Léon Tolstoï
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Re: Léon Tolstoï
Ce qui me plaît bien, déjà, c'est cette méfiance des grands mouvements, des grandes machines, qui semble-t-il mènent généralement à des désastres d'envergure : je préfère ceux qui se contentent de se révolutionner eux-mêmes, sans tenter d'imposer leur certitude aux autres.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Léon Tolstoï
ça me plaît aussi.
La démarche est proche du Bartleby de Melville, ce refus de.
Tolstoï a été allègrement moqué en son temps, mais redouté aussi, car très populaire auprès des paysans, dont il partageait le quotidien.
On dirait aujourd'hui que sa philosophie est naïve, "bisounours", mais ce n'est qu'au premier abord. Elle est profondément révolutionnaire et ambitieuse, celle de changer la vie et le rapport au monde. Et en allant au bout du processus, il y aura forcément détachement, déchirement, car c'est une remise en question totale de l'organisation sociale qu'il prône.
Refuser de participer, vivre dans son coin, échapper à l'Etat, sous toutes ses formes, voilà un programme ambitieux et quasiment impossible à réaliser, en tout cas l'Etat ne laissera jamais passer une telle révolte.
La démarche est proche du Bartleby de Melville, ce refus de.
Tolstoï a été allègrement moqué en son temps, mais redouté aussi, car très populaire auprès des paysans, dont il partageait le quotidien.
On dirait aujourd'hui que sa philosophie est naïve, "bisounours", mais ce n'est qu'au premier abord. Elle est profondément révolutionnaire et ambitieuse, celle de changer la vie et le rapport au monde. Et en allant au bout du processus, il y aura forcément détachement, déchirement, car c'est une remise en question totale de l'organisation sociale qu'il prône.
Les socialistes, les communistes, les anarchistes avec leurs bombes, leurs émeutes, leurs révolutions, sont loin d'être aussi dangereux pour les Etats que ces hommes isolés, qui proclament de tous côtés leurs refus en se basant sur la même doctrine connue de tous. Tout Etat sait comment et avec quoi se défendre contre des révolutionnaires ; aussi ne craint-il pas ses ennemis extérieurs. Mais que peut-il faire contre les hommes qui démontrent l'inutilité et même le mal de toute autorité, qui ne combattent pas l'Etat, mais simplement l'ignorent, peuvent s'en passer, et, par conséquent, refusent d'y participer.
Refuser de participer, vivre dans son coin, échapper à l'Etat, sous toutes ses formes, voilà un programme ambitieux et quasiment impossible à réaliser, en tout cas l'Etat ne laissera jamais passer une telle révolte.
Invité- Invité
Re: Léon Tolstoï
Comme quoi l'avenir est dans l'individu (les individus) ; je ne suis pas si certain que l'Etat ou, au-dessus, les GAFAM, puissent faire quoi que ce soit là-contre.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Léon Tolstoï
@Tristram je préfère ceux qui se contentent de se révolutionner eux-mêmes, sans tenter d'imposer leur certitude aux autres.
C'est la position de l'ermite et ça ne suffira jamais. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Les vraies décisions sont collectives et parfois impopulaires.
La peine de mort a été imposée. Je ne suis pas certain du tout qu'elle serait reconduite actuellement par référendum.
C'est la position de l'ermite et ça ne suffira jamais. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Les vraies décisions sont collectives et parfois impopulaires.
La peine de mort a été imposée. Je ne suis pas certain du tout qu'elle serait reconduite actuellement par référendum.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Léon Tolstoï
C'est tout à fait ça : "L'enfer est pavé de bonnes intentions."
Merci de citer tes sources quand tu cites l'Etat ou tout autre organe de pouvoir !Bix a écrit:Les vraies décisions sont collectives et parfois impopulaires.
Je crois que tu parles de son abolition ?Bix a écrit:La peine de mort a été imposée.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Léon Tolstoï
@Tristram Je crois que tu parles de son abolition ?
Oui.
Pour revenir à Tolstoi, c'était un etre multiple qui a eu plusieurs vies, souvent contradictoires
et meme antagonistes.
Je pense un peu comme Dominique Fernandez à son sujet.
Dominique Fernandez souligne qu'il "n'y a pas deux Toltsoï : un merveilleux conteur d'une part, un ennuyeux prédicateur d'autre part". C'est le même homme, tourmenté, torturé, qui tantôt se livre à sa passion de raconter, tantôt se mue en prophète imprécateur. C'est le même désir d'excellence, la même obsession du vrai, du juste et du bien, qui l'amène à vouloir, à la fois, la gloire littéraire et la perfection intérieure. Un géant à deux têtes.
Avec Tolstoi : Dpminique Fernandez, Grasset
Oui.
Pour revenir à Tolstoi, c'était un etre multiple qui a eu plusieurs vies, souvent contradictoires
et meme antagonistes.
Je pense un peu comme Dominique Fernandez à son sujet.
Dominique Fernandez souligne qu'il "n'y a pas deux Toltsoï : un merveilleux conteur d'une part, un ennuyeux prédicateur d'autre part". C'est le même homme, tourmenté, torturé, qui tantôt se livre à sa passion de raconter, tantôt se mue en prophète imprécateur. C'est le même désir d'excellence, la même obsession du vrai, du juste et du bien, qui l'amène à vouloir, à la fois, la gloire littéraire et la perfection intérieure. Un géant à deux têtes.
Avec Tolstoi : Dpminique Fernandez, Grasset
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Léon Tolstoï
La mort d'Ivan Ilitch et autres nouvelles
Ce que ces nouvelles mettent toutes en évidence, c’est une profonde empathie de Tolstoï pour l’être humain ; pour ses personnages et le destin ― universel ou particulier ― à la lumière duquel il les observe tous. L’empathie s’accompagne d’une lucidité qui se perçoit ici dans mille détails captivants, rendant ces personnages non seulement tout à fait crédibles mais touchants. En peu de mots, mais tous très justes, Tolstoï désigne ce qui les anime et les tire de certaines difficultés, ou le plus souvent, il épluche ce qui pèse sur ces consciences : conditions de vie, habitudes ; façons de voir les choses, aussi. Cette efficacité me ferait presque me demander ce qui justifie la longueur de certaines nouvelles (elles font entre une dizaine et une centaine de pages…) ? En fait, ces longueurs ne m’ont semblées fautives (ou peu attrayantes) que dans Les Deux Hussards, où l’écrivain tisse ses observations dans une trame légèrement pâteuse, où il a tendance à se noyer dans les rires, les jeux et les bagarres insipides qu’il se complait à raconter plutôt qu’à décrire (là il aurait prouvé une fois de plus qu’il est un maître).
Ce qui ne veut pas dire ― que non ! ― que Tolstoï ne peut pas être un conteur hors-pair, il conte aussi bien qu’il décrit, et ce n’est pas peu dire ; sans compter que l’un ne va pas sans l’autre dans ses meilleurs moments. Un autre point est la propension de Tolstoï à transmettre de façon transparente (voire verbeuse) la morale de ses histoires. L’histoire ― racontée par lui-même ― de Kholstomier, un cheval, l’illustre assez bien. Elle a la particularité de montrer que l’animal comprend fort bien et naturellement ce que c’est que le christianisme, mais reste pantois, incrédule face à la notion de propriété privée qui règle les rapports entre les hommes. En tout cas, la nouvelle qui m’intéressait (La mort d’Ivan Ilitch), qui m’a fait lire le reste du recueil, s’avère pour moi être de loin la plus importante que j’ai lu, depuis longtemps.
Ce que ces nouvelles mettent toutes en évidence, c’est une profonde empathie de Tolstoï pour l’être humain ; pour ses personnages et le destin ― universel ou particulier ― à la lumière duquel il les observe tous. L’empathie s’accompagne d’une lucidité qui se perçoit ici dans mille détails captivants, rendant ces personnages non seulement tout à fait crédibles mais touchants. En peu de mots, mais tous très justes, Tolstoï désigne ce qui les anime et les tire de certaines difficultés, ou le plus souvent, il épluche ce qui pèse sur ces consciences : conditions de vie, habitudes ; façons de voir les choses, aussi. Cette efficacité me ferait presque me demander ce qui justifie la longueur de certaines nouvelles (elles font entre une dizaine et une centaine de pages…) ? En fait, ces longueurs ne m’ont semblées fautives (ou peu attrayantes) que dans Les Deux Hussards, où l’écrivain tisse ses observations dans une trame légèrement pâteuse, où il a tendance à se noyer dans les rires, les jeux et les bagarres insipides qu’il se complait à raconter plutôt qu’à décrire (là il aurait prouvé une fois de plus qu’il est un maître).
Ce qui ne veut pas dire ― que non ! ― que Tolstoï ne peut pas être un conteur hors-pair, il conte aussi bien qu’il décrit, et ce n’est pas peu dire ; sans compter que l’un ne va pas sans l’autre dans ses meilleurs moments. Un autre point est la propension de Tolstoï à transmettre de façon transparente (voire verbeuse) la morale de ses histoires. L’histoire ― racontée par lui-même ― de Kholstomier, un cheval, l’illustre assez bien. Elle a la particularité de montrer que l’animal comprend fort bien et naturellement ce que c’est que le christianisme, mais reste pantois, incrédule face à la notion de propriété privée qui règle les rapports entre les hommes. En tout cas, la nouvelle qui m’intéressait (La mort d’Ivan Ilitch), qui m’a fait lire le reste du recueil, s’avère pour moi être de loin la plus importante que j’ai lu, depuis longtemps.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Léon Tolstoï
Un conte rédigé en 1886, l’époque où Tolstoï est à la fois en pleine conversion religieuse – il se forge son christianisme personnel – et entièrement saisi par la mort, il essaye de transcrire les angoisses de mort dans lequel il baigne depuis des années, ce qui donnera notamment La mort d’Ivan Ilitch. C’est, du même mouvement, le Tolstoï qui tourne le dos à la gloire que lui ont apportée Guerre et paix et Anna Karénine.
Tolstoï s'est librement inspiré, selon Wikipedia, du livre IV des Histoires d'Hérodote, ainsi que de récits entendus chez les Bachkirs, quand il y avait fait, au moins à deux reprises, des cures de koumys, afin de soigner ses nombreuses somatisations :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ce_qu%27il_faut_de_Terre_%C3%A0_l%27Homme
(Henri Guillemin évoque également ces cures de koumys dans ses conférences sur Tolstoï.)
Ce récit regrette l’absence d’entente communautaire et critique l’appétit de possession sans limite que favorisent les tendances économiques de son époque, en Europe et même en Russie. Tolstoï se campe en anti-libéral, dénonçant la cupidité et la logique d’accumulation mortifère qui engloutit tout, de nos jours.
Quand j'ai lu le conte, (j'avais 16 ou 17 ans) j'ignorai le contexte existentiel de l'auteur et ses visées politico religieuse.
J'ai donc été frappé avant tout par l'aspect symbolique littéral. A savoir : peu importe l'importance démesurée que s'attribue l'homme, surtout quand il est puissant et riche.
A la fin il meurt et ses possesssions terrestres -posthumes- se limitent à un coin de terre de 2 mètres de long sur un mètre de large.
C'était suffisamment saisissant pour que je ne l'oublie pas. Meme si ça ne résolvait en rien les injustices sociales sur terre. B
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Léon Tolstoï
Je te rejoins sur Ivan Ilitch, @Dreep : cela dépasse même le sujet de l'agonie, j'ai l'impression que ce texte exprime ce que chacun peut ressentir quand son corps ou son esprit lui échappe et qu'il tente tant bien que mal de rétablir l'équilibre. C'est à ce jour le seul texte que j'aie lu de cet auteur, mais il a rendu caduque à mes yeux cette petite compétition que se livrent les zélateurs de Dostoïevski et ceux de Tolstoï.
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
Re: Léon Tolstoï
Je ne suis pas sûr de comprendre de quoi tu parles Quasimodo, quand tu dis que "cela dépasse même le sujet de l'agonie", quelque chose (quoi donc ?) que "chacun peut ressentir quand son corps ou son esprit lui échappe et qu'il tente tant bien que mal de rétablir l'équilibre".
Je serais très étonné que la "compétition" entre Dostoïevski et Tolstoï ait du sens pour les russes littéraires (Y a-t-il eu une "compétition" entre Flaubert et Zola ? Réellement ?). Je crois qu'elle a été inventé par des français qui n'y connaissent rien, qui s'imaginent qu'il n'existe que deux écrivains en Russie avant 1900, que les Pouchkine, Gogol, Lermontov ou Gontcharov sont mineurs à côté. Certes, il y a aussi Tchekhov.
Il paraît que lorsqu'il mourut, Tolstoï avait Les Frères Karamazov à son chevet.
Je serais très étonné que la "compétition" entre Dostoïevski et Tolstoï ait du sens pour les russes littéraires (Y a-t-il eu une "compétition" entre Flaubert et Zola ? Réellement ?). Je crois qu'elle a été inventé par des français qui n'y connaissent rien, qui s'imaginent qu'il n'existe que deux écrivains en Russie avant 1900, que les Pouchkine, Gogol, Lermontov ou Gontcharov sont mineurs à côté. Certes, il y a aussi Tchekhov.
Il paraît que lorsqu'il mourut, Tolstoï avait Les Frères Karamazov à son chevet.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Léon Tolstoï
... Et Leskov et en partie Tourgueniev.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Léon Tolstoï
Ces deux écrivains, à la limite, ça me choquerait un peu moins qu'on les considère comme mineurs...
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Léon Tolstoï
As-tu lu Le Vagabond ensorcelé de Leskov ?
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Léon Tolstoï
Oui... quel ennui...
De Leskov j'ai largement préféré Lady Macbeth au village ou Cheramour.
De Leskov j'ai largement préféré Lady Macbeth au village ou Cheramour.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Léon Tolstoï
Par exemple, Dreep, l'expérience d'une crise d'angoisse, d'un accès de vertige, d'une maladie chronique qui ne nous tuera pas mais avec laquelle on est forcé de composer, en somme tout ce avec quoi on est contraint de vivre, qui nous complique la vie et qui nous place dans un mouvement dialectique de rejet et d'acceptation plus ou moins douloureux.
Et cela suite à un moment de rupture (dans la nouvelle, l'accident d'Ivan).
Et cela suite à un moment de rupture (dans la nouvelle, l'accident d'Ivan).
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
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