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Collectif : «Grand-Père n'était pas un nazi»: National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale

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Message par Marie Lun 13 Mar - 3:49

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Grand-Père n'était pas un nazi: National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale
Sabine Moller, Karoline Tschuggnall, Harald Welzer

En fait, il y a deux livres sortis récemment en France, le premier est intitulé Soldats- Combattre, tuer, mourir: procès-verbaux de récits de soldats allemands, comptes-rendus des écoutes de prisonniers de guerre allemands analysées par l'historien Sönke Neitzel et le psychosociologue Harald Welzer. J'en ai lu quelques extraits dans les critiques de ce livre , par exemple:

"
Les chevaux me faisaient de la peine. Les gens, pas du tout », dit un lieutenant de la Luftwaffe qui a mitraillé un convoi de civils en Pologne. « Qu'est-ce qu'on s'est amusés », dit un sous-marinier racontant comment il a coulé un convoi transportant des enfants. « Rattata » est l'interjection utilisée par le caporal parachutiste Büsing pour expliquer comment sa compagnie, à l'aube, a assassiné au pistolet-mitrai­l­leur tout un village « près de Lisieux-Bayeux », en 1944.
"

Que dire, sinon qu'en lire plus ne me semblait pas utile.


Par contre Gallimard a fait paraître en même temps cet ouvrage sociologique qui date de 2002, et la mémoire familiale est un sujet qui me passionne.
A partir d'entretiens avec des familles qui comportaient toutes au départ des membres, à un titre ou un autre, du parti national socialiste, les chercheurs ont tenté de cerner ce qu'avaient retenu les générations suivantes .
C'est un ouvrage complexe, difficile à lire et qu'il me serait quasi impossible de résumer.
Je préfère copier la quatrième de couverture qui le fait assez bien:

Qu’on ne s’y trompe pas : cet ouvrage va bien au-delà de son sujet immédiat – la manière dont on parlait de l’époque nazie et de la Shoah, dans les années 2000, au sein des familles allemandes. Il concerne, par ses méthodes, son cadre d’analyse, voire ses conclusions, tous ceux qui, en France ou ailleurs, ont à réfléchir aux mécanismes de la transmission de la conscience historique d'une période d’exception, soit à la confrontation de la mémoire sociale et de la mémoire familiale.
Au fil de quarante-huit entretiens familiaux et de cent quarante-deux interviews individuels sur les histoires vécues du passé national-socialiste et transmises entre les générations, il apparaît, en effet, qu’à «la mémoire culturelle» (celle qu’une société institue à une époque donnée sur un certain passé à travers célébrations, discours officiels et enseignement) s’oppose «la mémoire communicative», non plus cognitive mais émotionnelle, ciment de l’entente des membres d’un groupe (parents et proches) sur ce qui fut leur passé vrai, et qui est constamment réactivée dans le présent d’une loyauté et d’une identité collectives.
Ainsi se transmettent dans les familles d’autres images du passé national-socialiste que celles diffusées à l’école : romantiques et enjolivées par l’intégration de scènes cinématographiques, par exemple, elles sont avant tout relatives à la souffrance des proches, causée par le mouchardage, la terreur, la guerre, les bombes et la captivité.
Paradoxalement, il semble que ce soit justement la réussite de l’information et de l’éducation sur les crimes du passé qui inspire aux enfants et petits-enfants le besoin de donner à leurs parents et leurs grands-parents, au sein de l’univers horrifique du national-socialisme, une place telle qu’aucun éclat de cette atrocité ne rejaillisse sur eux. Transmis sous forme non pas de savoir mais de certitude, ces récits, pour finir, convainquent chacun qu’il n’a pas de «nazi» dans sa propre famille : «Grand-Père n’était pas un nazi.»

En gros, donc, plus on s'éloigne de l'individu d'origine, plus on assiste à des excuses ( s'ils l'ont fait, c'est parce que ils n'avaient pas le choix), un déni ( personne n'était de toutes façons antisémite) ou même une " héroïsation" cumulative ( beaucoup de Juifs ont été cachés, nourris, non dénoncés, etc) afin de bien pouvoir extraire ses propres aïeux de la conscience historique et permettre ainsi de faire coexister pacifiquement le " mal" du pouvoir national- socialiste et le " bien" représenté par ses propres grands-parents et arrières grands-parents.
On est bien loin de la banalité du mal de Hannah Arendt, par contre la banalité du bien est de règle...
Et ceci d'autant plus qu'il s'agit d'individus éduqués dans la conscience historique, les commémorations et nourris de fictions mettant en spectacle cette période.

A ce niveau, comme ce n'est pas du tout un ouvrage de psychologie et que les auteurs ne nous expliquent pas pourquoi il en est ainsi, j'aurais moi tendance à penser qu'après tout, ceci est très humain. Grand-Père n'a pas dû trop se vanter de certains actes , et les générations suivantes n'ont voulu retenir que ce qui leur convenait sans se poser plus amples questions?

Plus surprenant, enfin, pour moi, est la persistance de " clichés "liés la plupart du temps aussi pour les jeunes générations , à toutes les images qu'ils ont vues : le Russe est un violeur, l'américain est toujours sympa, le Juif est toujours riche à millions ( et donc aurait dû pouvoir partir...) et le petit fils interrogé? Et bien, écoutons un jeune homme né en 76: " Parce qu'ici , je n'ai pu voir que ça dans les films , l'enthousiasme des gens, c'était tout de même la classe, la manière dont ils ont fait ça! Comme ils criaient tous: Heil Hitler, ou Sieg Heil! Et cet enthousiasme des gens, c'est ce qui est fascinant d'une certaine manière, la force qu'avait ce peuple à ce moment -là. Parce qu'ils ont tous eu peur de nous! "

... Que l'on n' accepte pas que son grand-père ait pu être un nazi, pourquoi pas. Mais qu'on en arrive à souhaiter qu'il l'ait été, et, finalement, en être très fier, c'est peut être un petit peu plus inquiétant?


mots-clés : #deuxiemeguerre #documentaire
Marie
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Message par chrysta Lun 13 Mar - 6:40

Merci de m'avoir fait connaître ce livre, il me parait extrêmement intéressant. Je pense que cela fera partie d'une de mes prochaines lectures
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Message par tom léo Lun 13 Mar - 7:41

Fort intéressant, Marie! Merci!

Je dois avouer que cela me met au même moment mal à l'aise: ce nombre de livres qui parlent avec un certain souci de vérité d'une forme de déni de responsabilité des Allemands. Comment le nier? Mais de la part de tous je souhaiterais tellement qu'on se dit que ces mècanismes dont tu parles, sont à l'oeuvre dans toutes nos societés, voir dans nous, les individus (ou pièces dans la grande machine???). Trop souvent beaucoup se dédouanent de leur co-responsabilité en parlant des "Allemands, des Allemands"... Je ne suis pas sûr, je pourrais me tromper: mais malgré certains signes inquiétants aussi chez moi, en Allemagne, je nous sens mieux équippé aujourd'hui pour resister à des simplifications "racistes ou extrêmistes". Je me demande par contre avec inquietude ce qui se passe dans nombre de pays aujourd'hui...

Il est intéressant, n'est-ce pas, de lire ce fil-ci en parallèle avec le fil d'Ishiguro. Je viens d'y poster un poste que je vois dans une certaine logique avec ce que nous décrivons ici...
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Message par Bédoulène Lun 13 Mar - 9:49

merci Marie, c'est utile aussi de connaitre les paroles des descendants, des décennies plus tard.

Un constat de ce genre serait aussi pertinent dans tous les pays impliqués dans la seconde guerre mondiale, à mon avis.

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Message par Tristram Lun 13 Mar - 12:35

Marie a écrit:On est bien loin de la banalité du mal de Hannah Arendt, par contre la banalité du bien est de règle...
Je rappelle que « Banalité du bien banalité du mal » est le sous-titre de Un si fragile vernis d'humanité de Michel Terestchenko (fil de Marie, qui nous apporte décidément beaucoup).
Le déni ne me surprend pas, surtout quand il y a doute, pas de témoignage impliquant un proche, etc.
Le fait de (vouloir) voir ses origines d'une façon positive, je peux encore comprendre (chez autrui).
Etre favorablement sensible aux images de l'enthousiasme hitlérien, cet "ensemble" chorégraphique, ce consensus général, je n'y arrive pas.
Question de culture (personnelle) sans doute : rien qu'une foule de supporters, l'éloquence d'un avocat, me mettent mal à l'aise.
Je me rappelle toujours cette phrase :
« La pire des institutions grégaires se prénomme l’armée. Je la hais. Si un homme peut éprouver quelque plaisir à défiler en rang aux sons d'une musique, je méprise cet homme… il ne mérite pas un cerveau humain puisqu’une moelle épinière le satisfait. »
Albert Einstein, « Comment je vois le monde »

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Nadine Lun 13 Mar - 18:29

J'ai discuté beaucoup avec un gendarme à la retraite, il parlait aussi, des fois, de ce côté "groupe fort, viril." Il est raciste. c'était difficile d'entendre, j'ai pris beaucoup de temps pour le faire parler.
Il aime les allemands pour ça "c'est un peuple dur, fort". Il est plein de contradictions, également. On s'est engueulés. parfois. il travaillait en stage de reconversion avec moi. Depuis un an de mise à la retraite, il est revenu pour un autre stage plus court, il semblait avoir davantage les pieds au plancher, la vie familiale prenait plus de place dans ses discussions, et il s'est mis en colere quand je lui ai laissé entendre, une fois, qu'il etait un raciste.
Un progrès ?
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