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Walter Benjamin

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Message par bix_229 Sam 22 Sep - 16:49

Walter Benjamin
1892/1940

Walter Benjamin 180922054057499514


"Walter Bendix Schönflies Benjamin est un philosophe, critique littéraire, critique d'art et traducteur allemand. Né à : Berlin  le 15/07/1892
Mort à : Portbou, Espagne , le 26/09/1940

Né de parents juifs, son père est banquier, puis antiquaire. Il passe son enfance à Berlin, mais, pour des raisons de santé, il effectue de 1904 à 1907 un séjour à la campagne, à Haubinda, en Thuringe.
En 1912, il voyage en Italie et s'inscrit à l'Université à Berlin et à Fribourg-en-Brisgau pour étudier la philosophie. Il se fiance et commence la traduction des "Tableaux parisiens" de Charles Baudelaire.
En 1917, il est mobilisé mais parvient à se procurer un certificat médical qui retarde son incorporation. Il se marie avec Dora Pollack, et passe quelque temps avec elle au sanatorium de Dachau, puis en Suisse. Il s'inscrit à l'Université de Berne où il commence une thèse sur la critique d'art à l'époque romantique.
En 1918, il a un fils, Stephan, il achève la rédaction de sa thèse, soutenue à l'Université de Berne, et poursuit ses traductions de Baudelaire. En 1919, il rencontre Ernst Bloch. En 1920 il déménage à Berlin avec son fils et sa femme dont il se sépare l'année suivante. En 1922, à Heidelberg, il s'efforce d'obtenir une habilitation lui permettant d'enseigner à l'université.
En 1926, il séjourne en France, à Paris et dans le Var, ainsi qu'à Monaco. Il traduit Proust. En 1933, il émigre à Paris, et essaie de quitter l'Europe pour les États-Unis en 1940. En juin 1940, il est enfermé au camp de Vernuche près de Nevers, puis libéré grâce à ses amis intellectuels.
Avant l'entrée de l'armée allemande dans Paris, Benjamin quitte la capitale et se rend à Lourdes. De là, il part à Marseille puis à Port-Vendres le 25 septembre 1940 avec l'intention de fuir en Espagne.
Le 26 septembre 1940, la nuit de son arrivée en Espagne, Walter Benjamin se suicide en absorbant une dose mortelle de morphine. Bien que sa dépouille n'ait jamais été retrouvée, un monument funéraire lui est dédié au cimetière de Portbou.
a pensée a largement été redécouverte, explorée et commentée à partir des années 1950, avec la publication de nombreux textes inédits et de sa correspondance."
Babelio

"Penseur engagé sur le front de la modernité (entendue comme crise à répétition), Walter Benjamin doit sa clairvoyance et sa fulgurance à la mobilité avec laquelle il se déplace entre les lignes en suivant une sorte de voie excentrique. Cette agilité l'amène à conjuguer, entre autres, l'héritage d'une métaphysique du langage et la recherche d'une politique subversive, obligeant à revoir les concepts d'art, de culture et d'histoire. Certes, son champ d'opération – l'entre-deux-guerres – n'est plus exactement le nôtre. Mais ses cheminements théoriques – conduisant de l'« extrapolation par les extrêmes » à l'élaboration d'« images dialectiques » en passant par une refonte de la notion même d'« origine » – ainsi que son appel pratique à fonder l'idée de progrès sur celle de catastrophe n'ont pas fini de nous remuer à l'aube du xxie siècle. Peut-être commencent-ils seulement à nous parler."
Encyclopaedia Universalis

Traduits en français :

Essais
1920 - Le Concept de critique esthétique dans le romantisme allemand
1923 - Charles Baudelaire, Tableaux Parisiens
1928 - Rue à sens unique : Page 2
1928 - Origine du drame baroque allemand
1936 - Allemands

Publications posthumes
1924-39 - Paris, capitale du xixe siècle. Le livre des passages (1997)
1931 - Petite histoire de la photographie (2012)
1932-1933 - Expérience et pauvreté, suivi de : Le Conteur et de : La Tâche du traducteur (2011) : Page 1
1936 - L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (2003)
1942 - Thèses sur le concept d'histoire (1947)
1950 - Enfance berlinoise vers 1900 : Page 1
2000 - Œuvres, 3 vol
2010 - Sur Proust
2012 - Variations sur l'Ange de l'histoire, essai inspiré par Angelus Novus de Paul Klee
2012 - Critique de la violence, suivi de : Destin et caractère et de : Brèves ombres
2012 - Enfance berlinoise vers 1900 : version dite de Giessen, 1932-1933
2012 - N’oublie pas le meilleur : et autres histoires et récits
2013 - Cahier Benjamin (textes choisis)
2013 - Baudelaire (avec l'ajout de nouveaux textes et travaux préparatoires inédits)

Radiophonie
1929-1933 - Au microphone : Dr. Walter Benjamin, Walter Benjamin et la création radiophonique (2009)
2014 - Écrits radiophoniques

Correspondances
1930-1940 - Correspondance , Walter Benjamin et Gretel Adorno (2007)
1933-1940 - Théologie et utopie. Correspondance , Walter Benjamin et Gershom Scholem (2011)
2013 - Lettres françaises, intégralité des lettres écrites en français

Sélection d'articles, ainsi que la Bibliographie critique et filmographie  à voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Walter_Benjamin

Sources : Wikipédia et Centre National du Livre


MAJ le 25/11/2021
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Message par Tristram Sam 22 Sep - 18:19

(Cet auteur ne devrait-il pas être placé ici) ?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Armor Sam 22 Sep - 18:41

C'est fait ! Merci Tristram.

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Message par Tristram Sam 22 Sep - 20:01

Je n'ai malheureusement pas lu Benjamin, sauf indirectement, rencontré au gré de judicieuses citations :
« Comme l’a montré Walter Benjamin, Baudelaire lie le dandysme à l’expérience de la marchandise en opposant au capitalisme triomphant la “vaporisation du moi” inhérent au flâneur. Absorbé par la foule, celui-ci devient anonyme et s’oublie. En opposition au matérialisme qui régit les échanges en fonction de leur valeur, le poète consacre, par sa glorification de la mode, le vide comme seule réalité de l’homme moderne. Noyé par la ville, l’individu cesse de revendiquer quelque gravité philosophique pour évoluer, immatériel, dans un jeu d’apparences rythmé par la foule. »
Michel Draguet, présentation aux écrits sur l’art, de Mallarmé
« Les arriérés d'aujourd'hui, consommateurs colonisés de la bouillie littéraire anglo-saxonne, croient qu'on fait des citations pour briller, remplir la page, s'épargner un effort, alors qu'il s'agit d'un art très ancien et très difficile. Les écrits essentiels en sont pleins, le Talmud, par exemple. Le subtil Walter Benjamin, expérimentateur de haschisch et auteur d'un "principe du montage dans l'Histoire", le définit ainsi :
"Les citations, dans mon travail, sont comme des voleurs de grands chemins qui surgissent en armes, et dépouillent le promeneur de ses convictions." »
Philippe Sollers « Les Voyageurs du Temps »
« Dans Le livre de l’intranquillité, Pessoa écrit : "La seule activité digne d’un homme supérieur, c’est de persister tenacement dans une activité qu’il sait inutile, respecter une discipline qu’il sait stérile et s’en tenir à des normes de pensée philosophique et métaphysique, dont l’importance lui apparaît totalement nulle."
Sans pouvoir dire que je saisis toutes les implications d’une telle position, j’ai reconnu que mon activité de traduction était inutile. Cependant je persiste. Le monde continue de tourner, que je fasse ou pas ce que je fais. Que nous retrouvions ou pas la valise égarée de Walter Benjamin, la civilisation poursuivra sa marche en avant ou en arrière, les gens iront de par le monde, les guerres feront rage, des repas seront servis. Qu’on lise Pessoa ou pas. Ces histoires artistiques sont des broutilles. Ce n’est que pure folie. »
Rabih Alameddine, « Les Vies de papier »  

_________________
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Message par animal Sam 22 Sep - 20:37

Moi j'en ai à lire, je n'ai lu que :

La tâche du traducteur

Un texte court, d'une quinzaine de pages sur un sujet loin d'être neutre... (tentative de résumé partiel et partial) pour traiter le sujet ou avec le sujet, il y a un passage choisi en premier lieu par des rapports de rupture. Rupture entre l'œuvre, le texte, et le lecteur, n'étant pas écrite pour lui, même si considéré comme entité abstraite. Une rupture entre la traduction et le sens, une identité impossible (ni spontanément souhaitable). Un peu plus loin est affirmée la rupture entre l'écrivain et le traducteur en leur assignant un but différent.

L'écrivain en employant directement sa langue fait tendre son écrit vers un sens (ou un objet). Le traducteur sans être coupé du sens travaille en fait sur le langage, son objet n'étant pas une identité des mots mais de rendre la tension vers le sens, la direction particulière donnée par l'auteur. Jusque là ce serait un peu facile et d'ailleurs ce résumé impose des sauts dans le texte. Parce que ce qui se dessine en même temps c'est une pensée sur le langage même, un rôle essentiel, partagé et pouvant tendre si on coupe vers son essence à un rapport (que je n'ai pas bien saisi <- pas de connotation négative) avec le sacré.

Et autre événement notable quand il s'agit d'idées et d'une abstraction certaine, il y a un rapport précis (pas facile à résumer celui-ci) au temps. L'œuvre n'est traduite qu'en conséquence de sa postérité (et pas l'inverse) ce qui signifie déjà qu'en dehors de sa traduction elle même n'est plus la même, en quelque sorte finie et recommencée. Et la traduction, en tant que rapport au langage, est ancrée dans le temps et donc périssable. On constate donc l'immensité des écarts et des mutations dont on peut à peine espérer qu'il reste l'infime essentiel...

Mais si on en revient à l'essence du langage et aux mouvements de la pensée il se pourrait, c'est la proposition (le texte est doux mais le mot est faible) de Walter Benjamin, que la tâche du traducteur ne soit pas de prendre un sens littéral pour le passer au moule de sa langue mais plutôt de faire intervenir la mécanique, étrangère ?, de l'autre langue, de l'autre pensée dans sa langue. On retrouve donc la tension du dire avec une belle évidence et une autre immensité de possible et d'enrichissement. Et c'est peut-être à ce moment que je fais intervenir une pièce manquante, la Vérité.

La langue est omniprésente, dans le contexte, dans la lecture, ce qui relativise et actualise l'abstraction de ce texte. Quinze petites pages qui sont éloignées de ce résumé sommaire aux nombreuses omissions et ne donnant pas vraiment idée de la suite de cette pensée, des cohabitations, superpositions, échos, reflets, et que sais-je encore qui défient d'une certaine manière une trop grande linéarité.

Pas une lecture facile, j'ai eu tendance à faire de la reconnaissance de phrase : quand je commençais à douter : lecture rapide de la phrase entière avant de revenir, pour essayer de m'articuler autour d'entités cohérentes (ça ne doit pas être clair ça), j'ai senti aussi mon manque de familiarité avec cette pensée et que je ratais probablement une partie du texte, les appels au sacré notamment et leurs implications mais pas que.

Pas non plus une lecture rebutante ou impossible. Elle fut très stimulante et intéressante (et sera à refaire) et j'insiste sur le fait que la clarté du propos n'est pas oubliée ! Il y a de quoi faire donc et de quoi motiver une certaine attention parce que cette écriture, avec dans le plus visible des ruptures, s'avère à la fois logique et belle.  Et il ne faut surtout oublier ni la conclusion ni la finalité de ce texte.

(Qui est une traduction).

récup' mais ce n'est pas toujours inutile de se relire !


mots-clés : #universdulivre

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Message par Bédoulène Dim 23 Sep - 11:51

moi j'ai lu, il y a un certain temps "L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique" dans le tome III des oeuvres ; Coli m'y avait incité et elle avait raison !

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Message par bix_229 Dim 23 Sep - 16:59

Walter Benjamin Sens_u10


Enfance berlinoise

"Plusieurs courts textes de Walter Benjamin, parus dans la presse allemande entre 1933 et 1935 et contenus dans deux cahiers manuscrits, sont à l’origine de ce recueil que, malgré son projet, l’auteur n’arriva pas à publier de son vivant. Des souvenirs d’enfance y retracent les lieux familiers d’un Berlin à la fois cossu, populaire et mystérieux. Des bribes d’histoires parsemées d’êtres fantasques y côtoient les membres de la famille de W. Benjamin. Mêlées à des expériences inédites qui frappèrent l’enfant, telle la fréquentation assidue du « Panorama impérial »(pp.38-41), elles composent autant de parcours enchanteurs."
Revue Critique d' art

" Je connaissais déjà toutes les cachettes de l'appartement, et j'y retournais comme dans une maison où l'on est sûr de tout retrouver comme autrefois. J'avais le coeur battant. Je retenais mon souffle. Ici, j'étais enfermé dans le monde de la matière. L'enfant qui se tient derrière la portière devient lui-même quelque chose de flottant et de blanc, il devient un fantôme. La table à manger derrière laquelle il s'est accroupi, il la transforme en une
C'est pourquoi, lorsqu'on m'attrapait dans ma cachette, je chassais d'un grand cri le démon qui voulait ainsi me métamorphoser." idole de bois, et les pieds sculptés sont les quatre piliers du temple qui l'abrite.
Derrière une porte, il est lui même porte ; il s'en revêt comme d'un lourd masque et devient le prêtre magicien qui ensorcellera tous ceux qui entrent sans se douter de rien. Il ne doit à aucun prix être découvert. Quand il fait des grimaces, on lui dit que si l'horloge sonne à ce moment-là, il restera toujours comme ça. Ce qu'il y a de vrai là-dedans, je l'ai découvert en jouant à cache-cache. Qui me découvrait pouvait me pétrifier comme une idole sous la table, faire de moi un fantôme pour toujours cousu dans les rideaux, m'enfermer à vie dans la lourde porte."



mots-clés : #autobiographie #enfance


Dernière édition par bix_229 le Dim 23 Sep - 17:21, édité 1 fois
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Message par bix_229 Dim 23 Sep - 17:17

"Ne pas trouver son chemin dans une ville, ça ne signifie pas grand-chose. Mais s’égarer dans une ville comme on s’égare dans une forêt demande toute une éducation. Il faut alors que les noms des rues parlent à celui qui s’égare le langage des rameaux secs qui craquent, et des petites rues au cœur de la ville doivent pour lui refléter les heures du jour aussi nettement qu’un vallon de montagne. Cet art, je l’ai tardivement appris ; il a exaucé le rêve dont les premières traces furent des labyrinthes sur les buvards de mes cahiers."

Le premier texte de Enfance berlinoise évoque les promenades d'un enfant dans le célèbre parc de la ville, le Tiergarten.
Il semble résumer pour l' auteur l' énigme que constitue pour lui la ville, toute ville.
Il faut donc apprendre à la déchiffrer.
C' est une épreuve difficile, un labyrinthe qu' il faut explorer. S' y égarer est un art.
C' est aussi une découverte de soi meme.
D' autres thèmes, d' autres histoires avec en arrière fonds, une certaine amertume, le regret de promesses entrevues, espérées, mais non tenues.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 24 Sep - 8:39

@ Animal,

J'avoue que ce que tu décris à travers la lecture du texte de Walter Benjamin sur la traduction a tendance à me rallier. L'acte de lecture est une expérience et cette expérience de la linéarité doit être défiée, même si elle ne mènera pas nécessairement à un acte de rupture comme telle. Il faut y reconnaître des traits de flâneur chez Benjamin dans la mesure où sa pensée voyage et a tendance à ébouriffer les évidences toutes faites. Le travail du traducteur ne peut pas se résumer à une linéarité par rapport au texte original. Il y a des exercices de traduction qui ont été réalisés au fil du temps. Nous pouvons notamment penser à Baudelaire, Benjamin, Larbaud, Markowicz et autres exemples du type, voir les différentes stratégies du traducteur lui-même.
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Message par colimasson Lun 24 Sep - 16:15

J'avais lu les trois volumes de ses oeuvres... surprise à chaque fois, décontenancée même, par des idées qu'on ne trouve pas à tous les coins de rue.

J'avais beaucoup aimé aussi la manière dont Frédéric Pajak en avait parlé dans le premier tome de son Manifeste incertain : clic
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Message par bix_229 Lun 24 Sep - 18:09

Lorsque Benjamin écrit ses souvenirs, en 1942, il a déjà quarante ans et un sens aigu de la dangerosité de l' époque et de sa propre finitude.
Il a assisté à la naissance de l' état fasciste et de la prise du pouvoir par Hitler et les nazis et il s' est exilé. En France, à Berlin, à Ibiza aussi.
Il ne lui reste a vivre qu' une poignée d' années et s' il ne le sait pas, il en a peut être la prémonition, en tant que juif, en tant qu' être ultrasensible et animé par une conscience politique qui le le propre d' écrivains et de philosophes de sa génération.
En tout cas, il est suffisamment agé et lucide pour savoir que la vie a été une promesse  non tenue, un avenir non réalisé.
Pas seulement pour lui.
Pour comprendre que, déja enfant, il se révoltait contre ses parents, contre l' école telle qu' il la vivait, contre les meubles encombrants et les armoires trop bien rangées.
Contrairement à ce qu' on pourrait croire, Benjamin pensait que la faiblesse de l' enfant, son impuissance -voire celles de l' adulte- à leur niveau le plus extreme, étaient une chance de salut.
Un presentiment salutaire.
Sa conception de l' Histoire est une seule et unique catastrophe qui ne cesse d' amonceler les ruines, les éternels vaincus, les humiliés de la faim et de la misère. Les promesses oubliées, les espérances brisées.
L' enfant lui-meme est victime d' une semblable catastrophe.
Dans ces souvenirs, il y a déjà des conceptions mystiques et historiques qu' il exprimera dans ses Thèses sur la philosophie de l' histoire.
Et c' est en cela qu' on peut considérer que Benjamin est déjà tout entier dans ces récits.

Jean Lacoste, le traducteur de ce texte conclue dans sa préface :

"Enfance berlinoise doit peut etre son existence à cette étrange et belle  idée théologico-politique :
nous avons envers l' enfant mort qui est en nous la meme responsabilité qu' envers les espérances
toujours en souffrance du passé."
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Message par bix_229 Mar 25 Sep - 16:41

La plupart de ces textes méritent tous d' être lus ou relus pour la beauté et la profondeur de leur écriture.
Meme si, dans mon cas, l' aspect philosophique me passe par dessus la tete.

"J’appris de bonne heure à me dissimuler dans les mots, qui étaient en réalité des nuages. Le don de reconnaître des similitudes n’est, en effet, rien d’autre que les vestiges affaiblis de la vieille compulsion à devenir semblable aux autres, et à se conduire comme eux. Mais cette contrainte, c’étaient les mots qui l’exerçaient sur moi. Non pas ceux qui me rendaient semblable aux modèles de moralité, mais aux appartements, aux meubles, aux vêtements. Mais semblable à ma propre image, jamais. Et c’est pour cela que je devenais si désemparé lorsqu’on exigeait de moi une ressemblance avec moi-même. Cela se passait lors des séances de photographie. Partout où je portais mes regards, je me voyais entouré de paravents, de coussins, de socles qui réclamaient mon image comme les ombres de l’Hadès le sang de l’animal sacrifié […] Mais moi, je suis défiguré à force d’être semblable à tout ce qui est ici autour de moi. J’habitais le XIXe siècle comme un mollusque habite sa coquille, et ce siècle maintenant se trouve devant moi, creux comme une coquille vide. Je la porte à mon oreille."
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Message par colimasson Mer 26 Sep - 16:40

bix_229 a écrit:Lorsque Benjamin écrit ses souvenirs, en 1942, il a déjà quarante ans et un sens aigu de la dangerosité de l' époque et de sa propre finitude.
Il a assisté à la naissance de l' état fasciste et de la prise du pouvoir par Hitler et les nazis et il s' est exilé. En France, à Berlin, à Ibiza aussi.
Il ne lui reste a vivre qu' une poignée d' années et s' il ne le sait pas, il en a peut être la prémonition, en tant que juif, en tant qu' être ultrasensible et animé par une conscience politique qui le le propre d' écrivains et de philosophes de sa génération.
En tout cas, il est suffisamment agé et lucide pour savoir que la vie a été une promesse  non tenue, un avenir non réalisé.
Pas seulement pour lui.
Pour comprendre que, déja enfant, il se révoltait contre ses parents, contre l' école telle qu' il la vivait, contre les meubles encombrants et les armoires trop bien rangées.
Contrairement à ce qu' on pourrait croire, Benjamin pensait que la faiblesse de l' enfant, son impuissance -voire celles de l' adulte- à leur niveau le plus extreme, étaient une chance de salut.
Un presentiment salutaire.
Sa conception de l' Histoire est une seule et unique catastrophe qui ne cesse d' amonceler les ruines, les éternels vaincus, les humiliés de la faim et de la misère. Les promesses oubliées, les espérances brisées.
L' enfant lui-meme est victime d' une semblable catastrophe.
Dans ces souvenirs, il y a déjà des conceptions mystiques et historiques qu' il exprimera dans ses Thèses sur la philosophie de l' histoire.
Et c' est en cela qu' on peut considérer que Benjamin est déjà tout entier dans ces récits.

Jean Lacoste, le traducteur de ce texte conclue dans sa préface :

"Enfance berlinoise doit peut etre son existence à cette étrange et belle  idée théologico-politique :
nous avons envers l' enfant mort qui est en nous la meme responsabilité qu' envers les espérances
toujours en souffrance du passé."

La première partie du texte est de Lacoste aussi ?

Je crois aussi que c'est la sensibilité de Benjamin qui m'a poussée à le lire, davantage que sa philosophie, même si ses analyses sont d'une justesse incroyable. (mais elles ne le seraient peut-être pas autant sans le témoignage constant de ses émotions et de ses impressions en parallèle).
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Message par bix_229 Mer 26 Sep - 16:58

Oui, Lacoste a traduit le texte mais aussi écrit une préface très éclairante sur
Benjamin qui m' a beaucoup aidé à comprendre ce que je lis et à le situer dans
l' oeuvre et la vie de l' auteur.
Il a meme écrit un essai et une anthologie de textes consacrés à Benjamin
(L' Aura et la rupture) où sont étudiés les divers aspects de Benjamin.
Plutot encyclopédiques d' aileurs, puisqu' il s' interesssait à la photographie,
l' architecture, l' esthétique, le judaisme (il était lié à Gershom Scholem), la traduction
(il a traduit Proust et Baudelaire), la sociologie, la politique, la révolution.
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Message par bix_229 Mer 26 Sep - 18:24

Pour montrer à quel point, Benjamin était sensible à l' image, aux couleurs, comment
son imagination fonctionnait comme celle d' un enfant inventif, un texte, intitulé
Les Couleurs.


"Dans notre jardin, il y avait un pavillon vermoulu et abandonné. Je l’aimais pour ses fenêtres polychromes. Quand je passais, à l’intérieur, de vitrail en vitrail, je me métamorphosais ; je me colorais comme le paysage qui, tantôt flamboyant, tantôt empoussiéré, tantôt étouffé comme un feu sous la braise et tantôt luxuriant, occupait la fenêtre. C’était la même expérience que pendant l’aquarelle, lorsque les choses ouvraient leur giron dès que je m’en emparais dans un nuage humide. Il en allait de même avec les bulles de savon. Je voyageais à l’intérieur d’elles à travers la pièce et je me mêlais au jeu de couleurs du dôme jusqu’à ce qu’il éclate. Dans le ciel, avec un bijou, dans un livre, je me perdais dans les couleurs. Les enfants trouvent leur butin sur tous les chemins"... [ ]

 

L' avantage, si c' en est un, c' est que l' adulte qui n' a pas oublié l' enfant imaginant, peut formuler ce qu' il ressentait intimement sans lui donner forme.
Ce qui était inutile pour l' enfant, sensible surtout au flux d' images se déroulant
en lui et sans controle, pour son plaisir et sa reverie.
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Message par colimasson Jeu 27 Sep - 18:42

C'est un beau texte qui donne à visualiser... drunken merci.
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Message par bix_229 Dim 30 Sep - 18:36

Plus j'avance dans ma lecture et plus Enfance berlinoise me fait penser à Proust.
A celui de l' enfance.
Même si les différences sont tout aussi évidentes que les similitudes, il y a cette même subtilité des sens et de l'imagination.

"On m’avait pour ce jour de fête confié à la garde d’un parent éloigné que je devais rejoindre chez lui. Mais, soit que j’eusse oublié l’adresse, soit que je n’eusse point retrouvé mon chemin dans ce quartier – il se fit de plus en plus tard et mon errance devint de plus en plus désespérée. Il ne pouvait être question pour moi d’oser aller à la synagogue par mes propres moyens, car mon protecteur avait les cartons d’entrée. La responsabilité de mon infortune devait être essentiellement imputée à mon peu d’attirance pour le presque inconnu qu’on m’avait assigné et à ma défiance envers les cérémonies religieuses, qui ne laissaient augurer que de l’embarras et de la gêne. Alors que j’étais en plein désarroi, d’un seul coup, une vague brûlante d’angoisse m’envahit – « trop tard, c’est raté pour la synagogue » – et, avant qu’elle eût reflué, exactement au même instant, une autre survint, mais cette fois d’insouciance parfaite – « advienne que pourra, je m’en fiche ». Et ces deux vagues unirent irrésistiblement leurs élans dans le premier grand sentiment de plaisir : la profanation du jour de fête s’associa à la rue maquerelle, qui me fit pressentir ici pour la première fois les services qu’elle devait rendre aux désirs adultes."

Dans cet extrait, on saisit que Benjamin, indépendamment de sa résistance à l'emprise de la famille, associe cette même famille à la découverte du désir, à la l'initiation au désir sexuel.

Et comment une succession de méprises peut aboutir -paradoxalement- à une révélation et une avancée vers l'âge adulte.
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Message par Nadine Lun 1 Oct - 11:12

ah oui dis-donc, virtuosité totale !
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Message par bix_229 Mar 2 Oct - 17:12

« Jamais nous ne recouvrons tout à fait ce qui a été oublié. Et c’est peut-être bien ainsi. Le choc de rentrer en possession d’un passé oublié serait si destructeur que nous cesserions à l’instant de comprendre notre nostalgie. Mais comme ça, nous la comprenons, et d’autant mieux que le passé est plus profondément enfoui en nous. De même que le mot perdu, qui était encore sur nos lèvres un instant plus tôt, dénouerait notre langue et lui donnerait des ailes démosthéniennes, de même ce que nous avons oublié nous semble lourd de toute la vie vécue qu’il nous promet. Peut-être son poids et sa promesse ne sont-ils rien d’autre que la trace d’habitudes perdues dans lesquelles nous ne pourrions plus nous reconnaître. Peut-être en se mêlant aux grains de poussière de nos demeures effondrées crée-t-il le mystère par lequel il se perpétue. Quoi qu’il en soit – il existe pour chacun certaines choses qui développèrent en lui des habitudes plus durables que toutes les autres. Au contact de ces choses se formèrent les aptitudes qui déterminèrent son existence. Pour moi, ces aptitudes furent la lecture et l’écriture, de sorte que rien de ce qui m’échut dans mes jeunes années, n’éveille en moi une si grande nostalgie que la boîte de lecture.
(…) La nostalgie que cette boîte éveille en moi prouve combien elle se confondait avec mon enfance. Ce qu’en vérité je cherche en elle, c’est l’enfance elle-même: l’enfance tout entière, telle qu’elle habitait le geste par lequel la main faisait glisser les lettres sur la baguette où elles devaient former des mots. La main peut encore rêver ce geste, mais elle ne peut plus se réveiller pour l’accomplir réellement. De la même manière, je peux voir en rêve comment j’ai un jour appris à marcher. Mais cela ne me sert à rien. Je sais maintenant marcher; mais je ne sais plus apprendre à marcher. »

Encore un texte sur la mémoire et le temps perdu. Pourtant ce texte permet de distinguer la démarche des deux écrivains, Proust et Benjamin.
On peut penser que Proust cherche le passé dans le présent, parce que, au moment où il écrit, il n'a plus d avenir sinon dans l'écriture et dans la postérité alors que la que la mort lui est proche et certaine.
Benjamin, lui, retrouve dans l'enfant qu'il a été, "non un passé révolu qui serait un "temps perdu", mais une promesse que la vie n'a pas tenu, un avenir non réalisé."
Autrement dit, les moments privilégiés de ses souvenirs sont ceux qui contiendraient les présages anticipés du futur.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 6 Jan - 9:35

Walter Benjamin a un fil. Il importe donc de nous convier à l'objet de ses pensées. Michael Löwy a écrit un essai intitulé Walter Benjamin : avertissement d'incendie. Une lecture des thèses «Sur le concept d'histoire». L'auteur semble beaucoup insister dans la préface sur la dimension d'abord philosophique de la pensée propre à Benjamin. Löwy est un sociologue de vocation. Il s'est intéressé aux question de religion, a écrit des ouvrages sur Max Weber, Karl Marx et Franz Kafka. On peut sentir qu'il y a des lignes de force dans ses écrits successifs. Dans cet essai, il fait l'effort de remonter le développer les thèses de Walter Benjamin et de leur donner un éclairage nouveau en analysant un peu la «généalogie» des idées et le développement de ses tournures de phrases et de pensée.
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