Sigismund Krzyzanowski
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Sigismund Krzyzanowski
Source : babelioNationalité : Russe
Né(e) à : Kiev , le 11/02/1887
Mort(e) à : Moscou , le 28/12/1950
Fils d'un comptable, Sigismund Domenikovitch Krzyzanowski fait des études de droit, assez longues, et entreprend, en 1912, un voyage à travers les villes et les universités européenne (Paris, Heidelberg, Milan…).
En 1914, il devient assistant dans un cabinet d’avocat, mais on perd sa trace durant la guerre mondiale de 1914-1918.
On le retrouve à Kiev en 1919, où il est connu des milieux intellectuels et étudiants par les conférences qu'il donne et les séminaires qu'il anime au Conservatoire dramatique ou à l'Institut musical. En 1922, il part pour Moscou, qu'il ne quittera pratiquemen plus, vivant à peu près sans ressources (il enseignera quelques années au Studio Dramatique d'Alexandre Taïrov) dans une chambre minuscule - qui lui inspirera sans doute l'un de ses récits fantastiques "La Superficine" -, jusqu'à sa mort en 1950, après avoir perdu l'usage de l'alphabet à la suite d'une attaque de tétanie.
Jusqu'à maintenant, sa tombe est restée introuvable.
Les éditions Verdier, dans une collection dirigée par Hélène Châtelain, s'acharnent à exhumer du néant les textes - impossible d'étiqueter -, de l'un des génies ignorés de la littérature de ce siècle.
Bibliographie en français
Le Retour de Münchhausen
Souvenirs du futur
Le Club des tueurs de lettres
Le Marque-page : Page 1
Le Thème étranger (nouvelles)
Estampillé Moscou : Page 1
Fantôme
Rue Involontaire : Page 1
màj le 4/11/2017
Hanta- Messages : 1597
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Age : 37
Re: Sigismund Krzyzanowski
Rue involontaire
Composé de trois textes, Rue involontaire, la clepsydre et le feutre gris pour clore l'ouvrage. Si ces trois récits sont passionnants, je coupe tout suspense en déclarant avoir préféré le dernier.
Dans le premier texte qui est épistolaire, le narrateur écrit à des gens qu'il ne connait pas. Seul, souffrant de cette solitude, et ayant des timbres qui ne servent pas, il décide d'écrire à ses voisins, des voisins semblant partager une vacuité existentielle dans un lieu vide également. C'est triste, mais tristement vrai.
Le second est l'histoire d'un homme qui, pour combler son inutilité ontologique, décide de boire de telle sorte que son ivresse puisse renseigner du temps qu'il passe et de l'heure qu'il est. Sa fonction deviendra alors sa nature, et son vide sera un trop plein de ce qui lui nuit. Sage conclusion philosophique de penser que le vide comme le plein peuvent constituer le néant de nos vies. grosse leçon qui n'en est pas une, un bien bel apprentissage que seuls les livres peuvent nous indiquer avec tant de clarté.
Le dernier est l'histoire d'un chapeau parasité par un pessimisme dépressif personnifié. Dès qu'un quidam passe et porte le chapeau qui se transmet suivant une malédiction fatale, le pauvre homme broie du noir par cet esprit Aquoibon jusqu'à désirer le suicide. Encore un très bon enseignement philosophique que de penser que le nihilisme et l'inertie sont davantage une cause de suicide que le simple mais douloureux malheur. Car à l'inverse de ce dernier, ne plus savoir quoi faire, ne plus tenir compte des conséquences et ne plus rien ressentir sont déjà des débuts de mort.
Très petit livre par le nombre de pages, chef d'oeuvre par le style, ouvrage indispensable par le contenu. Kant déclare qu'il y a des impératifs catégoriques en morale, il y a je pense des impératifs littéraires, des livres qui par leurs écrits conduisent à un universel et doivent donc être lus par l'univers entier. Cet ouvrage en fait partie. Magnifique.
mots-clés : #nouvelle
Hanta- Messages : 1597
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Age : 37
Re: Sigismund Krzyzanowski
Rue Involontaire
Voilà le genre de livre qui me fait dire qu'il me manque une case, ou que mes cases n'ont pas la bonne forme (ou, comme l'écrit Krzyzanowski "Cette vision du monde ne correspond pas à mes dioptries"), car il est unanimement encensé un peu partout, à juste titre je pense, et que je passe complètement à côté. Si la forme courte n'est pas idéalement adaptée pour moi, ce n'est pas que cela, car c'est une contrainte que je sais parfois dépasser.
Certes je ressens la noirceur, la solitude et le désespoir, cet insomniaque alcoolisé, qui parcourt les rues la nuit et s'adresse aux fenêtres éclairées.
Certes je perçois cette absurdité du système soviétique, si inepte qu'il faut écrire des lettres pour utiliser des timbres inutiles, sonner selon des codes incongrus pour rencontrer l'autre, et si c'est çà la Révolution....
Certes je perçois la beauté de l'écriture:
Peut-être même un peu trop ciselé pour un ivrogne alcoolisé, dont on attendait un certain empâtement de la pensée et de l’expression.
J'aime les promenades nocturnes, j'aime les fenêtres éclairées dans le noir, parlant des insomniaques "compagnons de la pensée qui ne s'éteint pas »". La vodka n'est pas mon recours, et je n'écris pas de lettres, encore moins aux inconnus, mais parfois des commentaires qui, pourquoi pas, m'aident à lutter contre certains désarrois. Mes jours ne sont pas solitaires, mais néanmoins parfois effrayés, mais mes timbres sont utiles et non absurdes. J'aurais dû partager avec cet auteur, ce ne fut pas le cas.
Je ne parlerai guère du deuxième récit, La clepsydre où je ne reconnais rien, et ne comprends pas beaucoup mieux, histoire absurde ou sens caché ? Ni du troisième, Le feutre gris où les pensées, qui naviguent, semant la mort, d'un cerveau à l'autre à dos de chapeau, comme des puces à dos de chien, ne m'ont guère convaincue, malgré la pirouette finale.
J'analyse donc les qualités de cette œuvre, mais elles ne m'accueillent pas. Il y a là une poésie sombre et absurde qui m'échappe et me désarçonne. Peut-être aurais-je dû préparer ma lecture par un bon verre de vodka, j'aurais été plus réceptive.
Voilà le genre de livre qui me fait dire qu'il me manque une case, ou que mes cases n'ont pas la bonne forme (ou, comme l'écrit Krzyzanowski "Cette vision du monde ne correspond pas à mes dioptries"), car il est unanimement encensé un peu partout, à juste titre je pense, et que je passe complètement à côté. Si la forme courte n'est pas idéalement adaptée pour moi, ce n'est pas que cela, car c'est une contrainte que je sais parfois dépasser.
Certes je ressens la noirceur, la solitude et le désespoir, cet insomniaque alcoolisé, qui parcourt les rues la nuit et s'adresse aux fenêtres éclairées.
Certes je perçois cette absurdité du système soviétique, si inepte qu'il faut écrire des lettres pour utiliser des timbres inutiles, sonner selon des codes incongrus pour rencontrer l'autre, et si c'est çà la Révolution....
Certes je perçois la beauté de l'écriture:
Ainsi, j'aime me promener la nuit. Le jour, quand l'espace rayonne de soleil et que dans la ville tournent les rayons des roues et s'arrachent les pas, le temps est peu perceptible. Mais avec la nuit, quand les objets, vivants et morts, s'inaniment, l'ombre prend la place de la chose et la repousse dans les rêves, dans la vie ombreuse.
Peut-être même un peu trop ciselé pour un ivrogne alcoolisé, dont on attendait un certain empâtement de la pensée et de l’expression.
J'aime les promenades nocturnes, j'aime les fenêtres éclairées dans le noir, parlant des insomniaques "compagnons de la pensée qui ne s'éteint pas »". La vodka n'est pas mon recours, et je n'écris pas de lettres, encore moins aux inconnus, mais parfois des commentaires qui, pourquoi pas, m'aident à lutter contre certains désarrois. Mes jours ne sont pas solitaires, mais néanmoins parfois effrayés, mais mes timbres sont utiles et non absurdes. J'aurais dû partager avec cet auteur, ce ne fut pas le cas.
Je ne parlerai guère du deuxième récit, La clepsydre où je ne reconnais rien, et ne comprends pas beaucoup mieux, histoire absurde ou sens caché ? Ni du troisième, Le feutre gris où les pensées, qui naviguent, semant la mort, d'un cerveau à l'autre à dos de chapeau, comme des puces à dos de chien, ne m'ont guère convaincue, malgré la pirouette finale.
J'analyse donc les qualités de cette œuvre, mais elles ne m'accueillent pas. Il y a là une poésie sombre et absurde qui m'échappe et me désarçonne. Peut-être aurais-je dû préparer ma lecture par un bon verre de vodka, j'aurais été plus réceptive.
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8559
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Re: Sigismund Krzyzanowski
topocl a écrit:Rue Involontaire
Voilà le genre de livre qui me fait dire qu'il me manque une case, ou que mes cases n'ont pas la bonne forme Peut-être aurais-je dû préparer ma lecture par un bon verre de vodka, j'aurais été plus réceptive.
Je glousse derrière mon écran .
Et j'ai qu'une envie : me procurer le bouquin pour voir si mes cases sont au bon endroit .
églantine- Messages : 4431
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Localisation : Savoie
Re: Sigismund Krzyzanowski
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21732
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Re: Sigismund Krzyzanowski
C'est bien le problème; parfois, je me dis que mon cerveau ressemble à ça .
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8559
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Localisation : Roanne
Re: Sigismund Krzyzanowski
huhu, moi aussi ce commentaire m'a amusé.
je conçois sans problème la frustration. pour moi Rue involontaire était la deuxième rencontre avec l'auteur et... c'était la fluidité, l'aisance de l'écriture (et de la traduction) qui m'ont rendus incapable de résister, ça va avec le propos et l'humeur forcément mais....
(mais ça peut faire du trop peu à se mettre sous la dent ?)
je conçois sans problème la frustration. pour moi Rue involontaire était la deuxième rencontre avec l'auteur et... c'était la fluidité, l'aisance de l'écriture (et de la traduction) qui m'ont rendus incapable de résister, ça va avec le propos et l'humeur forcément mais....
(mais ça peut faire du trop peu à se mettre sous la dent ?)
Vous n'êtes pas encore là, vous à qui j'écris. Pas encore, parce que la rue ne va que jusqu'au numéro 14, et que le 16 est en construction, il monte ses briques. Je n'ai pas envie que cette lettre arrive trop vite. Je préfère qu'elle parvienne sous vos yeux en même temps que le futur auquel je suis en train de penser !
Rue Involontaire : quatorze maisons et demie, et il m'a semblé que la rue prolongeait ses coudes et tortuait à travers la Russie tout entière, et qu'elle avait d'innombrables habitants comme moi, involontaires. Car mes semblables et moi - et nous ne sommes pas si peu nombreux que ça -, nous vivons tous dans la rue Involontaire de l'histoire.
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Keep on keeping on...
Re: Sigismund Krzyzanowski
j'aurais aimé que l'auteur m'adresse une lettre !
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Bédoulène- Messages : 21732
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Age : 79
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Re: Sigismund Krzyzanowski
Alors ...Grâce à Bédoulène ( qui me l'a gentiment envoyé ) j'ai pu lire l'OVNI en question : Rue Involontaire ( Bédou ) .
Que dire ? Qu'écrire ?
Déjà ma lecture date et j'aurais du en parler sur le vif . Mais je n'en ai pas eu envie .Parce que je crois que je n'avais rien à en dire . Comme si ça m'avait glissé dessus . Je n'ai pas peut-être pas trouvé la porte . Pourtant le sens m'est bien parvenu malgré les bonnes rasades de Vodka , tout cela garde grande cohérence . Le système soviétique et sa douloureuse absurdité , le grand désespoir de cet homme qui se déconnecte pour supporter la vie dans ce monde qu'il vomit , cette force de vie malgré tout qui le pousse à écrire , à ironiser , à multiplier les facéties comme un grand clown triste .
Mais ...Est-ce la forme trop brève , la traduction qui ne donne pas toute l'ampleur de l'oeuvre , l'exercice de style à portée philosophique qui n'a pas de prise sur moi ( je n'ai jamais aimé les fables et discours paraboliques et préfère bizarrement un cours bien didactique ) .
Mais voilà je suis ...satisfaite de l'avoir lue , curiosité assouvie .Et je n'ai pas dit mon dernier mot avec l'auteur : on ne peut pas se faire une idée avec une seule approche , surtout avec un ouvrage qui n'est pas représentatif de son oeuvre je pense .
Donc merci à tous pour vos échanges .
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Sigismund Krzyzanowski
J'ajoute ma petite pierre avec le rapatriement d'un commentaire sur Le Marque-page dont je garde un excellent souvenir :
Le Marque-page (recueil de nouvelles)
C'est énorme. Tellement ingénieux, drôle, ludique et en même temps désespéré. Krzyzanowski prend des histoires qu'il enchâsse les unes dans les autres à la manière des poupées russes, laissant un vertige au lecteur et l'impression que quoi qu'il veuille dire il le dit jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde. C'est délirant, extraordinairement moderne, inventif et intelligent.
J'ai particulièrement aimé Dans la pupille car comme tous les amoureux je me suis un jour vue dans l'oeil de l'autre (avec un certain effroi et une certaine cocasserie) et que souvent le diamant de l'amour se transforme en charbon ou en oubli plus vite qu'on ne le voudrait. La métaphysique articulaire et La houille jaune entraînent le lecteur dans un réjouissant et intriguant jeu de l'esprit, jusqu'à démontrer l'absurdité des hommes sans pathétique mais sans désinvolture.
Réjouissant !
Le Marque-page (recueil de nouvelles)
C'est énorme. Tellement ingénieux, drôle, ludique et en même temps désespéré. Krzyzanowski prend des histoires qu'il enchâsse les unes dans les autres à la manière des poupées russes, laissant un vertige au lecteur et l'impression que quoi qu'il veuille dire il le dit jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde. C'est délirant, extraordinairement moderne, inventif et intelligent.
J'ai particulièrement aimé Dans la pupille car comme tous les amoureux je me suis un jour vue dans l'oeil de l'autre (avec un certain effroi et une certaine cocasserie) et que souvent le diamant de l'amour se transforme en charbon ou en oubli plus vite qu'on ne le voudrait. La métaphysique articulaire et La houille jaune entraînent le lecteur dans un réjouissant et intriguant jeu de l'esprit, jusqu'à démontrer l'absurdité des hommes sans pathétique mais sans désinvolture.
Réjouissant !
Dernière édition par shanidar le Mar 25 Avr - 13:40, édité 1 fois
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Sigismund Krzyzanowski
merci Shanidar, tu me donnes envie (je le garde dans un coin de ma tête- quoi que c'est risqué - je note)
et bien ta métaphore sur l'amour !
et bien ta métaphore sur l'amour !
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21732
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Sigismund Krzyzanowski
Moi aussi finalement ça m'avait botté Le Marque-page :
Le Marque-page
Assemblage particulier de nouvelles pas tout à fait domestiquées. Un humour triste qui grince dans les marges, des récurrences de personnage et une dose de fantastique et de loufoque qui n'étouffe pas la narration. Narration qui est le point très fort de cette mixture, la première nouvelle est d'ailleurs pour moi la meilleure du recueil, des histoires qui en amènent d'autres et une imagination qui suit son chemin n'importe où avec une facilité déconcertante jusqu'à l'abus revendiqué. L'abus dans lequel le lecteur avide est évidemment piégé et qui se retrouve pour le coup laissé en suspens en même temps que le texte, dans un état de victime attentive et amusée mais bel et bien victime de l'ombre du décalage.
J'avais un peu peur d'un trop plein d'effet de "nouvelles juste loufoques". Il y a plus que ça, incontestablement !
Le Marque-page
Assemblage particulier de nouvelles pas tout à fait domestiquées. Un humour triste qui grince dans les marges, des récurrences de personnage et une dose de fantastique et de loufoque qui n'étouffe pas la narration. Narration qui est le point très fort de cette mixture, la première nouvelle est d'ailleurs pour moi la meilleure du recueil, des histoires qui en amènent d'autres et une imagination qui suit son chemin n'importe où avec une facilité déconcertante jusqu'à l'abus revendiqué. L'abus dans lequel le lecteur avide est évidemment piégé et qui se retrouve pour le coup laissé en suspens en même temps que le texte, dans un état de victime attentive et amusée mais bel et bien victime de l'ombre du décalage.
J'avais un peu peur d'un trop plein d'effet de "nouvelles juste loufoques". Il y a plus que ça, incontestablement !
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Re: Sigismund Krzyzanowski
Le Marque-page (recueil de nouvelles)
"C'est énorme. Tellement ingénieux, drôle, ludique et en même temps désespéré. Krzyzanowski prend des histoires qu'il enchâsse les unes dans les autres à la manière des poupées russes, laissant un vertige au lecteur et l'impression que quoi qu'il veuille dire il le dit jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde. C'est délirant, extraordinairement moderne, inventif et intelligent."
ESTAMPILLE MOSCOU
D'abord il y a un récit par lettres où l'auteur donne sa vision de Moscou et j'ai rarement lu plus belle description d'une ville.
A la fois précise et documentée.
Ensuite, il y a une suite de petits récits ou nouvelles écrits pendant la guerre de 4O.
Et parmi tous ceux-ci, il y en a un qui m'a ébloui.
Le Mi bémol offensé
Un groupe de chanteurs répète un opéra. Ils ont froid et faim et rouspètent auprès du directeur qui n'en peut mais.
On est en guerre et l' aviation allemande bombarde la ville.
Une qui a encore plus froid, c'est Galka, la cantatrice, qui grelotte, bien que vêtue d'un manteau de fourrure.
On approche du final et
"Et soudain la voix de la cantatrice retombe d'une octave, au lieu de s'envoler vers les hauteurs, le mi bémol tant attendu descend cinq touches noires et sept blanches et revient à son point de départ ; l'alouette qui a presque touché du bout de son aile tremblante la Porte du Paradis, redescend vers la terre pour regagner son nid.
Les mains de la prima donna se cachent dans son manchon, et sa voix sortant de son col de fourrure prend un ton sourd, comme étouffée par une sourdine :
- Je ne peux pas chanter dans une salle non chauffée. C'est une torture.
C'est... Il n' y a pas de mots pour cela."
On l'encourage, on la supplie et la répétition reprend :
"Galina Alexandrovna se rappelait, non pas seulement dans sa mémoire, mais dans toutes les fibres de son corps, la jeune fille Galka qu'elle avait été à l'aube de sa
vie. Et elles chantaient ensemble, Galina et Galka, la femme et la jeune fille, le printemps et l'été de la vie...
Le tableau était fini. Le moment crucial approchait. Assise dans sa loge devant son miroir, Galina rajustait son maquillage d'un coup de pinceau. Maintenant il allait retentir le mi bémol enfui depuis tant de jours.
Vivement cet instant.
Comme en réponse à ses pensées, retentit au delà des murs le glissando strident de la sirène : une alerte...
Sans le couloir, des pas précipités, les uns derrière les autres. Quelque part au loin, le staccato métallique des batteries antiaériennes. Là haut, comme un écho étouffé, le bruit sourd des explosions. A contretemps, un choc fort et profond fit tinter d' une voix de fausset les pendeloques de verre de la lampe.
On courait. Au loin une porte claqua. La lumière baissa jusqu' à ne plus laisser voir qu'un fil rougeâtre dans l'ampoule. Autour, tout était silencieux, comme dans la salle de théatre, lorsque toutes les portes sont fermées et que la rampe s' allume.
Un nouveau coup fit trembler nerveusement la table de toilette, le cadre et le verre du miroir.
Le rideau se leva.
Soudain, l'orchestre qui grondait là-haut, au dessus des toits, interrompit son ouverture. Et elle se mit à chanter, et elle chanta l'air qui ne voulait plus attendre.
Dans le théatre désert et abandonné, la voix chantait d'elle-même.
Il n'y avait ni chef d'orchestre ni salle comble. Le coeur battait la mesure, et seule l'âme écoutait. La voix montait tel un marcheur solitaire sur un sentier de montagne grimpant vers les sommets.
Cette voix libre et heureuse chantait pour la ville et pour le monde, pour les abris et pour les cimetières, ne leur promettant rien qu'elle-même, une voix chaude et vivante, toute vibrante.
Les six mesures approchèrent - elt le mi bémol, tel l'oiseau effrayé, se détacha du sommet, s'éleva dans les airs et plana tout là-haut dans les airs."
"C'est énorme. Tellement ingénieux, drôle, ludique et en même temps désespéré. Krzyzanowski prend des histoires qu'il enchâsse les unes dans les autres à la manière des poupées russes, laissant un vertige au lecteur et l'impression que quoi qu'il veuille dire il le dit jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde. C'est délirant, extraordinairement moderne, inventif et intelligent."
C'est Shanidar qui l'écrit et je n'ai rien à rajouter sinon que c'est encore mieux, plus fort dans
ESTAMPILLE MOSCOU
D'abord il y a un récit par lettres où l'auteur donne sa vision de Moscou et j'ai rarement lu plus belle description d'une ville.
A la fois précise et documentée.
Ensuite, il y a une suite de petits récits ou nouvelles écrits pendant la guerre de 4O.
Et parmi tous ceux-ci, il y en a un qui m'a ébloui.
Le Mi bémol offensé
Un groupe de chanteurs répète un opéra. Ils ont froid et faim et rouspètent auprès du directeur qui n'en peut mais.
On est en guerre et l' aviation allemande bombarde la ville.
Une qui a encore plus froid, c'est Galka, la cantatrice, qui grelotte, bien que vêtue d'un manteau de fourrure.
On approche du final et
"Et soudain la voix de la cantatrice retombe d'une octave, au lieu de s'envoler vers les hauteurs, le mi bémol tant attendu descend cinq touches noires et sept blanches et revient à son point de départ ; l'alouette qui a presque touché du bout de son aile tremblante la Porte du Paradis, redescend vers la terre pour regagner son nid.
Les mains de la prima donna se cachent dans son manchon, et sa voix sortant de son col de fourrure prend un ton sourd, comme étouffée par une sourdine :
- Je ne peux pas chanter dans une salle non chauffée. C'est une torture.
C'est... Il n' y a pas de mots pour cela."
On l'encourage, on la supplie et la répétition reprend :
"Galina Alexandrovna se rappelait, non pas seulement dans sa mémoire, mais dans toutes les fibres de son corps, la jeune fille Galka qu'elle avait été à l'aube de sa
vie. Et elles chantaient ensemble, Galina et Galka, la femme et la jeune fille, le printemps et l'été de la vie...
Le tableau était fini. Le moment crucial approchait. Assise dans sa loge devant son miroir, Galina rajustait son maquillage d'un coup de pinceau. Maintenant il allait retentir le mi bémol enfui depuis tant de jours.
Vivement cet instant.
Comme en réponse à ses pensées, retentit au delà des murs le glissando strident de la sirène : une alerte...
Sans le couloir, des pas précipités, les uns derrière les autres. Quelque part au loin, le staccato métallique des batteries antiaériennes. Là haut, comme un écho étouffé, le bruit sourd des explosions. A contretemps, un choc fort et profond fit tinter d' une voix de fausset les pendeloques de verre de la lampe.
On courait. Au loin une porte claqua. La lumière baissa jusqu' à ne plus laisser voir qu'un fil rougeâtre dans l'ampoule. Autour, tout était silencieux, comme dans la salle de théatre, lorsque toutes les portes sont fermées et que la rampe s' allume.
Un nouveau coup fit trembler nerveusement la table de toilette, le cadre et le verre du miroir.
Le rideau se leva.
Soudain, l'orchestre qui grondait là-haut, au dessus des toits, interrompit son ouverture. Et elle se mit à chanter, et elle chanta l'air qui ne voulait plus attendre.
Dans le théatre désert et abandonné, la voix chantait d'elle-même.
Il n'y avait ni chef d'orchestre ni salle comble. Le coeur battait la mesure, et seule l'âme écoutait. La voix montait tel un marcheur solitaire sur un sentier de montagne grimpant vers les sommets.
Cette voix libre et heureuse chantait pour la ville et pour le monde, pour les abris et pour les cimetières, ne leur promettant rien qu'elle-même, une voix chaude et vivante, toute vibrante.
Les six mesures approchèrent - elt le mi bémol, tel l'oiseau effrayé, se détacha du sommet, s'éleva dans les airs et plana tout là-haut dans les airs."
bix_229- Messages : 15439
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