Re: LC Le grand Meaulnes

par **Nadine** Dim 30 Jan - 14:25

Je me demande ce que Bix aurait dit.
Je pense que l'aspect self made man du personnage, un peu déraciné, l'aura touché, en tous cas.

par **Tristram** Dim 30 Jan - 14:35

t a écrit:Vous connaissez des adolescents cohérents, vous?

Je parlais de psychologie, et il y a effectivement les échafaud(age)s d'un Freud, d'un Jung, par exemple.
Oui, bien sûr, c'est un roman sur les rapports entres ados, amitié ou pas, érotisme ou pas. De la même manière que Meaulnes, Frank est un meneur brusquement révoqué.

par **topocl** Dim 30 Jan - 14:45

Nadine a écrit:
Tu aurais dis pur toi, sur lui, alors ?

Oui, je trouve que la suite montre à quel point il est pur

Nadine a écrit:"univers petit bourgeois mais un beau style". Bon j'ai pas commenté. J'ai enchainé sur sa mort précoce.)

Bourgeois en ce sens que ces adolescents n'ont rien vu ni vécu qui les sorte de certains stéréotypes, c’est certain. L'idée de ces amours passionnées est de faire de jolis couples bien mariés. Il n’est pas question de sensualité et encore moins de sexualité.
Mais socialement pour les garçons en tout cas, ils sont dans un milieu où chaque sou doit compter.

Un truc m'a émerveillée, c'est le jeune François qui découvre ce truc extraordinaire et nouveau : la bicyclette!

par **topocl** Dim 30 Jan - 14:51

Nadine, pour info :

wikipedia a écrit:Alain-Fournier, pseudonyme d'Henri Alban Fournier,

par **Nadine** Dim 30 Jan - 14:54

Plutôt de procrastiner ici si agréablement je devrais m'y remettre, car vous semblez plus avancés dans la lecture, carrément proches de finir, pour tout dire..... je file.
(Merci topocl, j'avais pas pris le temps d'y aller voir sur le fil d'auteur)

par **Tristram** Dim 30 Jan - 15:19

T a écrit:Il n’est pas question de sensualité et encore moins de sexualité.

Il y a quand même un paquet de nettes allusions sexuelles, avec Mme Pignot et Gilberte Poquelin notamment !
Mais est frappante chez ces enfants à la campagne la méconnaissance de la nature qui les entoure : « l’arbre voisin de la fenêtre », « Je passe sous les basses branches d’arbres dont je ne sais pas le nom mais qui doivent être des aulnes. »

par **Quasimodo** Dim 30 Jan - 16:20

topocl a écrit:Vous connaissez des adolescents cohérents, vous?

Je suis d'accord. Je ne remarque jamais les incohérences psychologiques dans les livres, peut-être parce qu'il me semble que les humains pensent ou agissent de même dans la vie quotidienne.

topocl a écrit:Un truc m'a émerveillée, c'est le jeune François qui découvre ce truc extraordinaire et nouveau : la bicyclette!

J'ai le même plaisir dans Fantômas, où on peut lire des choses comme "un tel, passionné d'automobiles et conduisant lui-même son propre véhicule", ou "il y avait dans cet hôtel tous les conforts de la vie moderne, et bien entendu l'électricité à tous les étages", etc.

par **Tristram** Dim 30 Jan - 16:25

Comme dit Julien Gracq dans En lisant en écrivant :

« La psychologie dans la fiction est création pure, doublée d’un pouvoir de suggestion active. »

Je pense qu'il a raison, et que la psychologie serait une des dernières choses à prendre au premier degré dans les romans (et dans les essais aussi, tant qu'à faire).

par **Tristram** Dim 30 Jan - 16:29

J'y arrive :

Je n’avais jamais fait de longue course à bicyclette. Celle-ci était la première. Mais, depuis longtemps, malgré mon mauvais genou, en cachette, Jasmin m’avait appris à monter. Si déjà pour un jeune homme ordinaire la bicyclette est un instrument bien amusant, que ne devait-elle pas sembler à un pauvre garçon comme moi, qui naguère encore traînais misérablement la jambe, trempé de sueur, dès le quatrième kilomètre !… Du haut des côtes, descendre et s’enfoncer dans le creux des paysages ; découvrir comme à coups d’ailes les lointains de la route qui s’écartent et fleurissent à votre approche, traverser un village dans l’espace d’un instant et l’emporter tout entier d’un coup d’œil… En rêve seulement j’avais connu jusque-là course aussi charmante, aussi légère.

Aussi ce joli

Les maisons, où l’on entrait en passant sur un petit pont de bois, étaient toutes alignées au bord d’un fossé qui descendait la rue, comme autant de barques, voiles carguées, amarrées dans le calme du soir.

par **Bédoulène** Dim 30 Jan - 17:05

je vous lis !

par **Louvaluna** Dim 30 Jan - 19:52

topocl a écrit:
Tristram a écrit:De prime abord également, j’ai été saisi par le style, concision précise, élégante simplicité, économie de moyens.
C'est impressionnant en effet.

Qui s'expliquerait un peu quand même par le fait qu'Alain-Fournier était poète avant d'être romancier ? Passer de la forme brève au roman, ça doit laisser des traces : de la construction narrative ingénieuse et rigoureuse, le goût du mot juste, du très visuel, une autre façon d'appréhender le réel qui rejaillit sur le rendu fictionnel...

par **Louvaluna** Dim 30 Jan - 20:02

Nadine a écrit:Je me demande ce que Bix aurait dit.
Je pense que l'aspect self made man du personnage, un peu déraciné, l'aura touché, en tous cas.

Alain-Fournier a écrit:Parfois mon pied se pose, durant quelques pas, sur un banc de sable fin. Et dans le silence, j'entends un oiseau ─ je m'imagine que c'est un rossignol, mais sans doute je me trompe, puisqu'ils ne chantent que le soir ─, un oiseau qui répète obstinément la même phrase : voix de la matinée, parole dite sous l'ombrage, invitation délicieuse au voyage entre les aulnes. Invisible, entêté, il semble m'accompagner sous la feuille.

par **topocl** Dim 30 Jan - 20:05

Tristram a écrit:
T a écrit:Il n’est pas question de sensualité et encore moins de sexualité.
Il y a quand même un paquet de nettes allusions sexuelles, avec Mme Pignot et Gilberte Poquelin notamment !

Ha oui, avec la mère Pignot et la Gilberte, peut-être, mais avec la si belle et éthérée Mlle Yvonne de Galais, vous n'y pensez pas, cher ami...

par **Tristram** Dim 30 Jan - 20:15

La transcendance, la sublimation, tout cela semble vous dépasser, très-chère.
C'est un peu Baudelaire avec la Duval d'un côté, madame Sabatier de l'autre...

par **Tristram** Dim 30 Jan - 21:12

En vrac.
Curieuse inversion du topos de la femme composée des traits de plusieurs autres :

« Souvent, plus tard, lorsqu’il s’endormait après avoir désespérément essayé de se rappeler le beau visage effacé, il voyait en rêve passer des rangées de jeunes femmes qui ressemblaient à celle-ci. L’une avait un chapeau comme elle et l’autre son air un peu penché, l’autre son regard si pur ; l’autre encore sa taille fine, et l’autre avait aussi ses yeux bleus : mais aucune de ces femmes n’était jamais la grande jeune fille. »

Roman initiatique :

« Autant j’avais été un enfant malheureux et rêveur et fermé, autant je devins résolu et, comme on dit chez nous, "décidé", lorsque je sentis que dépendait de moi l’issue de cette grave aventure.
Ce fut, je crois bien, à dater de ce soir-là que mon genou cessa définitivement de me faire mal. »

En miroir de la première, la seconde noce, un peu comme François est une réplique déficiente de Meaulnes, et comme Valentine rejoue sa rupture d’un premier amant avec ce dernier…

« Ce qui me plaît en vous, m’a-t-elle dit en me regardant longuement, ce qui me plaît en vous, je ne puis savoir pourquoi, ce sont mes souvenirs… »

Ce roman, c’est tout l’espoir de la jeunesse, « la fête mystérieuse », qui s’achève avec elle.

par **Bédoulène** Dim 30 Jan - 23:35

vos commentaires m'inciteraient bien à la lecture...............plus tard peut-être

par **animal** Lun 31 Jan - 21:18

Je m'amuse bien à vous lire. Sans forcément avoir l'impression d'être passé à côté d'ailleurs, ce qui est pas mal finalement. cat

par **Louvaluna** Lun 31 Jan - 22:58

Tristram, en quoi François serait-il une réplique déficiente d'Augustin ? N'est-il pas, au contraire, le plus responsable des trois amis liés par le serment ?

par **Tristram** Lun 31 Jan - 23:14

Un suiveur qui boîte, toujours dans l'ombre du "Grand"...

par **topocl** Mar 1 Fév - 7:49

Apparence, apparence ! Le pilier de cette affaire, celui qui reste. J'aime bien le mot "responsable" de Louvaluna.
On n'attache pas suffisament d'importance à "ceux qui restent", dans les histoires, ils donnent l'impression d'être ternes, secondaires face à ceux qui partent à l'aventure ou qui ont un brin de folie. Mais c’est grâce à eux que tout tient.

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