Walter Benjamin

Rue à sens unique



Collection de brefs textes très divers rédigés entre 1923 et 1926 : aphorismes, remarques marxistes, même des rêves notés, avec une attention particulière à l’enfance et aux voyages, passant de l’univers des timbres-poste à celui d’une foire d’une façon qui paraît surréaliste. Ces fragments semblent titrés d’après ce qui est aperçu lors d’une flânerie urbaine.
Les réflexions de Walter Benjamin, souvent paradoxales, portent notamment sur la situation allemande :

« ALLEMANDS, BUVEZ DE LA BIÈRE ALLEMANDE ?!
La populace est possédée d'une haine frénétique à l'endroit de la vie de l'esprit quand elle a reconnu dans le décompte des corps la garantie de son anéantissement. Dès qu'une occasion se présente à eux, ils se mettent en rangs, se pressent en ordre de marche vers le feu roulant des tambours et des marchandises en hausse. Personne ne voit plus loin que le dos de celui qui le précède, et chacun est fier de passer ainsi pour exemplaire aux yeux du suivant. Les hommes l'ont appris sur les champs de bataille depuis des siècles, mais la marche de parade de la misère, qui consistera à faire la queue, ce sont les femmes qui l'ont inventée. »

Les considérations sur l'écriture, personnelles ou pas, sont également nombreuses :

« Ne laisse aucune pensée passer incognito, et tiens ton carnet de notes de façon aussi draconienne que les pouvoirs publics tiennent le registre des étrangers. »

« Contenu et forme sont tout dans l'œuvre d'art : sa teneur. […]
La teneur est ce qui est éprouvé. »

Walter Benjamin égare sans doute plus le lecteur qu’il ne s’égare, mais l’ensemble paraît incohérent, et m’est demeuré incompréhensible ; j’ai lu un peu d’exégèse à ce propos, qui ne m’a point parue plus avancée. Mais la mention de « sens unique » laisse supposer une nécessité déterministe dans la succession des passages. Les dernières phrases du livre semblent indiquer le chemin d’avenir en cet après-guerre :

« Dans les nuits d'anéantissement de la dernière guerre, un sentiment ébranlait la structure de l'humanité, ressemblait au bonheur des épileptiques. Et les révoltes qui suivirent cette guerre furent la première tentative de prendre le contrôle du corps nouveau. La puissance du prolétariat est l'échelle qui mesure en degrés sa guérison. Si la discipline de celui-ci ne prend pas possession d'un tel corps jusqu'à la moelle, aucun raisonnement pacifiste ne pourra le sauver. L'être vivant ne surmonte le vertige de l'anéantissement que dans l'ivresse de la procréation. »

merci Tristram !

j'ai déjà dit que j'avais lu "la reproductivité" et le Tome de Pajak qui lui était destiné

@ Tristram,

En matière de facture de la pensée à Benjamin, il m'apparaît clair qu'il y a plusieurs thématiques qui se relient. Il est parfois difficile de lier un fil conducteur, mais je dirais qu'il y a beaucoup de l'influence de la pensée marxiste et/ou de la critique de sa généalogie. Benjamin s'est inscrit dans la société allemande, il avait une judéité, et il partageait ce goût des flâneries, du dadaïsme et du surréalisme, des aphorismes et oui, ça peut apparaître peu orthodoxe a priori, mais il importe d'étudier les influences qui l'ont mû.

La notice sur Wikipedia à son intention l'explique assez bien :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Walter_Benjamin

j'ai croisé le nom de cet auteur a diverses reprises, dans mes lectures on y faisait référence sans que je ne sache rien de lui, je découvre son existence et sa vie torturée à nouveau dans une série sur Netflix : "Transatlantique" je vais rechercher ses oeuvres en m'aidant de notre forum, merci de le faire découvrir...

tu peux lire : Manifeste incertain tome I et II et plus d'ailleurs

de Stéphane Pajot romans graphique

Merci