce message, parmi les 27 bruits ou sons humains que la planète Terre souhaite transmettre à toute rencontre...
Lui à qui il a toujours manqué 95 cents pour faire un dollar, et qui bénéficiait à peu près du respect qu'on accorde à un dérangeant cancrelat dans un lit d'amour...  

Effectivement, ça doit parler à tout le monde !

Le nombre chanteurs de blues aveugles est considérable dans l'histoire du blues.
Surtout dans les temps enciens.
Et cela en dit long sur leur condition sociale et sanitaire.
L'un des grands chanteurs des années 20 et 30, Blind Lemon Jeffesrson.

Quelques faits biographiques et musicaus sur Blind Lemon Jefferson.
Son succès et ses enrgistrements ne l'ont pas empeché de mourir à 36 ans. B

Blind Lemon Jefferson est généralement considéré comme le père fondateur du blues du Texas, bien que son style se soit sans doute inspiré d'autres musiciens antérieurs qui n'ont pas été enregistrés. Jefferson est en tout cas un des premiers bluesmen solistes à graver des disques.

Ses éléments biographiques demeurent imprécis. D'après le chercheur Bruce Roberts, Blind Lemon Jefferson naît probablement en septembre 1893, à Couchman, dans le comté de Freestone, au Texas. Sans doute aveugle de naissance, Blind Lemon commence dès l'âge de sept ans à chanter et à jouer de la guitare dans les rues de Dallas. Comme souvent avec les figures fondatrices du blues, il est difficile de séparer les faits avérés des anecdotes légendaires ; ainsi, Lead Belly, T-Bone Walker et Lightnin' Hopkins auraient guidé ses pas à travers le Texas. Blind Lemon Jefferson devient rapidement le principal porte-parole des travailleurs noirs locaux et sa réputation s'affirme, à tel point qu'il est convié en 1926 à aller enregistrer à Chicago, fait rarissime pour l'époque. Ses premiers disques sont des succès commerciaux et ont un grand impact sur les auditeurs et les musiciens bien au-delà du blues. Son influence sur la première country music sera en fait aussi importante. Les quelque quatre-vingt-dix titres qu'enregistrera Jefferson définissent les canons du Texas blues : jeu de guitare complexe au rythme erratique, basses frappées suivies d'arpèges héritées de la manière hispanique, versets imagés et poétiques, voix de prédicateur, puissante et à large registre, façonnée par les shows en plein air.

Encyclopaedia Universalis

encore des morceaux dont on connait plus les reprises que les originaux ?

animal a écrit:encore des morceaux dont on connait plus les reprises que les originaux ?

C'est ça l'idée - mais dès le tout début, en fait.
Et des reprises pas forcément très fidèles, le thème musical tout comme les paroles supportant tous les aménagements.
On est loin du copyright, des albums-concept et autres productions ciblées, pour ne pas dire marketées, des Majors.
Le Gospel et le Blues se colportaient et s'interprétaient librement, bien avant Hadopi & La Toile.

Dans la grande famille des grands sous-estimés, bien plus proche de nous, un dont il ne serait pas dérangeant que l'on revisitât un peu son répertoire, je voudrais Chris Whitley, Bluesman Postmoderne comme disait France-Musique...

Aux confins du swing, du bop, du blues... T Bone Walker, en 1947 ...

Vous connaissez sans doute ce blues par les Stones. Version originale de 1929

Très Delta Blues, Eddie Kirkland - normal quand on a été guitariste chez John Lee Hooker avant de tenter l'aventure sous son nom.
Une vie incroyable, prenant sa mère pour sa sœur (compréhensible, peut-être, quand on n'a que onze ans d'écart ?), enfin, la Toile est fournie si vous vous intéressez au "personnage".  

Le Gitan du Blues possède un indéniable feeling, un timbre ad hoc, la présence qui convient, un son et une construction des morceaux qui, effectivement, vous rappelleront John Lee Hooker...

Le dépouillement: la cigar box 4-cordes bricolée maison, une basse, une batterie, les conditions casse-figure du Live...
Encore faut-il la virtuosité et la flamme, mais ça, ça n'oppose aucune difficulté à Samantha Fish.
Et la sincérité, le courage:
Pour bien illustrer que chaque performance est une ré-invention risquée et non la livraison similaire du paquet d'hier, voyez ces deux versions de Shake 'Em on Down et de Turn it Up.

Samantha Fish s'illustre aussi à la guitare électrique, et principalement d'ailleurs aujourd'hui, mais je me suis dit que si vous découvrez, ce serait mieux de passer par la case cigar-box.
La demoiselle de Kansas City (Missouri) a le bon goût d'évoluer, de ne pas figer son style, et de traduire cela d'un disque sur l'autre: aux frontières -que je prise tant !- southern-rock/blues ne faut-il pas toujours rester en chemin ?

Comme disait Bix dans le message d'introduction de ce fil:

bix_229 a écrit:
Le blues chanté lui poursuivit une route solitaire et souvent misérable. Mais irréversible.
Une manière de dire individuellement une histoire, la sienne.
Les thèmes sont récurrents, la tristesse, l'angoisse, les amours ratés, l'alcoolisme.
Des thèmes banals en soi mais que les chanteurs transformaient en histoires profondément senties et poignantes.
C'est cette forme de peine et de désespoir qui remplirent ma vie depuis l'adolescence.
Je ne m'en suis jamais lassé.
J'aime profondément les musiques populaires, et surtout celles qui charrient des émotions fondamentales et éternelles.

J'ajoute: j'aime les façons de se plaindre avec dignité: Le Blues, le Flamenco (peut-être le Fado mais j'accroche moins) constituent des façons dignes, nobles, de se plaindre.

Vous aurez deviné qu'elle aussi s'auto-produit, s'auto-distribue, loin des autoroutes à succès marketé des majors et des radios mainstream.

Elle est exceptionnelle !

Etrange sa guitare qui sonne comme un dobro...

bix_229 a écrit:

Les filles de Larkin Poe aussi connaissent  le Deep South et le blues qui a laissé ses racines

Tou à fait Bix, je ne cache pas mon enthousiasme pour la musique Blues des sœurs Lovell (j'ai d'ailleurs posté un morceau page précédente), influences Bluegrass et Southern Rock.
Elle viennent du Deep South en effet, de Géorgie, disent être originaires d'Atlanta pour qu'on situe mieux, mais je crois bien qu'elles ont grandi à Calhoun, ce qui est nettement plus rural.

Pour ma part j'essaie de gérer mon addiction à Larkin Poe, j'y parviens, la preuve si je n'ai pas la possibilité de les écouter, à présent je tiens tout de même 24h, si ce n'est pas probant, ça, huh ?
 
Pour la petite histoire, le nom Larkin Poe était celui de leur trisaïeul, qui était cousin germain d'Edgar Allan Poe (  !!).

Elles étaient trois sœurs au début (Jessica, Megan et Rebecca) mais Jessica a préféré les études à tout donner à la vie musicale (choix que l'on peut regretter !), le trio s'appelait The Lovell Sisters, c'était assez acoustique et Bluegrass.

Larkin Poe a été distingué, l'an passé, par un Grammy Award aux USA, dans la catégorie Blues - espoirs, ce qui est une grosse reconnaissance aux USA, surtout que -mais tu t'en doutes - elles s'autoproduisent, s'autodistribuent, et tournent sur le circuit indépendant.
Mississippi, le morceau que tu postes (ou encore celui de la page précédente, Hard Time Killing Floor Blues) est tout à fait plein de fraîcheur et de cet entrain, de cette conviction, de cette générosité qui les habitent, et puis, et puis... Megan a un toucher d'une rare délicatesse, le dobro / lap steel Blues a trouvé une nouvelle petite reine, quant à Rebecca, son écriture prend de la dimension, et sa voix... couleur et tessiture, je ne pensais pas que c'était une si jeune femme qui chantait la première fois que je l'ai entendue !

 Ci-dessous God Moves On The Water, en 2020, une reprise de Blind Willie Johnson, avec d'étonnantes réminiscences Gospel sur le [recommandable] disque Self Made Man:

Sinon elles ont deux dates programmées en France en 2022 (9 mai Trianon - Paris, 10 mai La belle électrique Grenoble), + une possibilité de session de rattrapage à Madrid le 12 mai, si ça dit à certains ici on doit pouvoir s'y retrouver, bien sûr si ni le ciel ni une pandémie ne nous tombent sur la tête !

Jeanne Lee est beaucoup moins connue et nettement plus ancienne.
Inspirée par le free jazz elle a joué avec des musiciens de l'époque dans les année 60 e t 70.
Sa voix est sombre et poignante.
Le morceau qu'elle chante est un negro spiritual, datant d'avant la fin de l'esclavage.

La famille Burnside joue le blues. Et comment !
Que je perde le Nord, tant pis, mais jamais le Sud !
Un commentaire en anglais : "Je suis fier d'etre américain quand j'écoute ce genre de musique."

Encore R.J.B., mais avec sa guitare.
A l'entendre c'est aussi entendre, John Lee Hooker ou Muddy Waters ou Mississippi Fred McDowell
ou encore Lightnin Hopkins...
Un certain son et un accompagnement à la guitare.

Comme vous le savez, Robert Johnson rencontra le diable et meme, il lui vendit son ame
pour une bouteille de Whysky.
C'est du moins ce que rapportèrent les media infernaux.
Mais il a annulé le contrat et depuis il chante pour ses amis...

Nina, ne nous quiite pas !