Texte anonyme : qui l'a écrit ?

Seulement, en peinture, comme dans tout espèce d'art, ce qui importe, ce n'est point tant la théorie que son application. Elle ne vaut, la théorie, que par les résultats qu'elle donne. Or, je suis bien forcé de donner ici mon opinion personnelle : si la théorie des néo-impressionnistes est séduisante, leurs oeuvres ne le sont pas toujours. Elles ne sont trop souvent qu'une démonstration scientifique. Je me hâte de dire que Seurat a fait mieux.
Chez lui les couleurs se reconstituent à distance. Elles doivent en effet à leur pureté quelque chose de limpide et de frais qui enchante. Les marines, des paysages de rivière offrent à l’œil une tonalité paisible de bleu et de rose qui est comme un repos.

bix a écrit:Critique d' art ou l' art -la peinture- comme violon d' Ingres.

Je proteste contre cette manie qu'on a de le [l'art] tenir à l'écart, je ne dis pas seulement de la politique mais de l'ensemble des manifestations d'une nation. Il nous arrive tous les jours de parler de la France; je suis inquiet de voir qu'on ne le fait jamais que sur un ton de parfaite abstraction. Et la France est sans doute un organisme politique, mais elle est aussi un ensemble de personnes physiques, ayant une façon à elles de parler, de se vêtir, de se mouvoir, de travailler, de se distraire: cette réalité là, où la mieux retrouver que dans l’œuvre de tel romancier ou tel peintre, sinon dans la nature même de ce romancier ou de ce peintre; un moment tout au moins de la France inclus entre eux, et qui l'ont exprimé, ce moment, plus complètement, plus profondément, plus durablement (rien qu'en décrivant une terrasse de café ou en peignant un chapeau haut de forme) que tous les théoriciens et les sociologues officiels.
Et il ne s'agit pas seulement d'un pays, il s'agit des rapports des pays entre eux. On a plein la bouche, aujourd'hui, du mot de civilisation: sait-on seulement de quoi on parle ? Voici vraiment un peintre civilisé, le peintre proprement d'une civilisation (même un peu trop, peut-être): n'aurait-il pas été intéressant de saisir l'occasion pour marquer quelle fut son influence en Allemagne, et donc l'action par lui d'une civilisation française sur l'allemande (qui n'existe pas), de montrer l'Allemagne moderne cherchant par lui (entre autres) à se civiliser, et le cherchant avec beaucoup de bonne volonté et de respect, - au lieu de protester vainement contre une barbarie qu'on ne définit pas non plus?

shanidar a écrit:si ce n'est pas André, c'est peut-être Clara ??

Je me reprocherais cependant, avant de terminer, de ne pas parler un peu plus longuement d'un de nos compatriotes, M. Félix Vallotton, à qui nous devons déjà tout un renouvellement des procédés de la gravure sur bois. M. Vallotton, qui expose cette année une étude de femme nue allongée dans l'attitude à peu près de l'Olympia, unit dans sa manière propre la peinture de Manet au dessin d'Ingres. J'aurais dû déjà parler d'Ingres. Sa puissance n'apparaît qu'aujourd'hui tout entière. On commence seulement à voir ce que cette peinture si longtemps qualifiée d'officielle avait en réalité de révolutionnaire. On le retrouve dans les dessins de M. Denis, on le retrouve chez bien d'autres, nulle part peut être mieux que dans la toile de M. Vallotton. Le fond est uni, le corps d'une couleur plate et nuancée; elle se distingue par des qualités très fortes, sans rien qui cherche à s'insinuer ou à séduire, sans rien de joli ni de criard. Et je ne sais si souvent le mérite d'une oeuvre n'est pas en proportion de sa discrétion.