Jorn Riel
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Re: Jorn Riel
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21652
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Re: Jorn Riel
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Keep on keeping on...
Re: Jorn Riel
J'ai découvert Jorn Riel à l'occasion d'une (courte) relation amoureuse. Il était en pleine lecture de la série des racontars arctiques et ses éclats de rire exagérés pendant la lecture m'énervaient. J'en avais donc l'image d'un auteur comique, léger, sans grande profondeur, et partant de ce mauvais a priori, je n'avais pas franchement adhéré à la lecture quand il m'en avait proposé un (un safari arctique, je crois). Déçu, il m'avait proposé d'essayer quand même ce court roman qui avait été son point d'entrée et qu'il avait trouvé nettement moins drôle... peut-être que ça me plairait, du coup, à moi la rabat-joie!
Et bien ça m'a plu. Alors ce n'est pas une intrigue très originale. On est dans une commaunauté du Groenland, sûrement du 19e siècle, en tout cas qui n'a pas encore eu de contacts avec l'Occident, on suit une grand-mère et son petit fils qui se retrouvent isolés, abandonnés en apparence, par le reste du village. Ninioq, la grand-mère, va essayer de survivre avec lui, sans panique, en préservant l'espoir, alors qu'il n'y en a pas. Le récit est doux et amer à la fois, avec en fond l'évocation du mode de vie des inuits, leurs légendes, leur quotidien, que Riel connait évidemment assez bien. Le récit fictionnel des deux abandonnés et de leurs chiens s'entrecroise avec les flashbacks de Ninioq, qui raconte son enfance, son mariage-enlèvement, les anciens qui vont "s'asseoir sur le glace" quand ils sentent qu'ils sont un poids trop grand pour les autres et que leurs brus en ont marre de prémacher leur repas, et plein de détails de ce genre, dont je ne me souviens plus. L'idée de fond et le déroulé ressemble à Raga, de Le Clézio, mais avec une fiction beaucoup plus prenante. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, c'est un roman de journaliste et pas d'écrivain peut-être, mais je pense que ça peut intéresser les lecteurs de Riel habitués à la légereté des racontars... et les amoureux du grand Nord évidemment.
A l'arrière du bouquin, un critique avait écrit "on n'oublie pas Ninioq" et six ans plus tard, je n'ai pas oublié Ninioq.
PS : j'ai trouvé que le livre méritait un meilleur titre que celui-là
Krisz- Messages : 34
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Re: Jorn Riel
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15934
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Re: Jorn Riel
et tu voir l'amour mène aussi aux lectures
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: Jorn Riel
Bédoulène a écrit:merci Krosz, j'ai ri aussi avec cet auteur.
et tu voir l'amour mène aussi aux lectures
Haha oui par accident!
Krisz- Messages : 34
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Re: Jorn Riel
Ninioq, l’ancienne, est inquiète : le changement transforme son monde.
La vie des chasseurs nomades est évoquée, avec ses violences et malheurs, comme la famine, mais c’est le sort des vieillards qui est particulièrement souligné, qui vont s’exposer à la mort sur la glace lorsqu’ils sont devenus à charge.« Tout avait changé et continuait à changer. Si la mer, le ciel et les montagnes étaient tels qu’ils l’avaient toujours été, si les hommes continuaient à naître et à mourir, elle ressentait pourtant intensément que tout était en décomposition, qu’elle et sa tribu étaient en train d’abandonner la vie qui avait toujours été celle des hommes.
D’abord le renne avait disparu, ce qui avait été un grand malheur. Car sur ses traces étaient parties bien des tribus qui, autrefois, avaient peuplé le pays. Puis étaient survenues de longues périodes où les animaux de mer s’étaient tenus loin des côtes, entraînant de mauvaises chasses et des famines. Peut-être étaient-ce ces temps difficiles qui changeaient les hommes. Les tribus étaient devenues plus petites, plus sédentaires, et l’on avait commencé des querelles de sang qui se prolongeaient sur plusieurs générations. »
« À bien des points de vue, d’ailleurs, la vie de vieille femme lui paraissait aussi plaisante que celle de jeune femme. Parfois même plus amusante, puisqu’elle ne désirait plus tout ce qu’un être humain ne peut jamais atteindre. »
C’est le départ du camp d’hiver pour celui d’été en kayaks et « bateaux de femmes », et les savoir-faire de Ninioq sont toujours précieux, qu’elle transmet aux plus jeunes. Pêche et chasse ayant été fructueuses, elle se porte volontaire pour le séchage de la provende sur une île à viande, avec son jeune petit-fils Manik qui en a exprimé le souhait, et Kongujuk la rhumatisante, qui meurt bientôt. Comme les autres ne viennent pas les rechercher, ils retournent au campement, où tout le monde est mort après une visite du grand bateau (des Blancs ; apparemment de maladie).
Ninioq raconte son existence et ses rêves à Manik, pressé de devenir son « pourvoyeur », mais qui a encore tant à apprendre…
C’est vrai qu’on ne rit guère dans cette évocation (malheureusement peu approfondie) assez effroyable de la vie des « eskimos » ; tout au long de cette lecture, j’ai pensé qu’elle ferait peut-être reconsidérer le retour aux sources "ethniques" en vogue actuellement chez les wannabes…« C’était en tout cas un fait que cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas contemplé de visages étrangers et que, partout où l’on voyageait, on ne rencontrait que ruines de maisons et emplacements de tentes abandonnés. »
« Manik buvait ses paroles. Il les prenait à lui, il les enfouissait au fond de sa conscience comme de précieux trésors et sentait qu’elles lui appartenaient comme elles avaient appartenu à tous les autres qui les avaient entendues avant lui. »
« Elle était fatiguée. Si fatiguée que la vie elle-même ne lui semblait plus souhaitable. Mais elle devait continuer à vivre pour le garçon. Elle n’avait pas peur de la mort. La mort viendrait comme une délivrance, un changement longtemps espéré dans cette existence à laquelle elle n’appartenait plus. Par contre, elle avait peur de la vie. Car la vie était devenue solitude, vide et crainte de ce qui pouvait arriver. Elle avait surtout peur pour le garçon. Que deviendrait-il quand elle mourrait ? »
\Mots-clés : #mort #nature #solitude #vieillesse
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Tristram- Messages : 15934
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Re: Jorn Riel
les vieillards qui se sacrifient, c'est aussi dans les tribus des indiens en Amérique du nord
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: Jorn Riel
Oui, l'abandon des vieillards devenus à charge, plus ou moins volontairement et plus ou moins systématiquement, est une caractéristique répandue dans le "Nouveau Monde" ; je me pose aussi la question de savoir si les "Esquimaux", Inuits et autres, ne sont pas à proprement parler des Amérindiens...
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Tristram- Messages : 15934
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Re: Jorn Riel
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Re: Jorn Riel
Où on retrouve la même équipe dispersée au Groenland, pour de nouvelles aventures, certes loufoques, mais qui évoquent aussi un monde à la fois dur et attirant.
« Le vertigo polaire pousse lentement, et se construit selon le même schéma dans tous les cas connus. Les problèmes enflent et grossissent et étouffent à la fin leur victime au point qu’elle craque dans la grande crise libératrice du vertigo. Le vertigo en lui-même comporte un nombre abondant de variantes. Certains sont frappés d’une sorte de maladie du sommeil, où l’assoupissement permanent tient lieu de mécanisme protecteur contre les problèmes insolubles. Ceci est une forme assez bénigne que l’on peut observer chez des nourrissons qui ne sont pas à l’aise dans la vie. D’autres deviennent fous au sens le plus littéral du mot. Courent comme des insensés, hurlent comme des renards à la lune, cassent n’importe quoi, tirent sur tout ce qui bouge ; dans le même temps – ceci est commun pour tous – ils jurent, pleurent, rient et chantent des chansons cochonnes. Cette variante-là n’est pas préoccupante, il suffit de la laisser s’épuiser. La crise passe au bout de quelques jours, et celui qui en est la proie tombe dans un état d’épuisement d’où il se réveille avec une légère amnésie, clair et purifié.
Il y a aussi le cas bien connu des marcheurs solitaires. Des candidats au vertigo qui se mettent à marcher vers le sud à la chasse au bonheur, ou des gens qui s’installent dans une yole et commencent à ramer vers l’Islande. Ceux-là sont pénibles parce qu’il faut les suivre et les surveiller. À cette liste on peut ajouter une irrépressible envie de bisous-de-nègre, des exterminations intempestives de lièvres à trois pattes ainsi que de tenaces fantasmes féminins. »
« Parce que ni l’esprit missionnaire ni la Mission intérieure n’étaient plus ce qu’ils avaient été avant l’avènement de ce siècle. Des vents adoucissants avaient, avec le nouveau siècle, soufflé sur le mouvement de réveil religieux, et ce qui auparavant avait été si empreint d’un zèle répressif de toute joie était en train de se doter d’un visage plus positif et tolérant. Pour la direction supérieure, des fanatiques comme Pollesøn étaient donc devenus de vraies patates brûlantes. D’un côté, on ne pouvait pas sous-estimer ses mérites au Groenland, d’un autre côté, il ne fallait en aucun cas compromettre l’image en cours d’édification. »
\Mots-clés : #aventure #humour #nouvelle
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