LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
En conclusion, pour ce qui me concerne, on peut certes songer à Gatsby le magnifique, de Francis Scott Fitzgerald, et même à la Recherche de Proust et aux observations psychologiques d’Henry James.
La lecture de ce roman plein de finesse a malheureusement été longtemps été gâchée pour moi par son objet, cette odieuse société de la surenchère d’ostentation dans la superficialité du paraître, si empreinte de la conviction élitiste (et raciste) de sa supériorité innée.
L’intérêt de consigner ses commentaires au fur et à mesure de la lecture démontre de façon imparable la maîtrise de l’écrivaine, qui est une narratrice partisane de la haute société nantie au commencement (notamment sectaire et raciste), et nous mène (par le bout du nez) à finalement s’attacher à Lily, affection qu’on n’aurait pas cru possible lorsqu’elle était vaine et frivole ; les personnages qui ont du cœur se révèlent de plus en plus, ce sont d’ailleurs ceux qui demeurent de vrais amis de Lily lorsqu’elle sombre dans la misère (même Rosedale !), et qui ne font pas vraiment partie de cette haute bourgeoisie.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15965
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
la maîtrise de l’écrivaine, qui est une narratrice partisane de la haute société nantie au commencement (notamment sectaire et raciste),
Pas trop d'accord avec cela Tristram. Dès le début l'auteure n'est pas partisane de la haute société, elle en décrit tout de suite les "tares" et surtout l'addiction de Lily à ce mode de vie. Pas certain que ce soit uniquement une question d'appartenance à ce milieu. Lily y est d'autant plus attachée qu'elle n'a pas d'argent et donc qu'elle est comme parasite vis à vis de cette société. C'est l'attrait du groupe qui ancre les personnages et s'en échapper demande une certaine force de caractère que n'a pas reçue Lily.
En ayant lu James, cette description du rôle des femmes dans la société américaine va à l'encontre de ce qu'il présente lorsqu'il compare les éducations féminines de part et d'autre de l'Atlantique, en défendant l'éducation américaine plus libre et plus féministe...ça ne semble pas trop le cas pour ce qu'en dit Wharton.
D'accord avec la performance de l'auteure quant à l'avancée de l'intrigue et au changement de point de vue qu'elle nous apporte sur son personnage.
Pinky- Messages : 543
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Lily préfère quand même très nettement, dès le début, cette société où elle brille (tout en mesurant comme elle y participe au prix d'un humiliant parasitisme ; d'autres personnages sont dans le même cas, avec des variantes) ; elle opte pour cette existence en rejetant une autre vie qu'elle considère comme médiocre, repoussant aussi un amour sincère, mais qui ne lui permettrait pas de continuer à y briller.
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Tristram- Messages : 15965
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
il faut aussi parler des hommes qui se cachent souvent derrière leur femme ; et franchement seul Seldon parait intéressant cependant dans l'un des moments où lui et Lily auraient pu se retrouver il s'est laissé abuser par une situation qu'il aurait pu éclaircir : quand il voit Lily sortir de chez les Trenor le soir alors que Judy est absente à ce qu'on lui dit. Pourquoi n'est-il pas présenté à leur rv, et questionner Lily, habilement sur sa présence chez Gus ?
donc oui Pinky : L’ entrevue chez Selden est fondamentale car elle va clore pratiquement l’ouvrage comme une boucle qui se referme pour attester de la permanence d’un amour que les deux protagonistes ont tout fait pour mener à l’échec.
Lily se sacrifie pour Selden et ça c'est une preuve d'amour, non ?
et oui tu as bien relevé "la boucle"
et ce fameux mot que Selden aurait voulu dire lors de la dernière visite de Lily ? j'hésite entre deux
@Tristram, "elle opte pour cette existence en rejetant une autre vie qu'elle considère comme médiocre," la mère de Lily lui disait que la médiocrité était une bêtise ! et elle l'avait élevée avec l'idée que sa beauté lui permettrait d'atteindre une vie de luxe.
Les gens qui l'entouraient se servaient eux aussi de sa beauté, de sa présence.
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21746
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Certes, par exemple, gagner au jeu est attirant (j'entendais un reportage ce matin où un bénéficiaire des Restos du cœur rassurait un autre : "T'a pas gagné au Loto, ils vont te garder"), mais ce n'est une sortie par le haut que pour une infime partie des joueurs, les autres s'enfoncent davantage.
Quant à la force de caractère, n'est-ce qu'un acquis transmis par l'entourage, et/ou le sang ?
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Tristram- Messages : 15965
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Silveradow- Messages : 700
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
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Bédoulène- Messages : 21746
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Silveradow- Messages : 700
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
J’ai trouvé dans les premiers chapitres de très fortes dualités, surtout entre les femmes : célibataire ou mariée, pauvre ou riche. Pas de nuances ou alors mise de côté (miss Gerty Farish), mais cela s’atténue avec l’évolution de Lily, elle s’ouvre à d’autres mondes (même si elle aurait préféré rester uniquement dans le sien), sa vision de la société s’élargit, il y a beaucoup moins de dualités. Il y a quand même assez de peu sororité dans ce roman !
Les passages avec Mr Trenor qui attend son « remboursement », mon dieu qu’ils sont oppressants ! J’étais tellement mal à l’aise. Brrrr j’en ai encore des frissons ! Je le vois vraiment comme un « vieux » (d’ailleurs à part Lily, on ne connaît l'âge de personne si je ne me trompe pas?) gros lourdaud libidineux … bref il y a une tension affreuse dans ces passages.
« de laisser Trenor, sur le siège de la voiture, se pencher un peu, se rapprocher encore d’elle et de poser une main protectrice sur la sienne, ne lui coûta qu’un frisson momentané de répugnance »
C’est une longue partie d’échec, à plusieurs joueurs certes, mais rien de plus rien de moins, tout est calculé et de la part de tout le monde, des hommes, comme des femmes, même la si gentille Miss Gerty Farish établit des plans, avec de bonnes intentions
- Spoiler:
- encore qu’elle hésite quand elle espère pouvoir récupérer Selden
Dès le début on voit la manipulation, partout, tout le temps, même à l'improviste, Lily n’avait pas prévu de monter chez Selden :
« Les points de repère qu’elle avait eu la présence d’esprit de glaner chez Selden, en prévision même de cette éventualité, servaient si avantageusement ses desseins qu’elle commença à penser que cette visite avait été le plus heureux accident de la journée »
Chapitre VI : j’aime beaucoup la définition de la liberté de Selden même si elle montre tout de même des ressources cultures et financières relativement riches :
« Libre de tout… de l’argent et de la pauvreté, de l’aisance et de l’inquiétude, de tous les accidents matériels »
Chapitre XII : un moment très beau, très poétique, le plus beau peut être du livre :
« Autour d’eux régnait la transparente obscurité d’une nuit d’été. Des lumières appendues formaient des cavernes d’émeraude dans les profondeurs du feuillage et blanchissaient le jet d’une fontaine qui tombait parmi les nénuphars. »
Encore une fois on est pas dans une œuvre spécialement féministe
Ciel ! Eteignez moi cette cigarette que je ne saurai voir :p« maintenant que les femmes se sont mises à fumer, nous vivons dans un bain de nicotine. Ce serait curieux d’étudier l’effet de la cigarette sur les relations des sexes entre eux. La fumée est presque un aussi grand dissolvant que le divorce ; tous deux tendent à trouver l’orientation morale... »
« non seulement parce que, dans des affaires de ce genre, la femme se range instinctivement du côté de l’homme »
J’aime les quelques dialogues très francs, notamment entre Lily et Rosedale :
« Après le réseau de mensonges mondains sous lequel elle s’était débattue pendant si longtemps, c’était un rafraichissement que d’entrer dans le plein jour de l’intérêt avoué.
_ Je comprends, fit-elle ; il y a un an, je vous aurais été utile, maintenant, je ne serais plus qu’un embarras pour vous… J’estime l’honnête franchise avec laquelle vous me le dites."
@Pinky, tu as raison pour la boucle qui commence et finit par Selden, j’avais quelque peu oublié que le roman commençait avec lui mais Edith Warthon a eu la bonté de le rappeler elle même pour ses lecteurs étourdis !
Par contre je ne te permets pas de dire qu’à 29 ans on est plus toutes jeunes ^^
Je te rejoins également sur la place des enfants, ça m’a choquée de n’entendre parler d’aucun, sauf une fois de la fille de Mrs Fischer (dont on ignore le nom, tout comme la fille de Nettie). J’en reviens à la question de l’âge, quel âge ont tous ces couples ? N’ont-ils pas d’enfants ? Ou est-on à une époque où c’est les divers domestiques et tuteurs qui s’en occupent ?
Je ne partage pas votre avis sur le parasitisme de Lily, elle se sert des autres tout comme ils se servent d’elle, c’est du donnant/donnant je trouve.
Est ce qu’épouser Selden l’aurait vraiment coupé de ce milieu ? Elle n’aura pas eu tout le luxe qu’elle voulait, mais il est quand même souvent présent dans ce milieu, et j’imagine qu’un avocat est toujours apprécié.
Il le dit à la fin, il a peur et il est lâche, un poil misandre aussi ce roman ! Je pense ici également à Mr Dorset qui attend qu'une autre femme le sauve de cette méchante Bertha !@bédoulène a écrit:« il faut aussi parler des hommes qui se cachent souvent derrière leur femme ; et franchement seul Seldon parait intéressant cependant dans l'un des moments où lui et Lily auraient pu se retrouver il s'est laissé abuser par une situation qu'il aurait pu éclaircir : quand il voit Lily sortir de chez les Trenor le soir alors que Judy est absente à ce qu'on lui dit. Pourquoi n'est-il pas présenté à leur rv, et questionner Lily, habilement sur sa présence chez Gus ? »
Je vous trouve bien méchant avec Lily, je ne trouve pas qu’elle manque de caractère, par contre je la trouve très honnête, « droite dans ses bottes ». Elle ne veut pas s’en sortir au détriment de quelqu’un, elle ira même jusqu’à essayer de travailler ! Imaginez un peu devoir commencer à travailler à 29 ans alors qu’on en a jamais eu besoin !
Je ne pensais pas être tenue en haleine par ce roman ! Contrairement à vous j'ai aimé Lily dès le début :p et j'ai dévoré la fin en espérant qu'elle trouve une solution !
J'irai découvrir avec plaisir d'autres oeuvres d'Edith Wharton
Silveradow- Messages : 700
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Pour les enfants oui dans ce monde on laisse les bonnes et autres s'en occuper comme tu le penses
Et oui Dorset compte sur Lily, Trenor aussi (afin que Lily attendrisse Judith envers Rosedale)
et alors ce mot ?? "amour" ou Foi (en Lily)
j'ai lu Ethan Frome (assez sombre)
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Bédoulène- Messages : 21746
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
C'est pourtant le cas au début du XXe siècle où les femmes se marient jeunes et où l'espérance de vie est beaucoup plus courte qu'actuellement, environ 50 ans pour les femmes. On coiffait "sainte-Catherine" si on n'était pas mariée à 25 ans et c'était le 25 novembre, bientôt le jour de la Sainte-Catherine.Par contre je ne te permets pas de dire qu’à 29 ans on est plus toutes jeune
Quant à Lily, si j'ai parlé de parasitisme c'est que sa situation financière ne lui permet que de mener sa vie mondaine chez les autres, elle n'a pas de famille capable de recevoir. C'est le sort des femmes de l'époque et de cette société que décrit Wharton. J'ai quand même un peu de mal à partager son goût du luxe et des toilettes comme seul but, même si en effet, elle est courageuse à la fin de sa vie.
Étant en train de lire Mrs Dalloway, je pourrai faire quelques comparaisons quant à la manière d'écrire.
Pinky- Messages : 543
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
je crois que ton parasitisme on pourrait dire aujourd'hui "pique-assiette" ? mais si elle n'était pas aussi belle je pense qu'elle aurait été moins invitée, non ?
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Bédoulène- Messages : 21746
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
D'accord avec toi, Bédoulène, c'est le fait d'être belle qui permet à Lily d'être invitée. Si j'ai employé le terme péjoratif de "parasitisme", c'est pour évoquer sa situation de dépendance vis à vis de ses hôtes, elle ne peut pas rendre les invitations.
Pinky- Messages : 543
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Concernant le moins belle : en fait quel est vraiment son milieu de naissance ? Ses parents faisaient partie de ce milieu mondain avant d'être ruiné non ? Donc même si elle n'avait pas été belle aurait pu être invitée ?
@Pinky, maintenant le 25 novembre c'est manif féministe ! :p Pas la peine d'être désolée, y'a aucun mal
Elle ne peut pas rendre les invitations mais elle fait le "sale boulot" : la correspondance de Mrs Trenor, occupé le mari Dorset, le secrétariat pour Mrs Hasch... qui le ferait autrement ?
Silveradow- Messages : 700
Date d'inscription : 30/12/2016
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
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Bédoulène- Messages : 21746
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Pinky- Messages : 543
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
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Bédoulène- Messages : 21746
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Tristram- Messages : 15965
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
Silveradow- Messages : 700
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Re: LC Edith Wharton : Chez les heureux du monde
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Tristram- Messages : 15965
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