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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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René Char

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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 1 Sep - 6:34

René Char
(1907-1988)


René Char Renech10

René Char est né en 1907 dans le Vaucluse à L’Isle-sur-la-Sorgue. L’enfance dans la grande maison familiale du pays des Névons reste un refuge et une source d’inspiration poétique intarissable pour l’adolescent solitaire et épris de liberté. La perte – du père, de la jeunesse, du pays natal – nimbe ses poèmes d’une tendre mélancolie et d’une beauté douloureuse.

La rencontre avec Éluard en 1929 incite le jeune homme de 22 ans à rejoindre Paris où il découvre Aragon, Breton et les surréalistes, groupe auquel il adhère un temps avant de s’en éloigner en 1934.

Durant les années 1939-1945, période névralgique de la Seconde Guerre mondiale, René Char, homme de révolte et de colère, ne peut se contenter d’un attentisme passif. Sous le nom de capitaine Alexandre, il participe activement à la résistance. Cette implication politique et historique retentit durablement sur le sens et la forme de sa quête poétique, dont l’unité vole en éclats. Seuls des notes éparses, des fragments de récits discontinus, des îlots de pensée, qui deviendront une fois la paix revenue les Feuillets d’Hypnos, permettent de « résister » à l’occupant, de témoigner de l’engagement nécessaire, de conjuguer souffrance et espérance.

Jusqu’à sa disparition en 1988, René Char ne se départit pas d’un pessimisme profond. Ami d’Albert Camus, avec qui il entretient une longue correspondance, il s’adonne également au dessin et à la peinture. Les Matinaux (1950), La Parole en archipel (1962), Fenêtres dormantes et porte sur le toit (1979)… Toute l’œuvre poétique met en mots le combat obstiné contre la mort et l’oubli, célèbre et sublime le culte de la Beauté et de l’Amour.

Source : https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/rene-char/

Bibliographie

Les Cloches sur le cœur, 1928 (Le Rouge et le Noir)
•  Arsenal, 1929 (hors commerce)
•  Le Tombeau des secrets, 1930 (hors commerce)
•  Ralentir Travaux, 1930, en collaboration avec André Breton et Paul Éluard (Éditions surréalistes)
•  Artine, 1930 (Éditions surréalistes)
•  Le Marteau sans maître, 1934 (Éditions surréalistes)
•  Moulin premier, 1936 (Éditions GLM)
•  Dépendance de l'adieu, in Repères, 14, Ill. P. Picasso, 1936 (Éditions GLM)
•  Placard pour un chemin des écoliers, Ill. Valentine Hugo, 1937 (Éditions GLM)
•  Dehors la nuit est gouvernée, in Poètes d’aujourd’hui, 2, 1938 (Éditions GLM)
•  Seuls demeurent, 1945 (Gallimard)
•  Feuillets d'Hypnos, 1946 (Gallimard)
•  Le Poème pulvérisé, 1947 (Fontaine)
•  Fête des arbres et des chasseurs, Ill. : Joan Miró, 1948 (Éditions GLM)
•  Fureur et Mystère, 1948 (Gallimard) Le volume contient Seuls demeurent, Feuillets d'Hypnos, Les Loyaux adversaires, Le Poème pulvérisé et Fontaine narrative.
•  Claire, 1949 (Gallimard)
•  Les Matinaux, 1950 (Gallimard)
•  Art bref suivi de Premières alluvions, 1950 (Éditions GLM)
•  Le Soleil des eaux, 1951 (Gallimard)
•  À une sérénité crispée, 1951 (Gallimard)
•  La paroi et la prairie, 1952 (Éditions GLM)
•  Guirlande terrestre, 1952, manuscrit du future Lettera amorosa avec des collages de Jean Arp
•  Lettera Amorosa, 1953 (Gallimard)
•  Le Rempart de brindilles, 1953 Illustré d'eaux-fortes de Wifredo Lam14.
•  A la santé du serpent, Ill. : J. Miró, 1954 (Éditions GLM)
•  L'alouette, Ill. : J. Miró, 1954 (Éditions GLM)
•  Recherche de la base et du sommet, suivi de Pauvreté et privilège, 1955 (Gallimard)
•  Poèmes des deux années 1953-1954, Ill. A. Giacometti, 1955 (Éditions GLM)
•  En trente-trois morceaux, Ill. R. Char, 1956 (Éditions GLM)
•  Pour nous, Rimbaud, 1956 (Éditions GLM)
•  Poèmes et prose choisis, 1957 (Gallimard)
•  La bibliothèque est en feu, & autres poèmes, 1957 (Éditions GLM)
•  Le dernier couac : documents, 1958 (Éditions GLM)
•  Sur la poésie, 1958 (Éditions GLM)
•  Anthologie, Voix de la terre, nouvelle série, IV, 1960 (Éditions GLM)
•  L'Inclémence lointaine, 1961 Avec vingt-cinq gravures au burin de Vieira da Silva.
•  La Parole en archipel, 1952-1960, 1962 (Gallimard)
•  Lettera amorosa, 1963, avec des illustrations de Georges Braque
•  Commune présence, 1964 (Gallimard)
•  Impressions anciennes, 1964 (Éditions GLM)
•  L'Âge cassant, 1965 (José Corti)
•  Retour amont, Ill. A. Giacometti, 1965 (Éditions GLM)
•  Retour amont, 1966 (Gallimard)
•  Trois coups sous les arbres, 1967 (Gallimard)
•  Fureur et mystère, 1967, (Poésie/Gallimard, préface d'Yves Berger)
•  Dans la pluie giboyeuse, 1968 (Gallimard)
•  Les Matinaux suivi de La Parole en archipel, 1969 (Poésie/Gallimard)
•  Le chien de cœur, Ill. : J. Miró, 1969 (Éditions GLM)
•  Poèmes, Voix de la terre, nouvelle série, 4 (sic), 1964 (Éditions GLM)
•  Le Nu perdu, 1971 (Gallimard)
•  Recherche de la base et du sommet, 1971 (Poésie/Gallimard)
•  Picasso sous les vents étésiens, 1973 (Éditions GLM)
•  Sur la poésie 1936-1974, 1974 (Éditions GLM)
•  Aromates chasseurs, 1975 (Gallimard)
•  Chants de la Balandrane, 1977 (Gallimard)
•  Le Nu perdu, 1978 (Poésie/Gallimard)
•  Fenêtres dormantes et porte sur le toit, 1979 (Gallimard)
•  La Planche de vivre, 1981, traductions en collaboration avec Tina Jolas (Gallimard)
•  Œuvres complètes, 1983 (coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard)
•  Les Voisinages de Van Gogh, 1985 (Gallimard)
•  Le Gisant mis en lumière, 1987, en collaboration avec Alexandre Galperine et Marie-Claude de Saint-Seine (Editions Billet)
•  Éloge d'une Soupçonnée, 1988 (Gallimard)
•  Éloge d'une Soupçonnée précédé d'autres poèmes (1973-1987), 1989 (Poésie/Gallimard)
•  La Planche de vivre, 1995, traductions en collaboration avec Tina Jolas (Poésie/Gallimard)
•  Œuvres complètes, 1995, réédition augmentée (coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard)
•  Guirlande terrestre, 1996, avec des collages de Jean Arp (Gallimard)
•  Dans l'atelier du poète, 1996, édition établie par Marie-Claude Char (coll Quarto, Gallimard)
•  En trente-trois morceaux et autres poèmes, suivi de Sous ma casquette amarante, 1997 (Poésie/Gallimard)
•  Commune présence, 1998 (Poésie/Gallimard)
•  Le Marteau sans maître suivi de Moulin premier, 2002, édition de Marie-Claude Char (Poésie/Gallimard)
•  Lettera amorosa suivi de Guirlande terrestre, 2007, avec des illustrations de Georges Braque et Jean Arp (Poésie/Gallimard)
•  Poèmes en archipel, 2007, anthologie établie par Marie-Claude Char, Marie-Françoise Delecroix, Romain Lancrey-Javal et Paul Veyne (coll. Folio, Gallimard)
•  Feuillets d'Hypnos, 2007, avec un dossier réalisé par Marie-Françoise Delecroix (coll. Folioplus classiques, Gallimard)
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 1 Sep - 6:37

Les Matinaux suivis de La parole en archipel :

J’ai toujours pensé qu’il importait d’étudier l’œuvre de René Char. Pour une raison que j’explique peut-être par un certain goût pour les titres, j’ai considéré important de m’attarder un peu à La parole en archipel. De là, je suis tombé sur le recueil Les Matinaux puisqu’il contenait La parole en archipel (édition NRF-Poésie de Gallimard). J’y ai repéré quelques poèmes.

Tout d’abord, dans Les Matinaux, je retiens deux poèmes :

«La vérité
vous rendra libres»

Tu es lampe, tu es nuit;
Cette lucarne est pour ton regard,
Cette planche pour ta fatigue,
Ce peu d’eau pour ta soif,
Les murs entiers sont à celui que ta clarté met au monde,
Ô détenue, ô Mariée!

Je ne suis pas tout à fait exact. Il y a encore deux poèmes qui se suivent, que je veux citer :

«Pleinement»

Quand nos os eurent touché terre.
Croulant à travers nos visages.
Mon amour, rien ne fut fini.
Un amour frais vint dans un cri
Nous ranimer et nous reprendre.
Et si la chaleur s'était tue,
La chose qui continuait,
Opposée à la vie mourante,
À l'infini s'élaborait.
Ce que nous avions vu flotter
Bord à bord avec la douleur
Était là comme dans un nid,
Et ses deux yeux nous unissaient
Dans un naissant consentement.
La mort n'avait pas grandi
Malgré des laines ruisselantes,
Et le bonheur pas commencé
À l'écoute de nos présences;
L'herbe était nue et piétinée.


«Rougeur des matinaux»

À Henry Mathieu

La vérité est personnelle.

Prenez garde : tous ne sont pas dignes de la confidence.

Accolade à celui qui, émergeant de sa fatigue et de sa sueur,
s'avancera et me dira : «Je suis venu pour te tromper. »

O grande barre noire, en route vers ta mort, pourquoi serait-
ce toujours à toi de montrer l'éclair?
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 1 Sep - 6:45

Maintenant, dans le cadre de La parole en archipel, il y a plusieurs poèmes que je retiens. Tout d’abord, je propose deux poèmes qui se suivent dans le recueil :

«III. Le serpent»

Prince des contresens, exerce mon amour
À tourner son seigneur que je hais de n'avoir
Que trouble répression ou fastueux espoir.

Revanche à tes couleurs, débonnaire serpent.
Sous le couvert du bois, et en toute maison.
Par le lien qui unit la lumière à la peur,
Tu fais semblant de fuir, ô serpent marginal!

«IV. L’alouette»

Extrême braise du ciel et première ardeur du jour,
Elle reste sertie dans l'aurore et chante la terre agitée,
Carillon maître de son haleine et libre de sa route.

Fascinante, on la tue en l'émerveillant.

Encore une fois, je vous propose à nouveau deux autres poèmes qui se suivent :

«Victoire éclair»

L'oiseau bêche la terre,
Le serpent sème,
La mort améliorée
Applaudit la récolte.

Pluton dans le ciel!

L'explosion en nous.

Là seulement dans moi.

Fol et sourd, comment pourrais-je l'être davantage?

Plus de second soi-même, de visage changeant, plus de
saison pour la flamme et de saison pour l'ombre!

Avec la lente neige descendent les lépreux.

Soudain l'amour, l'égal de la terreur,
D'une main jamais vue arrête l'incendie, redresse le soleil,
reconstruit l'Amie.

Rien n'annonçait une existence si forte.

Voici le deuxième poème que j’avais remarqué dans un premier temps :

«La chambre dans l’espace»

Tel le chant du ramier quand l’averse est prochaine
― l’air se poudre de pluie, de soleil revenant ―, je m’éveille
lavé, je fonds en m’élevant; je vendange le ciel novice.

Allongé contre toi, je meus ta liberté. Je suis un
bloc de terre qui réclame sa fleur.

Est-il gorge menuisée plus radieuse que la tienne ?
Demander c’est mourir !

L’aile de ton soupir met un duvet aux feuilles. Le
trait de mon amour ferme ton fruit, le boit.

Je suis dans la grâce de ton visage que mes ténèbres
couvrent de joie.

Comme il est beau ton cri qui me donne ton silence ! »

Quand on examine les éléments de «Victoire éclair», on peut mieux comprendre d'où René Char tient son engagement de poète en Résistance. Je sais que je vous propose plusieurs poèmes coup sur coup, mais il y a tellement à puiser chez René Char et ses poésies sont faciles à retrouver sur le Net, ce qui peut simplifier le travail de les retaper. Nous sentons que sa quête fut longue et patiente, et il en avait long à dire - même s'il pouvait savoir être bref par moments...
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 1 Sep - 6:53

Je vous propose une sélection de poème dans la plus pure tradition des flâneries :

«La passante de sceaux»

Mèches, au dire du regard,
Désir simple de parole ;
Ah ! jongle, seigneurie du cou
Avec la souveraine bouche,
Avec le bûcher allumé
Au-dessous du front dominant.

J'aimerais savoir vous mentir
Comme le tison ment aux cendres,
Mèches, qui volez sans m'entendre
Sur le théâtre d'un instant.

René Char était redoutable comme poète en prose. Nous pouvons dire que c’est l’une des pierres de touche de sa poésie. Je vous propose un bloc :

«Déclarer son nom»

J’avais dix ans. La Sorgue m’enchâssait. Le soleil
chantait les heures sur le sage cadran des eaux.
L’insouciance et la douleur avaient scellé le coq de fer sur le
toit des maisons et se supportaient ensemble. Mais quelle
roue, dans le coeur de l’enfant aux aguets, tournait plus
fort, tournait plus vite que celle du moulin dans son
incendie blanc ?

J'en arrive un peu à l'apothéose de sa démarche, au croisement de plusieurs courants poétiques et d'une démarche personnelle - en sachant qu'il avait noué des liens avec les poètes québécois de L'Hexagone qui avaient inauguré une collection intitulée «Les Matinaux» avec sa bénédiction :

«La montée de la nuit»

La fleur que je réchauffe, je double ses pétales,
j'assombris sa corolle.

Le temps déchire et taille. Une lueur s'en éloigne :
notre couteau.

Le printemps te capture et l'hiver t'émancipe, pays
de bonds d'amour.

L'étoile me rend le dard de guêpe qui s'était enfoui
en elle.

Veille, visage penché, tu irrigues le cœur des chèvres
sur les pics.


Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Lun 2 Sep - 5:46, édité 1 fois
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Message par Tristram Dim 1 Sep - 16:42

Merci JHB pour l'ouverture du fil de ce grand poète !
J'avoue que j'y puise surtout du sens... assonancé :
« L'imagination consiste à expulser de la réalité plusieurs personnes incomplètes pour, mettant à contribution les puissances magiques et subversives du désir, obtenir leur retour sous la forme d'une présence entièrement satisfaisante. C'est alors l'inextinguible réel incréé. »
René Char, « Partage formel », I, in « Seuls demeurent »

« Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir. »
René Char, « Partage formel », XXX, in « Seuls demeurent »

« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. »
René Char, « Sept saisis par l’hiver », in « Chants de la Balandrane »

« L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant. »
René Char, « À une sérénité crispée », in « Recherche de la base et du sommet »

« Mais le languir soudain réclame le grand large »
René Char, « Une énigme éclaircie, quelques touches d'amour » in « Les voisinages de Van Gogh »

« J’admets que l’intuition raisonne et dicte des ordres dès l’instant que, porteuse de clefs, elle n’oublie pas de faire vibrer le trousseau des formes embryonnaires de la poésie en traversant les hautes cages où dorment les échos, les avant-prodiges élus qui, au passage, les trempent et les fécondent. »
René Char, « Sur la Poésie »
Certaines de ses assertions aphoristiques feraient de bien belles devises...

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Sep - 6:20

Merci à toi, Tristram, pour ajouter ta pierre à l'édifice. Les aphorismes et maximes de vie font partie intégrante de l'oeuvre de René Char. J'en ai profité pour revenir aux Feuillets d'Hypnos la conscience tranquille...
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Message par Bédoulène Lun 2 Sep - 9:18

merci Jack !

"Déclarer son nom" me parle bien !

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Sep - 10:20

Fureur et mystère :

«Chant du refus»

Début du partisan
 
Le poète est retourné pour de longues années dans
le néant du père. Ne l'appelez pas, vous tous qui l'aimez.
S'il vous semble que l'aile de l'hirondelle n'a plus
de miroir sur terre, oubliez ce bonheur. Celui qui panifiait
la souffrance n'est pas visible dans sa léthargie rougeoyante.
Ah ! beauté et vérité fassent que vous soyez présents
nombreux aux salves de la délivrance !



«Conduite»

Passe.
La bêche sidérale
autrefois là s’est engouffrée.
Ce soir un village d’oiseaux
très haut exulte et passe.

Écoute aux tempes rocheuses
des présences dispersées
le mot qui fera ton sommeil
chaud comme un arbre de septembre.

Vois bouger l’entrelacement
des certitudes arrivées
près de nous à leur quintessence,
ô ma Fourche, ma Soif anxieuse !

La rigueur de vivre se rode
sans cesse à convoiter l’exil.
Par une fine pluie d’amande,
mêlée de liberté docile,
ta gardienne alchimie s’est produite,
ô Bien aimée !
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 2 Sep - 10:32

Bédoulène, j'ai choisi ce poème («Déclarer son nom») car il évoque l'enfance. René Char a grandi dans un endroit qui lui était particulièrement cher. Nous pouvons y voir nombre de ses inspirations poétiques. Je trouvais que les motifs et les images poétiques étaient dignes de mention dans ce poème.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 3 Sep - 7:41

En attendant Feuillets d'Hypnos, «Partage formel» et d'autres parties importantes de Fureur et mystère, je vous propose deux poèmes dans Les loyaux adversaires :

Les loyaux adversaires

«Crayon du prisonnier»

Un amour dont la bouche est un bouquet de brumes,
Éclôt et disparaît.
Un chasseur va le suivre, un guetteur l’apprendra,
Et ils se haïront tous deux, puis ils se maudiront tous trois.
Il gèle au dehors, la feuille passe à travers l’arbre.

«Pénombre»

J'étais dans une de ces forêts où le soleil n'a pas accès mais où, la nuit, les étoiles pénètrent. Ce lieu n'avait le permis d'exister, que parce que l'inquisition des États l'avait négligé. Les servitudes abandonnées me marquaient leur mépris. La hantise de punir m'était retirée. Par endroit, le souvenir d'une force caressait la fugue paysanne de l'herbe. Je me gouvernais sans doctrine, avec une véhémence sereine. J'étais l'égal des choses dont le secret tenait sous le rayon d'une aile. Pour la plupart, l'essentiel n'est jamais né, et ceux qui le possèdent ne peuvent l'échanger sans se nuire. Nul ne consent à perdre ce qu'il a conquis à la pointe de sa peine! Autrement ce serait la jeunesse et la grâce, source et delta auraient la même pureté.

J'étais dans une de ces forêts où le soleil n’a pas accès mais où, la nuit, les étoiles pénètrent pour d'implacables hostilités.

René Char manifeste beaucoup d'originalité dans ses poèmes et la prose poétique fait partie intégrante de son oeuvre. Je me ferai un point d'honneur à la mettre en évidence à certaines occasions.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 3 Sep - 9:57

Je vais entreprendre le jeu de contourner certaines parties de Fureur et mystère et d'y revenir. Pour le moment, je contourne Le poème pulvérisé. Je tombe alors dans La fontaine narrative. Je vais vous proposer une sélection qui offre les traits caractéristiques de la démarche de René Char en poésie :

«Fastes»

L'été chantait sur son roc préféré quand tu m'es apparue, l'été chantait à l'écart de nous qui étions silence, sympathie, liberté triste, mer plus encore que la mer dont la longue pelle bleue s'amusait à nos pieds.

L'été chantait et ton cœur nageait loin de lui. Je baisais ton courage, entendais ton désarroi. Route par l'absolu des vagues vers ces hauts pics d'écume où croisent des vertus meurtrières pour les mains qui portent nos maisons. Nous n'étions pas crédules. Nous étions entourés.

Les ans passèrent. Les orages moururent. Le monde s'en alla. J'avais mal de sentir que ton cœur justement ne m'apercevait plus. Je t'aimais. En mon absence de visage et mon vide de bonheur. Je t'aimais, changeant en tout, fidèle à toi.

Nous pouvons sentir que l'expérience vécue de René Char lui donne une respiration particulière en poésie.

«La Sorgue»

Chanson pour Yvonne

Rivière trop tôt partie, d’une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l’éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d’oubli la rocaille de ma raison.

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta
moisson.

Rivière souvent punie, rivière à l’abandon.

Rivière des apprentis la calleuse condition,
Il n’est vent qui ne fléchisse la crête de tes sillons.

Rivière de l’âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l’ormeau, de la
compassion.

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s’acoquiner au
menteur.

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards
éclos,
De la lampe qui désaltère l’angoisse autour de son
chapeau.

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu’elles refusent à la
mer.

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les
eaux,
De l’ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de
prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l’horizon.

On n'est pas dans Le poème pulvérisé, mais nous pouvons y reconnaître certains «échos» et contrecoups...

«Assez creusé»

Assez creusé, assez miné sa part prochaine. Le pire
est dans chacun, en chasseur, dans son flanc. Vous qui
n'êtes ici, qu'une pelle que le temps soulève, retournez-
vous sur ce que j'aime, qui sanglote à côté de moi, et
fracassez-nous, je vous prie que je meure une bonne
fois.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 8 Sep - 5:39

Il y a dans la poésie de René Char et l'usage de l'aphorisme, une partie centrale du poème pulvérisé qui vient me chercher loin. Il s'agit d'«À la santé du serpent», un ensemble de propositions à saveur aphoristique et sur lesquelles méditer... ce n'est pas par hasard, après tout, que je vous disais passer pour l'instant outre aux Feuillets d'Hypnos et à «Partage formel» plus tôt sur le fil...


«À la santé du serpent»


X

Tu es dans ton essence constamment poète, constamment
au zénith de ton amour, constamment avide de
vérité et de justice. C'est sans doute un mal nécessaire
que tu ne puisses l'être assidûment dans ta conscience.


XII

Regarde l'image téméraire où se baigne ton pays, ce
plaisir qui t'a longtemps fui.


XIII

Nombreux sont ceux qui attendent que l'écueil les
soulève, que le but les franchisse, pour se définir.


XXII

Néglige ceux aux yeux de qui l'homme passe pour
n'être qu'une étape de la couleur sur le dos tourmenté
de la terre. Qu'ils dévident leur longue remontrance.
L'encre du tisonnier et la rougeur du nuage ne font
qu'un.

Je me retire maintenant de façon temporaire pour vous laisser intervenir sur le fil car la poésie est quelque chose qui se partage!
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Message par Bédoulène Dim 8 Sep - 8:32

Méditons donc !

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Invité Mar 15 Oct - 21:26

Aujourd'hui, j'ai parlé Poésie avec un ami, c'est plutôt lui qui m'en a parlé, d'ailleurs.  Et de ce poème, alors, il fallait que je vienne le partager.

Qu'il vive !

Ce pays n'est qu'un vœu de l'esprit, un contre-sépulcre.

Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.

La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.

Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée.

Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.

On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.

Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.

On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

Dans mon pays, on remercie.




1950 Les Matinaux.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 24 Oct - 8:29

Je te remercie à mon tour, Kashmir, pour l'extrait proposé. J'ai traversé quelque chose dans ces eaux pour avoir suivi de près et de loin une campagne électorale de 40 jours au niveau pancanadien.

J'ai bien hâte que d'autres personnes proposent des extraits de René Char car il s'agit d'un poète, comment dire, incontournable?
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Message par Nadine Ven 1 Nov - 21:44

Alors pour te faire plaisir, Jack , je sors mon seul pléiade, l'ouvre au hasard :

In La fontaine narrative, 1947,

FASTES

L'été chantait sur son roc préféré quand tu m'es apparue, l'été chantait à l'écart de nous qui étions silence, sympathie, liberté triste, mer plus encore que la mer dont la longue pelle bleue s'amusait à nos pieds.
L'été chantait et ton coeur nageait loin de lui. Je baisais ton courage, entendais ton désarroi. Route par l'absolu des vagues vers ces hauts pics d'écume où croisent des vertus meurtrières pour les mains qui portent nos maisons. Nous n'étions pas crédules. Nous étions entourés.
Les ans passèrent. Les orages moururent. Le monde s'en alla. J'avais mal de sentir que ton coeur justement ne m'apercevait plus. Je t'aimais. En mon absence de visage et mon vide de bonheur. Je t'aimais, changeant en tout, fidèle à toi

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 8 Nov - 8:10

Nadine, je l'avais déjà cité plus haut... mais qu'importe. Ça fait plaisir de savoir que tu as l'édition Pléiade de René Char. On pourra alterner les lectures au fil des citations de poèmes.
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Message par Nadine Ven 8 Nov - 10:03

Ah zut , j'ai pris au hasard !!
Je me suis dis en effet "il l'a peut être déjà mis " mais n'ai pas vérifié .

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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 10 Nov - 6:25

Ah bien... je te pardonne, Nadine. Il s'agit d'un excellent poème au demeurant...

J'ai ouvert Dans l'atelier du poète au hasard moi aussi :

«conséquences»

Dans la main chaude qu'il reflète,
Bousculant un courant d'hirondelles
Entrées pour être fascinées,
File agité le harpon.

Maigre terre condamnée
À la monnaie de bohémienne,
Toujours restons les obligés de l'inquiétude.

Il est l'heure du lit sauté
À l'escarpolette harcelante :
Buste bleu-trouble du silence
Trop fort d'une angoisse inconnue
Toute une nuit à se blesser
Dans la menace de l'augure
Débute en exhaussant la fraise de la voûte.

Ô front de mon amour,
Il est temps de sortir,
De brutaliser la sottise.

Extrait, p. 297

René Char n'y allait pas de main morte... Wink
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Message par Nadine Lun 11 Nov - 13:26

Oui.
Merci de me pardonner, hihi.
C'est une vision complexe, j'avoue que ce n'est pas toujours évident pour moi de le suivre, n'empèche.
Allez, au hasard :

in La conjuration
Ballet
1946

premiere page :
Il est des jours où nous rêvons de donner un sens moins furtif à nos actes, où nous nous adressons sans étourderie à notre orgueil pour obtenir un classement. En dépit d'une santé entière et de chances certaines, nous restons inférieurs ou étrangers à ce voeu. Vigueur de ceux qui subjuguent la fortune de l'air et l'injectent à leur énigme !
Devant nous, des dunes allusives multiplient leur dérision. Pas le moindre alphabet pour notre amour.
Comment la danse ne prévaudrait elle pas alors comme remède, ou simplement comme diseuse de l'inconscient et de la tragédie ?
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