Franz Kafka
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Re: Franz Kafka
Dans un essai compilé dans l'ouvrage Nudités, Giorgio Agamben développe une interprétation du Procès, de Kafka.
Dans les procès romains, où le ministère public avait un rôle limité, la calomnie représentait pour l'administration de la justice une menace tellement grave que les faux accusateurs devaient porter une marque sur le front comme punition : la lettre K (l'initiale de Kalumniator). Il revient à Davide Stimili d'avoir su montrer l'importance de ce fait pour toute interprétation du Procès de Kafka, que l'incipit représente sans la moindre réserve comme un procès calomnieux (« Il fallait bien que quelqu'un ait calomnié Joseph K. puisqu'il fut arrêté un beau matin, alors qu'il n'avait rien fait de mal »). La lettre K., selon Stimili, qui rappelle que Kafka avait étudié l'histoire du droit romain alors qu'il se préparait à être conseiller légal, n'est donc pas l'initiale de Kafka, selon une opinion commune qui remonte à Max Brod, mais celle de la calomnie.
Invité- Invité
Re: Franz Kafka
À Milena

Il s’agit du corpus des 149 lettres de Kafka à Milena, elle à Vienne et lui à Prague.
Constantes dans cette correspondance sous forme de monologue tourmenté, la judéité de Kafka, son insomnie et surtout sa peur/angoisse, ainsi que la maladie (chez les deux).
\Mots-clés : #correspondances

Il s’agit du corpus des 149 lettres de Kafka à Milena, elle à Vienne et lui à Prague.
La perte des lettres de Jesenská est déplorable, car Kafka leur répond constamment en les commentant. Les deux correspondent donc, mais assez rapidement leurs échanges prennent un tour plus intime – quoique le mari de Milena ne semblât pas être remis en question, pas plus que les ex-fiancées de Franz, tout aussi librement évoquées.Editions Nous a écrit:Milena Jesenská (1896-1944) : traductrice, journaliste, elle a 24 ans lorsqu’elle devient la voix tchèque de Kafka. Aucune des lettres qu’elle lui a écrites ne nous est hélas parvenue, soit qu’elles aient été brûlées par leur destinataire, soit qu’elles aient disparu lors de l’entrée des troupes allemandes à Prague en 1939. Résistante, sa vie aventureuse et tragique se terminera dans le camp de concentration de Ravensbrück.
Constantes dans cette correspondance sous forme de monologue tourmenté, la judéité de Kafka, son insomnie et surtout sa peur/angoisse, ainsi que la maladie (chez les deux).
Kafka parle de sa « non-musicalité », déclarant qu’il ne comprend pas la musique. Il émet (avec humour) le souhait d’être l'armoire de la chambre de Milena, qui la contemple tous les jours. Il répète « malgré tout ». Il évoque l’histoire de Casanova aux Plombs, captif à ras de l’eau de la lagune où grouillent les rats en lesquels il se métamorphose.« …] (si je pouvais dormir comme je sombre dans l'angoisse je ne vivrais plus) [… »
« Ensuite : ce qu'il doit en advenir plus tard, ce n'est pas le sujet, la seule certitude est que je ne peux vivre loin de toi autrement qu'en approuvant totalement la peur, en l'approuvant plus encore qu'elle ne le veut elle-même, et je le fais sans contrainte, avec délices, je me répands en elle.
Tu as raison de me faire des reproches au nom de la peur sur ma conduite à Vienne, mais elle est vraiment étrange, je ne connais pas ses lois internes, je ne connais que sa main sur ma gorge et c'est vraiment la chose la plus effroyable que j'ai jamais vécue ou puisse vivre. »
Ce qu’il pense de l’administration résonne aves son œuvre :« On est accroupi en haut et donc le dos en prend un coup, et les pieds eux aussi sont pris de crampes, et on a peur et pourtant on n'a rien d'autre à faire que de contempler les gros rats sombres et ils vous aveuglent au milieu de la nuit et finalement on ne sait plus si on est encore assis en haut ou déjà en bas, on siffle et on ouvre la petite gueule avec toutes ses dents. »
J’ai trouvé des accents baudelairiens à ses affres, assez masochistes et morbides.« Penses-y Milena, le bureau n'est pas une quelconque, arbitraire et bête institution (il l'est aussi et en excès, mais ce n'est pas là la question, d'ailleurs il est plus fantastique que bête) mais c'est ma vie jusqu'à aujourd'hui, je peux m'en arracher, c'est certain, et ce ne serait peut-être pas mal du tout, mais jusqu'à maintenant c'est tout simplement ma vie, je peux faire à peu près n'importe quoi, travailler moins que n'importe qui (je le fais), bousiller le travail (je le fais), faire quand même l'important (je le fais) accepter tranquillement comme mon dû le plus aimable traitement de faveur qui soit concevable au bureau, mais mentir, pour soudainement partir comme un homme libre, alors que je ne suis qu'un fonctionnaire en activité, partir là où "rien d'autre" ne m'appelle que l'évident battement de cœur, bon je ne peux pas mentir comme cela. »
Aussi la frappante montée de l’antisémitisme.« Je ne peux pas écouter en même temps les terribles voix intérieures et vous écouter vous, mais je peux écouter celles-ci et vous le confier, à vous comme à personne d'autre en ce monde. »
« …] l'amour c'est que tu es le couteau avec lequel je fouille en moi. »
« Oui, la torture est très importante pour moi, je ne m'occupe de rien d'autre que d'être torturé et de torturer. Pourquoi ? Pour une raison semblable à celle de Perkins [personnage de tortionnaire dans le roman Jimmy Higgins d'Upton Sinclair] et pareillement irréfléchie, mécanique et respectueuse de la tradition ; en fait pour apprendre la parole maudite de la bouche maudite. »
« Je suis maintenant toutes les après-midis dans les rues et je baigne dans la haine des Juifs. "Prašivé plemeno" ["race galeuse", en tchèque] voilà comment j'ai entendu nommer les Juifs. N'est-ce pas tout naturel de quitter le lieu [Prague, novembre 1920] où l'on vous hait tellement (nul besoin pour cela de sionisme ou du sentiment d'appartenance à un peuple) ? L'héroïsme qui consiste à rester là est celui des blattes qu'on ne peut pas non plus éliminer de la salle de bains. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 14941
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Re: Franz Kafka
merci Tristram (pas encore lu l'auteur

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Bédoulène- Messages : 20016
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Re: Franz Kafka
Préparatifs de noce à la campagne

On connaît approximativement la date de composition de Préparatifs de noce à la campagne : vers 1908 ― Kafka a alors vingt-cinq ans ― c’est, de toute son œuvre littéraire, le texte le plus ancien. Quelques feuillets qui esquissent une narration jamais achevée, un « roman » selon Vialatte qui contient le germe d’une nouvelle publiée en 1915 : La Métamorphose. Ce germe se manifeste au détour d’une page, d’une pensée de Raban : jeune homme manquant de courage, de résolution à l’idée d’une noce qui se prépare pour lui. Les états d’âme ? D’amour il n’est pas question… d’ennui, si, mais plutôt en pointillé, comme si Raban ne se l’avouait qu’à contrecœur. En fait, tout le texte est conçu comme une sorte de trêve, même si Raban s’avance ― à reculons ― vers ces hostilités nuptiales. Trêve durant laquelle il observe le mouvement sans fin de la rue, les passants continuellement affairés sous une pluie battante (très belle description) trêve durant laquelle il observe son corps pressé et mouillé dans la foule. Préparatifs de noce à la campagne est un brouillon, mais il est jouissif d’y reconnaître les traits si bien esquissés, les traits caractéristiques du personnage Kafkaïen. Il peut aussi servir d’entrée en matière pour ceux qui n’ont jamais lu Kafka, et puis ils peuvent pourquoi pas lire La Métamorphose ensuite.

On connaît approximativement la date de composition de Préparatifs de noce à la campagne : vers 1908 ― Kafka a alors vingt-cinq ans ― c’est, de toute son œuvre littéraire, le texte le plus ancien. Quelques feuillets qui esquissent une narration jamais achevée, un « roman » selon Vialatte qui contient le germe d’une nouvelle publiée en 1915 : La Métamorphose. Ce germe se manifeste au détour d’une page, d’une pensée de Raban : jeune homme manquant de courage, de résolution à l’idée d’une noce qui se prépare pour lui. Les états d’âme ? D’amour il n’est pas question… d’ennui, si, mais plutôt en pointillé, comme si Raban ne se l’avouait qu’à contrecœur. En fait, tout le texte est conçu comme une sorte de trêve, même si Raban s’avance ― à reculons ― vers ces hostilités nuptiales. Trêve durant laquelle il observe le mouvement sans fin de la rue, les passants continuellement affairés sous une pluie battante (très belle description) trêve durant laquelle il observe son corps pressé et mouillé dans la foule. Préparatifs de noce à la campagne est un brouillon, mais il est jouissif d’y reconnaître les traits si bien esquissés, les traits caractéristiques du personnage Kafkaïen. Il peut aussi servir d’entrée en matière pour ceux qui n’ont jamais lu Kafka, et puis ils peuvent pourquoi pas lire La Métamorphose ensuite.
Dreep- Messages : 1456
Date d'inscription : 08/12/2016
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Re: Franz Kafka
Une bonne part donc (et sans surprise) de l'auteur dans le texte ?!Dreep a écrit:Raban s’avance ― à reculons ― vers ces hostilités nuptiales.
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Tristram- Messages : 14941
Date d'inscription : 09/12/2016
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Re: Franz Kafka
Oui, certainement (tu dois penser à ses éternels atermoiements et renoncements face au mariage) mais à en croire Vialatte, il y a aussi de cela dans Le Procès, voire d'autres textes encore.
Dreep- Messages : 1456
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 30
Re: Franz Kafka
Oui, et dans son journal bien sûr, sans parler de la correspondance.
Aussi son incapacité à vivre avec quelqu'un.« J'avais espéré satisfaire un peu mon amour pour elle en lui donnant mon bouquet, c'était complètement inutile. Cela n'est possible que par la littérature ou le coït. Je n'écris pas cela parce que je l'ignorais, mais parce qu'il est peut-être bon de mettre fréquemment les avertissements par écrit. »
Franz Kafka, « Journaux », 5 novembre 1911
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Tristram- Messages : 14941
Date d'inscription : 09/12/2016
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