Lectures d'avril
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faustine- Messages : 257
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Re: Lectures d'avril
tatie j'ai terminé la lecture de "Betty".
ce livre donne une belle leçon de vie.
Malheureusement , rien n'est changé côté racisme. D'ailleurs, on parle du sheriff qui en 1984 je pense a participé au massacre d'un noir qui a été brulé vif.
Betty n'est pas noire, elle est une cherokee.
J'avoue avoir eu très souvent les larmes aux yeux.
Très beau récit écrit par al fille de Betty.
ce livre donne une belle leçon de vie.
Malheureusement , rien n'est changé côté racisme. D'ailleurs, on parle du sheriff qui en 1984 je pense a participé au massacre d'un noir qui a été brulé vif.
Betty n'est pas noire, elle est une cherokee.
J'avoue avoir eu très souvent les larmes aux yeux.
Très beau récit écrit par al fille de Betty.
faustine- Messages : 257
Date d'inscription : 09/12/2016
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Re: Lectures d'avril
Merci Faustine !
- Maison de reve : Craig Higginson (Af. du Sud)
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bix_229- Messages : 15439
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Localisation : Lauragais
Re: Lectures d'avril
Mason & Dixon de Thomas Pynchon, je continue (entre routine et dispersion ?). J'en ai encore pour quelques temps !
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Keep on keeping on...
Re: Lectures d'avril
Très belle lecture, animal, dans laquelle il est aisé de se plonger et de se perdre !
Avadoro- Messages : 1400
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Re: Lectures d'avril
Merci faustine ! Ce livre me tente bien.
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Armor- Messages : 4589
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Re: Lectures d'avril
Armor , je pense que une ne seras pas déçu.
il y a une telle force dans cette famille , le papa est épatant , Betty y trouve un réel réconfort chez lui.
La vie n'est point rose mais il ne baisse jamais les bras.
J'attends le commentaire de tatie.
il y a une telle force dans cette famille , le papa est épatant , Betty y trouve un réel réconfort chez lui.
La vie n'est point rose mais il ne baisse jamais les bras.
J'attends le commentaire de tatie.
faustine- Messages : 257
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 65
Localisation : Belgique
Re: Lectures d'avril
faustine, je ne sais pas si on doit ouvrir un fil, car ce livre m'a laissé un certain malaise.
En réalité, j'ai l'impression d'être la seule à ne pas avoir aimé (malgré d'évidentes pages poétiques).
Il y aurait un débat à ouvrir d'ailleurs sur une certaine "mode" aux scènes scabreuses et insupportables.
(à rapprocher de Gabriel Tallent et Hanya Yanagihara).
Beaucoup de violences sexuelles...
Je vais prendre mes distances avec ces livres très bien vendus par la presse, sans doute addictifs et pas trop mal écrits, mais il y a une surenchère.
Bref, à débattre et à méditer.
Voilà pourquoi je me taisais sur Betty.
Je viens de finir Antonin Artaud - Van Gogh le suicidé de la société.
Et c'est d'un autre calibre (il faut aussi que j'en parle ici).
Quelle langue ! Quelle richesse d'idées et d'angles de vue sur l'immortel Vincent !
En réalité, j'ai l'impression d'être la seule à ne pas avoir aimé (malgré d'évidentes pages poétiques).
Il y aurait un débat à ouvrir d'ailleurs sur une certaine "mode" aux scènes scabreuses et insupportables.
(à rapprocher de Gabriel Tallent et Hanya Yanagihara).
Beaucoup de violences sexuelles...
Je vais prendre mes distances avec ces livres très bien vendus par la presse, sans doute addictifs et pas trop mal écrits, mais il y a une surenchère.
Bref, à débattre et à méditer.
Voilà pourquoi je me taisais sur Betty.
Je viens de finir Antonin Artaud - Van Gogh le suicidé de la société.
Et c'est d'un autre calibre (il faut aussi que j'en parle ici).
Quelle langue ! Quelle richesse d'idées et d'angles de vue sur l'immortel Vincent !
Tatie- Messages : 278
Date d'inscription : 14/02/2021
Re: Lectures d'avril
Van Gogh, le suicidé de la société, sans doute le meilleur livre sur le peintre et sur Artaud aussi.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
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Re: Lectures d'avril
Je n'ai pas encore sombré dans la fascination. ça se lit et ça relève un sourcil par moments mais c'est aussi un peu répétitif.Avadoro a écrit:Très belle lecture, animal, dans laquelle il est aisé de se plonger et de se perdre !
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Re: Lectures d'avril
Tatie a écrit:faustine, je ne sais pas si on doit ouvrir un fil, car ce livre m'a laissé un certain malaise.
En réalité, j'ai l'impression d'être la seule à ne pas avoir aimé (malgré d'évidentes pages poétiques).
Il y aurait un débat à ouvrir d'ailleurs sur une certaine "mode" aux scènes scabreuses et insupportables.
(à rapprocher de Gabriel Tallent et Hanya Yanagihara).
Beaucoup de violences sexuelles...
Je vais prendre mes distances avec ces livres très bien vendus par la presse, sans doute addictifs et pas trop mal écrits, mais il y a une surenchère.
Bref, à débattre et à méditer.
Voilà pourquoi je me taisais sur Betty.
J'ai la même répulsion pour les romans à sensation qui jouent avec complaisance sur le gore et autres ressorts "somatiques" faciles et indécents ; mais il me semble justement qu'il vaut la peine de signaler cet avis aux autres lecteurs, ne serait-ce que pour les démarquer des oeuvres littéraires de valeur amenées à employer ce type de descriptions.
Sinon, sous les instances de Bix (et Coli), je lis Le Solitaire, d'Eugène Ionesco.
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15643
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lectures d'avril
oui il y a des scènes insupportables comme l'inceste , les coutumes cherokee pas toujours agréables à lire....
Je suis sortie de ce livre , troublée.Mais je ne regrette pas la lecture.Avis perso, bien sûr, je ne trouve pas ce livre romantique.
Je ne connais pas les deux auteurs que tu cites.
Je suis sortie de ce livre , troublée.Mais je ne regrette pas la lecture.Avis perso, bien sûr, je ne trouve pas ce livre romantique.
Je ne connais pas les deux auteurs que tu cites.
faustine- Messages : 257
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Re: Lectures d'avril
Bonjour :-)
Quasimodo : oui, je suis arrivée au bout de Mireille en version bilingue. Cela diffère de l'Occitan que je lis d'habitude parce-que Mistral a choisi de simplifier l'écriture pour la rapprocher de la prononciation.
Mais toutes ces variantes, si elles compliquent la vie, font aussi mon bonheur.
J'ai lu deux fois "Ma vie parmi les ombres" de Millet et "La gloire des Pythre" aussi.
En revanche, l'homme ne m'étant pas vraiment sympathique je n'ai pas essayé son Journal. Tu en as pensé quoi ?
Très bon souvenir de "Les vies minuscules" de Michon.
Pour moi :
"La découverte du monde" de Clarice Lispector
"La gourmandise de Guillaume Apollinaire" de Geneviève Dormann. Pas désagréable.
"Correspondance privée" Lawrence Durrell - Henry Miller". S'annonce très intéressant.
Quasimodo : oui, je suis arrivée au bout de Mireille en version bilingue. Cela diffère de l'Occitan que je lis d'habitude parce-que Mistral a choisi de simplifier l'écriture pour la rapprocher de la prononciation.
Mais toutes ces variantes, si elles compliquent la vie, font aussi mon bonheur.
J'ai lu deux fois "Ma vie parmi les ombres" de Millet et "La gloire des Pythre" aussi.
En revanche, l'homme ne m'étant pas vraiment sympathique je n'ai pas essayé son Journal. Tu en as pensé quoi ?
Très bon souvenir de "Les vies minuscules" de Michon.
Pour moi :
"La découverte du monde" de Clarice Lispector
"La gourmandise de Guillaume Apollinaire" de Geneviève Dormann. Pas désagréable.
"Correspondance privée" Lawrence Durrell - Henry Miller". S'annonce très intéressant.
majeanne- Messages : 19
Date d'inscription : 04/02/2021
Re: Lectures d'avril
@majeanne Correspondance privée" Lawrence Durrell - Henry Miller".
Oui, tous deux excellents épistoliers.
Oui, tous deux excellents épistoliers.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
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Re: Lectures d'avril
J'ai aussi apprécié Ma vie parmi les ombres, et d'autres comme Le Sentiment de la langue et Le désenchantement de la littérature, même si La confession négative m'a laissé dubitatif _ et je m'aperçois que Millet n'a pas encore de fil ! Que de choses à faire encor ! Allez, je m'y colle, avec La Gloire des Pythre, dont on m'a déjà dit beaucoup de bien.majeanne a écrit:J'ai lu deux fois "Ma vie parmi les ombres" de Millet et "La gloire des Pythre" aussi.
En revanche, l'homme ne m'étant pas vraiment sympathique je n'ai pas essayé son Journal.
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Tristram- Messages : 15643
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Re: Lectures d'avril
Millet ? Moralement indéfendable. Totalement puant.
Annie Ernaux écrit :
J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik (P.-G. de Roux, 120 p., 16 €) dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n'avais lus jusqu'ici qu'au passé, chez des écrivains des années 1930.
Je ne ferai pas silence sur cet écrit à la raison que réagir renforce la posture de martyr, d'écrivain maudit, qu'il s'est construite. Ou qu'il s'agirait là d'un délire, d'un "pétage de plombs" ne méritant pas une ligne. C'est dédouaner facilement la responsabilité d'un écrivain réputé pour savoir manier la langue à merveille.
Richard Millet est tout le contraire d'un fou. Chaque phrase, chaque mot est écrit en toute connaissance de cause et, j'ajouterai, des conséquences possibles. Traiter par le silence et le mépris un texte porteur de menaces pour la cohésion sociale, c'est prendre le risque de se mépriser soi-même plus tard. Parce qu'on s'est tu.
Je ne me laisserai pas non plus intimider par ceux qui brandissent sans arrêt, en un réflexe pavlovien, la liberté d'expression et le droit des écrivains à tout dire – on attend donc un "Eloge littéraire de Marc Dutroux" –, hurlant à la censure pour bâillonner celui ou celle qui, après avoir examiné de quoi il retourne dans cet opuscule, ose – quelle audace ! – s'interroger sur les responsabilités de son auteur au sein d'une maison d'édition.
Balayons d'abord la prétendue ironie du titre que, selon l'auteur, les lecteurs, bouchés à l'émeri, n'ont pas perçue. Et pour cause, elle n'y est pas et on en chercherait en vain une once dans la suite du texte. On soupçonne l'adjectif "littéraire" de n'être là que pour la douane – la loi –, comme la précaution liminaire, réitérée plus loin par deux fois, dans laquelle Richard Millet déclare ne pas approuver les actes d'Anders Breivik. Et pour se mettre solidement à couvert, il ne craint pas d'user d'un sophisme tellement aveuglant qu'il a ébloui ses défenseurs : 1. La perfection et le Mal ont toujours à voir avec la littérature ; 2. Anders Breivik, par son crime, a porté le Mal à sa perfection ; 3. Donc, je me pencherai sur "la dimension littéraire" de son crime. Inattaquable. Saluez l'artiste qui se flatte d'isoler et d'extraire d'un criminel de masse sa seule "dimension littéraire".
En réalité, il n'en est rien. C'est la littérature qui est ici au service d'Anders Breivik : en tant qu'elle est la pièce essentielle du développement de la thèse de Millet. Elle est enrôlée de force dans une logique d'exclusion et de guerre civile, dont la portée politique, à moins d'être aveugle, est flagrante.
Pour saisir la rhétorique perverse du dispositif mis en place par Richard Millet, on ne doit pas dissocier l'Eloge de Langue fantôme : Essai sur la paupérisation de la littérature. Il faut accepter de lire ce tableau ahurissant de la littérature contemporaine – française, européenne, américaine –, qui ne serait qu'insignifiance, indigence, niaiserie, "ordure romanesque". Cette "postlittérature" est le fruit, pêle-mêle, du multiculturalisme, de l'antiracisme, des droits de l'homme, de la "bien-pensance", qui font régner la terreur dans les sociétés démocratiques.
La vraie littérature, elle, est morte. Ce qui l'a tuée : "le repeuplement de l'Europe par des populations dont la culture est la plus étrangère à la nôtre", autrement dit, l'immigration non-européenne. Et, avec quelque précaution, tant le saut imposé à la raison du lecteur est énorme, l'auteur assène : "Le rapport entre la littérature et l'immigration peut sembler sans fondement ; il est en réalité central et donne lieu à un vertige identitaire." Par un autre coup de force, il fait de l'identité "l'enjeu de la littérature".
Ainsi l'immigré, qui est censé menacer "la pureté" – fantasmatique, elle n'a jamais existé – de la langue française, celui dont la mémoire est ancrée dans une autre culture, un autre héritage que le mien–- il vit dans les mêmes espaces, dans le même monde, mais cela Millet ne veut pas le savoir, ou l'accepter – donc ce non-Français de "souche", de "sang" serait en train de s'infiltrer dans mon imaginaire, mon écriture, de m'imposer sans que je le veuille des schèmes de pensée ? De me coloniser ? Je n'exagère pas, je feins seulement d'appliquer à moi-même ce que Richard Millet affirme, à savoir que les écrivains se trouvent "dans une situation néocoloniale inédite". Une déclaration incroyable dont la gravité devrait interpeller tous les écrivains."
Car ce qui est suggéré dans cet Eloge qui suit le tableau de ruines de Langue fantôme – dans une succession qui fait sens – est effrayant. Apparentant Breivik à un "écrivain par défaut", affirmant "la perfection formelle" de ses crimes et "la perfection de l'écriture au fusil d'assaut qui le mène au-delà du justifiable", Richard Millet se plaît à faire miroiter la supériorité performative du fusil sur la plume.
En l'occurrence, celle de Richard Millet s'est bel et bien mise au service du fusil d'assaut d'Anders Breivik, en attisant la haine à l'égard des populations d'origine étrangère, des musulmans vivant sur notre sol, en dressant des catégories de citoyens contre d'autres dans une trouble attente, voire espérance – du pire.
Oui, ce texte répugnant, comme le qualifie à juste titre Jean-Marie Le Clézio, est un acte politique à visée destructrice des valeurs qui fondent la démocratie française. C'est pourquoi, au lieu des questions effarouchées que lui posent les médias, il faut oser demander à Richard Millet : "Que voulez-vous ? La fermeture des frontières ? Le renvoi de tous ceux qui ne sont pas 'français de sang' ? Quel régime à la place de cette démocratie que vous haïssez ?"
J'écris depuis plus de quarante ans. Pas davantage aujourd'hui qu'hier je ne me sens menacée dans ma vie quotidienne, en grande banlieue parisienne, par l'existence des autres qui n'ont pas ma couleur de peau, ni dans l'usage de ma langue par ceux qui ne sont pas "français de sang", parlent avec un accent, lisent le Coran, mais qui vont dans les écoles où, tout comme moi autrefois, ils apprennent à lire et écrire le français. Et, par-dessus tout, jamais je n'accepterai qu'on lie mon travail d'écrivain à une identité raciale et nationale me définissant contre d'autres et je lutterai contre ceux qui voudraient imposer ce partage de l'humanité.
Une jeune romancière, qui n'est pas d'origine européenne, m'a écrit ces jours-ci à propos du livre de Millet et de la tiédeur des réactions du milieu littéraire : "Comme je me sens, moi et mes enfants, visée par ces attaques contre le multiculturalisme et le métissage, je me dis que si ces idées devaient prendre corps et réalité, nous serions bien seuls." Il est encore temps d'agir afin que n'advienne jamais cette réalité, et pour commencer, d'appeler un chat un chat et l'Eloge littéraire d'Anders Breivik un pamphlet fasciste qui déshonore la littérature.
Annie Ernaux écrit :
J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik (P.-G. de Roux, 120 p., 16 €) dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n'avais lus jusqu'ici qu'au passé, chez des écrivains des années 1930.
Je ne ferai pas silence sur cet écrit à la raison que réagir renforce la posture de martyr, d'écrivain maudit, qu'il s'est construite. Ou qu'il s'agirait là d'un délire, d'un "pétage de plombs" ne méritant pas une ligne. C'est dédouaner facilement la responsabilité d'un écrivain réputé pour savoir manier la langue à merveille.
Richard Millet est tout le contraire d'un fou. Chaque phrase, chaque mot est écrit en toute connaissance de cause et, j'ajouterai, des conséquences possibles. Traiter par le silence et le mépris un texte porteur de menaces pour la cohésion sociale, c'est prendre le risque de se mépriser soi-même plus tard. Parce qu'on s'est tu.
Je ne me laisserai pas non plus intimider par ceux qui brandissent sans arrêt, en un réflexe pavlovien, la liberté d'expression et le droit des écrivains à tout dire – on attend donc un "Eloge littéraire de Marc Dutroux" –, hurlant à la censure pour bâillonner celui ou celle qui, après avoir examiné de quoi il retourne dans cet opuscule, ose – quelle audace ! – s'interroger sur les responsabilités de son auteur au sein d'une maison d'édition.
Balayons d'abord la prétendue ironie du titre que, selon l'auteur, les lecteurs, bouchés à l'émeri, n'ont pas perçue. Et pour cause, elle n'y est pas et on en chercherait en vain une once dans la suite du texte. On soupçonne l'adjectif "littéraire" de n'être là que pour la douane – la loi –, comme la précaution liminaire, réitérée plus loin par deux fois, dans laquelle Richard Millet déclare ne pas approuver les actes d'Anders Breivik. Et pour se mettre solidement à couvert, il ne craint pas d'user d'un sophisme tellement aveuglant qu'il a ébloui ses défenseurs : 1. La perfection et le Mal ont toujours à voir avec la littérature ; 2. Anders Breivik, par son crime, a porté le Mal à sa perfection ; 3. Donc, je me pencherai sur "la dimension littéraire" de son crime. Inattaquable. Saluez l'artiste qui se flatte d'isoler et d'extraire d'un criminel de masse sa seule "dimension littéraire".
En réalité, il n'en est rien. C'est la littérature qui est ici au service d'Anders Breivik : en tant qu'elle est la pièce essentielle du développement de la thèse de Millet. Elle est enrôlée de force dans une logique d'exclusion et de guerre civile, dont la portée politique, à moins d'être aveugle, est flagrante.
Pour saisir la rhétorique perverse du dispositif mis en place par Richard Millet, on ne doit pas dissocier l'Eloge de Langue fantôme : Essai sur la paupérisation de la littérature. Il faut accepter de lire ce tableau ahurissant de la littérature contemporaine – française, européenne, américaine –, qui ne serait qu'insignifiance, indigence, niaiserie, "ordure romanesque". Cette "postlittérature" est le fruit, pêle-mêle, du multiculturalisme, de l'antiracisme, des droits de l'homme, de la "bien-pensance", qui font régner la terreur dans les sociétés démocratiques.
La vraie littérature, elle, est morte. Ce qui l'a tuée : "le repeuplement de l'Europe par des populations dont la culture est la plus étrangère à la nôtre", autrement dit, l'immigration non-européenne. Et, avec quelque précaution, tant le saut imposé à la raison du lecteur est énorme, l'auteur assène : "Le rapport entre la littérature et l'immigration peut sembler sans fondement ; il est en réalité central et donne lieu à un vertige identitaire." Par un autre coup de force, il fait de l'identité "l'enjeu de la littérature".
Ainsi l'immigré, qui est censé menacer "la pureté" – fantasmatique, elle n'a jamais existé – de la langue française, celui dont la mémoire est ancrée dans une autre culture, un autre héritage que le mien–- il vit dans les mêmes espaces, dans le même monde, mais cela Millet ne veut pas le savoir, ou l'accepter – donc ce non-Français de "souche", de "sang" serait en train de s'infiltrer dans mon imaginaire, mon écriture, de m'imposer sans que je le veuille des schèmes de pensée ? De me coloniser ? Je n'exagère pas, je feins seulement d'appliquer à moi-même ce que Richard Millet affirme, à savoir que les écrivains se trouvent "dans une situation néocoloniale inédite". Une déclaration incroyable dont la gravité devrait interpeller tous les écrivains."
Car ce qui est suggéré dans cet Eloge qui suit le tableau de ruines de Langue fantôme – dans une succession qui fait sens – est effrayant. Apparentant Breivik à un "écrivain par défaut", affirmant "la perfection formelle" de ses crimes et "la perfection de l'écriture au fusil d'assaut qui le mène au-delà du justifiable", Richard Millet se plaît à faire miroiter la supériorité performative du fusil sur la plume.
En l'occurrence, celle de Richard Millet s'est bel et bien mise au service du fusil d'assaut d'Anders Breivik, en attisant la haine à l'égard des populations d'origine étrangère, des musulmans vivant sur notre sol, en dressant des catégories de citoyens contre d'autres dans une trouble attente, voire espérance – du pire.
Oui, ce texte répugnant, comme le qualifie à juste titre Jean-Marie Le Clézio, est un acte politique à visée destructrice des valeurs qui fondent la démocratie française. C'est pourquoi, au lieu des questions effarouchées que lui posent les médias, il faut oser demander à Richard Millet : "Que voulez-vous ? La fermeture des frontières ? Le renvoi de tous ceux qui ne sont pas 'français de sang' ? Quel régime à la place de cette démocratie que vous haïssez ?"
J'écris depuis plus de quarante ans. Pas davantage aujourd'hui qu'hier je ne me sens menacée dans ma vie quotidienne, en grande banlieue parisienne, par l'existence des autres qui n'ont pas ma couleur de peau, ni dans l'usage de ma langue par ceux qui ne sont pas "français de sang", parlent avec un accent, lisent le Coran, mais qui vont dans les écoles où, tout comme moi autrefois, ils apprennent à lire et écrire le français. Et, par-dessus tout, jamais je n'accepterai qu'on lie mon travail d'écrivain à une identité raciale et nationale me définissant contre d'autres et je lutterai contre ceux qui voudraient imposer ce partage de l'humanité.
Une jeune romancière, qui n'est pas d'origine européenne, m'a écrit ces jours-ci à propos du livre de Millet et de la tiédeur des réactions du milieu littéraire : "Comme je me sens, moi et mes enfants, visée par ces attaques contre le multiculturalisme et le métissage, je me dis que si ces idées devaient prendre corps et réalité, nous serions bien seuls." Il est encore temps d'agir afin que n'advienne jamais cette réalité, et pour commencer, d'appeler un chat un chat et l'Eloge littéraire d'Anders Breivik un pamphlet fasciste qui déshonore la littérature.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Lectures d'avril
Ah ouais, j'avais oublié l'affaire Breivik _ je comprends mieux pourquoi il n'a pas de fil _ pourvu que je ne sois pas censuré en l'ouvrant !
J'ai vérifié : je m'étais cependant largement étendu sur le cas Millet sur le fil Kerangal voici plus de quatre ans ; circonstance aggravante à mon oubli, Marie avait pertinemment rebondi sur ce commentaire.
J'ai vérifié : je m'étais cependant largement étendu sur le cas Millet sur le fil Kerangal voici plus de quatre ans ; circonstance aggravante à mon oubli, Marie avait pertinemment rebondi sur ce commentaire.
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Tristram- Messages : 15643
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Lectures d'avril
Pas de censure ici, ça se saurait. Mais quand meme une mise en garde.
Et puis, c'est comme pour Le Pen, ceux qui voteront pour elle ne pourront pas dire qu'ils ne savaient pas.
On ne savait pas.
Une phrase obsédante qu'on entend régulièrement.
Le gouvernement français de l'époque n'avait pas su pour le génocide rwandais.
Un rapport glaçant de 1000 pages conclue à l'aveuglement des politiques français.
On ne savait pas.
Mot d'ordre de tous les |[ir]responsables ou des révisionnistes après la Seconde Guerre mondiale
ou des collabos.
Et parfois, récemment à propos du Covid.
Et puis, c'est comme pour Le Pen, ceux qui voteront pour elle ne pourront pas dire qu'ils ne savaient pas.
On ne savait pas.
Une phrase obsédante qu'on entend régulièrement.
Le gouvernement français de l'époque n'avait pas su pour le génocide rwandais.
Un rapport glaçant de 1000 pages conclue à l'aveuglement des politiques français.
On ne savait pas.
Mot d'ordre de tous les |[ir]responsables ou des révisionnistes après la Seconde Guerre mondiale
ou des collabos.
Et parfois, récemment à propos du Covid.
Dernière édition par bix_229 le Sam 3 Avr - 19:04, édité 2 fois
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Lectures d'avril
De là à faire pression en groupe pour faire virer Millet, hmmm j'aime bien (l'œuvre d') Ernaux mais ce genre de chose me donne la gerbe.
Invité- Invité
Re: Lectures d'avril
Oui, j'ai eu la même réaction ! L'oeuvre d'Ernaux m'intéresse beaucoup, celle de Millet aussi par ailleurs, et j'aimerais que tous aient leur place pour parler.
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Tristram- Messages : 15643
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