Citation du jour
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Re: Citation du jour
Du même, en moins trash :
"Je tiens les bouquinistes pour les êtres les plus délicieux que l'on puisse rencontrer, et, sans doute, participent-ils avec élégance et discrétion à ce renom d'intelligence dont se peut glorifier Paris."
ArenSor- Messages : 3372
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Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Citation du jour
« Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. » George Orwell in « 1984 »
Diogène- Messages : 753
Date d'inscription : 14/02/2017
Age : 36
Re: Citation du jour
En ce qui concerne l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.
Antoine de Saint-Exupéry
Invité- Invité
Re: Citation du jour
C'est de la pudique Marguerite Yourcenar, une déclaration qui a plus de cinquante ans, et paraît franchement datée ; aurait-elle apprécié Ernaux et consœurs ? pas sûr...« Le public qui cherche des confidences personnelles dans le livre d’un écrivain est un public qui ne sait pas lire. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
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Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
j'adhère à la phrase de Saint-Exupéry
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21098
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Citation du jour
« Il ne suffit donc pas de simplement ouvrir ses intestins ? Faut-il y ajouter Shakespeare, Dante, William Faulkner et toute la constellation des auteurs de pocket-books ? Ciel, que la vie est devenue compliquée ! »
Henry Miller, « Lire aux cabinets » (Les livres de ma vie)
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
Pourquoi tous ces films, tous ces romans, toutes ces chansons, entièrement consacrés à des histoires d'amour ? Il faut bien qu'il y ait quelque chose d'universel dans l'amour pour que ces histoires intéressent un immense public. Ce qu'il y a d'universel, c'est que tout amour propose une nouvelle expérience de vérité sur ce que c'est d'être deux et non pas un. Que le monde puisse être rencontré et expérimenté autrement que par une conscience solitaire, voilà ce dont n'importe quel amour nous donne une nouvelle preuve. Et c'est pourquoi nous aimons l'amour, comme le dit Saint Augustin, nous aimons aimer, mais nous aimons aussi que d'autres aiment. Tout simplement parce que nous aimons les vérités. C'est là ce qui donne tout son sens à la philosophie : les gens aiment les vérités, même quand ils ne savent pas qu'ils les aiment.
Alain Badiou, Eloge de l'Amour
Invité- Invité
Re: Citation du jour
Ce qu'on appelle "mourir" c'est achever de naitre et ce qu'on appelle "naitre" c'est
commencer à mourir, "Vivre" c'est mourir en vivant. Nous n'attendons pas la mort :
nous vivons perpétuellement avec elle.
Jean Baudrillard
commencer à mourir, "Vivre" c'est mourir en vivant. Nous n'attendons pas la mort :
nous vivons perpétuellement avec elle.
Jean Baudrillard
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Citation du jour
@Bix, de quel texte de Baudrillard ça provient ?
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
Je ne sais pas. La citation est dans le livre "L'Accordeur de silences" de Mia Couto.
Mais j'en ajoute deux autres de Baudrilard.
- La séduction des yeux. La plus immédiate, la plus pure. Celle qui se passe de mots, seuls les regards s'enchevêtrent dans une sorte de duel, d'enlacement immédiat, à l'insu des autres, et de leur discours : charme discret d'un orgasme immobile, et silencieux. Chute d'intensité lorsque la tension délicieuse des regards se dénoue en mots par la suite, ou en gestes amoureux. Tactilité des regards où se résume toute la substance virtuelle des corps (de leurs désirs ?) en un instant subtil, comme en un trait d'esprit - duel voluptueux et sensuel, et désincarné à la fois - épure parfaite du vertige de la séduction, et qu'aucune volupté plus charnelle n'égalera par la suite.
- Il est difficile de remédier à notre propre tristesse parce que nous en sommes complices.
Il est difficile de remédier à celle des autres parce que nous en sommes captifs.
Mais j'en ajoute deux autres de Baudrilard.
- La séduction des yeux. La plus immédiate, la plus pure. Celle qui se passe de mots, seuls les regards s'enchevêtrent dans une sorte de duel, d'enlacement immédiat, à l'insu des autres, et de leur discours : charme discret d'un orgasme immobile, et silencieux. Chute d'intensité lorsque la tension délicieuse des regards se dénoue en mots par la suite, ou en gestes amoureux. Tactilité des regards où se résume toute la substance virtuelle des corps (de leurs désirs ?) en un instant subtil, comme en un trait d'esprit - duel voluptueux et sensuel, et désincarné à la fois - épure parfaite du vertige de la séduction, et qu'aucune volupté plus charnelle n'égalera par la suite.
- Il est difficile de remédier à notre propre tristesse parce que nous en sommes complices.
Il est difficile de remédier à celle des autres parce que nous en sommes captifs.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Citation du jour
« La faculté de se laisser patiemment ennuyer, sans trop le témoigner, est une vraie qualité d’homme d’Etat, surtout dans un gouvernement représentatif. » Madame de Boigne in « Mémoires »
Diogène- Messages : 753
Date d'inscription : 14/02/2017
Age : 36
Re: Citation du jour
Dans ce que j'appelle ailleurs sa simple restance, le poème parle au-delà du savoir. Il écrit, et ce qu'il écrit, c'est d'abord cela même, qu'il s'adresse ou se destine au-delà du savoir, inscrivant des dates ou des signatures qu'on peut rencontrer, pour les bénir, sans tout savoir de ce qu'elles datent ou signent. Bénédiction au-delà du savoir, commémoration à travers l'oubli ou le secret non partagé, le partage encore de l'impartageable.
Jacques Derrida, in Schibboleth
Invité- Invité
Re: Citation du jour
« Après avoir passé ma vie à marcher dans les forêts, les plaines, les ravins, les montagnes, j’ai constaté que le corps ne se sent jamais plus en danger que lorsqu’il est perdu. […] Cette expérience m’est arrivée si souvent que je ne panique plus. Je me sens absolument vulnérable et je reconnais qu’il s’agit là du meilleur état d’esprit pour un écrivain, qu’il soit en forêt ou à son bureau. Images et idées envahissent l’esprit. On devient humble par le plus grand des hasards. »
Jim Harrison, « Le Vieux Saltimbanque », « Passacaille pour rester perdu, un épilogue »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
« Je crois que c’est en caressant ainsi ces existences improvisées sur un chétif talent qui, en général, ne conduit qu’à une vie de désordre qu’on donné de l’importance à des gens ne méritant pour la plupart, aucun égard. » Comtesse de Boigne in « Mémoires »
Diogène- Messages : 753
Date d'inscription : 14/02/2017
Age : 36
Re: Citation du jour
« Nous avons deux sortes d'ennemis : ceux qui respectent la loi, et ceux qui lui désobéissent. » Alfred Capus
Diogène- Messages : 753
Date d'inscription : 14/02/2017
Age : 36
Re: Citation du jour
« − L’art recherche toujours la nouveauté, et la nouveauté a fini par s’identifier à ce qui est différent. Il s’est produit un renversement des causes et des effets et, maintenant, la différence suffit. »
César Aira, « Les Nuits de Flores », 18
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
Dramatique impasse de l'art contemporain ?Tristram a écrit:« − L’art recherche toujours la nouveauté, et la nouveauté a fini par s’identifier à ce qui est différent. Il s’est produit un renversement des causes et des effets et, maintenant, la différence suffit. »
César Aira, « Les Nuits de Flores », 18
On pourrrait ajouter: et l'indifférence guette...
Aventin- Messages : 1984
Date d'inscription : 10/12/2016
Re: Citation du jour
Et ça ne s'applique pas forcément qu'à l'art...
« Dans les divers arts et principalement dans l’art d’écrire, le meilleur chemin entre deux points, même proches, n’a jamais été, ne sera jamais et n’est pas la ligne droite, jamais au grand jamais, manière énergique et emphatique de faire taire les doutes. »
José Saramago, « Le radeau de pierre »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
« Quoi qu’il en soit, il y a de fortes chances qu’on assiste à un afflux d’argent comme on n’en a jamais vu dans l’île de Corvo, ce qui a déjà obligé les habitants à faire venir des serrures pour les portes, des bâcles et des alarmes, et des serruriers pour installer le tout. »
José Saramago, « Le radeau de pierre »
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Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Citation du jour
« Le Mystère d'Ulysse »
« Debout sur son vaisseaux près de ses compagnons
Quand le dur laboureur de l'humide sillon,
Le héros préféré de Pallas et d'Homères,
A médité l'avis que les Morts lui donnèrent,
L'aurore déchirant de célestes pâleurs,
Sur le rire des eaux jette le vent des fleurs
Et dore l'île basse où languit la Sirène:
Si le vent l'y conduit, si le courant l'y traîne,
Ulysse a consenti que son cœur soit tenté
Du prix de la sagesse ou de la volupté.
Vous me lierez, dit-il, au mât de mon navire
Sur le brasier qui meurt il amollit la cire
Et d'abord, à chacun la versant tour à tour,
Lui referme l'oreille et le fait comme un sourd.
Ils sont ainsi sauvés de l'embûche de l'onde:
A quelque enlacement de caresses profondes
Que les veuille attirer le perfide concert,
L'ignorance les garde où le savant se perd.
Souverain roi des Dieux, maître de toute chose
Le banc de la galère où ta loi me dépose
Porta jadis Ronsard et son ami Bellay.
Tout ainsi que pour eux, à ta justice il plaît
Qu'au repli de l'oreille une clôture épaisse
Interdise mon âme aux voix de la déesse
Et qu'à peine enfermé dans l'étroite prison,
Solitaire et déchu de l'empire des sons,
Dans l'ombre du cachot qu'habite le silence,
Un autre chant sonore et fluide s'élance,
Des maîtresses des Dieux redise la beauté,
Des héros fils des Dieux la générosité,
Et rende, comme il faut, la justice ou l'hommage
Aux poètes sacrés pères de tous les sages:
Mais comment ce beau choeur à l'esprit pur inné
De charnelle amertume est-il empoisonné?
Si tu m'as épargné la pointe douloureuse
Qu'élève contre Ulysse une voix langoureuse,
Quelle intime Sirène à la mer a jeté
La fleur de ma jeunesse et la simplicité?
D'où viennent ces accents dont le mystère double
La beauté qui m'émeut d'un charme qui me trouble
Et de fausses couleurs a terni pour toujours
La figure et l'esprit de l'idéal amour?
Quel est ce maléfice, ô Muse intérieure!
Si prompte à raffiner la tristesse des heures
Que ton délice même, à son plus beau moment,
Tremble, hésite et finit par avouer qu'il ment.
Néanmoins, que tu sois l'amie ou l'ennemie,
Résonne, ma Sirène, à la fibre endormie
Si, par toi seule, hélas! mon âme a répondu
Au signe que mon corps n'avait pas entendu.
Mais toi qui saisis tout sans perdre une parole,
Mon Ulysse enchaîné sur ton vaisseau qui vole
Par l'âpre volonté d'entendre et de savoir
Tout ce qu'ont répandu de promesse ou d'espoir
Les véritables chants de la nymphe marine,
Goûte au poison de feu qu'en de mâles poitrines
Cette gorge immortelle a versé comme un vin
Qui les transfigurât dans le rire divin:
Leurs os blanchis, brillant dans l'épaisseur de l'herbe,
Sont tout ce qu'a laissé de l'honneur de sa gerbe
La moisson des héros avant l'heure tranchés
Et, seule ayant joui du fruit qu'elle a fauché,
Le doux monstre accroupi sur l'antique rivage
Au calme de la mer accorde son visage
Et trouble avidement de son appel menteur
La course du navire et du navigateur.
Tu l'entends à ton tour, ô malheureux Ulysse!
Le charme est assez fort pour que ton cœur faiblisse
Et , déjà seul et nu comme le veut l'amour,
Condescende à crier à tes matelots sourds
De rompre, d'arracher les noeuds qui t'ensanglantent,
Que tu puisses nager vers l'île étincelante
Où l'aveu délirant du désir indompté
Fait le chant le plus doux que la terre ait porté:
- Aborde à ma prairie, Ulysse magnanime,
N'es-tu point fatigué d'ensemencer le flot
Et, du courroux des Dieux dangereuse victime,
D'exténuer en vain tes pauvres matelots?
Habiles à tisser un nuage de gloire,
Les conseils de Pallas étendent ton erreur.
Ont-ils assez menti! Tu ne peux plus les croire,
Viens à la vérité qui t'ouvre le bonheur.
Je t'apprendrai le sort de tes compagnons d'armes
Sur les champs du carnage où beaucoup sont restés,
Des veuves du Troyen je te dirai les larmes
Au premières douceurs de leur captivité.
Ton roi des rois succombe au lit de l'infidèle
Qui du lambeau de pourpre enveloppa son fer:
Il entend résonner les maisons paternelles
De plus de trahison que n'en punit l'enfer.
Ne crains pas que j'oublie une épouse obstinée
Sur l'antique olivier de vos jeux nuptiaux:
Elle n'a rien subi que le vol des années,
Mais, Ulysse, elle ignore et tes biens et tes maux!
Mon cœur est plus savant que la Muse elle-même
Que Mémoire sa mère instruisit tout au plus
Du bruit de vos combats et de tes stratagèmes:
Où se tait votre histoire elle ne chante plus.
Je ris de son silence et de toi je m'empare!
L'impure Océanide au soleil languissant
Du plus sage des Grecs dit le songe barbare
Et l'âcre volupté qui lui brûle le sang.
Comme le Dieu d'en bas qu'a voulu Proserpine
Est du Tartare noir au grand jour emporté,
J'élève au ciel sacré des paroles divines
Ce qui rampe et mugit dans tes obscurités!
Puissé-je t'emporter au delà de ton âme!
O captif entravé des formes d'un destin,
Toi-même as découvert aux cendres de ta flamme
Les Ulysses nombreux que ta rigueur éteint:
Pourquoi serrer ta vie à la maigre colonne
Où Sagesse et Vertu t'enchaînent de leurs noeuds?
Il reste à consoler, plus faibles que personne,
Ces Ulysses troublés, déments ou furieux.
Le peuple des désirs agite la nature,
Mais un chemin qui monte au-dessus de la mer
Tôt ou tard les conduit au centre des figures
Que les Dieux en dansant décrivent dans l'éther
Par delà ces flambeaux, esclaves magnifiques
Réduits à tournoyer dans l'orbe d'une loi,
Mon cœur t'épanouit et mon regard t'explique
Les belles libertés qui sont faites pour toi.
Résigne les fardeaux, ton sceptre, ta couronne
Et ta coque de noix sur les flots écumeux!
A ton cœur tout puissant mon être s'abandonne
Voici le myrte pâle et les roses de feu:
J'ai si longtemps rêvé dans cette solitude
Des plus tendres secrets à toi seuls découverts,
Que le sourire aigu de ma béatitude
Engage l'esprit pur aux noces de la chair.
Viens! Nos lits d'algue sèche et de menthe flétrie,
Des quatre vents du ciel embrasés nuit et jour,
Gémirent trop longtemps des lourdes rêveries
Qu'au désir ajoutait la crainte de l'amour:
Tous les flots en passant m'avaient promis ta voile,
Ne m'as-tu pas cherchée aux confins de la mort?
Quelque trait soit parti de jalouses étoiles,
Je te disputerais à la haine du sort.
O triste favori de l'écume sauvage,
C'est moi qui t'avertis de ton unique bien:
Hélas! nous fuirais-tu de rivage en rivage,
Je t'aurai dit ton âme, et le reste n'est rien!
Telle, ô sons de cristal, ô notes d'or liquide,
Telle, et plus doucement, arrache la perfide
A ton cœur fasciné l'inutile sanglot.
Quelques-uns ont rougi d'entre tes matelots,
Mais tous épouvantés du souffle qui t'appelle,
Te chargeant à l'envi d'une entrave nouvelle,
Ont fait force de bras vers le pâle horizon
Où doit fumer un jour le toit de ta maison.
Depuis, qu'un soleil dore ou qu'une lune argente
La creuse immensité de la plaine changeante,
Dans l'asile secret des ombres de ton cœur
Nul écho ne répond qu'à la molle langueur
Des plaintes d'un soupir et des larmes d'un songe.
S'il faut qu'à tes palais la course se prolonge,
Le regret douloureux qui te hante a le goût
D'une liqueur d'oubli qui se préfère à tout.
Mais tu ne frémis plus que la bonté des brises
Ait cessé de sourire à ta longue entreprise:
Qu'importe que des flots l'inutile tourment
Heurte précipité contre ton bâtiment!
De leur gouffre salé, commune sépulture,
Emergé seul et nu sur un tronc de mâture,
Le soin de te garder et de te soutenir
Est-il évanoui dans l'amer souvenir
De la haute beauté qui gonfle ta mémoire?
Aux fleuves infernaux ceux qui sont allés boire
Disputent s'ils ont lu sur les tables d'airain
Le sort qui te délivre ou le sort qui t'étreint.
Aborde Calypso, profane la déesse
Et fuis! L'aulne et le pin que ton art lie et dresse
Grondent de remporter dans le trouble des mers
Un cœur inassouvi des maux qu'il a soufferts.
Qui le rassasiera? Ton ennemi Neptune
Découvre le radeau qui porte ta fortune
Et le trident brandi sur les flots irrités
Egale à ses fureurs ton infélicité
Jusqu'à ce que, surgie entre l'onde et l'étoile,
La fille de Cadmus t'enveloppe du voile
Qui te fera dompter les flots retentissants
De tes bras vigoureux et de tes reins puissants
Et d'écueil en écueil embrasser le rivage
Où, te dissimulant sous un lit de feuillage,
Comme un feu recouvert par quelques bûcherons,
Tes membres et ton corps épuisés dormiront
Trois nuits, trois jours, comptés de couchant en aurore,
Et, comme en t'éveillant tu souffriras encore,
O trois et quatre fois heureux, gémiras-tu,
Quiconque a renoncé l'implacable vertu
Et, du cyprès amer s'il a cueilli sa rose,
Là-bas sur la prairie où les ânes reposent
De tant de matelots qui moururent d'amour,
A laissé la fatigue et les soucis du jour!
Aux rois plus qu'aux sujets la servitude humaine,
Économe des biens, est prodigue de peines.
O naufragé battu par le flot du destin,
Ombre dure opposant aux clartés du matin
Tes sursauts douloureux de fureur et d'envie,
Tu n'as point relâché les rênes de ta vie
Et ni Nausicaa, ni le divin chanteur,
Ni les sages vieillards de leurs peuples pasteurs,
Ni le vaisseau qui sut retrouver ta patrie
Mais que nul n'a revu dans la verte Schérie,
Ni, sur le sol sacré, ta déesse aux yeux clairs
Quand elle eut délivré du mensonge de l'air
Les rochers de Phorcys et les vergers d'Ithaque,
Ton vieux chien mort d'amour, ni ton beau Télémaque,
Rien ne peut alléger, tout appesantira
Ton cœur mélancolique et ton farouche bras:
Malheur aux étrangers qui, rongeant tes domaines,
Menacent du flambeau la couche de la reine!
Contre ces insensés qu'aveugla leur désir,
Tu viens comme l'épieu qu'acheva de durcir
Dans le four embrasé la langue de la flamme:
Ayant brûlé ton cœur et resserré ton âme,
Tu veux te délivrer de toi-même en frappant.
La chaste Pénélope ou la mère de Pan,
L'épouse vertueuse ou la reine infidèle
Au faîte des palais espère ou tremble-t-elle,
Pendant que des degrés à l'angle de la cour
L'arc que nul ne tendit se décharge à coups sourds,
Et la corde en vibrant jette un cri d'hirondelle?
Vos temps sont arrêtés, ô têtes criminelles!
Un dard inopiné qui vola tout d'abord
Au jeune Antinoüs a présenté la mort.
Il la reçoit debout, comme il prenait la coupe:
Le mieux né, le plus beau de l'insolente troupe
Ainsi de tout son long sur la terre est couché,
La poitrine béante et le poumon tranché.
Polybe, Amphimédon, Eurymaque suivirent
Tous les trois arrivés par le même navire
Qui ne chargera plus pour repasser la mer
Que le fardeau sanglant des os et de la chair.
Tel un troupeau parqué, proie à peine vivante,
Le reste bat les murs aux crocs de l'épouvante
Et, quand le trait l'atteint, s'écroule en vomissant
Dans l'épaisse liqueur des viandes et du sang
Cet esprit qui s'en va dans le royaume inane
Où le maître d'en bas fait la couche des Mânes.
Héros, es-tu content? Tes ennemis sont morts
Et, la terre pieuse ayant caché les corps,
Douze femmes feront la plainte funéraire.
Mais, pour avoir uni l'opprobe à l'adultère,
Sur un câble tendu de douze noeuds coulants,
Par le cou délicat de ces beaux corps tremblants,
Vers les oiseaux du ciel en grappe vengeresse
Tu leur feras porter la peine des traîtresses
Sans que leurs pieds légers frémissent trop longtemps.
Tu veux te reposer, ô mon Ulysse? Attends!
Quand, lavé, parfumé dans tes belles piscines
Tu t'es purifié de la houle marine,
Ithaque saluant aux degrés de l'autel
Tes yeux, ta chevelure et ton pas d'Immortel,
La volonté de Ceux qui font que tu revoies,
Brillante, et ses yeux doux pleins de larmes de joie,
L'intacte Pénélope, et ton père et ton fils,
Juge que tes travaux n'ont pas encor suffi
A les dédommager du coût de ta victoire:
Les morts que tu gorgeas du sang des brebis noires
N'ont-ils pas annoncé qu'il faudrait repartir?
Pars donc, acquitte-toi! Tâche de découvrir
Au delà du couchant, sous le tombeau des flammes,
Les peuples ignorant l'usage de la rame
Qui, la voûte des cieux sur le front s'abaissant,
Se traînent ou, ployés, rampent en gémissant.
Par ces confins perdus, si les astres le veulent,
Retrouve le chemin du toit de tes aïeules
Et doute qu'aujourd'hui plus qu'hier ou demain
Le Pire ou le Meilleur appartienne aux humains:
Pour s'être mesurée aux plus hautes Puissances
Ta fortune est le prix de ton obéissance,
Mais tu ne serais pas leur docile vainqueur
Si tu n'entretenais au secret de ton cœur
Assez de vénéneux regrets et d'amertume
Pour estimer la vie au poids de son écume
Et vouloir en tout temps lui porter coup pour coup.
Sûr de n'y rien laisser si ton cœur ose tout!
Que te font les combats, l'Océan, l'incendie
Et le plus ou le moins d'humaine perfidie?
La parfaite beauté qui s'est montrée à toi
N'aura fleuri qu'un jour ni chanté qu'une fois,
Mais ton esprit lui doit toute sa nourriture
Et c'est elle qui tient dans ta main froide et sûre
La pique du guerrier, la barre du marin
Et le bâton noueux du pauvre pèlerin.
Dis nous ton plus beau jour, Ulysse, je te prie,
Quand, revenu mourir en ta belle patrie
Tu gravis, appuyé sur ta crosse à clous d'or,
La tribune de marbre à la pointe du port:
Là tu t'assieds, afin que les sujets d'Ulysse
En retour de l'impôt reçoivent la justice,
Tu les accueilles tous, aucun n'est rebuté,
L'existence a mûri ton amère bonté.
Bientôt en s'écoulant la pauvre multitude
Entre la mer et toi refait la solitude,
Et l'antique unité de vos deux éléments
Sur la vague de pourpre affleure sourdement.
Le pilote muet de l'invisible barque
Approche, il resplendit d'un ordre de la Parque
Qui de cette journée allongera l'espoir
Au delà du rayon de l'étoile du soir.
Les Dieux ont accordé ce que ton cœur demande,
Un autre arc que celui que tu tendis se bande
Sous l'horizon doré, dans le jour amorti,
Et le trait du profond de l'abîme est sorti
Qui, t'apportant la paix de sa pointe de flamme,
T'oriente déjà sur les routes de l'Ame
Où, l'esprit déchargé de ton corps soucieux,
Dansant comme un satyre et riant comme un dieu,
Tu n'arrêteras plus de voir et de connaître!
Guide et maître de ceux qui n'eurent point de maître
Ou, plus infortunés que leur guide trompa,
Donne-leur d'inventer ce qu'ils n'apprirent pas,
Ulysse, autre Pallas, autre fertile Homère,
Qui plantas sur l'écueil l'étoile de lumière
Et redoublas les feux de notre firmament!
L'amour même, l'amour qui traîna le tourment
D'Hélène et de Pâris en un même désastre,
A ton ciel agrandi fidèle comme un astre,
Rayonne la beauté de ton enseignement
Et la postérité lit sur tes monuments
Quelle sainte vertu, quelle raison divine
Enchaînèrent ton cœur dans ta triste poitrine:
O CŒUR, APPAISE TOI! GOUTE JUSQU'À DEMAIN
L'UNE OU L'AUTRE RIGUEUR DE TON SORT INHUMAIN.
DEMAIN LES ARTS SAVANTS NÉS DE L'INTELLIGENCE
COURONNENT TA DOULEUR, ÉPURENT TA VENGEANCE.
IL TE SERA PERMIS, O GRAND CŒUR IRRITÉ, » Charles Maurras
« Debout sur son vaisseaux près de ses compagnons
Quand le dur laboureur de l'humide sillon,
Le héros préféré de Pallas et d'Homères,
A médité l'avis que les Morts lui donnèrent,
L'aurore déchirant de célestes pâleurs,
Sur le rire des eaux jette le vent des fleurs
Et dore l'île basse où languit la Sirène:
Si le vent l'y conduit, si le courant l'y traîne,
Ulysse a consenti que son cœur soit tenté
Du prix de la sagesse ou de la volupté.
Vous me lierez, dit-il, au mât de mon navire
Sur le brasier qui meurt il amollit la cire
Et d'abord, à chacun la versant tour à tour,
Lui referme l'oreille et le fait comme un sourd.
Ils sont ainsi sauvés de l'embûche de l'onde:
A quelque enlacement de caresses profondes
Que les veuille attirer le perfide concert,
L'ignorance les garde où le savant se perd.
Souverain roi des Dieux, maître de toute chose
Le banc de la galère où ta loi me dépose
Porta jadis Ronsard et son ami Bellay.
Tout ainsi que pour eux, à ta justice il plaît
Qu'au repli de l'oreille une clôture épaisse
Interdise mon âme aux voix de la déesse
Et qu'à peine enfermé dans l'étroite prison,
Solitaire et déchu de l'empire des sons,
Dans l'ombre du cachot qu'habite le silence,
Un autre chant sonore et fluide s'élance,
Des maîtresses des Dieux redise la beauté,
Des héros fils des Dieux la générosité,
Et rende, comme il faut, la justice ou l'hommage
Aux poètes sacrés pères de tous les sages:
Mais comment ce beau choeur à l'esprit pur inné
De charnelle amertume est-il empoisonné?
Si tu m'as épargné la pointe douloureuse
Qu'élève contre Ulysse une voix langoureuse,
Quelle intime Sirène à la mer a jeté
La fleur de ma jeunesse et la simplicité?
D'où viennent ces accents dont le mystère double
La beauté qui m'émeut d'un charme qui me trouble
Et de fausses couleurs a terni pour toujours
La figure et l'esprit de l'idéal amour?
Quel est ce maléfice, ô Muse intérieure!
Si prompte à raffiner la tristesse des heures
Que ton délice même, à son plus beau moment,
Tremble, hésite et finit par avouer qu'il ment.
Néanmoins, que tu sois l'amie ou l'ennemie,
Résonne, ma Sirène, à la fibre endormie
Si, par toi seule, hélas! mon âme a répondu
Au signe que mon corps n'avait pas entendu.
Mais toi qui saisis tout sans perdre une parole,
Mon Ulysse enchaîné sur ton vaisseau qui vole
Par l'âpre volonté d'entendre et de savoir
Tout ce qu'ont répandu de promesse ou d'espoir
Les véritables chants de la nymphe marine,
Goûte au poison de feu qu'en de mâles poitrines
Cette gorge immortelle a versé comme un vin
Qui les transfigurât dans le rire divin:
Leurs os blanchis, brillant dans l'épaisseur de l'herbe,
Sont tout ce qu'a laissé de l'honneur de sa gerbe
La moisson des héros avant l'heure tranchés
Et, seule ayant joui du fruit qu'elle a fauché,
Le doux monstre accroupi sur l'antique rivage
Au calme de la mer accorde son visage
Et trouble avidement de son appel menteur
La course du navire et du navigateur.
Tu l'entends à ton tour, ô malheureux Ulysse!
Le charme est assez fort pour que ton cœur faiblisse
Et , déjà seul et nu comme le veut l'amour,
Condescende à crier à tes matelots sourds
De rompre, d'arracher les noeuds qui t'ensanglantent,
Que tu puisses nager vers l'île étincelante
Où l'aveu délirant du désir indompté
Fait le chant le plus doux que la terre ait porté:
- Aborde à ma prairie, Ulysse magnanime,
N'es-tu point fatigué d'ensemencer le flot
Et, du courroux des Dieux dangereuse victime,
D'exténuer en vain tes pauvres matelots?
Habiles à tisser un nuage de gloire,
Les conseils de Pallas étendent ton erreur.
Ont-ils assez menti! Tu ne peux plus les croire,
Viens à la vérité qui t'ouvre le bonheur.
Je t'apprendrai le sort de tes compagnons d'armes
Sur les champs du carnage où beaucoup sont restés,
Des veuves du Troyen je te dirai les larmes
Au premières douceurs de leur captivité.
Ton roi des rois succombe au lit de l'infidèle
Qui du lambeau de pourpre enveloppa son fer:
Il entend résonner les maisons paternelles
De plus de trahison que n'en punit l'enfer.
Ne crains pas que j'oublie une épouse obstinée
Sur l'antique olivier de vos jeux nuptiaux:
Elle n'a rien subi que le vol des années,
Mais, Ulysse, elle ignore et tes biens et tes maux!
Mon cœur est plus savant que la Muse elle-même
Que Mémoire sa mère instruisit tout au plus
Du bruit de vos combats et de tes stratagèmes:
Où se tait votre histoire elle ne chante plus.
Je ris de son silence et de toi je m'empare!
L'impure Océanide au soleil languissant
Du plus sage des Grecs dit le songe barbare
Et l'âcre volupté qui lui brûle le sang.
Comme le Dieu d'en bas qu'a voulu Proserpine
Est du Tartare noir au grand jour emporté,
J'élève au ciel sacré des paroles divines
Ce qui rampe et mugit dans tes obscurités!
Puissé-je t'emporter au delà de ton âme!
O captif entravé des formes d'un destin,
Toi-même as découvert aux cendres de ta flamme
Les Ulysses nombreux que ta rigueur éteint:
Pourquoi serrer ta vie à la maigre colonne
Où Sagesse et Vertu t'enchaînent de leurs noeuds?
Il reste à consoler, plus faibles que personne,
Ces Ulysses troublés, déments ou furieux.
Le peuple des désirs agite la nature,
Mais un chemin qui monte au-dessus de la mer
Tôt ou tard les conduit au centre des figures
Que les Dieux en dansant décrivent dans l'éther
Par delà ces flambeaux, esclaves magnifiques
Réduits à tournoyer dans l'orbe d'une loi,
Mon cœur t'épanouit et mon regard t'explique
Les belles libertés qui sont faites pour toi.
Résigne les fardeaux, ton sceptre, ta couronne
Et ta coque de noix sur les flots écumeux!
A ton cœur tout puissant mon être s'abandonne
Voici le myrte pâle et les roses de feu:
J'ai si longtemps rêvé dans cette solitude
Des plus tendres secrets à toi seuls découverts,
Que le sourire aigu de ma béatitude
Engage l'esprit pur aux noces de la chair.
Viens! Nos lits d'algue sèche et de menthe flétrie,
Des quatre vents du ciel embrasés nuit et jour,
Gémirent trop longtemps des lourdes rêveries
Qu'au désir ajoutait la crainte de l'amour:
Tous les flots en passant m'avaient promis ta voile,
Ne m'as-tu pas cherchée aux confins de la mort?
Quelque trait soit parti de jalouses étoiles,
Je te disputerais à la haine du sort.
O triste favori de l'écume sauvage,
C'est moi qui t'avertis de ton unique bien:
Hélas! nous fuirais-tu de rivage en rivage,
Je t'aurai dit ton âme, et le reste n'est rien!
Telle, ô sons de cristal, ô notes d'or liquide,
Telle, et plus doucement, arrache la perfide
A ton cœur fasciné l'inutile sanglot.
Quelques-uns ont rougi d'entre tes matelots,
Mais tous épouvantés du souffle qui t'appelle,
Te chargeant à l'envi d'une entrave nouvelle,
Ont fait force de bras vers le pâle horizon
Où doit fumer un jour le toit de ta maison.
Depuis, qu'un soleil dore ou qu'une lune argente
La creuse immensité de la plaine changeante,
Dans l'asile secret des ombres de ton cœur
Nul écho ne répond qu'à la molle langueur
Des plaintes d'un soupir et des larmes d'un songe.
S'il faut qu'à tes palais la course se prolonge,
Le regret douloureux qui te hante a le goût
D'une liqueur d'oubli qui se préfère à tout.
Mais tu ne frémis plus que la bonté des brises
Ait cessé de sourire à ta longue entreprise:
Qu'importe que des flots l'inutile tourment
Heurte précipité contre ton bâtiment!
De leur gouffre salé, commune sépulture,
Emergé seul et nu sur un tronc de mâture,
Le soin de te garder et de te soutenir
Est-il évanoui dans l'amer souvenir
De la haute beauté qui gonfle ta mémoire?
Aux fleuves infernaux ceux qui sont allés boire
Disputent s'ils ont lu sur les tables d'airain
Le sort qui te délivre ou le sort qui t'étreint.
Aborde Calypso, profane la déesse
Et fuis! L'aulne et le pin que ton art lie et dresse
Grondent de remporter dans le trouble des mers
Un cœur inassouvi des maux qu'il a soufferts.
Qui le rassasiera? Ton ennemi Neptune
Découvre le radeau qui porte ta fortune
Et le trident brandi sur les flots irrités
Egale à ses fureurs ton infélicité
Jusqu'à ce que, surgie entre l'onde et l'étoile,
La fille de Cadmus t'enveloppe du voile
Qui te fera dompter les flots retentissants
De tes bras vigoureux et de tes reins puissants
Et d'écueil en écueil embrasser le rivage
Où, te dissimulant sous un lit de feuillage,
Comme un feu recouvert par quelques bûcherons,
Tes membres et ton corps épuisés dormiront
Trois nuits, trois jours, comptés de couchant en aurore,
Et, comme en t'éveillant tu souffriras encore,
O trois et quatre fois heureux, gémiras-tu,
Quiconque a renoncé l'implacable vertu
Et, du cyprès amer s'il a cueilli sa rose,
Là-bas sur la prairie où les ânes reposent
De tant de matelots qui moururent d'amour,
A laissé la fatigue et les soucis du jour!
Aux rois plus qu'aux sujets la servitude humaine,
Économe des biens, est prodigue de peines.
O naufragé battu par le flot du destin,
Ombre dure opposant aux clartés du matin
Tes sursauts douloureux de fureur et d'envie,
Tu n'as point relâché les rênes de ta vie
Et ni Nausicaa, ni le divin chanteur,
Ni les sages vieillards de leurs peuples pasteurs,
Ni le vaisseau qui sut retrouver ta patrie
Mais que nul n'a revu dans la verte Schérie,
Ni, sur le sol sacré, ta déesse aux yeux clairs
Quand elle eut délivré du mensonge de l'air
Les rochers de Phorcys et les vergers d'Ithaque,
Ton vieux chien mort d'amour, ni ton beau Télémaque,
Rien ne peut alléger, tout appesantira
Ton cœur mélancolique et ton farouche bras:
Malheur aux étrangers qui, rongeant tes domaines,
Menacent du flambeau la couche de la reine!
Contre ces insensés qu'aveugla leur désir,
Tu viens comme l'épieu qu'acheva de durcir
Dans le four embrasé la langue de la flamme:
Ayant brûlé ton cœur et resserré ton âme,
Tu veux te délivrer de toi-même en frappant.
La chaste Pénélope ou la mère de Pan,
L'épouse vertueuse ou la reine infidèle
Au faîte des palais espère ou tremble-t-elle,
Pendant que des degrés à l'angle de la cour
L'arc que nul ne tendit se décharge à coups sourds,
Et la corde en vibrant jette un cri d'hirondelle?
Vos temps sont arrêtés, ô têtes criminelles!
Un dard inopiné qui vola tout d'abord
Au jeune Antinoüs a présenté la mort.
Il la reçoit debout, comme il prenait la coupe:
Le mieux né, le plus beau de l'insolente troupe
Ainsi de tout son long sur la terre est couché,
La poitrine béante et le poumon tranché.
Polybe, Amphimédon, Eurymaque suivirent
Tous les trois arrivés par le même navire
Qui ne chargera plus pour repasser la mer
Que le fardeau sanglant des os et de la chair.
Tel un troupeau parqué, proie à peine vivante,
Le reste bat les murs aux crocs de l'épouvante
Et, quand le trait l'atteint, s'écroule en vomissant
Dans l'épaisse liqueur des viandes et du sang
Cet esprit qui s'en va dans le royaume inane
Où le maître d'en bas fait la couche des Mânes.
Héros, es-tu content? Tes ennemis sont morts
Et, la terre pieuse ayant caché les corps,
Douze femmes feront la plainte funéraire.
Mais, pour avoir uni l'opprobe à l'adultère,
Sur un câble tendu de douze noeuds coulants,
Par le cou délicat de ces beaux corps tremblants,
Vers les oiseaux du ciel en grappe vengeresse
Tu leur feras porter la peine des traîtresses
Sans que leurs pieds légers frémissent trop longtemps.
Tu veux te reposer, ô mon Ulysse? Attends!
Quand, lavé, parfumé dans tes belles piscines
Tu t'es purifié de la houle marine,
Ithaque saluant aux degrés de l'autel
Tes yeux, ta chevelure et ton pas d'Immortel,
La volonté de Ceux qui font que tu revoies,
Brillante, et ses yeux doux pleins de larmes de joie,
L'intacte Pénélope, et ton père et ton fils,
Juge que tes travaux n'ont pas encor suffi
A les dédommager du coût de ta victoire:
Les morts que tu gorgeas du sang des brebis noires
N'ont-ils pas annoncé qu'il faudrait repartir?
Pars donc, acquitte-toi! Tâche de découvrir
Au delà du couchant, sous le tombeau des flammes,
Les peuples ignorant l'usage de la rame
Qui, la voûte des cieux sur le front s'abaissant,
Se traînent ou, ployés, rampent en gémissant.
Par ces confins perdus, si les astres le veulent,
Retrouve le chemin du toit de tes aïeules
Et doute qu'aujourd'hui plus qu'hier ou demain
Le Pire ou le Meilleur appartienne aux humains:
Pour s'être mesurée aux plus hautes Puissances
Ta fortune est le prix de ton obéissance,
Mais tu ne serais pas leur docile vainqueur
Si tu n'entretenais au secret de ton cœur
Assez de vénéneux regrets et d'amertume
Pour estimer la vie au poids de son écume
Et vouloir en tout temps lui porter coup pour coup.
Sûr de n'y rien laisser si ton cœur ose tout!
Que te font les combats, l'Océan, l'incendie
Et le plus ou le moins d'humaine perfidie?
La parfaite beauté qui s'est montrée à toi
N'aura fleuri qu'un jour ni chanté qu'une fois,
Mais ton esprit lui doit toute sa nourriture
Et c'est elle qui tient dans ta main froide et sûre
La pique du guerrier, la barre du marin
Et le bâton noueux du pauvre pèlerin.
Dis nous ton plus beau jour, Ulysse, je te prie,
Quand, revenu mourir en ta belle patrie
Tu gravis, appuyé sur ta crosse à clous d'or,
La tribune de marbre à la pointe du port:
Là tu t'assieds, afin que les sujets d'Ulysse
En retour de l'impôt reçoivent la justice,
Tu les accueilles tous, aucun n'est rebuté,
L'existence a mûri ton amère bonté.
Bientôt en s'écoulant la pauvre multitude
Entre la mer et toi refait la solitude,
Et l'antique unité de vos deux éléments
Sur la vague de pourpre affleure sourdement.
Le pilote muet de l'invisible barque
Approche, il resplendit d'un ordre de la Parque
Qui de cette journée allongera l'espoir
Au delà du rayon de l'étoile du soir.
Les Dieux ont accordé ce que ton cœur demande,
Un autre arc que celui que tu tendis se bande
Sous l'horizon doré, dans le jour amorti,
Et le trait du profond de l'abîme est sorti
Qui, t'apportant la paix de sa pointe de flamme,
T'oriente déjà sur les routes de l'Ame
Où, l'esprit déchargé de ton corps soucieux,
Dansant comme un satyre et riant comme un dieu,
Tu n'arrêteras plus de voir et de connaître!
Guide et maître de ceux qui n'eurent point de maître
Ou, plus infortunés que leur guide trompa,
Donne-leur d'inventer ce qu'ils n'apprirent pas,
Ulysse, autre Pallas, autre fertile Homère,
Qui plantas sur l'écueil l'étoile de lumière
Et redoublas les feux de notre firmament!
L'amour même, l'amour qui traîna le tourment
D'Hélène et de Pâris en un même désastre,
A ton ciel agrandi fidèle comme un astre,
Rayonne la beauté de ton enseignement
Et la postérité lit sur tes monuments
Quelle sainte vertu, quelle raison divine
Enchaînèrent ton cœur dans ta triste poitrine:
O CŒUR, APPAISE TOI! GOUTE JUSQU'À DEMAIN
L'UNE OU L'AUTRE RIGUEUR DE TON SORT INHUMAIN.
DEMAIN LES ARTS SAVANTS NÉS DE L'INTELLIGENCE
COURONNENT TA DOULEUR, ÉPURENT TA VENGEANCE.
IL TE SERA PERMIS, O GRAND CŒUR IRRITÉ, » Charles Maurras
Diogène- Messages : 753
Date d'inscription : 14/02/2017
Age : 36
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