Fernando Pessoa
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Re: Fernando Pessoa
Il y a de quoi sourire ici :
Si l'homme était, comme il faudrait qu'il soit,
Non point un animal malade, mais le plus achevé des
animaux,
Un animal dans le droit fil et non plus en ligne indirecte,
Elle devrait être autre sa façon de trouver un sens aux
choses,
Autre et dans le vrai.
Il devrait avoir acquis un sens de l'«ensemble»;
Un sens, tel que voir et entendre, de la «totalité» des
choses
Et non, telle que nous l'avons, une pensée de
l'«ensemble»;
Et non, telle que nous l'avons, une «idée» de la totalité
des choses.
Et de la sorte - nous verrions - nous n'aurions pas la
notion de l'«ensemble» ou de la «totalité»,
Parce que le sens de la «totalité» ou de l'«ensemble»
ne provient pas d'une totalité ou d'un ensemble
Mais de la Nature véritable qui peut-être n'est pas plus
un tout que des parties.
Poèmes païens, Édition Points Poésie, p. 103.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Re: Fernando Pessoa
Un peu de Pessoa, pour les amateurs de citations :
Prises dans Le livre de l'intranquillité :
Prises dans Le livre de l'intranquillité :
Aucun homme ne peut comprendre les autres. Comme l’a dit le poète, nous sommes des îles sur l’océan de la vie ; entre nous ondoie la mer, qui nous définit et nous sépare. Une âme aura beau tenter de savoir ce qu’est une autre âme, elle saura seulement ce que pourra lui dire un mot – ombre informe projetée sur le sol de son esprit.
J’aime les expressions, parce que je ne sais rien de ce qu’elles expriment. Je suis comme le maître de Saint-Martin : je me contente de ce qu’on me donne. Je vois, et c’est déjà beaucoup. Qui donc est capable de comprendre ?
C’est peut-être en raison de ce scepticisme à l’égard de l’intelligible que je regarde du même œil un arbre et un visage, une affiche et un sourire (tou est naturel, tout est artificiel, tout se vaut). Ce que je vois est pour moi tout le visible, que ce soit le ciel bleu profond, d’un blanc vert, de l’aube sur le point de naître, que ce soit le rictus qui déforme le visage d’une personne assistant, devant des tiers, à la mort d’un être aimé.
Petits bonhommes de papier, simples gravures, pages qui se bornent à exister, et que l’on tourne. Mon cœur ne s’attache pas à eux, et mon attention guère davantage ; elle les parcourt du dehors, comme une mouche marchant sur une feuille de papier.
Est-ce que je sais seulement si je sens, si je pense, si j’existe ? Je ne sais rien : rien d’autre qu’un schéma objectif de couleurs, de formes et d’impressions, dont je suis le miroir oscillant, bon à vendre au rabais.
Invité- Invité
Re: Fernando Pessoa
seule la première citation me convient
merci Arturo
merci Arturo
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21144
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Re: Fernando Pessoa
Merci, c'est toujours bien bon de retrouver Pessoa. J'aime beaucoup celle-ci :
Dans Un singulier regard, s'interrogeant sur ses dons de médiumnité (écriture automatique), Pessoa procède à son auto-analyse :
Arturo a écrit:C’est peut-être en raison de ce scepticisme à l’égard de l’intelligible que je regarde du même œil un arbre et un visage, une affiche et un sourire (tou est naturel, tout est artificiel, tout se vaut). Ce que je vois est pour moi tout le visible, que ce soit le ciel bleu profond, d’un blanc vert, de l’aube sur le point de naître, que ce soit le rictus qui déforme le visage d’une personne assistant, devant des tiers, à la mort d’un être aimé.
Dans Un singulier regard, s'interrogeant sur ses dons de médiumnité (écriture automatique), Pessoa procède à son auto-analyse :
« 1)Comment est survenue la médiumnité.
a)Base hystérique ou hystéro-neurasthénique (rechercher et analyser les caractères psychiques de ces névroses, déterminer comment elles s’articulent avec les phénomènes typiques de ce qu’on appelle la « médiumnité » […]).
b)Autosuggestion progressive, grâce à l’affermissement d’une certaine croyance (tout au moins relative, mais d’une efficacité certaine) en la réalité spirite de ces phénomènes, croyance née de la lecture d’ouvrages d’occultisme et de théosophie.
c)Des éléments de suggestion, recueillis au cours d’entretiens divers, dans le prolongement des éléments antérieurs et venant s’ajouter à :
d)Des éléments de suggestion hypnotique ou pseudo-hypnotique (la médiumnité a débuté à la suite d’une légère hypnose).
e)L’état dépressif provoqué 1/ par des contrariétés et troubles divers, 2/ par le trouble mental proprement dit, causé par l’apparition de phénomènes médiumniques, aussi bien en raison de cette apparition en elle-même que du contenu des phénomènes appelés « communications », et 3/ par le conflit entre tout cela et l’état normal et fondamental d’un esprit exigeant tout à la fois lucidité, logique et précision scientifiques, scepticisme philosophique et tendance à l’analyse rationnelle.
f)Les stimulants mentaux -curiosité de l’avenir, désir très vif de savoir, etc. -normaux chez un être humain, et tout d’abord suscités par des études d’astrologie, puis aggravés par les différents facteurs décrits ci-dessus.
Re: Fernando Pessoa
https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/fernando-pessoa-un-ecrivain-pluriel-1888-1935
Où l'on s'y retrouve un peu dans les hétéronymes, demi-hétéronyme et orthonyme _ vraiment LA personne plurielle _ Pessoa le scissipare ! trou noir et porte-voix (au pluriel).
Intéressant rapprochement avec Rilke et Kafka.
Le livre de l'intranquillité, constitué de fragments, peut-être pour être tout, simultanément...
Où l'on s'y retrouve un peu dans les hétéronymes, demi-hétéronyme et orthonyme _ vraiment LA personne plurielle _ Pessoa le scissipare ! trou noir et porte-voix (au pluriel).
Intéressant rapprochement avec Rilke et Kafka.
Le livre de l'intranquillité, constitué de fragments, peut-être pour être tout, simultanément...
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15637
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Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
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Localisation : Montréal
Re: Fernando Pessoa
Oui JHB, cette fois c'est le Livre de l"inquiétude... Dans l'émission, un des intervenants insiste sur l'importance du mot intranquillité, comme c'est différent de l'inquiétude... C'est un peu comme reprise et répétition chez Kierkegaard !
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Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Fernando Pessoa
donc on peut être à la fois intranquille et inquiet !
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Bédoulène- Messages : 21144
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Fernando Pessoa
Oui, il faut exprimer par un (minimum de) terme(s) ce qui fait la caractéristique d'une pensée _ ce qui est un peu la définition de la littérature !
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Tristram- Messages : 15637
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Fernando Pessoa
merci Tristram ! (et c'est là que je trouve ma difficulté à commenter trouver le terme précis !
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Bédoulène- Messages : 21144
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Fernando Pessoa
Citer Pessoa est un art de réfléchir sur son oeuvre en même temps.
Dans Le Gardeur de troupeaux :
Dans Le Gardeur de troupeaux :
Navire qui pars pour des terres lointaines,
comment se fait-il qu'à l'inverse des autres
tu ne me laisses, en partant, aucun regret?
C'est que, dès que je ne te vois plus, tu cesses d'exister.
Et, s'il est des gens pour regretter ce qui n'existe pas,
il n'est chose au monde dont j'éprouve un tel regret;
ce n'est pas le navire, mais nous-mêmes, que nous
regrettons.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Fernando Pessoa
Entre ce fil et celui destiné à Walter Benjamin, je n'arrête pas de voir des similitudes se tisser...
Et merci pour ce beau poème.
Et merci pour ce beau poème.
Re: Fernando Pessoa
Les similitudes... Tu peux préciser un peu ?colimasson a écrit:Entre ce fil et celui destiné à Walter Benjamin, je n'arrête pas de voir des similitudes se tisser...
Et merci pour ce beau poème.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Fernando Pessoa
Je viens de commencer à feuilleter mon édition Pléiade de Pessoa. Il y a plein de pépites. Je prendrai mon temps pour y revenir. Je serais également curieux de savoir ce que tu dresses comme parallèles entre les fils de Pessoa et Benjamin, Colimasson... pour ma part, je vois un fil ténu qui vient de leur démarche commune, disons propension à flâner ou flotter dans leur conscience.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Fernando Pessoa
Dans Ode martiale :
Ce poème me réconcilie avec le dessein de la poésie, dans la mesure où le propos peut s'adapter dans une contexture politique pour mettre du relief à un propos. Dans ce dernier extrait, Pessoa parle de guerre... et j'ai trouvé qu'il en parlait bien...
Si moi j'enlève d'un coup de poing
Le gâteau bon marché de la bouche de l'enfant pauvre
Où trouverai-je de la justice dans ce monde,
Où me cacherai-je des yeux du Visage
Invisible qui surveille à travers les étoiles
Lorsque le coeur voit de ses propres yeux
Le mystère regarder l'univers?
Mon émotion concrète, ô jouet pour enfants,
Ô petites joies légitimes des gens obscurs,
Ô pauvre richesse restreinte de ceux qui ne sont
personne...
Les meubles achetés par tant de sacrifices,
Les nappes rapiécées avec tant de soin,
Les petites choses de la maison si ajustées et rangées à leur
place
Et la roue de l'une des mille voitures du roi vainqueur
Casse tout, et tous ont perdu.
Quel empereur a-t-il le droit
De casser sa poupée à la fille de l'ouvrier?
Quel César avec ses légions a-t-il la juste licence
De casser la machine à coudre de la vieille?
Si je m'en vais à travers rues
Et que j'arrache cette tranche de pain sale de la main de la
fillette
Et que je la fasse pleurer, où rencontrerai-je le moindre
Christ?
p. 253
Ce poème me réconcilie avec le dessein de la poésie, dans la mesure où le propos peut s'adapter dans une contexture politique pour mettre du relief à un propos. Dans ce dernier extrait, Pessoa parle de guerre... et j'ai trouvé qu'il en parlait bien...
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Fernando Pessoa
Merci pour le poème Jaku, pas encore lu ce recueil.
Pour les similitudes entre Benjamin et Pessoa, j'approuve ce que tu dis : la propension à flâner. Une certaine forme de recul lucide qui les fait devenir observateurs aigus du monde, tout en refusant d'en jouer le jeu. Une sensibilité qui semble abolir les frontières entre le soi et le reste du monde et qui fait ressentir la participation de toutes choses entre elles. Le goût pour le paradoxe. Une certaine façon intellectuelle d'amener les réflexions pour mieux se moquer de ce goût pour le rationalisme... la révolte qui les fait bouillir et qui s'épuise parfois en mélancolie.
Et sans doute bien d'autres choses.
Pour les similitudes entre Benjamin et Pessoa, j'approuve ce que tu dis : la propension à flâner. Une certaine forme de recul lucide qui les fait devenir observateurs aigus du monde, tout en refusant d'en jouer le jeu. Une sensibilité qui semble abolir les frontières entre le soi et le reste du monde et qui fait ressentir la participation de toutes choses entre elles. Le goût pour le paradoxe. Une certaine façon intellectuelle d'amener les réflexions pour mieux se moquer de ce goût pour le rationalisme... la révolte qui les fait bouillir et qui s'épuise parfois en mélancolie.
Et sans doute bien d'autres choses.
Re: Fernando Pessoa
Benjamin était quand meme beaucoup plus engagé politiquement, à l' image
d' Adorno, Brecht et autres.
Peut etre était-il meme trop impliqué par rapport à son temps, à sa judéité,
à ses angoisses existentielles.
La vie de proscrit qu' il du mener, a annihilé beaucoup de ses désir et véllèités.
Alors que, d' une certaine façon, Pessoa menait une vie de raté, se considérait
lui-meme comme un raté (malgré des moments d'orgueil et de revenciation), mais il ne songeait pas à changer le monde ni lui-meme.
Sa vison du monde était pessimiste, mais son univers intime était vertigineusement
irréel et vivable seulement par lui parce qu' il le revait.
Alors oui, certaines similitudes, mais aussi pas mal de différences qui ne tenaient
pas qu' à eux.
d' Adorno, Brecht et autres.
Peut etre était-il meme trop impliqué par rapport à son temps, à sa judéité,
à ses angoisses existentielles.
La vie de proscrit qu' il du mener, a annihilé beaucoup de ses désir et véllèités.
Alors que, d' une certaine façon, Pessoa menait une vie de raté, se considérait
lui-meme comme un raté (malgré des moments d'orgueil et de revenciation), mais il ne songeait pas à changer le monde ni lui-meme.
Sa vison du monde était pessimiste, mais son univers intime était vertigineusement
irréel et vivable seulement par lui parce qu' il le revait.
Alors oui, certaines similitudes, mais aussi pas mal de différences qui ne tenaient
pas qu' à eux.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Fernando Pessoa
J'en ai un pour vous, et c'est mon côté nelliganien - pour Emile Nelligan - travesti de la lecture aquinienne - Hubert Aquin - qui me fait vous citer ce poème de Fernando Pessoa :
XXXV
Le clair de lune à travers les hautes branches,
les poètes au grand complet disent qu'il est davantage
que le clair de lune à travers les hautes branches.
Mais pour moi, qui ne sais pas ce que je pense,
ce qu'est le clair de lune à travers les hautes branches,
en plus du fait qu'il est
le clair de lune à travers les hautes branches,
c'est de n'être pas plus
que le clair de lune à travers les hautes branches.
Le gardeur de troupeaux, p. 87.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
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Localisation : Montréal
Re: Fernando Pessoa
et ça suffit !
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21144
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Localisation : En Provence
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