Kurt Vonnegut, jr
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Re: Kurt Vonnegut, jr
Bon, nous savons ce qu'il nous reste chacun à faire...
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 16019
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Re: Kurt Vonnegut, jr
Le Petit Déjeuner des Champions
Je lis cette traduction par Gwilym Tonnerre pour Gallmeister en 2014 après (il y a longtemps) celle de Guy Durand en 1974 pour le Seuil sous le titre Le Breakfast du Champion (je n'ai pas remarqué de grandes différences en comparant succinctement les deux traductions).
D’entrée, le livre (première publication en 1973) déplore que les Terriens aient détruit, épuisé leur planète… Un demi-siècle de lente prise de conscience d’une évidence… Mais ce n’est pas le seul travers (plus particulièrement des États-Unis) à y être ridiculisé, il y a aussi la fascination pour l’argent et le sexe, sans oublier le racisme et la guerre, la publicité et la religion ; le propos de Kurt Vonnegut est de mettre en évidence ce dysfonctionnement civilisationnel.
Kilgore Trout, auteur de science-fiction pratiquement inconnu, car publié dans des parutions pornographiques (comme il n’est pas rétribué pour ses œuvres, il travaille aussi dans les fenêtres et volets anti-tempêtes en aluminium), est invité par erreur à prendre la parole lors du festival d’inauguration du Centre artistique Mildred Barry à Midland City. C’est un pessimiste qui imagine sans cesse des histoires comme autant d’expériences de pensée, et se prend pour « les yeux et les oreilles et la conscience du Créateur de l’univers » ; pour lui les miroirs sont des « vides ».
La rencontre longuement annoncée des trois personnages principaux (Trout, Hoover et Vonnegut) a lieu dans un bar à cocktails, et le récit contre-culture prend une dimension métaphysique, tout en atteignant un summum de loufoquerie : en lisant Trout, Dwaine se convainc d’être le cobaye solipsiste de l’expérience divine, uniquement entouré de machines.
Ce roman constitue aussi un fort beau spécimen de livre où l’auteur intervient en personne, ici en tant que Créateur de son univers ; plus que clin d’œil ou caméo, différent de l’autofiction, c’est la fabrique de l’ouvrage elle-même.
\Mots-clés : #humour #social
Je lis cette traduction par Gwilym Tonnerre pour Gallmeister en 2014 après (il y a longtemps) celle de Guy Durand en 1974 pour le Seuil sous le titre Le Breakfast du Champion (je n'ai pas remarqué de grandes différences en comparant succinctement les deux traductions).
D’entrée, le livre (première publication en 1973) déplore que les Terriens aient détruit, épuisé leur planète… Un demi-siècle de lente prise de conscience d’une évidence… Mais ce n’est pas le seul travers (plus particulièrement des États-Unis) à y être ridiculisé, il y a aussi la fascination pour l’argent et le sexe, sans oublier le racisme et la guerre, la publicité et la religion ; le propos de Kurt Vonnegut est de mettre en évidence ce dysfonctionnement civilisationnel.
Kilgore Trout, auteur de science-fiction pratiquement inconnu, car publié dans des parutions pornographiques (comme il n’est pas rétribué pour ses œuvres, il travaille aussi dans les fenêtres et volets anti-tempêtes en aluminium), est invité par erreur à prendre la parole lors du festival d’inauguration du Centre artistique Mildred Barry à Midland City. C’est un pessimiste qui imagine sans cesse des histoires comme autant d’expériences de pensée, et se prend pour « les yeux et les oreilles et la conscience du Créateur de l’univers » ; pour lui les miroirs sont des « vides ».
C'est ainsi qu'est annoncé le thème principal du livre (assez dickien) :« Ils roulèrent en silence pendant un moment, puis le conducteur fit une autre observation pertinente. Il dit qu’il avait conscience que son camion transformait l’atmosphère en gaz toxique, et qu’on transformait la planète en bitume pour que son camion puisse circuler n’importe où.
– Donc je suis en train de me suicider, dit-il.
– N’y pensez pas, dit Trout.
– Mon frère, c’est encore pire, continua le conducteur. Il travaille dans une usine qui fabrique des produits chimiques pour détruire les arbres et les plantes au Vietnam.
Le Vietnam était un pays dans lequel l’Amérique essayait d’empêcher la population d’être communiste en lui larguant diverses choses de ses avions. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion servaient à détruire tout le feuillage, afin qu’il soit plus difficile pour les communistes de se cacher des avions.
– N’y pensez pas, dit Trout.
– À long terme, lui aussi est en train de se suicider, dit le conducteur. À croire que, ces jours-ci, les seuls emplois qu’un Américain puisse trouver reviennent à se suicider d’une manière ou d’une autre.
– Pertinent, dit Trout.
– J’ai du mal à savoir si vous êtes sérieux ou pas, dit le conducteur.
– Je ne le saurai moi-même que quand je découvrirai si la vie est sérieuse ou pas, dit Trout. Elle est dangereuse, soit, et elle peut faire beaucoup de mal. Ça ne signifie pas forcément qu’elle soit sérieuse, en plus de ça. »
Dwayne Hoover, riche concessionnaire Pontiac est cette « seule créature de l’univers douée du libre arbitre » ; « au bord de la folie », il est victime d’une « mauvaise chimie » selon l’auteur, qui intervient librement :« Le postulat du récit était le suivant : la vie était une expérience du Créateur de l’univers, qui souhaitait tester un nouveau type de créature qu’il envisageait d’introduire dans l’univers. Cette créature était dotée de la capacité à prendre des décisions elle-même. Toutes les autres étaient des robots entièrement programmés. »
Il y a d’autres personnages, comme Wayne Hoobler, une sorte de double inversé de Dwayne Hoover, un récidiviste noir qui sort de prison et cherche à s’intégrer à la société.« Cette folie naissante, évidemment, était surtout une affaire de chimie. Le corps de Dwayne fabriquait des substances chimiques qui lui perturbaient l’esprit. Mais Dwayne, comme tout apprenti désaxé, avait également besoin d’une dose de mauvaises idées pour donner forme et sens à sa démence. »
La rencontre longuement annoncée des trois personnages principaux (Trout, Hoover et Vonnegut) a lieu dans un bar à cocktails, et le récit contre-culture prend une dimension métaphysique, tout en atteignant un summum de loufoquerie : en lisant Trout, Dwaine se convainc d’être le cobaye solipsiste de l’expérience divine, uniquement entouré de machines.
Ce roman constitue aussi un fort beau spécimen de livre où l’auteur intervient en personne, ici en tant que Créateur de son univers ; plus que clin d’œil ou caméo, différent de l’autofiction, c’est la fabrique de l’ouvrage elle-même.
« Mon avis était que Beatrice Keedsler [une romancière] s’était alliée à d’autres conteurs ringards pour faire croire aux gens qu’il existait dans la vie des personnages principaux, des personnages secondaires, des détails significatifs, des détails insignifiants, qu’il y avait des leçons à en tirer, des épreuves à surmonter, et un début, un milieu et une fin.
À l’approche de mon cinquantième anniversaire, j’avais été de plus en plus furieux et perplexe face aux décisions idiotes que prenaient mes concitoyens. Et puis j’avais soudain fini par les prendre en pitié, car j’avais compris avec quelle innocence et quel naturel ils se conduisaient de manière si abominable, avec des conséquences si abominables : ils faisaient de leur mieux pour vivre comme les personnages qu’on rencontrait dans les histoires. Voilà pourquoi les Américains se tiraient si souvent dessus : c’était un procédé littéraire pratique pour terminer une nouvelle ou un livre.
Pourquoi tant d’Américains étaient-ils traités par leur gouvernement comme si leur vie était aussi jetable qu’un mouchoir en papier ? Car c’était ainsi que les auteurs avaient coutume de traiter les petits rôles dans les récits qu’ils inventaient.
Et ainsi de suite.
Quand je compris ce qui faisait de l’Amérique une nation si dangereuse et malheureuse d’individus qui n’avaient plus aucun rapport avec la réalité, je pris la décision de tourner le dos aux histoires. J’écrirais sur la vie. Chaque personnage aurait strictement la même importance que n’importe quel autre. Tous les faits pèseraient aussi le même poids. Rien ne serait laissé de côté. Aux autres d’apporter de l’ordre au chaos. Moi, j’apporterais du chaos à l’ordre, comme je crois y être parvenu.
Si tous les écrivains faisaient de même, alors peut-être les citoyens en dehors des cercles littéraires comprendraient-ils que l’ordre n’existe pas dans le monde qui nous entoure, qu’il nous faut au contraire nous adapter aux conditions du chaos.
C’est difficile de s’adapter au chaos, mais c’est possible. J’en suis la preuve vivante : c’est possible. »
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Tristram- Messages : 16019
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Re: Kurt Vonnegut, jr
Héhé, Vonnegut constitue un appât à Panda presque aussi puissant que la patate !
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Tristram- Messages : 16019
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Localisation : Guyane
Re: Kurt Vonnegut, jr
encore jamais lu, mais je pense que peut-être je commencerai par "abattoir 5"
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21887
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Re: Kurt Vonnegut, jr
Oui, c'est un autre de ses livres importants.
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Tristram- Messages : 16019
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