Georges Bataille
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Georges Bataille
Shanidar recommandait de lire la biographie de Bataille écrite par Michel Surya, je pense suivre ses conseils.
«On le sait aujourd'hui : Bataille est l'un des écrivains les plus importants de ce siècle». Ainsi parlait Michel Foucault.
Pourtant, plus souvent cité que réellement lu, cet auteur exigeant, peut-être même intimidant, semble de nos jours encore confiné dans une marge dont certains craignent de ne pas avoir la clé, quand d’autres pensent lui être fidèles en le réduisant à des provocations puériles.
Il est vrai que Bataille est l’auteur d’ouvrages aussi différents que Histoire de l'œil et La Part maudite, Madame Edwarda et L'Expérience intérieure, L'Impossible et La Souveraineté – une œuvre véritablement philosophique et littéraire, indissociablement, car si elle appartient à des genres très divers, elle relève pour finir du genre unique que Bataille lui a donné.
L’ouvrage de Michel Surya permet de lire Bataille dans sa totalité. Biographie (la place faite à la vie de cet auteur y est en effet considérable), Georges Bataille, la mort à l'œuvre est également un essai de référence pour qui veut comprendre Bataille.
La bio wikipédiesque de Georges Bataille version "courte" :
- Spoiler:
Georges Albert Maurice Victor Bataille, né le 10 septembre 1897 à Billom (Puy-de-Dôme), mort le 9 juillet 1962 à Paris, est un bibliothécaire et écrivain français.
Son œuvre se compose d'ouvrages de littérature, mais aussi d'anthropologie, de philosophie, d'économie, de sociologie et d'histoire de l'art. Il ne considère jamais l'écriture comme une fin en soi, mais comme un instrument qui lui permet, à travers ses récits, romans, essais philosophiques et revues, de témoigner de ses différentes expériences : « Il faut vouloir vivre les grands problèmes, par le corps et par l’esprit. »1 Ainsi, sa vie et son œuvre se confondent, mêlant mysticisme et érotisme, avec une fascination de la mort qui se retrouve en particulier dans l'un de ses textes, La pratique de la joie devant la mort.
Son engagement politique le conduit très tôt à critiquer et condamner Staline et l'Union soviétique. Il côtoie alors beaucoup les surréalistes, sans jamais réellement faire partie du groupe d'André Breton. Mais il est très proche des futurs « excommuniés » de Breton réunis avant même le premier Manifeste du surréalisme dans deux groupes annexes : le groupe de la rue Blomet sous l'égide d'André Masson, et le groupe de la rue du Château qui comprend notamment Jacques Prévert et Yves Tanguy. Par son indépendance d'esprit, Bataille y exerce une influence dont il ne mesure pas tout de suite l'importance, mais qui fait de lui un « hérétique » aux yeux du « pape du surréalisme ». En 1929, il fonde la revue Documents, point de ralliement de tous les excommuniés de Breton, en rupture avec l'idéalisme surréaliste. Quelques années plus tard, avec des fidèles, il fonde la revue Acéphale dont le thème principal est l'exaltation tragique et dionysiaque de la vie, jusque dans la cruauté et la mort, sous la figure tutélaire de Nietzsche, mais aussi Sade, Kierkegaard, Dionysos, Don Juan ou Héraclite.
Bien qu'il se déclare profondément athée, il s'intéresse au sacré, aux mysticisme, chamanisme, bouddhisme zen, rites païens ou para-religieux ; et sa fascination pour le religieux et les communautés le conduit à créer, avec un groupe d'initiés, une société secrète, ésotérique, en marge de la revue Acéphale, ainsi que d'autres collectifs dont le thème directeur est la « sociologie sacrée. »
Persuadé de la perversité du fascisme, ne croyant pas aux mouvements prolétariens, il fonde en 1935, quelques mois avant la victoire du Front populaire, un mouvement d'intellectuels révolutionnaires « Contre-Attaque », qui se situe contre le capitalisme, contre la bourgeoisie, pour la libre expression sexuelle. Cette révolution est placée sous le signe d'un antinationalisme violent. Pour cela il se réconcilie avec André Breton, dirige le mouvement avec lui pendant une courte période et publie avec lui des textes et tracts.
Plus tard, il se détourne de l'action politique pour se consacrer à l'écriture d'ouvrages très souvent à composante autobiographique, dans lesquels il développe sa recherche du sacré et de l'extase, l'horreur de la mort et sa fascination pour celle-ci. Ses références à Sade, Nietzsche et Hegel, souvent détournées, servent le plus souvent à justifier ses recherches très personnelles.
Auréolé d'un prestige considérable dans les milieux intellectuels, surtout connu pour ses écrits sur l'érotisme qui ont fait scandale, il reste mal connu du grand public et très peu lu. Il fait cependant l'objet d'un très grand nombre d'études et d'exégèses. À la croisée des savoirs et des grands débats idéologiques, philosophiques et anthropologiques, de son temps, son œuvre est à la fois littéraire et philosophique, multiple, hétérogène, marginale et échappe aux étiquetages : « les catégories traditionnelles, les délimitations qu'elles établissent, se révèlent inappropriées ou encombrantes dès lors qu'on veut rendre compte de l'ensemble de ses écrits ». D'autant plus qu'il s'est évertué à brouiller les pistes, ainsi qu'il le déclare lui-même dans son dernier entretien, accordé à Madeleine Chapsal en mars 1961 : « Je dirais volontiers que ce dont je suis le plus fier, c'est d'avoir brouillé les cartes [...], c'est-à-dire d'avoir associé la façon de rire la plus turbulente et la plus choquante, la plus scandaleuse, avec l'esprit religieux le plus profond ». Ce « brouillage » est d'autant plus manifeste en raison des multiples versions, manuscrits et dactylogrammes de ses textes, et aussi parce qu'il a souvent usé de pseudonymes pour signer certains écrits (récits érotiques) : Troppmann, Lord Auch, Pierre Angélique, Louis Trente et Dianus.
Il est enterré au cimetière de Vézelay dans l'Yonne.
Bibliographie sélective :
Histoire de l'œil, sous le pseudonyme de Lord Auch, avec huit lithographies anonymes (André Masson), sans nom d'éditeur (René Bonnel), 1928
L'Anus solaire, illustré de pointes sèches d'André Masson, Paris, Éditions de la Galerie Simon, 1931
Sacrifices, accompagnant cinq eaux-fortes d'André Masson, Paris, G.L.M., 1936
Madame Edwarda, sous le pseudonyme de Pierre Angélique, éditions du Solitaire (Robert et Élisabeth Godet), 1941 (édition dite de 1937)
Le Petit, sous le pseudonyme de Louis Trente, s.l., s.e. (Georges Hugnet), 1943 (édition dite de 1934)
L'Expérience intérieure, Paris, Gallimard coll. « Les Essais », 1943
Le Coupable, Paris, Gallimard, coll. « Les Essais », 1944
L'Archangélique, Paris, Messages, 1944
Sur Nietzsche, Volonté de chance, Paris, Gallimard, 1945
L'Orestie, 1945
Dirty, 1945
L'Alleluiah, Catéchisme de Dianus, janvier 1947
Méthode de méditation, 1947
Histoire de rats, Journal de Dianus, 1947
La Haine de la poésie, 1947
La Part maudite, 1949
Éponine, Paris, 1949
La Scissiparité, 1949
L'Abbé C., Paris, Éditions de Minuit, 1950
La Peinture préhistorique. Lascaux, ou la Naissance de l'art, 1955
Manet, 1955
Le Bleu du ciel, 1957 (écrit en 1935)
L'Érotisme, Paris, Éditions de Minuit, 1957
La Littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957
Le Procès de Gilles de Rais, 1959
Les Larmes d'Éros, 1961
L'Impossible, Paris, 1962
Oeuvres complètes en 12 volumes chez Gallimard.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
J'ai lu L'expérience intérieure, mais je ne saurais vous en parler.
Je furète les deux premiers tomes des oeuvres complètes, et je crois que pour comprendre Bataille il faut le remettre dans son contexte, s'intéresser à l'époque des textes, à ses compagnons de route : Caillois, Leiris, Klossowski. Bataille comprend vite l'impasse de la montée des totalitarismes, et comme les surréalistes il veut transformer le monde et changer la vie. Mais contrairement aux premiers il renonce à transformer le monde pour se consacrer à changer la vie, ne voyant d'issue dans les idéologies de l'époque. Changer la vie donc, avec dans un coin de la tête que cette transformation intérieure fera tache d'huile.
Avant la biographie de Surya, ou l'exploration de ses textes, je vous conseille cette émission France Culture de 2007 :
Je pense que le fil s'étoffera de lui-même par la suite.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
Le Bleu du ciel
La maladive descente alcoolisée et débauchée du regard d'un homme sur lui-même et ses relations avec ses femmes et ses ami(e)s. Avec une bonne dose de vomi et de pleurs. Aussi la descente de Londres à Barcelone, en passant par Paris, avant de finir en Allemagne, de cet homme au milieu des années 30. Il est riche mais ses amitiés sont socialistes, son cœur aussi... ceci doit vous donner une idée de l'étendue du constat.quatrième de couverture a écrit:"J'ai voulu m'exprimer lourdement.
Mais je n'insinue pas qu'un sursaut de rage ou que l'épreuve de la souffrance assurent seuls aux récits leur pouvoir de révélation. J'en ai parlé ici pour arriver à dire qu'un tourment qui me ravageait est seul à l'origine des monstrueuses anomalies du Bleu du Ciel.
Mais je suis si éloigné de penser que ce fondement suffit à la valeur que j'avais renoncé à publier ce livre, écrit en 1935. Aujourd'hui, en 1957, des amis qu'avait émus la lecture du manuscrit m'ont incité à sa publication.
Je m'en suis à la fin remis à leur jugement."Georges Bataille
Un constat qui se tient pourtant dans un petit livre (180 pages environ en poche 10/18) qui s'entoure du mystère de l'usure du caractère d'un narrateur probablement proche de l'auteur. Les femmes qu'il fréquente, maltraite (moralement surtout) sont teintées d'un symbolisme pas dénué de religion (je n'ai pas été surpris de lire que l'auteur maitrisait le sujet en parcourant les biographies). C'est un peu crade cette fuite excessive de soi et des autres, rongeant de l'intérieur comme de très mauvais jours qui se succèdent seulement mal coupés par un sommeil traversé de mauvais rêves...
Mais l'attrait pour le morbide, légèrement nécrophile dans son questionnement ne masque pas dans une lecture qui se révèle facile et étonnamment agréable une vraie belle écriture absolument pas gratuite et qui recherche quelque chose de plus complexe et transformant qu'une simple provocation morale ou un parallèle trop rapide entre déchéance morale et grave dégradation politique. C'est la totalité personnelle d'un esprit profondément marqué par la chair et la souillure mais sans leur rejet, à la recherche d'une issue qui est l'enjeu transformateur ou l'objet de la transformation... difficile à décortiquer après cette unique lecture. Et il y a des morceaux sublimes, celui qui se rapproche ou amène le titre du livre, fantastiquement simple et précis. Les descriptions des gamins nazis qui chantent est non moins remuante dans un autre registre pas tout à fait déconnecté.
Ce n'est pas un apitoiement romantique et décadent, ce n'est pas non plus la froideur du constat lucide d'une humanité pourrie jusqu'à l'os... c'est un geste, un mouvement littéraire qui avance masqué, dans ces pages, un mouvement de l'esprit et de la bête observés avec attention, une recherche de justesse et de sens.
je suis très curieux d'y revenir et je remercie le bix pour cette lecture qui ne se livre pas si spontanément.
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Keep on keeping on...
Re: Georges Bataille
« Comment nous attarder à des livres auxquels, sensiblement, l’auteur n’a pas été contraint ? »
Georges Bataille, « Le Bleu du Ciel », Avant-propos
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15927
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Re: Georges Bataille
Je vous copie un extrait d'un article de Bataille intitulé Le labyrinthe, des extraits de la première partie L'insuffisance des êtres.
Les hommes agissent pour être. Ce qui ne doit pas être compris dans le sens négatif de la conservation (afin de ne pas être rejeté hors de l'existence par la mort) mais de le sens positif d'un combat tragique et incessant pour une satisfaction presque hors d'atteinte.
A la base de la vie humaine il existe un principe d'insuffisance. Isolément, chaque homme se représente la plupart des autres incapables ou indignes d'« être ». Dans toute conversation libre, médisante, se retrouve, comme un thème d'animation de la conscience de la vanité ou du vide de nos semblables : une conversation apparemment stagnante trahit la fuite aveugle et impuissante de toute vie vers un sommet indéfinissable.
La suffisance de chaque être est contestée sans relâche par chaque autre. Même le regard qui exprime l'amour et l'admiration s'attache à moi comme un doute touchant ma réalité. Un éclat de rire ou l'expression de la répugnance accueillent chaque geste, chaque phrase ou chaque manquement où se trahit ma profonde insuffisance, — aussi bien que des sanglots répondraient à ma mort subite, à un manquement total et irrémédiable.
Cette inquiétude des uns et des autres s'accroît et se répercute du fait qu'à chaque détour, avec une sorte de nausée, les hommes découvrent leur solitude dans une nuit vide. La nuit universelle où tout se trouve — et aussitôt se perd — paraîtrait existence pour rien, sans portée, équivalente à l'absence d'être, si la nature humaine n'y surgissait pas pour donner sa conséquence dramatique à l'être et à la vie. Mais cette absurde nuit s'achève de se vider d'« être » et de sens chaque fois qu'un homme y découvre la destinée humaine elle-même à son tour enfermée dans une impasse comique, semblable à un coup de clairon hideux et discordant. Ce qui exige en moi qu'il y ait de l'« être » dans le monde, de l'« être » et pas seulement l'insuffisance manifeste de la nature non-humaine ou humaine, projette, une fois ou l'autre, nécessairement, en réponse au bavardage humain, la suffisance divine à travers l'espace, comme le reflet d'une impuissance, d'une maladie de l'être servilement acceptée.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
animal a écrit:Une récup pour l'occasion ? et merci encore bix
Le Bleu du cielLa maladive descente alcoolisée et débauchée du regard d'un homme sur lui-même et ses relations avec ses femmes et ses ami(e)s. Avec une bonne dose de vomi et de pleurs. Aussi la descente de Londres à Barcelone, en passant par Paris, avant de finir en Allemagne, de cet homme au milieu des années 30. Il est riche mais ses amitiés sont socialistes, son cœur aussi... ceci doit vous donner une idée de l'étendue du constat.quatrième de couverture a écrit:"J'ai voulu m'exprimer lourdement.
Mais je n'insinue pas qu'un sursaut de rage ou que l'épreuve de la souffrance assurent seuls aux récits leur pouvoir de révélation. J'en ai parlé ici pour arriver à dire qu'un tourment qui me ravageait est seul à l'origine des monstrueuses anomalies du Bleu du Ciel.
Mais je suis si éloigné de penser que ce fondement suffit à la valeur que j'avais renoncé à publier ce livre, écrit en 1935. Aujourd'hui, en 1957, des amis qu'avait émus la lecture du manuscrit m'ont incité à sa publication.
Je m'en suis à la fin remis à leur jugement."Georges Bataille
Un constat qui se tient pourtant dans un petit livre (180 pages environ en poche 10/18) qui s'entoure du mystère de l'usure du caractère d'un narrateur probablement proche de l'auteur. Les femmes qu'il fréquente, maltraite (moralement surtout) sont teintées d'un symbolisme pas dénué de religion (je n'ai pas été surpris de lire que l'auteur maitrisait le sujet en parcourant les biographies). C'est un peu crade cette fuite excessive de soi et des autres, rongeant de l'intérieur comme de très mauvais jours qui se succèdent seulement mal coupés par un sommeil traversé de mauvais rêves...
Mais l'attrait pour le morbide, légèrement nécrophile dans son questionnement ne masque pas dans une lecture qui se révèle facile et étonnamment agréable une vraie belle écriture absolument pas gratuite et qui recherche quelque chose de plus complexe et transformant qu'une simple provocation morale ou un parallèle trop rapide entre déchéance morale et grave dégradation politique. C'est la totalité personnelle d'un esprit profondément marqué par la chair et la souillure mais sans leur rejet, à la recherche d'une issue qui est l'enjeu transformateur ou l'objet de la transformation... difficile à décortiquer après cette unique lecture. Et il y a des morceaux sublimes, celui qui se rapproche ou amène le titre du livre, fantastiquement simple et précis. Les descriptions des gamins nazis qui chantent est non moins remuante dans un autre registre pas tout à fait déconnecté.
Ce n'est pas un apitoiement romantique et décadent, ce n'est pas non plus la froideur du constat lucide d'une humanité pourrie jusqu'à l'os... c'est un geste, un mouvement littéraire qui avance masqué, dans ces pages, un mouvement de l'esprit et de la bête observés avec attention, une recherche de justesse et de sens.
je suis très curieux d'y revenir et je remercie le bix pour cette lecture qui ne se livre pas si spontanément.
comme pour le livre de Du Maurier père que Bix a commenté , ton retour m'ouvre une porte qui n'était pas décidée à se rouvrir, pour Bataille. Merci d'avoir si bien décrit toutes les touches de ce tout.
Nadine- Messages : 4882
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 49
Re: Georges Bataille
Mais il y a également le fameux Histoire de l'oeil. Etant donné sa renommée sulfureuse, j'ai été presque déçu. Je m'attendais à mieux, disons. J'ai retrouvé par moment la puissance littéraire de Bataille, mais c'était très loin de ce que j'ai pu lire jusqu'alors. Je l'ai trouvé assez convenu. Quant au fond, c'est le genre de littérature qui me lasse très vite. Le récit étant court, et pourtant j'ai sauté des pages. J'imagine que ça pouvait être choquant fut une époque, mais bon, quand on a lu Sade, on a déjà fait le tour de tous les orifices et des possibilités scabreuses et maniaques... J'imagine que Bataille ajoutera plus tard sa dimension mystique et ésotérique dans ses écrits érotico-pornographiques, mais pour ce premier opus clandestin, ça finit par tomber à plat à force de redondances, comme toujours dans le genre. Mais c'est mon avis, étant assez peu réceptif face à un tel texte.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
L'érotisme ???
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Georges Bataille
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Tristram- Messages : 15927
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Localisation : Guyane
Re: Georges Bataille
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
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Tristram- Messages : 15927
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Georges Bataille
[...] L'obsession de l'obscène est ainsi le leitmotiv des récits batailliens. Elle se traduit, certes, par une exhibition de la chair et une exaltation du pouvoir de l'oeil ; mais l'obscène est surtout une quête, dont l'objet se trouve travesti. En effet, les récits présentent de nombreuses visions de l'obscène comme autant d'obsessions de l'oeil. Mais ces obsessions sont des réactions face à l'angoisse : l'imminence perpétuelle de l'orgasme et celle de la mort, acquièrent de la sorte une dimension tragique. Par cette angoisse, l'obscène paraît en derniers recours, comme l'envers d'une absence, et ne laisse qu'entrapercevoir la figure d'un intouchable et obsédant idéal. Des « chiottes puantes » d'Histoire de l'oeil à la scène du bouge, qui ouvre Le Bleu du ciel, l'obscène exhibe l'intrication du désir et de la souillure. Le sale, l'abject, la déchéance, tel est l'obscène bataillien. Le narrateur d'Histoire de l'oeil, l'exprime en ces termes : la « débauche que je connais souille non seulement mon corps et mes pensées, mais aussi tout ce que je peux concevoir devant elle, c'est-à-dire le grand univers étoilé qui ne joue qu'un rôle de décor ».
Les Hommes sans Épaules, n°37, dossier sur Bataille par César Birène et Christophe Dauphin.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
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Tristram- Messages : 15927
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Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Georges Bataille
Deux excellentes lectures, bien plus agréables que Histoire de l'oeil ou L'anus solaire, moins explicites en tout cas.
Animal a bien parlé du Bleu du Ciel au-dessus dans le fil, j'ai pour ma part vraiment apprécié la montée en puissance dans le récit, et un final de plus en plus étourdissant, à partir de l'épisode à Barcelone et la guerre civile espagnole.
Une petite anecdote relevée par shanidar sur l'ancien forum :
j'ajoute que Lazare (la femme décrite dans le Bleu du ciel) est à rapprocher de Simone Weil (la philosophe), dont les interrogations politiques (sur l'engagement pendant la guerre d'Espagne, le pacifisme au moment de la montée des fascismes) et les interrogations religieuses sont proches de celles de Bataille.
Deux extraits de L'abbé C.
Dans l'immense salle à manger où, d'autres jours, j'aimais à manger seul, parce que le charme d'une maison est la plus douce des compagnies, j'eus le loisir de mesurer ma solitude au désordre de mes pensées. J'avais mis des livres à côté de moi. Je les avais choisis dans la pensée qu'ils me rapprocheraient de mon frère, mais mon frère ne voulait, ne pouvait rien dire, en dehors d'un parfait silence qu'il m'avait opposé. Sainte Thérèse ? J'aimais mieux le sourire du boucher, qui avait le goût de la mort sous la forme la plus sale ; ce sourire avait si bien le sens de mon étouffement que le cours de mes pensées précipité donnait sur le pire : je pouvais être un jour torturé par un homme qui ressemblerait à ce géant. Encore était-ce peu, la suffocation de l'enterré vif était seule la mesure de ma cruauté. Cette cruauté, toutefois, était moins rigoureuse qu'ironique. Elle voulait surtout que j'eusse la nausée de moi-même ; mais cette irrémédiable nausée avait pour limite et pour fin quelque objet dont, jamais, je n'aurais la nausée ! A ce point ma pensée se dérobait.
Le plaisir de vivre, en effet, renvoyait au monde qui m'avait rejeté : c'était le monde de ceux qu'un changement incessant unit et désunit, sépare et rassemble, dans le jeu que le désespoir lui-même aussitôt ramène à l'espoir. Mon coeur se serra et je me sentis froidement étranger dans ce paysage sans bornes, qui ne proposait rien qu'à la naïveté de ceux devant lesquels il s'étendait.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Georges Bataille
Georges Bataille a écrit beaucoup de nouvelles, et en général je crois que ses fictions ne sont pas longues. Je pourrais dire : "Plus c'est court, mieux c'est" vu qu'à la longue je finis toujours par avoir du mal avec ce style. Bataille explore les arcanes, non pas du sexe, mais de la honte, de la jalousie, du désir, de la haine et de la violence répétées dans une sorte de fièvre, de façon assez obsessionnelle. Le style ne fait que monter et redescendre en intensité, parfois c'est très beau, parfois très banal. Fallait-il vraiment concevoir un roman entier de cette passion (d'ailleurs, Ma mère est inachevé, ce qui permet d'imaginer que Bataille ne le croyait peut-être pas non plus), un récit poussif avec à la clé une forme de ritualisation de l'acte subversif (il y a des variantes mais seulement en fonction de qui avec qui) ? À force tout cela devient embêtant, et franchement, je me dis qu'une lettre (comme celle de la mère à son fils) eût pu suffire.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Georges Bataille
Je ne prétends pas avoir percé sa pensée, mais je crois commencer à y voir plus clair. Je suis dans une lecture du triptyque La part maudite, Histoire de l'Erotisme, La souveraineté. L'expérience intérieure, me semble aussi une lecture importante.
L'omniprésence de l'angoisse dans l'érotisme :
in Histoire de l'érotisme.[...] La conscience de la mort est elle-même opposée au retour de l'érotisme, susceptible de réintroduire l'avidité, la fièvre et la violence refusant l'attente. Mais l'angoisse, qui nous ouvre à l'anéantissement et à la mort, se lie toujours à l'érotisme ; notre activité sexuelle achève de nous river à l'image angoissante de la mort, et la connaissance de la mort approfondit l'abîme de l'érotisme. La malédiction de la pourriture rejaillit constamment sur la sexualité qu'elle tend à rendre érotique : il y a dans l'angoisse sexuelle une tristesse de mort, une appréhension de la mort assez vague mais dont jamais nous ne parvenons à nous libérer.
A la rigueur, il est possible de ramener la complexité des réactions à une constante recherche de l'autonomie (ou de la souveraineté). Mais de cette manière de voir découle une vue abstraite, où l'horreur immédiate et la nausée à demi physique de la nature — c'est de la nature résumée par la corruption qu'il s'agit — sont données arbitrairement comme la conséquence d'un calcul — d'une prétendue politique d'autonomie. Rien ne prouve en effet que la lutte pour l'autonomie ne soit pas, plus matériellement, la conséquence de la nausée.
Une conception qui plairait certainement à tous les dandys, de Baudelaire à Wilde...
in La part mauditeLe véritable luxe et le profond potlatch de notre temps revient au misérable, s'entend à celui qui s'étend sur la terre et méprise. Un luxe authentique exige le mépris achevé des richesses, la sombre indifférence de qui refuse le travail et fait de sa vie, d'une part une splendeur infiniment ruinée, d'autre part une insulte silencieuse au mensonge laborieux des riches. Au-delà d'une exploitation militaire, d'une mystification religieuse et d'un détournement capitaliste, nul ne saurait retrouver désormais le sens de la richesse, ce qu'elle annonce d'explosif, de prodigue et débordant, s'il n'était la splendeur des haillons et le sombre défi de l'indifférence. Si l'on veut, finalement, le mensonge voue l'exubérance de la vie à la révolte.
Invité- Invité
Re: Georges Bataille
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Georges Bataille
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/georges-bataille-ecolier-je-lisais-buffalo-bill-je-voulais-etre-sioux
(Le désastre à l'audimat 64 ans plus tard !)
Important, son père était aveugle (et paralytique) !
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Tristram- Messages : 15927
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