Hervé Le Tellier

Ah ! me voilà rassuré, et en attente (en attente aussi de l'avis de Quasimodo)...

L’anomalie

Commentaire qui divulgache, comment faire autrement?

Quand sept milliards d’êtres humains découvrent qu’ils n’existent peut-être pas vraiment, la chose ne va pas de soi.

L’anomalie, c’est qu’un beau jour de juin 2021, un avion atterrit et  c’est le même que celui qui a atterri en mars, oui, le même c’est à dire son double absolu et identique, avec ses  224 passagers dupliqués avec toute leur histoire, leurs souvenirs, leurs émotions, exactement les mêmes, il leur manque juste les trois mois de vie entre mars et juin.

Des hypothèses, toutes  dérangeantes, tentent expliquer ce phénomène. Sommes-nous vraiment nous-même ou une simple simulation mathématique ? Le monde entier en est chamboulé, les existences individuelles des 11 attachants héros de ce roman bluffant, mais aussi les politiques, les scientifiques, les militaires, les religieux qui en prennent tous assez unanimement pour leur grade, avec finesse.

Simulés ou non, on vit, on sent, on aime, on souffre, on crée, et on mourra tous en laissant sa trace, minuscule, dans la simulation. À quoi sert de savoir ? Il faut toujours préférer l’obscurité à la science. L’ignorance est bonne camarade, et la vérité ne fabrique jamais du bonheur. Autant être simulés et heureux.

Géniale idée que ces doubles parfaits qui interrogent l’identité, le clonage et le sens de l’existence, de la fiction et du bonheur. L’inventivité de Herve Le Tellier n’a ici guère de limites, et il assume brillamment l’ambition initiale de ce roman universel.

Il nous parle des individus et du monde, dans un mélange assez jouissif d’érudition, d’humour, d’empathie et de réflexion. Surtout, c’est un homme qui aime les gens. Et si le questionnement sur le sens de la vie est un des thèmes du roman, il laisse aussi la place à un excellent thriller, un roman d’amour et d’aventure, plein de références et de clins d’œil. Il y a du jeu là-dedans.


Quant au reste : mal écrit ? je ne trouve pas : bien construit, jamais relâché, fluide. Littérature ? certainement : quoi d'autre?. Vieillotte ? je ne trouve pas , mais au contraire terriblement moderne et stimulante. Adaptable en série ? Ma foi peut-on jeter tous les romans qui ont été adaptés ?
Merci les Goncourt, le plaisir est là,  tant pis pour les censeurs ronchons !

Topocl a écrit:Il y a du jeu là-dedans.

Certes, c'est même ce qu'il y a là de plus oulipien.

Topocl a écrit:Quant au reste : mal écrit ? je ne trouve pas : bien construit, jamais relâché, fluide.

Certes encore, si on comprend la structure dans le style.
Eh oui, c'est quand même stupéfiant la variabilité des avis, loin sans doute de toute objectivité puisqu'il s'est trouvé un exégète pour juger ce livre inepte (au bout de quelques pages de lecture il est vrai).

C'est vrai que le début, ces nouvelles affilées décrivant des personnes disparates, cet empilement de vies, accumulant des connaissances sur des lieux, des professions..., j'ai trouvé ça très lourd et à un moment j'étais totalement perdue : trop d'informations sans lien (enfin on se doute bien qu'il va y avoir un lien...) à engranger. Avec un coté brillant, certes, mais plutôt du genre  bling-bling. Un mauvais jour, sans l'émulation, d'impressions de lecture à partager, j'aurais tout à fait pu lâcher. Sans descendre le livre sur ce seul début pour autant.

Il y a le même début dans La Souris bleue, de Kate Atkinson, par exemple, avec moins de personnages cependant. Heureusement que, comme tu dis, on a la conviction qu'il y aura un lien d'union entr'eux (on connaît le truc, sinon le pitch). Ça reste un écueil, qui là n'a pas été surmonté de façon satisfaisante. Je cherche des exemples de romans où cette présentation aurait été adroitement distillée ; dans un polar c'est assez facile, l'enquêteur découvrant chaque cas au fur et à mesure (comme aurait pu faire Atkinson), Il me semble qu'on ne peut éviter le système des novelettes !
Et une fois encore, je pense que souvent ça vaut le coup d'insister quand le commencement d'un livre ne nous accroche pas trop !

En fait il dépasse la capacité d'un cerveau comme le mien en alignant autant d'infos sur des personnages comme il le fait.
Dans la suite, j'ai à plusieurs reprises été obligée de revenir au début pour retrouver la biographie initiale.

Tristram a écrit:Et une fois encore, je pense que souvent ça vaut le coup d'insister quand le commencement d'un livre ne nous accroche pas trop !

Tout est une question de point de vue. J'arrête énormément de livres, tout le monde se fout de moi pour ça chez les topocl.
Je considère que je priorise le plaisir immédiat, et que tant pis si je passe à côté d'un chef d'oeuvre, j'en trouverai d'autres!

Perso, j'avais réussi à ne pas trop oublier les bios des personnages, donc à les reconnaître ; sans doute dû à une attention exceptionnelle, à un a priori favorable peut-être. Je me souviens avoir été sensible au style congru à chaque exposé, ça aussi ça aide.

En ce qui me concerne, je peux faire des efforts de lecture pour des livres que je juge importants. En revanche, lorsqu'il s'agit de maladresses de construction, comme c'est le cas ici, si j'ai bien compris, je suis beaucoup moins indulgent et capable de passer rapidement à autre chose...

En l'occurrence, je ne suis pas certain que cette introduction soit ratée, mais cet exposé des différents protagonistes est généralement pénible pour le lecteur (surtout celui dont le réservoir tampon mémorielle est limité).
Quand à savoir à l'avance ce qui vaut la lecture (notamment pour soi), même en se fiant aux critiques et commentaires, bien malin celui qui pourrait...

topocl a écrit:En fait il dépasse la capacité d'un cerveau comme le mien en alignant autant d'infos sur des personnages comme il le fait.
Dans la suite, j'ai à plusieurs reprises été obligée de revenir au début pour retrouver la biographie initiale.

Tristram a écrit:Et une fois encore, je pense que souvent ça vaut le coup d'insister quand le commencement d'un livre ne nous accroche pas trop !

Tout est une question de point de vue. J'arrête énormément de livres, tout le monde se fout de moi pour ça chez les topocl.
Je considère que je priorise le plaisir immédiat, et que tant pis si je passe à côté d'un chef d'oeuvre, j'en trouverai d'autres!

topocl Tristram n'a-t-il pas raison si tu pense à "Et quelquefois j'ai comme une grande idée" de Ken Kesey ?

Il est hors de question qu'on me fasse jamais dire que Tristram a raison. Un type dont le pseudo commence par une majuscule, vous imaginez quoi???

Je me répète et ne changerai pas d'avis : je me fiche de passer à côté d'un bon livre, il y en a tant. Je n'ai pas de besoin d'exhaustivité.

Il est vrai que parfois je me dis que tu mérites un petit t.

Et vous n'avez pas été un peu déçu par la fin ?

j'ai bien aimé moi ! ce livre !

Tristram, je crois que si tu disais que la neige est blanche, topocl ne serait pas d'accord !

Caramel a écrit:Et vous n'avez pas été un peu déçu par la fin ?

j'ai bien aimé moi ! ce livre !

Mais moi aussi j'ai bien aimé!
j'ai été dérangée par le début, mais la suite l'efface largement.
Et je me demandais comment il s'en sortirait, peur d'être déçue, mais j'ai trouvé cette idée finale excellente: drôle (enfin humour noir) et cruelle.

Topocl, n'est-il point que la neige se trouve être blanche ?!

Non, tristram, bleue, évidemment.

Oui, et noire aussi lorsque l'atmosphère est polluée ! Décidément, c'est vrai que tu as toujours raison, Topocl !

N'est-ce pas !!

J'ai entendu ce matin à la radio que ce livre était le Goncourt qui s'était le mieux vendu, après "L'Amant" de M. Duras.