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Stéphane Mallarmé

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poesie - Stéphane Mallarmé Empty Stéphane Mallarmé

Message par Aventin Ven 13 Jan - 17:43

Étienne dit Stéphane Mallarmé
(1842-1898)

poesie - Stéphane Mallarmé C3a9do10

Portrait de Stéphane Mallarmé, par Édouard Manet (1876)

Etienne Mallarmé, dit Stéphane, naît à Paris le 18 mars 1842 dans une famille de fonctionnaires. Il passe une enfance assombrie par la disparition de sa mère en 1847 et de sa sœur Maria en 1857.
Il écrit ses premiers essais poétiques à l’âge de 15 ans, influencé par Victor Hugo, Théophile Gautier, puis Charles Baudelaire. Ayant appris l’anglais « pour mieux lire Poe », il obtient son certificat d’aptitude à l’enseignement de cette langue et devient professeur en 1863. Malgré tout, il ne connaît guère d’épanouissement dans son métier d’enseignant et trouve dans la poésie un moyen d’évasion.

Il publie ses premiers poèmes en 1862. L’année suivante, il se marie avec Marie Gerhard, une jeune gouvernante allemande rencontrée à Sens. Leur fille, Geneviève, naît en 1864. Pendant ses premières années d’enseignement en province, Stéphane Mallarmé traverse une période d’intense création à laquelle succède une phase de doute aigu. Entre 1863 et 1866, il rédige ses poèmes les plus connus : Brise marine, L’Azur, Les Fleurs, Hérodiade (inachevé), une première version de L’Après-midi d’un faune… Un choix de poèmes publiés dans Le Parnasse contemporain en 1866 l’amène à une première reconnaissance.

En 1871, Stéphane Mallarmé est nommé à Paris et enseigne en particulier au Lycée Fontanes, actuel Lycée Condorcet. L’année 1871 marque également la naissance de son second enfant, Anatole qui décèdera à l’âge de 8 ans.
Le poète se rapproche des milieux littéraires et artistiques de la capitale. En 1873, il rencontre le peintre Edouard Manet avec qui il se lie d’amitié. L’artiste illustrera la traduction de Mallarmé du Corbeau de Poe et L’Après-midi d’un faune. Cette proximité avec Manet lui ouvre les réseaux impressionnistes. Des liens amicaux se créent, notamment avec Berthe Morisot et sa fille Julie Manet, dont Mallarmé devient tuteur à la mort de ses parents.

Mallarmé gagne une nouvelle reconnaissance grâce à l’article que lui consacre Paul Verlaine dans Les Poètes Maudits et surtout grâce à la parution d’A Rebours de Joris-Karl Huysmans en 1884. (Le personnage principal du roman est un fervent admirateur de Mallarmé)
Malgré son désir de se tenir à l’écart de toute école, le poète est alors considéré comme le Maître du Symbolisme, alors en plein développement.

En 1892 paraît Vers et Prose, recueil de ses principales poésies. Sollicité de toutes parts, Mallarmé collabore à de nombreuses revues.
À partir de 1883, Mallarmé réunit à l’occasion des « mardis littéraires » organisés dans son appartement rue de Rome, l’élite intellectuelle et artistique de son temps. Il devient un nœud de la vie littéraire de l’époque. Sa renommée dépasse désormais les frontières de la France et le consacre dans les différents cénacles artistiques, au-delà des seuls poètes.
Durant cette période, Mallarmé entre également en contact avec les Nabis : Pierre Bonnard, Ker-Xavier Roussel, Maurice Denis et surtout Edouard Vuillard, dernier peintre remarqué par le poète. L’effervescence autour de Mallarmé est le reflet de cette fin de siècle. Elle témoigne de la vivacité et du dynamisme des milieux littéraires et artistiques, pour lesquels Mallarmé fait figure d’inspirateur jusqu’à sa mort et au-delà.
source : musée Mallarmé

Pour accéder à une biographie très complète rédigée par Aventin, cliquer ici :


Bibliographie:

Scies (1862) : plaquette de huit feuillets - considérée comme sans valeur littéraire et à peu près introuvable.
La Dernière Mode (1874) : sous-titrée "Gazette du Monde et de la Famille", parution destinée aux dames "libres et riches" (9 numéros parus).
En fait, tout, absolument tout, était de Mallarmé dans cette revue, paraissant deux dimanches par mois, il y usait de masques, pseudonymes et pseudo-titres. Lettre à Verlaine, dans Autobiographie:  
J'ai dû faire, dans des moments de gêne, ou pour acheter de ruineux canots, des besognes propres et voilà tout (Dieux Antiques, Mots Anglais) dont il sied de ne pas parler; mais, à part cela, des concessions aux nécessités comme aux plaisirs n'ont pas été fréquentes.
Si, à un moment pourtant, désespérant du despotique bouquin lâché de moi-même, j'ai, après quelques articles colportés d'ici et de là, tenté de rédiger tout seul toilettes, bijoux, mobiliers et jusqu'aux théâtres et menus de dîner, dont les huit ou dix numéros parus servent encore quand je les dévêts de leur poussière à me faire longtemps rêver.
 
Brise Marine (1865)
Don du Poème (1865)
L'Après-midi d'un faune (1876)
Préface au Vathek de William Beckford (1876)
Les Mots anglais, collection Petite Philologie à l'usage des classes et du monde (1877)
Les Dieux antiques (1880)
Album de vers et de prose (1887)
Pages (1891)
Oxford, Cambridge, la musique et les lettres (1895)
Divagations (1897)

Publications posthumes
Poésies (1899), dont Sonnet en X
Un coup de dés jamais n'abolira le hasard
Vers de circonstance
Igitur
Thèmes anglais pour toutes les grammaires, préface de Paul Valéry
Pour un tombeau d'Anatole
Les poèmes en prose de Stéphane Mallarmé
Dialogue. 1893-1897 (avec Francis Jammes)
Nursery Rhymes, recueil

Traductions de l'anglais
Le Corbeau d'Edgar Poe (The Raven), avec illustrations par Édouard Manet, 1875.
L'Étoile des fées de Mme W.C. Elphinstone Hope, 1881.
Poèmes d'Edgar Poe, avec illustrations par Édouard Manet, 1888.
Le Ten O'Clock de M. Whistler, 1888.
La Valentine de James Abbott McNeill Whistler, 1888.
Contes indiens de Mary Summer, 1893

Correspondance
Lettres à Méry Laurent

(Et diverses éditions nouvelles, remaniées, repensées, complétées, augmentées, commentées ou contractées des Poèmes d'Edgard Poe dans la traduction de Mallarmé, des Poésies, des Thèmes Anglais à usage d'enseignement, d'Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, d'Éventail, des Poèmes en prose, de Divagations, etc...)





Que dire ?

Poète parcimonieux, exquis, en un mot: rare.

Autobiographie a écrit:[...] j'ai toujours rêvé et tenté autre chose, avec une patience d'alchimiste, prêt à y sacrifier toute vanité et toute satisfaction, comme on brûlait jadis son mobilier et les poutres de son toit pour alimenter le Grand-Œuvre.

S'il faut une odieuse généralité, la grande cohérence de Stéphane Mallarmé est de ne s'être jamais départi d'un stylisme en recherche de pureté formelle.
Ôter aux mots la gangue du vulgaire née de l'usage quotidien, afin d'atteindre au sublime. D'où ces jonchées d'ellipses, ce recours à l'hermétisme, et, bien entendu, ce symbolisme - Mallarmé est, à raison, considéré comme le chef de file du mouvement symboliste dans les Lettres françaises.  

Jauger son apport au vers français est tâche ardue de spécialistes, peut-être pas encore épuisée - mais enfin, rendons-nous juste compte, même très vaguement, de son ampleur.

Sa prose non littéraire livre elle aussi quelques saveurs de choix.
Dans ses ouvrages pédagogiques (ils sont délicieux), et les articles écrits pour "La Dernière Mode" (n'hésitez pas à flâner dans ceux-ci dans les "œuvres complètes") -dans des exercices purement techniques donc- demeure un raffinement palpable, ainsi qu'un tutoiement de la ligne à ne pas franchir en matière de syntaxe.

Pour autant, tout n'est pas similarité sous sa plume lorsqu'il endosse l'habit littéraire, et rien ou si peu n'est rattachable à un plus petit dénominateur commun entre l'extraordinaire et futuriste Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, ceux d'entre ses sonnets à situer dans le voisinage du Parnasse, et L'Après-Midi d'un Faune, par exemple, etc...


On le dit tranquille, posé, placide, allure d'un notable IIIème République naissante.
Du maintien, quelqu'un de très comme-il-faut, pas d'alcoolisme, pas de drogues, pas de liaisons, pas de frasques, pas de manies, doué pour la paternité, une épouse aimante, des amis (et des disciples) de choix.  

De part le professorat, pas d'obligation de vivre de sa plume, ce qui donne, quoiqu'on en dise, beaucoup de liberté.

Mais enfin, gardez-vous de considérer que Stéphane Mallarmé, comme quelques malveillants vous l'ont peut-être inculqué, serait caricaturable en baudruche lisse et léchée emplie d'hélium et de gaz rares de haute atmosphère, ou encore en fantaisie de bon goût, rose-thé entourée de bolduc dans un décor Napoléon-III, à sa place en un discret en-vue au-dessus du porte-ombrelle. Ceux-là sont passés complètement à côté.

Plume hermétique et elliptique disais-je, donc, par déterminisme, peu accessible, novatrice, malmenant la syntaxe autant que faire se peut, c'est-à-dire en allant plus loin que nul ne l'avait fait avant.

De fait on éprouve les plus vives difficultés à saisir parfois cette écriture, tellement cette bille de mercure qu'est Mallarmé nous roule placidement dans la paume mais disparaît à la première pression exercée.  

A la recherche du Livre à écrire, et pour lequel il prône la pleine possession de [ses] moyens, contrepied total au rimbaldien "dérèglement complet de tous les sens", mot d'ordre des décadentistes, dont ses amis Paul Verlaine et Charles Cros.
Le Livre sublime, laissant là les recettes et les écoles, au-delà de toute explication, de toute méthodologie, au seuil de l'inintelligible, au delà de toute science, de toute théologie, de toute philosophie, de tout l'amas des connaissances humaines.
Seul le poète serait armé pour y atteindre.
Est-ce là chimère, ou boussole, direction indiquée à ce que le meilleur de la poésie du XXème et, à présent du XXIème, ambitionne ?  

De sorte que l'exercice consistant à présenter cet auteur en quelques lignes introductives à format de forum en y mettant un peu d'avis qui fût mien est inatteignable. Mais sachez du moins que Mallarmé affole mon altimètre.

Que penser de la netteté de ses manuscrits ?
Du fait de ne pas renier les toasts et autres vers de circonstances, de son goût pour l'ornement illustratif (en sus de la collaboration occasionnelle de peintres à ses parutions, il passait des heures dans les imprimeries à la recherche de la typographie idoine) ?
Ce qui pourrait passer pour un à-côté secondaire, ou pour un bric-à-brac dénué de sens, est plutôt à classer dans la recherche du symbole (du symbole du symbolisme, n'est-ce pas), la quête de pureté dans l'art des Lettres.

Ainsi ces éventails calligraphiés (ci-dessous celui de Mademoiselle Mallarmé), au japonisme serein:

poesie - Stéphane Mallarmé 97823510 
Au reste, et dans cette optique-là de ne rien négliger, peut-être déplorerez-vous que, ces toutes dernières années, à l'instar de Marcel Proust et de tant d'autres, bien des objets et des documents qui eussent pu garnir le musée Mallarmé ou, en tous cas, être préemptés par l'État comme cela se pratiquait encore couramment naguère et, ainsi, tomber dans le domaine public, ont été dispersés aux enchères.[/spoiler]

poesie - Stéphane Mallarmé Mallar10
La barque de Mallarmé à Valvins.
Tableau généralement attribué à Berthe Morisot, mais un doute subsiste et il pourrait être de Julie Morisot (fille de Berthe Morisot et d'Édouard Manet).


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Message par Aventin Ven 13 Jan - 17:45

Histoire de favoriser l'échange, une entame périlleuse mais riche de promesses d'avis ou de ressentis distincts, avec une œuvre très connue.

poesie - Stéphane Mallarmé E_mane10

Illustration pour la première édition de L'Après-Midi d'un Faune, Édouard Manet 1876.



L'Après-Midi d'un Faune
Spoiler:

(NB: J'utilise le spoiler en général pour mon pénible commentaire, mais exception cette fois-ci, faisons l'inverse, la raison en est la longueur du poème poëme, une centaine de vers).

Et d'ailleurs autre spoiler derechef, l'histoire de cette églogue mérite d'être contée, mais sans doute nombre d'entre vous la connaissent-ils déjà.  

Histoire du Faune:

L'emploi de rimes plates étonne un peu, à mon humble avis les rimes croisées avaient toute leur place dans cet entre-lacis de sensations, mais il faut bien convenir qu'au final l'ensemble parvient à un coulé-flûté impeccable.

Selon Francis Jammes:

Leçons Poétiques a écrit:La clarté de ce poëme est aveuglante. La syntaxe des vingt-deux premiers vers est la plus pure et la plus exacte qu'un écrivain ait jamais édifiée. Mais on ne distingue rien à première vue, et, si l'on analyse ensuite, la masse à nouveau se perd dans le détail, qu'il faudra encore dégager.

Sur le sens en général, nous sommes dans le songe, demi-éveillé sans doute, d'un faune. Celui-ci voit ou entrevoit des fleurs (des roses) se balancer, leur incarnat se mire dans l'eau bleue (très impressionniste à imaginer comme scène, ne trouvez-vous pas ?) dont la fraîcheur matinale dialogue en lutte avec la chaleur générale qui nimbe l'ensemble. Le murmure de ce coin de nature se mêle aux notes de la flûte, elle-même issue des joncs du lieu.  L'ensemble de ces perceptions, ou sensations, donne au faune l'impression d'étreindre des nymphes, sur fond d'éléments contrastants accentuant le rendu, tels le froid et le chaud, la flûte et le bruissement de la nature, l'azur et l'ombre, le sanglot passionné et le soupir chaste.

Aux Bords siciliens (qui étaient des glaïeuls dans le Monologue), interpellés, personnifiés, il est demander de raconter en un terme CONTER mis en majuscule, reste peut-être des indications scéniques du Monologue. S'ensuit une strophe que j'appréhende très mal, à dire vrai je ne trouve pas l'harmonie agréable (rime -détala -cherche le la), et l'énigmatique (je le trouve incompréhensible) vers: Lys ! et l'un de vous tous pour l'ingénuité même si le point d'exclamation et la césure immédiate mettent en exergue à merveille le Droit et seul du vers précédent:

« Ou plonge... »

                 Inerte, tout brûle dans l'heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d'hymen souhaité de qui cherche le la :
Alors m'éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys ! et l'un de vous tous pour l'ingénuité.

Puis l'intrigante morsure du passage suivant, très sensuel et orné d'une injonction musicale (par le thème de la flûte double).

Il aboutit à la demande faite aux nymphes de regonfler les souvenirs (de leur captivité).
Là une dimension scénique à plusieurs entrants affleure.
Le soliloque, à nouveau, comme après l'impérieux CONTEZ ! lancé aux "bords siciliens" tend-il à s'estomper ?
Ou bien tout ceci, qui n'est que songe après tout, demeure-t-il suggéré ?
Sur une hypothétique traduction à la scène, à l'évidence l'on introduit là des personnages.  

Etc... (poème trop long pour une dissection)

Juste, en passant sur l'ensemble du poème, des enjambements nombreux.  Autre caractéristique: énormément d'emploi de "e" s'élidant en fin de vers (rimes féminines). Les vers s'accumulent, mais sans effet pudding ou pièce montée. On a l'impression (est-ce l'impression de l'impressionisme ?) que Mallarmé soumet l'alexandrin à ses possibilités, avec des césures quelque peu audacieuses parfois, ou encore par des rythmes peu courants - voir par exemple un vers comme:

Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre,

On est incontestablement un peu au delà du Parnasse, bien sûr dans la forme, mais, c'est ce que je tente de suggérer, aussi dans la technique du vers, même si un ("le" ?) maître en poésie de Mallarmé (Banville) avait tenté quelques fortes expérimentations. L'on songe à Verlaine, peut-être pris à son mot (d'ordre !), dans cet extrait de Jadis et Naguère (composé en 1874):

Extrait de Jadis et Naguère:

D'une façon générale, outre la nouveauté formelle, ce parti pris musical, gestuel, ce mode de publication pas du tout grand public, ainsi que (je le crois du moins) les revers et les attentes qui émaillèrent la venue de ce poème, sa notoriété au long cours depuis sont l'exact pendant de l'incompréhension qu'il suscité dans la monde des Lettres à l'époque où il parut.  

poesie - Stéphane Mallarmé Scultu10

Sculpture de Paul Gauguin, L’Après-midi d’un faune, 1892.


mots-clés : #poésie


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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 13 Jan - 19:11

Merci de consacrer ce fil à Mallarmé, Aventin. Il peut être bienvenu d'introduire un propos recherché pour inaugurer l'arrivée d'un grand poète coiffé de son fil conséquent. Pour ma part, j'y irai sans fioritures aucunes. Pour avoir feuilleté les Poésies de Mallarmé, je dirais qu'il s'agit d'une poésie recherchée. Il n'a pas peur de prendre le contrepied, armé de son vers :

«CONTRE UN POÈTE PARISIEN»

À Emmanuel des Essarts.

Souvent la vision du Poète me frappe :
Ange à cuirasse fauve, il a pour volupté
L'éclair du glaive, ou, blanc songeur, il a la chape,
La mitre byzantine et le bâton sculpté.

Dante, au laurier amer, dans un linceul se drape,
Un linceul fait de nuit et de sérénité :
Anacréon, tout nu, rit et baise une grappe
Sans songer que la vigne a des feuilles, l'été.

Pailletés d'astres, fous d'azur, les grands bohèmes,
Dans les éclairs vermeils de leur gai tambourin,
Passent, fantasquement coiffés de romarin.

Mais j'aime peu voir, Muse, ô reine des poèmes,
Dont la toison nimbée a l'air d'un ostensoir,
Un poète qui polke avec un habit noir.

Il n'était pas dénué d'humour :

VI - BOUTADES

1 À E. Germain-le-fol

ÉCLAT DE RIRE

Quand il eut par sa foudre annoncé son réveil,
Et quand à l'horizon, comme on voit le soleil
S'élever dans l'azur jeune et vierge de voiles,
Surgit du sein des flots son poème géant,*
Quand le peuple semait sous ses pieds des étoiles
Pour qu'il ne foulât pas notre triste néant
Quand les fleurs, les bravos pleuvaient, - splendide fête! -
Lors, Émile Germain fils du Chien Diogenès,
Les haillons à l'épaule et la boue à la tête,
De la foule à grands pas fend les flots étonnés,
Le saisit par la barbe et lui crache :
                                                    « Homme sombre,
« Dont la lune est l'amante et la bêtise est l'ombre,
« Jusques à quand ton encre et ta noire chanson
« Saliront-elles, dis, le papier, la raison?
« Vis, ténébreux! vis, Jean! vis, Visigoth! vis, diable..!
« Ne glace pas mon aile et t'achète un bâton
« Pour diriger tes pas au bord de l'insondable
« C'est un marais bourbeux, crapaud de l'infini!»

Le poète attendit que Germain eût fini,
À son aigle remit sa foudre formidable,
Puis, fixant un grillon qui chantait sur le sol,
Hugo lui répondit en souriant: «Ô fol!»

Novembre 1859

* Légende des siècles.

Je ne vois pas ce que j'aurais à dire d'autre, que de continuer à piocher dans son œuvre. Sa réputation n'est pas surévaluée à ce qu'il m'a semblé.


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Message par Nadine Ven 13 Jan - 21:00

C'est le moment de livrer l'extrait qui m'a fais seriner à Shanidar qu'elle etait La fleur
Spoiler:


Fin d'aparthé , voici la souche mère :


Un désir indéniable à mon temps est de séparer comme en vue d’attributions différentes le double état de la parole,
brut ou immédiat ici,
là essentiel.



Narrer, enseigner, même décrire, cela va
et encore qu’à chacun suffirait peut-être
pour échanger la pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d’autrui
en silence
une pièce de monnaie,

l’emploi élémentaire du discours dessert l’universel reportage
dont, la littérature exceptée,
participe tout
entre les genres d’écrits contemporains.



À quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire
selon le jeu de la parole, cependant ;
si ce n’est pour qu’en émane, sans la gêne d’un proche ou concret rappel, la notion pure.

Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets.

Divagations (1897)
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Message par Nadine Ven 13 Jan - 21:05

A quoi répond Merleau Ponty, in Signes (1960)

Le langage signifie
quand, au lieu de copier la pensée, il se laisse faire et refaire par elle.

Il porte son sens
comme la trace d’un pas signifie le mouvement et l’effort d’un corps.

Distinguons l’usage empirique du langage déjà fait,
et l’usage créateur, dont le premier, d’ailleurs, ne peut être qu’un résultat.

Ce qui est parole au sens du langage empirique, - c’est-à-dire le rappel opportun d’un signe préétabli -, ne l’est pas au regard du langage authentique.

C’est, comme Mallarmé l’a dit, la pièce usée que l’on met en silence dans la main.

Au contraire la parole vraie, celle qui signifie,
qui rend présente « l’absente de tous bouquets » et délivre le sens captif dans la chose,
elle n’est, au regard de l’usage empirique, que silence,
puisqu’elle ne va pas jusqu’au nom commun.

Le langage est de soi oblique et autonome,
et, s’il lui arrive de signifier directement une pensée ou une chose,
ce n’est qu’un pouvoir second, dérivé de sa vie intérieure.

Comme le tisserand donc, l’écrivain travaille à l’envers : il n’a affaire qu’au langage, et c’est ainsi que soudain il se trouve environné de sens.
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Message par Nadine Ven 13 Jan - 21:22

Merci messieurs pour ce fil fouillé, Aventin , ton "qu'en dire" est superbe.
"You just made my day"
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Message par Invité Ven 13 Jan - 21:42

C'est toujours un plaisir de lire tes commentaires passionnés Aventin !
Je n'ai que peu lu Mallarmé, mais après un tel commentaire, je vais devoir m'y remettre !

Mallarmé a-t-il fréquenté les milieux ésotériques, occultes ?

Je suis en train de lire, à petites incursions, une monographie très intéressante sur le peintre Jean Delville (La contre histoire, de Daniel Guéguen), et en ce qui concerne les peintres, selon lui le terme symbolisme est un fourre-tout, il parle plutôt d'artistes initiés.

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Message par Tristram Sam 14 Jan - 11:17

Aventin, superbe présentation, dans le style qui convient au poëte !

« Lys ! et l'un de vous tous pour l'ingénuité »
J’y comprends que le lys, c’est le Faune qui se dresse, aussi ingénu que nous (serions) tou(te)s (les nymphes)…

Autre chose de fascinant chez Mallarmé, c’est la croyance souvent affirmée que « …] tout, au monde, existe pour aboutir à un livre. » (« Le Livre, instrument spirituel », in « Quant au livre », 1895). Il retourne ainsi l’assertion biblique qui énonce que le Verbe est premier, et, comme pour lui le style prime sur le sens (symbolique), il trace du langage (poétique) une boucle qui se referme… c’est une belle finalité pour un écrivain (fin en soi, art pour l’art, etc.)… ça me fait aussi penser au rêve du « terme » qui engloberait tout l’univers…

Arturo a écrit:Mallarmé a-t-il fréquenté les milieux ésotériques, occultes ?

Pas que je sache, son hermétisme étant en fait le prix de la pureté musicale à laquelle il vise.
Comme chez Verlaine (Gainsbourg a aussi dit cela, cf. également l’analyse de Merleau Ponty ci-dessus), la sonorité précède le sens.

Je ne peux me retenir de citer (…) ce vers célèbre, qui sonne sans pareil :

« Aboli bibelot d'inanité sonore »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
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Message par bix_229 Sam 14 Jan - 15:39

Une phrase de Mallarmé que j' aime.

"Nommer un objet, c' est supprimer trois quarts de la puissance du poème qui est faite du
bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le reve.

Enquete sur l' évolution littéraire.
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Message par shanidar Mar 17 Jan - 12:08

Je ne comprends rien. Rien à ce que vous racontez. Rien aux poëmes cités. rien. Ah.

Mais j'aime Debussy...
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Message par Bédoulène Mar 17 Jan - 13:49

je me contente du plaisir de lire ses mots

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
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Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mer 18 Jan - 22:01

shanidar a écrit:Je ne comprends rien. Rien à ce que vous racontez. Rien aux poëmes cités. rien. Ah.

Mais j'aime Debussy...

Shanidar,

Dans mon cas, je cite surtout en lien avec des métaphores et des figures de style que j'apprécie des poètes. Aventin avait mentionné le motif du «fauve». Dans le premier extrait que je propose, j'ai dégoté un peu le poème qui écrivait en plus bref ce qui pouvait en retourner. Dans le deuxième extrait, on apprend que Mallarmé appréciait utiliser des tons propres à Victor Hugo, du moins s'y référer en soulignant certains motifs poétiques propres à Hugo. Ça semble évident de dire ça, mais je prends quand même le moment de le dire.
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Message par GrandGousierGuerin Lun 23 Jan - 19:09

shanidar a écrit:Je ne comprends rien. Rien à ce que vous racontez. Rien aux poëmes cités. rien. Ah.

Mais j'aime Debussy...
Tu rends les armes face à Mallarmé ? Very Happy
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Message par shanidar Lun 23 Jan - 21:12

GrandGousierGuerin a écrit:
shanidar a écrit:Je ne comprends rien. Rien à ce que vous racontez. Rien aux poëmes cités. rien. Ah.

Mais j'aime Debussy...
Tu rends les armes face à Mallarmé ? Very Happy

Disons, pour être très GGG, que face à lui je suis très mal armée !! mais la perche était plus que tendue, mon cher ! Razz
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Message par GrandGousierGuerin Mar 24 Jan - 18:29

shanidar a écrit:
GrandGousierGuerin a écrit:
shanidar a écrit:Je ne comprends rien. Rien à ce que vous racontez. Rien aux poëmes cités. rien. Ah.

Mais j'aime Debussy...
Tu rends les armes face à Mallarmé ? Very Happy

Disons, pour être très GGG, que face à lui je suis très mal armée !! mais la perche était plus que tendue, mon cher ! Razz
Very Happy J'avoue manquer également de munition pour que ma contribution dépasse celle du trublion Very Happy
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Message par animal Ven 27 Jan - 7:17

je cherchais, à la va vite, un extrait ou un poème pour relancer le fil 'normalement' mais rien trouvé qui me botte (extraits victimes de stéréotypes rétroactifs de la poésie ?). quelqu'un aurait un texte inspirant à dégainer ?

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Message par Tristram Ven 27 Jan - 7:27

Comme ça, vite fait, au débotté, de mémoire...

« La Nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime, lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n'a de cinéraire amphore

Sur des consoles, en le noir Salon : nul ptyx,
Insolite vaisseau d'inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser de l'eau du Styx
Avec tous ses objets dont le Rêve s'honore.

Et selon la croisée au Nord vacante, un or
Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
Faite d'un dieu que croit emporter une nixe

En l'obscurcissement de la glace, décor
De l'absence, sinon que sur la glace encor
De scintillations le septuor se fixe. »

Stéphane Mallarmé, « Sonnet allégorique de lui-même »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Tristram Ven 27 Jan - 7:46

Version définitive du même :

« Ses purs ongles très-haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor. »

Stéphane Mallarmé, « Ses purs ongles très-haut... »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Jan - 7:53

Il m’avait en tout cas semblé que Mallarmé méritait ni plus ni moins que «trois» spoilers. Outre ces Vers de circonstance, je reviendrai :

3
«TOAST»


Comme un cherché de sa province
Sobre convive mais lecteur
Vous aimâtes que je revinsse
Très cher Monsieur le Directeur

Partager la joie élargie
Jusqu’à m’admettre dans leur rang
De ceux couronnant une orgie
Sans la fève ni le hareng

Aussi je tends
                           avec le rire
-  Écume sur ce vin dispos -
Qui ne saurait se circonscrire
Entre la lèvre et des pipeaux

À vous dont un regard me coupe
La louange
                         haut notre coupe


Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Ven 27 Jan - 8:05, édité 1 fois
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Jan - 8:01

Je marque du sceau la «Crise de vers» dont en vient à se prolonger naturellement le cours plus ou moins désordonné d’une poésie bien en marche dans un vers qui se dépare des oripeaux et préciosités sonores. Je peux fort bien en témoigner en tant que poète sourd.

Extrait de «Crise de vers» a écrit:[…]

La littérature ici subit une exquise crise, fondamentale.

Qui accorde à cette fonction une place ou la première, reconnaît, là, le fait d'actualité: on assiste, comme finale d'un siècle, pas ainsi que ce fut dans le dernier, à des bouleversements; mais, hors de la place publique, à une inquiétude du voile dans le temple avec des plis significatifs et un peu sa déchirure.

[…]

Le vers, je crois, avec respect attendit que le géant qui l'identifiait à sa main tenace et plus ferme toujours de forgeron, vînt à manquer; pour, lui, se rompre. Toute la langue, ajustée à la métrique, y recouvrant ses coupes vitales, s'évade, selon une libre disjonction aux mille éléments simples; et, je l'indiquerai, pas sans similitude avec la multiplicité des cris d'une orchestration, qui reste verbale.

La variation date de là: quoique en dessous et d'avance inopinément préparée par Verlaine, si fluide, revenu à de primitives épellations.

Témoin de cette aventure, où l'on me voulut un rôle plus efficace quoiqu'il ne convient à personne, j'y dirigeai, au moins, mon fervent intérêt; et il se fait temps d'en parler, préférablement à distance ainsi que ce fut presque anonyme.

[…]

L'œuvre pure implique la disparition élocutoire du poëte, qui cède l'initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés; ils s'allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant la respiration perceptible en l'ancien souffle lyrique ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase.

[…]

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole, cependant; si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche ou concret rappel, la notion pure.

[…]

Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole: niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l'artifice de leur retrempe alternée en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d'élocution, en même temps que la réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.
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