Re: Kurt Vonnegut, jr

par **animal** Mar 21 Aoû - 21:52

Du rab' pour la route :

Billy a branché la télévision, essayé successivement toutes les chaînes. Il était à la recherche d'émissions dans lesquelles on l'accepterait. Mais la soirée n'était pas assez avancée pour les productions réservées aux gens ayant des convictions bien à eux. Il n'était guère plus de vingt heures et on ne programmait que des âneries ou des assassinats. Ainsi vont les choses.

par **Tristram** Mar 21 Aoû - 21:53

Pourquoi m'avait-il semblé que ce bouquin aurait l'heur de te plaire, Animal ?

par **animal** Mar 21 Aoû - 21:56

Je ne sais pas mais je me retiens parce que j'ai marqué d'autres pages !

par **Tristram** Mar 21 Aoû - 21:58

Ne te retiens pas, ça pourrait te faire du mal, et en tout cas ça ne nous en fera pas.
Pourtant, c'est étiqueté SF (smiley qui sifflote) !

par **animal** Mar 21 Aoû - 21:59

je ménage un semblant de suspense.

par **animal** Jeu 23 Aoû - 21:33

Une autre du même acabit ?

Billy est allé faire une virée, il est descendu par l'ascenseur, il a marché jusqu'à Times Square et s'est immobilisé devant la vitrine d'une librairie très spéciale. L'étalage recelait des centaines de livres sur l'art du meurtre, du baisage et de l'enculage, un plan des rues de New York et une petite statue de la Liberté ornée d'un thermomètre. Et en plus, couverts de poussière grasse et de chiures de mouches, quatre romans, dans une édition bon marché, de l'ami de Billy, Kilgore Trout.
Tout près, les dernières nouvelles s'imprimaient en un ruban de lumière, sur un bâtiment auquel Billy tournait le dos. Les communiqués se reflétaient dans la vitrine. Ce n'était que puissance, sports, violence, et mort. Ainsi vont les choses.
Billy est entré dans la librairie.

par **topocl** Mer 29 Aoû - 13:52

Kurt Vonnegut dans Abattoir 5 a écrit:"Mais vous avez raison : chaque assemblage de signes constitue un message court et impérieux, décrit une situation, une scène. Les messages ne sont enchaînés par aucun lien spécial mais l'auteur les a choisis avec soin afin que, considérés en bloc, ils donnent une image de la vie à la foi belle, surprenante et profonde. Il n'y a ni commencement, ni milieu ni fin. Pas de suspense, de morale, de cause ni d'effets. Ce qui nous séduit dans nos livres c'est le relief de tant de merveilleux moments appréhendés simultanément."

par **bix_229** Mer 29 Aoû - 16:14

Belle citation !

par **animal** Mer 29 Aoû - 20:26

topocl a écrit:
Bédoulène a écrit:oups ! aucun ressenti ? et lu entièrement ? avec plaisir tout de même ou même pas ?
Oui, je l'ai fini, il n'est pas gros et c'est un peu comme si je le devais à animal, d'aller jusqu'au bout. Et je me disais toujours qu'il allait se passer quelque chose qui emporterait mon adhésion. Mais il m'a mis une distance énorme : en dehors de la partie prisonnier de guerre, je n'en ai déjà aucun souvenir. Je ne sais pas qui c'est, ce type, Billy Pèlerin, je ne lui prête curieusement aucune consistance; c'est très bizarre. Mais peut-être est-ce l'effet recherché? (et alors très réussi, une réussite de l'absence du personnage?). Ou alors ça vient de moi qui ne collait pas, c'est bien possible.
Et j'ai bien vu l'humour, l'ironie, mais ils m'ont laissée indifférente.
Si tu le relis, Tristram, je lirai ton commentaire avec plaisir, peut-être m'ouvrira-t'il une voie d'accès.

(Continuez les questions, vous finirez par l'avoir votre commentaire complet )

On commence à faire les provisions Kurt Vonnegut, jr - Page 2 1390083676

Sans aller jusqu'à un effet recherché je le verrais comme un symptôme et cette relative indifférence à lui-même en fait, cette apparence en tout cas qu'il donne de se laisser glisser dans sa vie et dans ses parallèles, c'est certainement une grande part de ce qui m'a accroché. Quelque chose dans je me projette peut-être trop facilement ? En tout cas merci pour ta formulation éclairante. C'est touchant tout de même ce type qui n'arrive pas à se retrouver si tant est qu'il se soit un jour trouvé.

par **Dreep** Mer 29 Aoû - 20:48

Le commentaire que j'avais écrit sur Abattoir 5 le 25 janvier 2016 :

Sur deux cent pages, la fournaise. La guerre et les cochonneries, et l'impression que tout ceci n'a en fait pas beaucoup de sens. Comme si la sauvagerie, dans toute sa noirceur avait atténué la gravité des choses pour en faire une farce. Pas de cynisme, non, plutôt rire comme une manière de pleurer. Ce qui peut avoir du sens, c'est ce qu'on raconte, pourvu que ça en ait, et c'est tout comme si c'était vrai. Abattoir 5 ressemble à une déroute, des bombardements de Dresde jusqu'au zoo extra-terrestre. C'est drôle, au début. Le truc c'est que Kurt Vonnegut semble vide rôdé à l'exercice, et j'ai presque l'impression qu'il se repose sur des trucs, sous prétexte de détachement.

Kurt Vonnegut a écrit:Billy a branché la télévision, essayé successivement toutes les chaînes, il était à la recherche d'émissions dans lesquelles on l'accepterait. Mais la soirée n'était pas assez avancée pour les productions réservées aux gens ayant des convictions bien à eux. Il n'était guère plus de huit heures et on ne programmait que des âneries ou des assassinats. C'est la vie.

Pardon, c'est un peu brouillon.

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:23

animal a écrit:

Sans aller jusqu'à un effet recherché je le verrais comme un symptôme et cette relative indifférence à lui-même en fait, cette apparence en tout cas qu'il donne de se laisser glisser dans sa vie et dans ses parallèles, c'est certainement une grande part de ce qui m'a accroché. Quelque chose dans je me projette peut-être trop facilement ?

C'est ce néant où je me suis perdue qui t'a plu, en fait?
(tu es un type qui pourrait aimer un livre qui parle d'un employé qui va au travail pendant des mois sans avoir rien à faire qu'à être payé, qui vit sa vie à ne rien faire?)

animal a écrit:En tout cas merci pour ta formulation éclairante.

C'est drôle, on a l'impression de dire quelque chose de tout à fait inintéressant (à tel point que cela ne mérite pas un commentaire) et puis cela devient une "formulation éclairante". On se rappelle tout d'un coup que ce qu'on dit ne fait que traduire ce qu'on pense, ressent, et non pas un truc général, que c'est donc forcément différent de ce que l'autre pense, ressent. Que donc, bien qu'inintéressant, c'est quand même intéressant. C'est drôle, un forum.

animal a écrit:C'est touchant tout de même ce type qui n'arrive pas à se retrouver si tant est qu'il se soit un jour trouvé.

Ce qui m'a posé un problème c'est justement que je n'ai pas eu l'impression "qu'il n'arrive pas à se retrouver", autrement dit que la guerre et l'enfer de Dresde y sont pour quelque chose. Ce type est sans intérêt du départ. Pourquoi aime t'il cette femme grosse, vulgaire et un peu niaise qui adore les bijoux? Et d'ailleurs l'aime-t'il? Jouit-il de son argent, pourquoi s'est il donc acheté un avion privé? Je me pose toutes ces questions (d'où frustration de ne pas avoir de réponse), je ne trouve pas les réponses, mais en même temps je m'en fous, ce type m'indiffère. Quant à la ballade intergalactique, c'est sans doute la marque de fabrique de l'auteur, c'est là qu'il marque son récit, en une façon originale de présenter les flashs-backs, dans un humour qui m'est étranger. Et là encore, comme un inaboutissement... Ce livre est comme une ébauche géante, finalement.(à mon tour de te remercier pour tes remarques éclairantes Wink

). Voilà, mais je ne suis pas touchée par les ébauches, je n'ai sans doute pas assez d'imagination pour ça.

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:25

Dreep a écrit: C'est drôle, au début. Le truc c'est que Kurt Vonnegut semble vide rôdé à l'exercice, et j'ai presque l'impression qu'il se repose sur des trucs, sous prétexte de détachement.

(...).

Pardon, c'est un peu brouillon.

Non, c'est assez bien dit.

par **animal** Mer 29 Aoû - 21:32

topocl a écrit:(tu es un type qui pourrait aimer un livre qui parle d'un employé qui va au travail pendant des mois sans avoir rien à faire qu'à être payé, qui vit sa vie à ne rien faire?)

pas complètement impossible...

topocl a écrit:Ce qui m'a posé un problème c'est justement que je n'ai pas eu l'impression "qu'il n'arrive pas à se retrouver", autrement dit que la guerre et l'enfer de Dresde y sont pour quelque chose. Ce type est sans intérêt du départ. Pourquoi aime t'il cette femme grosse, vulgaire et un peu niaise qui adore les bijoux? Et d'ailleurs l'aime-t'il? Jouit-il de son argent, pourquoi s'est il donc acheté un avion privé? Je me pose toutes ces questions (d'où frustration de ne pas avoir de réponse), je ne trouve pas les réponses, mais en même temps je m'en fous, ce type m'indiffère.

C'est potentiellement qu'on lui demande de ne pas penser à Billy, de se conformer confusément au rêve américain (même un brin écorné), d'applaudir, applaudir bien des choses et applaudir encore la guerre. Si la digestion est impossible il ne reste que l'hébétude ?

et oui c'est drôle un forum clown

(je ne le trouve pas du tout détaché !)

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:35

animal a écrit:(je ne le trouve pas du tout détaché !)

J'ai compris que détaché parlait de Vonnegut. de cette distance qu'il met dans son écriture. Non?

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:42

En fait tu penses que ce livre est bien plus qu'antimilitariste (mais n'importe quel récit de guerre qui raconte ce qui s'y passe amène forcément à l'antimilitarisme)? Tu penses qu'il critique globalement toute cette société, qui génère des choses effroyables comme la guerre et des types insipides comme Billy? Penses-tu que les Tralfamadoriens sont plus malins (ça me frustre de ne pas en savoir plus sur eux, en fait {et ne me réponds pas qu'il faut lire d'autres Vonnegut pour en savoir plus , s'il te plait})?
(je suis sur le Mac de ma môman et je ne sais pas faire les crochets)

par **animal** Mer 29 Aoû - 21:43

Si on continue à traduire nos vocabulaires respectifs, indirect plutôt que détaché ? Je ne crois pas qu'il blague quand il dit avoir eu du mal à l'écrire son bouquin, qu'il a beaucoup tourné autour avant de trouver le moyen.

par **Tristram** Mer 29 Aoû - 21:44

Qu'est-ce que ça serait si tu faisais un commentaire, Topocl !

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:46

Non, là je papote, c'est différent.

par **topocl** Mer 29 Aoû - 21:50

animal a écrit:Si on continue à traduire nos vocabulaires respectifs, indirect plutôt que détaché ? Je ne crois pas qu'il blague quand il dit avoir eu du mal à l'écrire son bouquin, qu'il a beaucoup tourné autour avant de trouver le moyen.

Il a tellement tourné autour qu'il ne parle de Dresde que sur trois pages, d'ailleurs.(ceci pour répondre à Arensor, je crois (?), qui espérait "un témoignage sur le bombardement de Dresde"). Mais on peut aussi avoir une autre lecture et dire qu'il ne parle que de cela au fil des 200 pages.

par **animal** Mer 29 Aoû - 21:55

il ne parle pas que de ça et d'ailleurs je croyais aussi avant de le lire que ça tiendrait plus de pages, disons que je trouve que ça mise en perspective ne manque pas de charme (ou d'intérêt). il n'y a pas de dissociation de cet indicible/inimaginable d'avec le reste de ce très composite paysage brutal.

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