Associations d'images et de livres

« On voit alors nettement saint Georges s’apprêtant à aller combattre le dragon et faisant ses adieux à la principessa. Sur la moitié gauche de la scène n’est conservé que le monstre un peu effacé et deux petits de sa portée, encore sans ailes. Sont éparpillés çà et là quelques os et pièces de squelettes, reliefs des animaux et des humains sacrifiés à l’appétit de la bête. Mais le vide par lequel se prolonge le fragment laisse encore soupçonner l’effroi qui, selon la légende, est censé s’être emparé jadis des habitants de la ville palestinienne de Lydda. Le pan droit de la fresque, autre scène majeure, est à peu de chose près complet. Une contrée à l’atmosphère plutôt septentrionale s’élève, comme l’incite à le dire ce type de représentation picturale, dans le ciel bleu. Sur un bras de mer, un bateau aux voiles gonflées est le seul élément de la composition renvoyant aux lointains. Sinon tout est présence tangible, et la campagne vallonnée, les champs labourés, les haies et les halliers, la ville avec ses toits, ses tours, ses créneaux, son gibet où se balancent encore les pendus – motif prisé de l’époque – confèrent à la scène une intensité particulière. Buissons, broussailles et feuillages sont peints avec une méticulosité extrême et avec amour aussi ces animaux auxquels Pisanello prêtait toujours la plus grande attention : la cigogne volant vers l’intérieur des terres, les chiens, le bélier et les chevaux des sept cavaliers, parmi lesquels figure un archer kalmouk au visage crispé en une tension douloureuse. Au milieu de la fresque, la princesse dans son habit de plumes et San Giorgio, dont l’argent de l’armure s’écaille mais qu’auréole encore l’éclat de sa chevelure d’or rouge. Il est étonnant de voir comment Pisanello s’est entendu à créer un contraste entre le mâle regard du chevalier, saillant, exorbité presque, déjà dévié vers la rude besogne sanglante qui l’attend, et, uniquement suggérée par l’abaissement imperceptible du bord inférieur de la paupière, la pudique résignation de l’œil féminin. »
W. G. Sebald, Vertiges

Tristram a écrit:

Centrale nucléaire de Gravelines vue du platier d'Oye

« C'est plutôt cette impression de menace invisible, inconnaissable qui est si inquiétante. C'est un peu l'effet que me produit la centrale : une force dangereuse, imprévisible, que je ne peux ni contrôler ni même comprendre. »
P. D. James, Par action et par omission

Saint Georges et le dragon par Paolo Uccello

Spoiler:

« L’Énigme de Hitler, de Salvador Dalí. Un tableau unique et obsédant. Je l’ai vu il y a des années, mais certains détails surréalistes sont restés gravés dans ma mémoire. L’arbre sauvage, la photo déchirée de Hitler sur l’assiette creuse, l’immense téléphone brisé et la larme qui goutte, symbole du contrôle idéologique exercé sur les populations. Ici, aujourd’hui, on n’aurait qu’à remplacer le combiné du téléphone par un câble Internet, et la photo de Hitler par celle de Mao. Dans le tableau, je me rappelle aussi une silhouette noire qui émerge de derrière un parapluie. Que représente-t-elle ? Peut-être n’importe qui ou bien l’allégorie de l’illusion collective. Cela peut être moi, ou vous. Hier, m’a mère m’a dit quelque chose qui m’a profondément éclairé : tant que l’on fait partie du tableau, on ne peut pas voir la perspective. »
Qiu Xiaolong, Cyber China