Salomé
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Re: Salomé
Mithra, je m'y suis pas mal intéressé à cause de Bosco (Malicroix, Hyacinthe....) mais rien de plus fouillé (ou si peu) que ce que tu trouveras en quelques clics sur ton moteur de recherches.
Pas de réaction d'aucunParf, euh, Deschosesàliré sur le texte de Laforgue, en lien il y a trois messages ?
Pas de réaction d'aucun
Aventin- Messages : 1984
Date d'inscription : 10/12/2016
Re: Salomé
L'idée c'est que le fil ne soit pas saturé trop vite pour que chacun puisse trouver le temps de se l'approprier et d'y mettre une découverte ou une redécouverte. Je n'ai d'ailleurs toujours pas pris le temps de lire le texte de Laforgue posté par Aventin !
Quant aux représentations de Salomé par Klimt que tu postes Arturo, c'est un peu plus compliqué que ça, puisqu'il s'agit pour la première d'une Judith (encore elle, décidément), qui est sous titré Salomé, comme si le schéma de la femme décapitant l'aimé se transposait à celle qui n'a pas décapité mais a demandé la tête d'un saint. Ce qui est intéressant c'est que dans sa pièce Wilde fait en sorte que Salomé s'éprenne de Iokanaan (Saint Jean-Baptiste) alors que ce n'était pas mentionné dans l'histoire première. On voit ici comment la contamination a pu se faire dans l'esprit du peintre entre l'une et l'autre femme sanguinaire.
Mais ce n'est pas le tableau que tu montres (Judith I / Judith II) mais celui-ci datant de 1909 :

Le deuxième tableau est titré : Portrait d'Adèle Bloch-Bauer I et je ne vois pas bien le rapport avec Salomé ?
Quant aux représentations de Salomé par Klimt que tu postes Arturo, c'est un peu plus compliqué que ça, puisqu'il s'agit pour la première d'une Judith (encore elle, décidément), qui est sous titré Salomé, comme si le schéma de la femme décapitant l'aimé se transposait à celle qui n'a pas décapité mais a demandé la tête d'un saint. Ce qui est intéressant c'est que dans sa pièce Wilde fait en sorte que Salomé s'éprenne de Iokanaan (Saint Jean-Baptiste) alors que ce n'était pas mentionné dans l'histoire première. On voit ici comment la contamination a pu se faire dans l'esprit du peintre entre l'une et l'autre femme sanguinaire.
Mais ce n'est pas le tableau que tu montres (Judith I / Judith II) mais celui-ci datant de 1909 :

Le deuxième tableau est titré : Portrait d'Adèle Bloch-Bauer I et je ne vois pas bien le rapport avec Salomé ?
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Salomé
Oui, j'ai mis les tableaux un peu vite hier, je m'en vais sur la pointe des pieds ...
Invité- Invité
Re: Salomé
Salomé Oscar Wilde
Salomé est une pièce en un acte, pièce construite sur d'infinies répétitions comme si Wilde tenait absolument à faire de cette pièce l'histoire d'un redoublement, d'un miroir, le reflet d'un visage tel celui de Narcisse. Les répétitions qui agissent sur le texte comme des petits pas de danse, tournent inexorablement autour de thématiques aux airs de symboles (mais Wilde prévient : il ne faut pas trouver des symboles dans chaque chose qu'on voit. Cela rend la vie impossible.) : la lune, les fleurs (lys, narcisse ou fleur verte), les colombes, la blancheur et l'argent… Si ces symboles évoquent en partie la virginité, l'innocence de Salomé, il faut tout de suite prévenir le lecteur, si Wilde n'innove pas fondamentalement, il ajoute au mythe les sept voiles de la danse (qui fera tant parler et dont il ne dit rien dans les didascalies) et l'idée extrêmement forte et différente du texte initial que c'est bien Salomé qui demande la tête du saint et non sa mère. En faisant de Salomé, jeune femme innocente, l'instigatrice du meurtre, Wilde ajoute un élément majeur, celui de la femme libre, séductrice et sanguinaire et retire cet attribut à Hérodias (la mère de Salomé).
Et si Salomé devient le personnage central de la pièce c'est parce que le regard est ici l'élément primordial (pour que le reflet se voit il faut bien y poser les yeux) et que c'est par le regard d'Hérode posé sur elle que Salomé découvre son pouvoir de séduction et sa puissante féminité ; ce regard est d'ailleurs souligné par ceux des soldats et en particulier du jeune capitaine syrien à qui son ami ne cesse de répéter : Ne la regarde pas, ne la regarde pas comme ça, cela porte malheur ; qui est l'exact écho (sans la prophétie) des mots d'Hérodias envers Hérode : Ne regarde pas comme ça, ma fille (sous-entendu avec tes yeux concupiscents) car c'est de ce regard que naît le drame.
Il faut d'ailleurs ajouter au schéma l'aspect prophétique des regards et des voix. Iokanaan (Jean-Baptiste), est caché au regard puisqu'il est enfermé dans une citerne ; seule sa voix jaillit, caverneuse, incantatoire, récitative du trou dans le sol. Cette voix attire Salomé qui demande à voir Iokanaan et c'est après avoir vu le Prophète qu'elle tombe amoureuse de lui et que sa folie désirante lui fait dire : je baiserai ta bouche Iokanaan, je baiserai ta bouche et si pour cela il faut décapiter l'homme, le demi-dieu, celui qui, tout au long de la pièce annonce la venue de l'ange de la mort et repousse en fermant les yeux les avances de la démone, alors faisons-le, n'hésitons pas un seul instant et s'il faut danser, dansons ! Dansons pour Hérode, lequel apparait ici sous les traits non pas d'un tyran mais plutôt d'un enfant terrible, colérique, instable, superstitieux, qui écoute les paroles de Iokanaan et n'ose pas le tuer ou le donner aux Juifs tant il a peur des annonces du Prophète. Et là encore, se pose la question du regard et de Dieu : peut-on voir Dieu ? A cela les Juifs répondent non et les autres : oui ; les païens et leurs dieux de bois, de rochers et de plumes se voient aussi bien que le Christ est visible (puisqu'il est vivant au moment où la scène se déroule). L'incarnation de Dieu sur terre, de Dieu en tant que Fils de l'homme, n'est pas la moins intéressante des questions soulevées par ce texte ; un texte qui n'est pas seulement la libération par le sang, par la danse, par la mort de la femme Salomé mais un dispositif qui pose la question de la foi en ce que l'on voit et en ce qu'on devine, en ce qui se cache et au contraire ce que l'on montre avec ostentation…
Mais avant de voir mourir l'héroïne écoutons les paroles d' Hérode, qui reprennent l'essentiel de ce qui vient d'être dit : " Eh bien ! Oui. Je vous ai regardée pendant tout la soirée. Votre beauté m'a troublé. Votre beauté m'a terriblement troublé, et je vous ai trop regardée. Mais je ne le ferai plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne nous montrent que des masques…"
Dernière indication, les derniers mots de la pièce seront : Tuez cette femme ! Car Salomé, une fois la danse achevée et le crime effectué, une fois le baiser donné sur la bouche et le désir enfin rassasié est tuée en tant que femme (fini la jeune fille, l'innocente). Mais, comme il s'agit d'Oscar Wilde, la mort de Salomé tuée par les soldats ne permet pas aux glaives de pénétrer la chair de la femme, non, son corps vierge le restera et elle sera étouffée par les boucliers des soldats. Dernier cadeau du poète, dernière libéralité du dramaturge envers la femme, l'insoumise, l'obstinée.
Salomé est une pièce en un acte, pièce construite sur d'infinies répétitions comme si Wilde tenait absolument à faire de cette pièce l'histoire d'un redoublement, d'un miroir, le reflet d'un visage tel celui de Narcisse. Les répétitions qui agissent sur le texte comme des petits pas de danse, tournent inexorablement autour de thématiques aux airs de symboles (mais Wilde prévient : il ne faut pas trouver des symboles dans chaque chose qu'on voit. Cela rend la vie impossible.) : la lune, les fleurs (lys, narcisse ou fleur verte), les colombes, la blancheur et l'argent… Si ces symboles évoquent en partie la virginité, l'innocence de Salomé, il faut tout de suite prévenir le lecteur, si Wilde n'innove pas fondamentalement, il ajoute au mythe les sept voiles de la danse (qui fera tant parler et dont il ne dit rien dans les didascalies) et l'idée extrêmement forte et différente du texte initial que c'est bien Salomé qui demande la tête du saint et non sa mère. En faisant de Salomé, jeune femme innocente, l'instigatrice du meurtre, Wilde ajoute un élément majeur, celui de la femme libre, séductrice et sanguinaire et retire cet attribut à Hérodias (la mère de Salomé).
Jean Benner Salomé 1889
Et si Salomé devient le personnage central de la pièce c'est parce que le regard est ici l'élément primordial (pour que le reflet se voit il faut bien y poser les yeux) et que c'est par le regard d'Hérode posé sur elle que Salomé découvre son pouvoir de séduction et sa puissante féminité ; ce regard est d'ailleurs souligné par ceux des soldats et en particulier du jeune capitaine syrien à qui son ami ne cesse de répéter : Ne la regarde pas, ne la regarde pas comme ça, cela porte malheur ; qui est l'exact écho (sans la prophétie) des mots d'Hérodias envers Hérode : Ne regarde pas comme ça, ma fille (sous-entendu avec tes yeux concupiscents) car c'est de ce regard que naît le drame.
Bernardino Luini Salomé 1527
Il faut d'ailleurs ajouter au schéma l'aspect prophétique des regards et des voix. Iokanaan (Jean-Baptiste), est caché au regard puisqu'il est enfermé dans une citerne ; seule sa voix jaillit, caverneuse, incantatoire, récitative du trou dans le sol. Cette voix attire Salomé qui demande à voir Iokanaan et c'est après avoir vu le Prophète qu'elle tombe amoureuse de lui et que sa folie désirante lui fait dire : je baiserai ta bouche Iokanaan, je baiserai ta bouche et si pour cela il faut décapiter l'homme, le demi-dieu, celui qui, tout au long de la pièce annonce la venue de l'ange de la mort et repousse en fermant les yeux les avances de la démone, alors faisons-le, n'hésitons pas un seul instant et s'il faut danser, dansons ! Dansons pour Hérode, lequel apparait ici sous les traits non pas d'un tyran mais plutôt d'un enfant terrible, colérique, instable, superstitieux, qui écoute les paroles de Iokanaan et n'ose pas le tuer ou le donner aux Juifs tant il a peur des annonces du Prophète. Et là encore, se pose la question du regard et de Dieu : peut-on voir Dieu ? A cela les Juifs répondent non et les autres : oui ; les païens et leurs dieux de bois, de rochers et de plumes se voient aussi bien que le Christ est visible (puisqu'il est vivant au moment où la scène se déroule). L'incarnation de Dieu sur terre, de Dieu en tant que Fils de l'homme, n'est pas la moins intéressante des questions soulevées par ce texte ; un texte qui n'est pas seulement la libération par le sang, par la danse, par la mort de la femme Salomé mais un dispositif qui pose la question de la foi en ce que l'on voit et en ce qu'on devine, en ce qui se cache et au contraire ce que l'on montre avec ostentation…
Alla Nazimova dans Salomé de Oscar Wilde
Mais avant de voir mourir l'héroïne écoutons les paroles d' Hérode, qui reprennent l'essentiel de ce qui vient d'être dit : " Eh bien ! Oui. Je vous ai regardée pendant tout la soirée. Votre beauté m'a troublé. Votre beauté m'a terriblement troublé, et je vous ai trop regardée. Mais je ne le ferai plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne nous montrent que des masques…"
Dernière indication, les derniers mots de la pièce seront : Tuez cette femme ! Car Salomé, une fois la danse achevée et le crime effectué, une fois le baiser donné sur la bouche et le désir enfin rassasié est tuée en tant que femme (fini la jeune fille, l'innocente). Mais, comme il s'agit d'Oscar Wilde, la mort de Salomé tuée par les soldats ne permet pas aux glaives de pénétrer la chair de la femme, non, son corps vierge le restera et elle sera étouffée par les boucliers des soldats. Dernier cadeau du poète, dernière libéralité du dramaturge envers la femme, l'insoumise, l'obstinée.
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Salomé
Bravo Shanidar ! Oserai-je dire que ton compte-rendu est bien plus intéressant que celui dans le MOOC de la Sorbonne ? fil ici
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15383
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Salomé
Il n'y a aucune flatterie de ma part, crois-moi.
Je pompe le prompteur au fur à à mesure du MOOC, je peux le diffuser si c'est pas illégal
Je pompe le prompteur au fur à à mesure du MOOC, je peux le diffuser si c'est pas illégal

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Tristram- Messages : 15383
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Salomé
Je pense qu'il vaut mieux éviter... on ne sait jamais.
Dans sa présentation, Aquien donne trois raisons principales à l'engouement pour la figure de Salomé.
D'abord la mode de l'exotisme, la vogue pour tout ce vient de l'étranger et en particulier de l'Orient, terre troublante et attirante.
La deuxième est que la personnalité de Salomé est particulièrement scandaleuse et rejoint l'imaginaire qui entoure la femme à la fin du XIXème siècle : il cite : la femme naturelle, de Baudelaire, c'est-à-dire abominable, dangereuse, inconnue, mystérieuse...
Dernier point, le peu d'éléments que comporte l'histoire biblique laisse une grande place à l'imagination des artistes et permet une grande liberté d'interprétations que peintres, auteurs, poètes, n'hésiteront pas à s'approprier.
L'Orient, la cruauté, l'érotisme et l'étrangeté = Salomé !
Dans sa présentation, Aquien donne trois raisons principales à l'engouement pour la figure de Salomé.
D'abord la mode de l'exotisme, la vogue pour tout ce vient de l'étranger et en particulier de l'Orient, terre troublante et attirante.
La deuxième est que la personnalité de Salomé est particulièrement scandaleuse et rejoint l'imaginaire qui entoure la femme à la fin du XIXème siècle : il cite : la femme naturelle, de Baudelaire, c'est-à-dire abominable, dangereuse, inconnue, mystérieuse...
Dernier point, le peu d'éléments que comporte l'histoire biblique laisse une grande place à l'imagination des artistes et permet une grande liberté d'interprétations que peintres, auteurs, poètes, n'hésiteront pas à s'approprier.
L'Orient, la cruauté, l'érotisme et l'étrangeté = Salomé !
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Salomé
Salomé était aussi un personnage fort à la mode à l'époque, celui du thème de la femme fatale.
A noter que la Salomé de Wilde, écrite en français, ne respecte pas trop les textes des Ecritures. Unique pièce symboliste anglaise, sa première en Angleterre, avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre, fut censurée sous le prétexte hypocrite qu'il était interdit de montrer sur scène des personnages bibliques, si bien qu'elle eu lieu à Paris, pendant que l'auteur était en prison...
A noter que la Salomé de Wilde, écrite en français, ne respecte pas trop les textes des Ecritures. Unique pièce symboliste anglaise, sa première en Angleterre, avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre, fut censurée sous le prétexte hypocrite qu'il était interdit de montrer sur scène des personnages bibliques, si bien qu'elle eu lieu à Paris, pendant que l'auteur était en prison...
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Tristram- Messages : 15383
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Salomé
@Shanidar Je te mets quand même le chapitre sur Salomé :
Pourquoi ne vas-tu pas sur le MOOC ? Pascal Aquien fait quand même autorité (il a rédigé l'introduction aux oeuvres de Wilde dans La Pleiade, par exemple)
Le texte de Salomé fut écrit en français en novembre et décembre 1891 alors que Wilde
se trouvait à Paris. Il avait pour ambition de composer une œuvre dont il espérait qu'elle
serait jouée sur la scène du Théâtre-Français. Le projet était sérieux et Wilde n’entendait
pas reprendre simplement un sujet à la mode, la danse de Salomé et la décollation de
saint Jean-Baptiste étant alors, en cette fin de siècle, omniprésentes dans tous les
arts - littérature, peinture, sculpture et théâtre lyrique.
L’intrigue de la pièce est simple, mais peu conforme aux sources évangéliques (Marc
et Mathieu) : Salomé, fille d’Hérodiade, princesse de Judée, est fascinée par Iokanaan
(Jean-Baptiste), saint homme et prophète emprisonné par le tétrarque Hérode dans
une citerne pour s’en être pris à sa femme. Elle tente en vain de le séduire (l’Evangile
ne dit rien de cela) mais Iokanaan, tout entier tourné vers Dieu, la maudit (de même qu’il
maudit Hérodias, mère de Salomé, pour avoir épousé Hérode, frère de son premier mari,
ce qui était alors considéré comme un inceste). Hérode, pour sa part, désire Salomé et
la supplie de danser pour lui en lui promettant de lui offrir tout ce qu’elle désire. Elle
accepte, et après avoir dansé (la « danse des sept voiles », fameuse invention de
Wilde), elle demande la tête de Iokanaan. Hérode, épouvanté, refuse, lui propose
des cadeaux somptueux, mais Salomé, qui a la parole d’Hérode, s’obstine. Iokanaan
est décapité, Salomé s’empare de sa tête qu’elle embrasse avec frénésie. Hérode,
révulsé, ordonne à ses gardes d’écraser la jeune fille sous leurs boucliers.
On ne sait pas comment Wilde, qui possédait bien le français, composa sa pièce. On a
d'abord supposé qu'il l’avait écrite en anglais et qu'il l'avait traduite en se faisant
aider d'amis français, mais rien ne permet de vérifier cette hypothèse désormais jugée
très contestable. En revanche, on sait que l’écrivain avait demandé à Adolphe Retté
et Stuart Merrill (américain de nationalité, mais francophone), avec qui il était lié,
de lui corriger son manuscrit. Il pria également Marcel Schwob et Pierre Louÿs de vérifier
sa grammaire sur les épreuves finales. La réception critique fut mêlée : on reprocha
à Wilde d’une part sa complaisance pour la décadence et son goût immodéré pour
la morbidité (la scène finale étant jugée choquante : Salomé embrassant la tête coupée
du prophète), d’autre part ses emprunts systématiques et visibles à la littérature
française. Ce sont les noms de Gautier (Une nuit de Cléopâtre), de Flaubert (Salammbô,
La Tentation de saint Antoine et surtout Hérodias) et de Maeterlinck qui reviennent
le plus fréquemment. Toutefois, dans un article du 11 mai 1893 publié dans Black and White,
William Archer, frappé par le comportement pathologique de la princesse de Judée, évoqua
l’Hedda Gabler (1890) d’Ibsen, dont l’héroïne contraint un écrivain
au suicide avant de se donner la mort. Le texte, remarquable par sa qualité poétique
et musicale, fut traduit en anglais par lord Alfred Douglas, mais ce travail, peu scrupuleux,
déplut tant à l’écrivain, qui évoque et déplore dans De profundis « les
fautes élémentaires de [s]a tentative de traduction de Salomé », qu’il
le repoussa et qu’il se fâcha même brièvement avec son ami. C’est en fin de compte Wilde
en personne qui remania la traduction, et celle-ci peut être considérée en partie
comme sienne. La première édition, publiée en 1894, était accompagnée des gravures
à la fois ironiques et vénéneuses d'Aubrey Beardsley (1872-1898), depuis couramment associées
à la pièce. Wilde, pourtant, ne les appréciait guère : il en critiquait le style japonisant
auquel il aurait préféré, disait-il, une atmosphère byzantine à la Gustave Moreau.
La pièce devait être créée à Londres en juin 1892 au Palace Theatre, avec Sarah
Bernhardt dans le rôle-titre. Âgée de quarante-sept ans, elle n’avait pas l’âge du rôle
(Salomé est une adolescente), mais elle était alors considérée comme la plus grande actrice
du monde et Wilde pensait qu’elle serait un extraordinaire instrument de promotion.
La censure, néanmoins, intervint (sous le prétexte hypocrite qu'il était interdit
de montrer sur scène des personnages bibliques). Wilde se sentit non seulement poignardé,
mais aussi ridiculisé aux yeux du public et de Sarah Bernhardt. C’est à Paris, le
11 février 1896, tandis qu’il était encore emprisonné à Reading, qu’eut lieu la première
au théâtre de l'Œuvre, dans une production de son directeur, Lugné-Poe (1869-1940),
qui fit connaître aux Parisiens la même année une autre pièce « scandaleuse »
d’une originalité totale, l’Ubu roi d’Alfred Jarry.
La première représentation londonienne n'eut lieu qu'en mai 1905 au Bijou Theatre de Bayswater.
La critique, de part et d’autre de la Manche, fut peu enthousiaste, ce qui n’empêcha
pas la pièce d’avoir une fortune enviable. Sa traduction (partielle) en allemand pour
l'opéra de Richard Strauss, Salome (1905), qui est devenu l'une des œuvres majeures
du répertoire lyrique, a largement contribué à sa notoriété, tant et si bien qu’à
l’heure actuelle, l’opéra est bien plus fréquemment représenté que la pièce.
Pourquoi ne vas-tu pas sur le MOOC ? Pascal Aquien fait quand même autorité (il a rédigé l'introduction aux oeuvres de Wilde dans La Pleiade, par exemple)
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Tristram- Messages : 15383
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Re: Salomé
Je peux simplement ajouter que la pièce de Wilde n'est pas un sommet de l'art dramatique mais que son aspect éminemment lyrique la conduisait de facto a une mise en scène d'opéra. Pièce qui n'est pas incontournable, son adaptation par Strauss semble bien plus importante à voir (à mon avis), même si la pièce de Wilde est le reflet d'une époque, exacerbée, lyrique, échevelée, magnifique, perturbante et violente ; elle permet, à sa façon intempestive, de mettre sur le devant de la scène la femme, ce qui n'était pas si courant.
Il est temps de passer à Richard !
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shanidar- Messages : 1592
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Re: Salomé
De Richard ...
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Re: Salomé
« ‒ Drôle de bouffe, une tête d’homme. Les deux filles qui tiennent le plat, c’est celles qui lui ont fait son affaire ?
‒ Ça serait étonnant.
‒ Pas étonnant du tout, ma chérie. Ça arrive que les jeunes filles coupent les têtes, c’était dans ma Bible en pleine peau, dommage que je l’ai vendue.
‒ Je t’en achèterai une autre.
‒ La tête, c’est qui ?
‒ Le flic qui les a violées.
‒ Eh bien moi, personne pourrait me violer. Je dirais oui tout de suite. Suis inviolable. »
Béatrix Beck, « Stella Corfou », III
‒ Ça serait étonnant.
‒ Pas étonnant du tout, ma chérie. Ça arrive que les jeunes filles coupent les têtes, c’était dans ma Bible en pleine peau, dommage que je l’ai vendue.
‒ Je t’en achèterai une autre.
‒ La tête, c’est qui ?
‒ Le flic qui les a violées.
‒ Eh bien moi, personne pourrait me violer. Je dirais oui tout de suite. Suis inviolable. »
Béatrix Beck, « Stella Corfou », III
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Tristram- Messages : 15383
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Re: Salomé
cet extrait irait bien dans le fil ouvert par topocl (blagues et autres)
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 20714
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Localisation : En Provence
Re: Salomé
« Un palmier qui balançait rythmiquement ses palmes, comme une femme, comme une Salomé aux bras multiples, à la taille flexible de jonc, au corps annelé de serpent, ravit au curé la tête de Baptiste, au moment où le sacristain, rampant comme un reptile, revenait lui tenir compagnie, le bras droit en moins. »
Miguel Ángel Asturias, Une certaine mulâtresse
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Tristram- Messages : 15383
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
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