Jorn Riel
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Re: Jorn Riel
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
Ici, c'est plus pour les grands.
Une station par district, au Groenland, avec chacune la cabane pour un à deux chasseurs qui y hibernent ; une suite d’histoires assez courtes, autant chapitres que nouvelles, autant de récits quasi autonomes qui racontent chacun une péripétie des reclus dans l’immensité.
Le trait marquant, c’est l’humour, même si les évènements portent a priori rarement à rire (la scène de l’enterrement à laquelle Topocl fait allusion constitue en effet un sommet du genre).
Les accidents qu’occasionne cette existence isolée sur des individus qui n’ont pas inventé l’eau tiède fourni le thème de chaque épisode.« Museau était un chasseur de premier ordre jusqu’à ce qu’il perde ses lunettes. Mais à partir de ce moment-là ç’a été la nuit pour lui. La nature n’accepte pas qu’un chasseur perde ses lunettes. »
Ils sont durs voire cruels, plus ou moins excentriques voire insensés, et forment une superbe petite galerie de personnages à la fois comiques, originaux et affreux.
Il n’y a que des hommes, et les plus jeunes sont douloureusement frustrés de femmes qui les hantent :« Il se fit tatouer quatre cœurs sur les avant-bras, avec quatre noms de filles différents. C’était beau, mais ça faisait un brin vantard. En plus, il eut droit à un trois-mâts carré, toutes voiles dehors, et, sur le dos, à un dragon crachant des flammes. C’était fantastique de regarder Bjørken depuis qu’il s’était fait peinturlurer. Lui n’était pas du genre à se faire prier. "Un tel dragon, disait-il le soir, en enlevant son maillot de corps, ça vous réchauffe. Autrefois on pouvait rester à l’intérieur avec maillot et chandail islandais et tout, mais depuis qu’on a ce gars sur le dos, on se sent mieux le ventre nu." »
« Il a décroché le gigot de renne, que nous avions toujours, suspendu au plafond, et il s’est pendu à la place. Quand je suis rentré de la tournée des pièges et que j’ai voulu me couper une bonne tranche en guise de quatre heures, j’ai failli trancher une des fesses de Monsieur le gibier de potence. Quelle histoire, Lasselille ! On doit toujours être prudent quand on fréquente des gens qui ont des idées. »
Les conditions de vie sont assez ahurissantes :« – Emma, tiens, c’est comme si elle était faite rien qu’avec des beignets aux pommes. Les fesses, les seins, les joues et tout et tout. Rien que des beignets, mon garçon. Et au milieu de toute cette pâtisserie, deux yeux bleu ciel et une moue rouge. »
« Oui, elle est rose et ferme et lisse comme un cochon de lait qu’on aurait rasé. »
J’ai ressenti la vive impression que ces histoires étaient fortement imprégnées de vécu (ce qui fait s'interroger dans certains cas).« La station était vieille et mal entretenue. Tout le monde savait ça. Quand le vent de nord-ouest soufflait, Herbert devait monter des paravents de boîtes de biscuits autour des bougies pour qu’elles ne s’éteignent pas. Et par vent chargé de neige, il lui fallait déblayer le plancher à grands coups de pelle, plusieurs fois par jour. »
« Ils allumèrent la cuisinière et firent bouillir de la viande. Après ils mirent du thé dans l’eau de cuisson et ils la filtrèrent à travers un bonnet tricoté pour séparer les feuilles de thé et les poils de renne. »
Les visites entre solitaires, occasions d’abus de distillats maison, m’ont ramentu Dans les forêts de Sibérie, de Tesson.
J’ai gardé le sourire tout le long de ma lecture, sans compter les moments où j’ai franchement ri ; je recommande cette lecture ‒ d’autant plus qu’il y a une dizaine de livres à la suite ‒ en cas de crise de mélancolie importune.
« Ils restèrent assis, s’enfoncèrent en eux-mêmes, abandonnant leurs ombres énormes et laineuses sur le mur de bois rugueux. »
mots-clés : #huisclos #humour #nature
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Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
Tristram a écrit:[; je recommande cette lecture ‒ d’autant plus qu’il y a une dizaine de livres à la suite ‒ en cas de crise de mélancolie importune.
Tout à fait, j'ai initié cette lecture dans un moment un peu difficile de ma vie, casquée et mains gelées, (c'était tout à fait adapté ) et depuis, je les garde pour les coups durs (donc, comme j'ai de la chance je n'ai pas encore trop avancé, et j'ai des munitions pour les délices qui m'attendent).
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8551
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Re: Jorn Riel
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Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
Donc c'est bien tout le temps
(l'ennui ne naquit-il pas de l'uniformité"?)
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8551
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Re: Jorn Riel
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Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
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Armor- Messages : 4589
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Re: Jorn Riel
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Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
Encore un peu de saison.
C'est vrai que ça peut faire penser aux forêts sibériennes contées par Tesson, mais pour moi Riel a un vrai talent d'écrivain, que le premier cité n'a pas (plus faiblard et autocentré).
Riel nous propose donc ces racontars du Grand Nord (ni nouvelles ni roman, un entre deux on va dire).
J'ai adoré celle du coq, et celle où le bonhomme en a marre de sa solitude et va se chercher un compagnon à des kilomètres de là pour déverser tout ce qu'il à dire (je n'en dévoile pas plus...)
Et bien entendu celle de la Vierge froide, excellente. Toujours dans l'humour, et on n'a pas de peine à imaginer, à visualiser ce quotidien glacé, d'extrême solitude. Le tout dans une forme de légèreté.
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Re: Jorn Riel
Je suis contente que tu aies aimé, Arturo.
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topocl- Messages : 8551
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Re: Jorn Riel
Amusants ces trappeurs groenlandais, qui pour pour mieux surmonter des conditions de vie très difficiles accomplissent des prouesses époustouflantes, ont des beuveries et des banquets gargantuesques, courent le guilledou même si les femmes sont plus rares que les ours blancs... Et racontent des galéjades plus énormes que les provençaux eux-mêmes.
Mais évidemment ce ne sont que des "racontars" !
Jorn Riel dit que ce fut facile pour lui d'écrire ces racontars, parce que les personnages qui vivaient là au Groenland, lui ont été en quelque sorte "offerts" et qu'il n'a eu qu'en saisir les faits et gestes sans subir d'influence extérieure.
On veut bien le croire !
Un petit éclaircissement sur la vie de Jorn Riel et les sources de son inspiration, en dehors des 16 ans que Riel passa dans l'Arctique.
"Nourri aux récits que son père, coiffeur attitré de la Cour Royale, extorquait aux explorateurs polaires de l’époque, comme Knud Rasmussen et Peter Freuchen, le jeune Jørn Riel prend le chemin du Groenland en 1950 avec l’expédition Lauge Koch. Il n’a alors que 19 ans. Il restera seize ans dans ces contrées hantées par le soleil de minuit.
Parti mesurer les glaciers et se mesurer à lui-même, il rapporte du fatras des glaces et des aurores boréales la matière de ses fameux Racontars arctiques, de brèves fictions humoristiques. Ses héros, ce sont ses compagnons d’alors, trappeurs au grand cœur et chasseurs de phoques, paumés hâbleurs, écrivains de pacotille, philosophes de comptoir devant un imbuvable tord-boyaux… de fiers solitaires et pourtant indécrottables sentimentaux en quête de l’âme sœur, tous amoureux de cet être cruellement absent de la banquise, la femme."
"Etonnants voyageurs"
Dernière édition par bix_229 le Jeu 21 Fév - 13:51, édité 1 fois
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jorn Riel
Hansén était un grand acteur, le plus grand que le Danemark ait jamais enfanté...Hansén souhaitait maîtriser le rôle du héros polaire à la perfection... L' acteur et la nièce s' inscrivirent donc auprès de la Compagnie de chasse et furent assurés d' avoir des places lors de la première croisière d' été du bateau d' approvisionnement.
En réalité, Agnete Hansen n' était qu' une sorte de nièce. De cette sorte dont certains hommes âgés raffolent quand les prend par la main le démon de midi. Mlle Agnete était une froide beauté nordique aux dons incontestables pour les rôles de nièce..
Valdemar Hansén déboula dans sa vie le jour où il la renversa accidentellement en montant sa garde robe. Il en perdit son monocle, et son coeur, et se laissa séduire dans son appartement. Agnete y vit la possibilité d' une retraite anticipée inespérée, et accepta rapidement de devenir sa nièce à plein temps.
Le Porteur libre dans le recueil Le Canon de Lasselille
Récupéré
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jorn Riel
Loin de mon univers habituel j'ai pris plaisir à lire les tribulations et péripéties des gens de cette contrée que je connais si mal.
Avec un humour caustique et un joli second degré nous regardons le quotidien à travers diverses scènes réunissant les racontars.
Chaque personnage a un caractère très affirmé et les dialogues sont assez savoureux engendrant un rythme agréable au niveau du récit.
C'est un dépaysement permanent générant souvent pour moi des décalages de compréhension dans les diverses situations présentées et il fut parfois difficile de faire passerelle entre ce que je connais et ce que Riel décrit. Mais cela permet de découvrir et d'apprendre avec un plaisir certain au gré d'une écriture fluide et agréable.
Un récit sympathique qui ne fait pas partie de mon univers mais qu'il me fit plaisir de connaître.
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jorn Riel
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Re: Jorn Riel
Toute ressemblance blablabla.« – Je crois qu’il est devenu dévot, dit Mads Madsen. Et si c’est le cas, nous devons être prudents. Les dévots sont une espèce dangereuse. Ils sont pour ainsi dire un peu malades et, en plus, c’est une maladie contagieuse. »
La passion secrète de Fjordur
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Tristram- Messages : 15935
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Re: Jorn Riel
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21652
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Re: Jorn Riel
A recommander en temps de tristesse!
tom léo- Messages : 1353
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Re: Jorn Riel
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8551
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Re: Jorn Riel
Première incursion dans l'oeuvre de cet auteur. Très marquant.
J'adhère tout à fait au très bon commentaire de Tristram
Je ne doute pas de la difficulté de passer l’hiver en Arctique même si les chasseurs sont des habitués des stations de chasse et je pense sincèrement que la solitude peut éprouver ces hommes jusqu’à troubler leurs facultés mentales.
L’auteur a fait intervenir des hommes « civilisés », dans la vie des chasseurs, Il n’hésite pas d’ailleurs à les ridiculiser quelque peu.
J’ai apprécié cette lecture, pour l’écriture et pour les chutes souvent pragmatiques. Egalement pour m’avoir fait sourire.
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: Jorn Riel
Cinq célibataires vivent tranquillement dans une maison du Groenland, oisifs et grands buveurs. Mais l’un d’eux, capitaine d’un bateau transporteur de charbon, qui ne se lave jamais et assure avec son salaire la seule entrée d’argent de la maisonnée, s’inquiète de leur éventuelle dispersion lorsque l’âge de la retraite sera venu. Toujours avec humour, Riel rend compte du genre de vie dans cette contrée exotique.
En postface à cette novella, Riel parle de sa riche existence, qui ne se résume pas à l’Arctique, et confie :« Elle les invita à entrer et leur servit café et schnaps dans des tasses. Avec le café, elle leur servit de longues lanières de viande de mouton séchée accompagnées de délicieux petits dés de phoque frits. »
« Un racontar, c'est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l'inverse ? »
\Mots-clés : #humour
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