Lectures nécessaires

C'est drôle, je ne réagis pas comme vous. Je fais peu de cas d'arrêter un livre, quitte à passer à côté d'un chef d’œuvre, et peu de cas ne pas tout avoir lu sous prétexte que ma vie s’arrêtera. On ne m'a jamais fait croire au Père Noël, ni au fait que je suis éternelle, ou que je pourrais tout connaître. De ce fait, je cherche moins l'idéal, mais ma vie en est sans doute plus légère.

topocl a écrit:C'est drôle, je ne réagis pas comme vous. Je fais peu de cas d'arrêter un livre, quitte à passer à côté d'un chef d’œuvre,
et peu de cas ne pas tout avoir lu sous prétexte que ma vie s’arrêtera. On ne m'a jamais fait croire au Père Noël, ni au fait que je suis éternelle,
ou que je pourrais tout connaître. De ce fait, je cherche moins l'idéal, mais ma vie en est sans doute plus légère.

Il ne s'agit pas d'attribuer de l'importance au fait d'arreter un livre ou de passer à coté d'un présumé chef-d'oeuvre, encore moins de tout connaitre.
Il s'agit simplement de savoir l'importance de la lecture dans sa vie. 
Dans mon cas, elle a toujours été essentielle, voire vitale, elle a toujours fait partie de ma vie,  elle est plus qu'une simple compensation
ou une diversion, mais un espoir, une source de plaisir, d'étonnement, d'émerveillement parfois.
Surtout quand je me souviens de l'enfance et du bouleversement qu'elle a provoqué.
Durablement.
Ainsi, je ne me plains pas si beaucoup de livres me décoivent, je préfère accorder de l'attention et de la grattitude à ceux qui m'ont aidé à  
mieux vivre. Et peu de choses en sont capables.
Mais évidemment je suis un cas un peu à part et je ne mésestime pas du tout ceux qui trouvent ailleurs leur contentement.
A chacun ses passions, ses particularités et ses lacunes. 
Je crois que je suis un idéaliste un peu fou, en tout cas peu rationnel, un animal qui reve et imagine et ça m'aide au moins de le croire.

Topocl, ce n'est pas tout à fait ça, c'est plutôt (re)trouver le livre qui vous transporte, vous enthousiasme (comme la découverte de Baudelaire ou de Racine dans mon cas), un peu effectivement comme au temps de notre (première) fraîcheur !

Il est rare de ressentir le même plaisir ou en tout cas renouvelé une deuxième fois. Ça arrive, mais il faut vraiment que le plaisir de lire effleuré soit passé proche ou sur une zone encore inexplorée qui permet de réactualiser ce que nous avons senti en lisant tel ou tel ouvrage...

Merci pour vos échanges intéressants, je pense être assez proche de Bix sur la question du cheminement du lecteur. Je reste pour le moment un peu rétif sur l'exercice de la relecture, de peur de toucher à des souvenirs jouissifs de la découverte.

Parfois le plaisir est plus vif à la deuxième lecture : peut-être ne faut-il pas relire les livres qui nous ont le plus marqués ?
J'ai préféré Hamlet à la troisième lecture, Du côté de chez Swann et Le Rouge et le Noir à la deuxième, etc.

Oui Quasimodo, mais valable principalement pour les relectures à brefs intervalles (pas des décennies) ; vrai aussi surtout pour des textes inépuisables comme Hamlet.

Les relectures, meme à des intervalles lointains sont interessantes, en ceci qu'elles nous apprennent beaucoup sur nous memes.
Nous changeons, les textes restent identiques.
Ce ne sont plus les memes livres que nous lisons/relisons. Les souvenirs que nous en avons se sont transformés, estompés, dilués.
Notre regard, notre approche, notre curiosité, sont différents. Peut etre moins vifs, mais fondamentalement différents.
Pour des raisons différentes, j'ai lu trois fois Madame Bovary.
La première fois parce que, très jeune, on me dissuadait de le lire par pruderie.
La deuxième fois, à l'université, une tentative analytique et empathique.
Et la troisième pour une lecture à la lumière du féminisme.
Ce serait encore différent si je relisais le livre.
Mais, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se noie...

Madame Bovary, lu deux fois.
Passée à côté 2 fois !

Je suis prête pour une troisième tentative (mais il me barbe ce livre !).

Lu une fois, pas vraiment emballé ; mais l'auteur m'a conquis sans problème avec son dernier livre, pourtant inachevé, et sa correspondance.

Lu, une seule fois, et pour moi c'est peut-être le plus grand livre que je n'aie jamais lu, l'écriture à son paroxysme, dans l'idée que je m'en fais. Ainsi, n'oserais-je peut-être jamais tenter une relecture.
Par contre, j'ai lu plusieurs fois La tentation de saint-Antoine, ça me fascine. Je relirai aussi certainement Bouvard et Pécuchet, et Salammbô. Flaubert fait exception, à mes yeux, je pourrai le relire sans crainte, sauf pour Madame Bovary, de peur d'écorner ce miracle de lecteur.

Je ne voulais pas insister sur Madame Bovary en tant que lecture. (Mes lectures ont été dictées alors
par les circonstances plus que que par mes désirs).
Mais bien plutot sur le fait de relire un texte et ce que cela provoque avec le temps.

bix_229 a écrit:Nous changeons, les textes restent identiques.

Tu es vraiment sûr de cela ?

bix, d'autres part dans tes différentes lectures de Flaubert, tu ne parle pas de l'écriture... lire Madame Bovary comme une oeuvre d'art...? serait-ce que tu ne le trouve pas si bon écrivain?

Arturo, je te comprends pour Flaubert. Je n'ai pas relu Madame Bovary depuis la première fois (il y onze ans) je n'ose pas trop. Mais j'ai bien fait d'attendre longtemps avant de lire L'Éducation sentimentale (l'année dernière...?)... et je n'ai pas encore lu Salammbô.

@Dreep
Tu es vraiment sûr de cela ?

bix, d'autres part dans tes différentes lectures de Flaubert, tu ne parle pas de l'écriture.

L'auteur mort, le texte est forcément écrit définitivement. Comprends pas ta question.
Quant à Madame Bovary, mes lectures ont peut etre brouillé mon jugement.
Peut etre une 4e lecture ?
J'apprécie Flaubert, de là à parler d'oeuvre d'art, c'est un peu rhétorique et académique.
Mes lectures sont avant tout subjectives. Elles me procurent du plaisir ou pas.
Au risque de choquer, je dirai que ce que j'aime le plus, c'est sa correspondance.
Et sinon, Félicité et L'Education sentimentale.

C'était une boutade, histoire de pouvoir remettre en doute ce qui ne peut l'être : comme si les phrases changeaient réellement d'une lecture à l'autre, pas juste nous.Antoine Mouton en a fait la base de son roman Le metteur-en-scène polonais. Le reste de mon message était plus sérieux : je parlais d'émotion esthétique (et donc de plaisir comme tu le souligne toi-même) par les phrases, par l'écriture. On peut critiquer sa syntaxe, souvent peu claire, mais c'est pour moi un excellent conteur, et on l'a dit un million de fois, un génie pour les personnages et leur caractérisation.

Boutade ou non je crois que nous changeons bien plus que le texte, au point que nous
pouvons penser lire un livre nouveau, et c'est interessant dans la mesure où nous pouvons
nous demander si nous réinventons.
Ou pas.
Flaubert est aussi un écrivain pour écrivains. Son influence a été énorme, de Kafka à Joyce.

Il est clair qu'en relisant, nous réinventons un peu notre rapport à la lecture car sinon, ce serait futile de lire...

J'aime bien l'idée de "drogue interdite" pour un livre.
Même de "drogue" tout court.
Chacun sa came...

Justement, cette satiété est légion dans la littérature alimentaire. Je réserve mon appétit pour des lectures qui en valent la peine...

Qu'on parle de l'essai, de la poésie et de la littérature flânée, c'est habituellement mon dada...