Mohammed El Bisatie
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Mohammed El Bisatie
Mohammed El Bisatie
(1937-2012)
(1937-2012)
Né à Gammaliyya, près de Port-Saïd, Mohammed El-Bisatie a publié depuis 1967 sept recueils de nouvelles et une douzaine de romans qui l’ont placé au premier rang des écrivains arabes de sa génération.
Profondément marqué par le monde misérable des villages de son enfance, Mohammed el-Bisatie s'est attaché à décrire le sort des marginaux et des plus démunis.
Ses oeuvres traduites en français sont publiées aux éditions Actes Sud.
Oeuvres traduites en français :
La Clameur du lac (Ṣah̲ab al-buḥayraẗ)
Derrière les arbres (Buyūt warāʼ al-ašǧār)
Les Bruits de la nuit (Aṣwāt al-layl)
D'autres nuits (Layālin ukhrā)
La Faim (Ǧūʿ)
Cité d’argile (Stad van klei)
Un dernier verre de thé et autres nouvelles
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Mohammed El Bisatie
LA FAIM
Zaghloul et Sakina sont pauvres et c'est vraiment un euphémisme.
Leur maison n'a essentiellement que des murs. A part un grabat et un banc dur.
Et donc, eux et leurs deux enfants jeunent plus souvent qu'ils ne mangent.
Il est vrai que Zaghloul ne cherche du travail qu'occasionnellement. Sinon, il erre dans les rues et le soukh. Ecoute parler avec curiosité des étudiants.
Rend service aux gens sans jamais rien réclamer. Mais quand il travaille dans un café, on insulte sa mère.
Il essaie de ne pas entendre, mais finit par s'en aller, écoeuré.
Alors c'est Sakina qui va mendier du pain auprès des voisines.
Elle est honnète et scrupuleuse et rend ce qu' on lui prête dès qu'elle peut.
Alors faute de manger, ils dorment.
Le plus jeune fils pose sa tête contre les cuisses de sa mère.
L'aîné, Zahir, a la chance de connaître un ami plus fortuné qui lui donne ce qu'il peut.
Mais le père le bat cruellement quand il le prend sur le fait.
Au bout de quelques jours de disette, leur estomac s'habitue un peu.
Enfin, c'est ce qu'ils disent.
Un jour, Zahir, le fils aîné, obtient d' emporter chez lui des miettes à moitié brulées de galettes cuites dans le four public.
Le mitron sera renvoyé pour s'être permis une telle liberté.
Le père et la mère connaîtront aussi un moment de chance, chacun près d'un riche esseulé.
Mais la mort de leur protecteur les privera de cette manne.
Telle est la vie de ces pauvres gens vivant dans un petit village d'Egypte actuel.
On y trouve aussi un cheik, un professeur qu prèche la charya à l'université et la pureté des moeurs à la mosquée, alors qu' il s'enrichit honteusement sous son masque hypocrite de bigot.
Un jour, Zaghloul le suit après le prêche et l'apostrophe publiquement :
"Bon, je ne suis peut-être pas très malin, mais je réféchis. Je me suis dit : "Le Tout Puissant a envoyé plein de prophètes, un toutes les quelques années, et
j'en connais au moins trois, Moise, Jésus et Mohamed - qu' il les bénisse et les ait en Sa sainte garde. Ils ont dit tous les trois qu'il fallait adorer Dieu, mais chacun a prêché à sa façon ! Et ceux qui suivent un prétendent etre meilleurs que les autres aux yeux du Seigneur, et que les autres sont des menteurs.
Mettez tous les croyants ensemble, et voilà que ça s' empoigne et que ça se tape dessus !"
Alors je me dis : "Pourquoi ça , S'il fallait envoyer un prophète, un seul suffisait !"
Vous l'avez sans soute deviné, Zaghloul se fait rouer de coups par le cheilk et les témoins demandent au religieux de lui faire la peau.
Voilà un passage qui en dit long sur le fanatisme religieux. Ici et ailleurs.
Et sur bien d' autres points.
Notamment sur la vie dans ce petit village égyptien. Sur une famille extrêmement pauvre, dénuée de tout, de pain de savoir, de considération, mais qui n' abdique jamas sa dignité humaine.
Ce que j'ai raconté n'est que l'écume d'un récit plein d'histoires belles, pathétiques ou drôles.
Et contées dans une langue sobre et vraiment admirable.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Mohammed El Bisatie
bix, je te remercie de m'avoir incitée à lire cet auteur. Même si, honnêtement, mon bilan est mitigé, l'authenticité et la force du propos sont indéniables.
La Faim
La Faim, ce sont trois tranches de vie. Trois épisodes narrés du point de vue d'un père, d'une mère puis d'un fils et qui, mis bout à bout, forment un récit parcellaire mais criant de vérité ; celui d'une vie démunie dans l'Egypte rurale. Une vie sous le signe de la Faim.
Zaghoul, le père de famille, est un être serviable et une force de la nature ; pourtant, il est incapable de garder un travail plus de quelques jours. Sa femme, Sakina, guette avec inquiétude ses retours, car elle sait qu'ils rimeront avec une nouvelle période d'une faim aussi intense qu'humiliante. Encore une fois, elle devra ravaler sa honte pour aller quémander du pain à ses voisines, accumulant des dettes dont le remboursement engloutira en quasi totalité la prochaine paie de Zaghoul…
Mais ces préoccupations quotidiennes ne semblent pas avoir de prise sur son époux, qui déambule à son gré. Un temps, il se plaît à suivre un groupe d'étudiants, se nourrissant des bribes de conversations qu'il parvient à saisir, et qui le plongent dans des abîmes de réflexion. S'il regrette de ne pas être instruit, il n'envisage pourtant pas un instant de mettre ses enfants à l'école. L'école, dit-il, "ça n'est pas pour les gens comme nous."
A deux reprises, la famille parvient à se faire embaucher par une famille de notables, et voit son sort s'améliorer. Pour nourrir ses enfants, Sakina est même prête à endurer vexations et moqueries. Mais la rude réalité se rappelle bien vite à eux : une fois inutiles, ils sont jetés dehors sans un regard en arrière. Le livre illustre de façon cruelle le fossé qui sépare les pauvres des nantis, et le mépris dont ceux-ci font preuve à l'égard de ceux qui les servent. Même les enfants sont impactés par cette condescendance qui tourne vite au rejet.
Invariablement, la famille retourne à sa misère. Sakina continue de compter sou à sou, pendant que son fils aîné apprend à déployer des trésors d'ingéniosité pour combler les exigences d'un corps en pleine croissance…
L'écriture de Mohammed El Bisatie est faussement simple, sans fioritures. Elle reste au plus près des émotions tout en jouant habilement de l'ellipse. L'auteur parvient à restituer la rudesse des campagnes égyptiennes, au fonctionnement quasi féodal, et il le fait sans jamais se départir de son empathie envers ses personnages.
Pourtant, quelque chose m'a dérangée dans ce texte. En effet, la misère extrême dans laquelle la famille est plongée tient surtout au comportement paternel : lorsque Zaghoul se décide à travailler, sa famille parvient à se nourrir et à se vêtir correctement (quoique chichement). Si l'on comprend aisément certaines démissions par le refus de l'humiliation, il y a bel et bien un hic dans le comportement de cet homme, qui n'est jamais explicité. Comment comprendre qu'il reste sourd aux suppliques émises par les ventres de ses enfants affamés ?
Jusqu'au bout, Zaghoul m'est donc demeuré un mystère. La forme du récit, parcellaire, éclatée, n'aide évidemment pas le lecteur à remplir les blancs volontairement laissés par l'auteur. Si le talent de Mohammed El Bisatie est évident, cet étonnant parti pris de départ a quelque peu déroutée la lectrice que je suis. Et la férocité de la dénonciation s'en est hélas trouvée amoindrie...
mots-clés : #social
La Faim
La Faim, ce sont trois tranches de vie. Trois épisodes narrés du point de vue d'un père, d'une mère puis d'un fils et qui, mis bout à bout, forment un récit parcellaire mais criant de vérité ; celui d'une vie démunie dans l'Egypte rurale. Une vie sous le signe de la Faim.
Zaghoul, le père de famille, est un être serviable et une force de la nature ; pourtant, il est incapable de garder un travail plus de quelques jours. Sa femme, Sakina, guette avec inquiétude ses retours, car elle sait qu'ils rimeront avec une nouvelle période d'une faim aussi intense qu'humiliante. Encore une fois, elle devra ravaler sa honte pour aller quémander du pain à ses voisines, accumulant des dettes dont le remboursement engloutira en quasi totalité la prochaine paie de Zaghoul…
Mais ces préoccupations quotidiennes ne semblent pas avoir de prise sur son époux, qui déambule à son gré. Un temps, il se plaît à suivre un groupe d'étudiants, se nourrissant des bribes de conversations qu'il parvient à saisir, et qui le plongent dans des abîmes de réflexion. S'il regrette de ne pas être instruit, il n'envisage pourtant pas un instant de mettre ses enfants à l'école. L'école, dit-il, "ça n'est pas pour les gens comme nous."
A deux reprises, la famille parvient à se faire embaucher par une famille de notables, et voit son sort s'améliorer. Pour nourrir ses enfants, Sakina est même prête à endurer vexations et moqueries. Mais la rude réalité se rappelle bien vite à eux : une fois inutiles, ils sont jetés dehors sans un regard en arrière. Le livre illustre de façon cruelle le fossé qui sépare les pauvres des nantis, et le mépris dont ceux-ci font preuve à l'égard de ceux qui les servent. Même les enfants sont impactés par cette condescendance qui tourne vite au rejet.
Invariablement, la famille retourne à sa misère. Sakina continue de compter sou à sou, pendant que son fils aîné apprend à déployer des trésors d'ingéniosité pour combler les exigences d'un corps en pleine croissance…
L'écriture de Mohammed El Bisatie est faussement simple, sans fioritures. Elle reste au plus près des émotions tout en jouant habilement de l'ellipse. L'auteur parvient à restituer la rudesse des campagnes égyptiennes, au fonctionnement quasi féodal, et il le fait sans jamais se départir de son empathie envers ses personnages.
Pourtant, quelque chose m'a dérangée dans ce texte. En effet, la misère extrême dans laquelle la famille est plongée tient surtout au comportement paternel : lorsque Zaghoul se décide à travailler, sa famille parvient à se nourrir et à se vêtir correctement (quoique chichement). Si l'on comprend aisément certaines démissions par le refus de l'humiliation, il y a bel et bien un hic dans le comportement de cet homme, qui n'est jamais explicité. Comment comprendre qu'il reste sourd aux suppliques émises par les ventres de ses enfants affamés ?
Jusqu'au bout, Zaghoul m'est donc demeuré un mystère. La forme du récit, parcellaire, éclatée, n'aide évidemment pas le lecteur à remplir les blancs volontairement laissés par l'auteur. Si le talent de Mohammed El Bisatie est évident, cet étonnant parti pris de départ a quelque peu déroutée la lectrice que je suis. Et la férocité de la dénonciation s'en est hélas trouvée amoindrie...
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