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René Fallet

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Message par Tristram Mar 17 Mai - 12:24

René Fallet
(1927 – 1983)


René Fallet Renzo_10


Écrivain et scénariste français, né le 4 décembre 1927 à Villeneuve-Saint-Georges et mort le 25 juillet 1983 à Paris.
Son père, Paul, était un cheminot originaire du Bourbonnais.
Il quitte assez tôt le chemin de l'école, et commence à travailler à Paris dès l'âge de quinze ans. De manutentionnaire chez un éditeur, à coursier en pharmacie, en passant par apprenti foudrier, il alterne ces « petits boulots » qui marqueront parfois l'inspiration de l'écrivain.
En 1944, alors qu'il a moins de dix-sept ans, il s'engage volontairement. Son père est incarcéré pendant la guerre pour avoir chanté L'Internationale dans les rues de Villeneuve. René écrit lui-même au maréchal Pétain et obtient sa libération ; c'est un pas décisif dans sa prise de conscience du pouvoir des mots.
Alors qu'il est démobilisé en 1945, Blaise Cendrars repère ses premiers poèmes et le fait entrer à Libération. En 1947, son premier roman Banlieue sud-est est l'événement de la rentrée littéraire.
Les années qui suivent, il les consacre à l'écriture, à la critique, et aussi aux voyages. En 1953, il rencontre Georges Brassens qui devient son ami, et reçoit le Prix du roman populiste pour ses trois premiers romans (Banlieue sud-est, La Fleur et la souris, Pigalle) en 1950.
Il assure son « autosuffisance » jusqu'en 1964, date de la publication de Paris au mois d'août, roman qui obtient le prix Interallié et ancre définitivement René Fallet dans le paysage littéraire français. Il consacre le reste de sa vie à la littérature bien sûr, mais aussi à la pêche, à la pétanque et au cyclisme (il suit de nombreuses courses).
Dix livres de Fallet ont été adaptés au cinéma, dont Paris au mois d'août (1966), Le Triporteur (1957), Les Pas perdus (1964), Les Vieux de la vieille (1960), Un idiot à Paris (1967), Il était un petit navire (Le drapeau noir flotte sur la marmite, 1971), Le beaujolais nouveau est arrivé (1978), La Grande ceinture (Porte des Lilas, 1957), Le Braconnier de Dieu (1983), La Soupe aux choux (1981).
Banlieue sud-est est adapté en feuilleton télévisé en 1977, Mozart assassiné en 1978 sous le titre La Nasse, et Au beau rivage en 1994.
René Fallet écrit pour le cinéma : Fanfan la Tulipe, L'Amour d'une femme, La Fleur, Horace 62, La Bonne Occase, La Mort amoureuse.

Romans
• Banlieue sud-est. Domat, 1947.
• La Fleur et la Souris. Domat, 1948.
• Pigalle. Domat, 1949.
• Le Triporteur. Denoël, 1951.
• Les Pas perdus, Denoël, 1954
• Rouge à lèvres, Éditions de Paris, 1955
• La Grande Ceinture. Denoël, 1956.
• Les Vieux de la vieille. Denoël, 1958.
• Une poignée de main. Denoël, 1959
• Il était un petit navire. Denoël, 1962
• Mozart assassiné. Denoël, 1963.
• Paris au mois d'août, prix Interallié Denoël, 1964.
• Un idiot à Paris, Denoël, 1966
• Charleston. Denoël, 1967.
• Comment fais-tu l'amour, Cerise ? Denoël, 1969.
• Au Beau Rivage. Denoël, 1970.
• Le Braconnier de Dieu. Denoël, 1973.
• Ersatz, Prix Scarron Denoël 1974
• Le beaujolais nouveau est arrivé Denoël, 1975.
• La Soupe aux choux. Prix Rabelais, Prix RTL grand public, Denoël, 1980.

La trilogie sentimentale
• L’Amour baroque. Julliard, 1971.
• Y a-t-il un docteur dans la salle ? Denoël, 1977.
• L’Angevine. 1982.

Essais
• Brassens, Denoël 1967.
• Le Vélo Julliard / Idée fixe, 1973, rééd. illust. Roger Blachon, Denoël 1992 & 2013.
• Les Pieds dans l'eau, Mercure de France, 1974 rééd. Denoël 1990.

Poésie
• Le Périscope, à compte d'auteur, tiré à cinquante exemplaires, 1946.
• Testament. Seghers, 1952.
• À la fraîche, Pierre Seghers, 1959.
• Dix-neuf poèmes pour Cerise, Denoël, 1969.
• Chromatiques, Mercure de France, 1973.

Divers
• Les Yeux dans les yeux (nouvelles)
• Bulle ou la Voix de l'océan 1970 (pour enfants)
• Les Halles. La fin de la fête, avec Martin Monestier, Duculot, 1977 (album de photos)
• Carnets de jeunesse 1, Denoël, 1990
• Carnets de jeunesse 2, Denoël, 1992
• Carnets de jeunesse 3, Denoël, 1994
• Chroniques littéraires du Canard enchaîné – 1952-1956. Paris : Les Belles Lettres, 2004. 315 pages, 14 x 20 cm.
• Chroniques de la vie quotidienne, Paris : Les Belles lettres, 2006
• Journal de 5 à 7, Sainte-Marguerite sur Mer, Éditions des Équateurs, 2021. 459 pages

(Wikipédia)

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
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Message par Tristram Mar 17 Mai - 12:31

Le Braconnier de Dieu

René Fallet Le_bra10

Grégoire Quatresous, dit "Vingt Centimes", fuyant les Allemands pendant l’occupation, tomba dans la Trappe en Bourbonnais. Mais, au bout de vingt-six ans de bonheur paisible, Frère Grégoire rencontra Muscade la marinière, fit l’amour avec elle (et non « œuvre de chair »), puis se défroqua (tout en gardant sa religion débonnaire). La péniche de Muscade est partie ; il retrouve son seul ami, Toussaint Baboulot, ouvrier agricole alcoolique et acoquiné depuis avec Stanislas, un Polonais au même penchant appuyé (il y aurait beaucoup à dire sur la représentation des Polonais…). Ils travaillent donc ensemble au domaine des Pédouilles.
« Le Polonais, plus polonais que jamais, n’alla pas loin, s’égara sur le terrain de football où, capturé par les filets d’un but tel un chevesne dans un trémail, il s’endormit, La Marseillaise aux lèvres. Baboulot pédala jusqu’à Treteau, chut dans un fossé et y ferma les yeux, tout fier d’avoir pu regagner son lit sans anicroche.
Quant à Grégoire, ce fut à l’intérieur du cimetière de Boucé qu’une tombe interrompit brutalement sa fuite. Il se remit en selle, heurta une autre sépulture, culbuta dans l’allée, sidéré par la quantité de dalles essaimées sur une route nationale. Il s’allongea sur un caveau, jugea ce matelas dénué de tout confort, sombra pourtant dans le sommeil. À l’aube, à la vue de ce gisant, une vieille qui passait par là en perdit la raison, ce dont personne d’ailleurs ne s’aperçut dans sa famille. »
Outre ses retrouvailles (avec le vin notamment), il tente de fuir le péché (mais vider chopine et « arranger » les bistrotes n’en font point partie), et de devenir un « pêcheur d’hommes ». Lui apparaît Jésus (qui ne crache pas non plus sur le Saint Pourçain).
« Garde-le pour toi, Grégoire, parce que c’était pas utile d’y marquer dans les Évangiles, mais ça vaut rien, l’eau changée en pinard. Rien. Pas un coup de cidre. C’est de la bibine. Le raisin, Grégoire, le raisin, y a que ça ! Faut pas sortir de là. Tout le reste, c’est coca-cola et compagnie. »
Grégoire baptise donc des moutons puis, pour le convertir, emmène Toussaint, victime d’une « crise de foie », de l’Allier à Lourdes dans une pérégrination qui semble écrite pour le cinéma (un film du même titre sera d’ailleurs tiré du livre ; je ne me souviens pas l’avoir vu, mais le genre rappelle Fernandel et consorts).
« On se racontait, derrière eux, le dernier miracle en date. Un cul-de-jatte avait perdu une roue de son chariot. Comme il ne pouvait plus se propulser sans culbuter, on l’avait apporté à Lourdes afin qu’il y récupérât au moins ses jambes. On l’avait plongé dans la piscine, où il avait coulé et s’était noyé, ne voulant pas lâcher ses fers à repasser. Lorsqu’on l’avait repêché, Dieu merci ! son chariot avait quatre roues et quatre pneus neufs, les médecins en avaient témoigné formellement. »
Toussaint miraculé à l’eau bénite et à l’Hepatoum, les inspirés compères ouvriront le monastère d’un nouvel ordre rabelaisien, le Saint-Litre…
C’est d’un anticléricalisme bonhomme (sans épargner tous les « gardes-pêche, gardes-chasse et garde-chiourmes », y compris les gendarmes).
« Aujourd’hui, tiens, les curés veulent se marier. Demain, ils voudront se marier entre eux ! »

« Le front bas du gendarme se plissa et, rétrécissant ainsi d’un centimètre, diminua de moitié [… »
Dédié à Antoine Blondin, ce roman rappelle évidemment Audiard, Brassens, Robert Giraud et ses autres proches en gouaille populaire des faubourgs, et ici du patois du bourbonnais, avec un humour parfois daté, mais qui reste savoureux.
« On y sait, que l’amour, ça empêche pas les sentiments. »
Mais c’est loin d’être comparable à Paris au mois d'août, Un idiot à Paris, ou Le beaujolais nouveau est arrivé

\Mots-clés : #humour

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Message par Pinky Mar 17 Mai - 18:03

Merci Tristram. J'avance Le Triporteur et je fais mon commentaire. Un bel hommage à l'anarchisme. Comme pour Le Braconnier de Dieu, ça picole !
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Message par Bédoulène Mar 17 Mai - 20:48

avec Brassens

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Message par Tristram Mer 18 Mai - 1:20

Merci ! Voltaire... notation de citations... et des recommandations : Claude Tillier, Léautaud...

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Message par ArenSor Jeu 19 Mai - 15:51

Journal de 5 à 7

René Fallet Journa11

« Ce « Journal », hormis quelques lueurs, est si con qu’il en est parfaitement impubliable »
14 juin 1969

Le ton est donné ! René Fallet se pose en digne successeur de brillants diaristes, Jules Renard et Paul Léautaud en tête, écrivains qu’il admire beaucoup, bien sûr, au même titre que Stendhal, Rimbaud, Marcel Aymé, Ernest Hemingway.
Le Journal de Fallet commence en 1962 et se termine quelques mois avant sa mort en 1983. Toutefois, au fil des années, il y consacre de moins en moins de temps.
Je vous rassure, le Journal, contrairement à ce que l’auteur affirme, mérite beaucoup d’être lu. Il dresse un portrait intime du personnage, tour à tour gouailleur, vachard, tendre aussi, ami indéfectible de Brassens, mais également de Blondin, Carmet, Audiard : un individu embarrassé dans ses contradictions d’homme du peuple, anar, mais soucieux également de gagner de l’argent, courant de jupons en jupons, en ressortissant à chaque fois meurtri, un personnage englué dans le mal-être, hanté par la peur de la mort etc.
Par quoi commencer ? Nous avons déjà parlé de ses affinités littéraires. Tiens, j’ai oublié Baudelaire :
« Un ami de cent ans : Baudelaire. Nous sommes restés très copains »
15 janvier 1963

A l’inverse, René Fallet n’est pas copain des écrivains catholiques, Mauriac et Claudel :
« La tête lourde comme si j’avais lu une page de Claudel »
7 janvier 1963

Il déteste également les écrivains mondains, proches du pouvoir qui sont ses têtes de Turc : Maurice Druon, qualifié de « saucisse à cocktails », ou encore Roger Peyrefitte :
« A la susdite exposition Jules Verne, revu avec plaisir l’ineffable trombine d’Alain Peyrefitte, les crétin satisfait, ex-ministre de l’Information et aujourd’hui, ô ironie, ô dérision, ministre de la Recherche scientifique. On ne va pas tarder, sous cette houlette, à découvrir la vapeur »
25 mars 1966

Il manie l’ironie à propos d’autres auteurs :
« Projet d’affiche : un Malraux CRS donne l’assaut à une barricade sur laquelle se dresse un Malraux de trente-cinq ans, le pavé de « L’Espoir » à la main »
26 juin 1968
« Depuis qu’Elsa est morte, le père Aragon se dissipe et se voue aux minets, au grand dam des puritains du Comité central du PC. Son dernier béguin est un jeune auteur de pissotière du nom de François-Marie Banier, plus Marie que François, et qu’il n’hésite pas à comparer à … Stendhal. Quelqu’un a surnommé l’Eliacin de drugstores : « Elsapoupin »
1er mars 1972

Il n’a pas d’affinités non plus avec les écrivains « intellectuels :
« Le nouveau roman a permis à ceux qui n’avaient rien à dire de pouvoir enfin s’exprimer »
7 juillet 1967
« Le goût français va à au vaudeville ou à Beckett-Ionesco-Godard. Pas de milieu. Nous sommes plus lourds que les Belges, Suisses ou Allemands dont nous nous gaussons si fort »
29 novembre 1967

Bref, un écrivain plutôt rive droite que rive gauche.
Politiquement, René Fallet se place dans la tradition anarchiste. De gauche ou de droite ? Difficile à dire. Ca dépend des jours. Il le souligne avec humour :
« Je suis anar de gauche à droite, tendance essuie-glaces »
18 octobre 1970

Ce qui est certain c'est qu’il déteste la police et l’armée :
« Tous les matins, une race d’étranges écrivains en uniforme s’abat sur Paris, le stylo à la main : les contractuels, grâce auxquels quelque chose se situe enfin SOUS le flic, ce que nul ne pensait possible »
14 décembre 1963
« Depuis 46 ans, quelques vieux cons à bérets, chaque année plus vieux et plus cons, traînent leurs médailles et leurs drapeaux sur les Champs-Elysées pour faire marcher un truc au gaz butane »
11 novembre 1964
« Il n’y a pas de grands généraux. Il n’y a que de vieux cons auxquels on a donné pour d’obscures raisons des milliers d’hommes à massacrer. Celui qui en fait tuer le plus a droit à des funérailles nationales. C’est tout »
5 janvier 1965
« Tout pays gouverné par un général ne peut se prétendre civilisé »
3 octobre 1965
« Une seul chose est réellement internationale : le nationalisme »
Mars – avril 1965

Au fil des années, De Gaulle, Pompidou, Giscard sont aussi ses têtes de Turc
« Georges [Brassens], a une heure du matin, s’affirme gaulliste. Je me dis, s’il est gaulliste, c’est qu’on est bourrés. On l’était »
15 mars 1969
« La mort de De Gaulle, au vu de la presse et des images TV, restera un des plus hauts florilèges de la connerie française, qui n’a jamais été plus haute. L’intelligence a des limites, ô fascinante connerie, tu n’en a pas ! »
19 novembre 1970
« Giscard président élu par les vieux. Les panzers des râteliers déferlent sur la France. Le glabre et le roupillon »
22 mai 1974

René Fallet marque une vraie tendresse pour le peuple, par exemple la vendeuse de prisunic. Toutefois, il est conscient de ses contradictions et mesure tout ce qui le différencie lui, intellectuel aux revenus aisés (au moins, après l’attribution du prix Interallié), du peuple proprement dit :
« Populisme, encore. Si je comprends bien, il ne faudrait jamais, au grand jamais, parler de la petite vendeuse d’Uniprix. En voilà, du racisme ! Et du meilleur ! A moi qui ne suis pas d’une nature très indulgente, cette fille me fait de la peine.
Elle est là, tout le jour, debout, dans le bruit, face aux cons. De quoi, où déjeune-t-elle ? Enfin, le soir après cent coups d’œil aux pendules, elle sort. Prend le train bondé. Subit des mains au cul. Prend, pour rejoindre son HLM de banlieue, un train bondé. Re-mains au cul. Un ou deux kilomètres de marche, de la gare à la caserne horrible. Y retrouve des parents aussi vannés qu’elle, un père peut-être fort populistement saoul. Durant le repas, injection à haute dose de connerie à la TV. Après, au lit, car c’est demain le réveil à six heures, le départ dans la merde hivernale, quand même moins terrible que les départs au printemps, ce printemps volé, à jamais perdu. Et tout recommence »
27 octobre 1964
« Le peuple, bien sûr, c’est tentant à exalter, grisant, surtout quand on en sort. Mais pourquoi n’a-t-on guère envie d’y retourner ? La question reste posée »
24 janvier 1969

René Fallet mène une vie de patachon : abus d’alcool, de calmants, tabac. Hanté par la mort depuis son jeune âge, il la voit approcher :
« Recette pour manger deux andouillettes au lieu d’une : forcer sur l’apéritif avant de passer à table »
21 septembre 1973
« Ma carrière d’ivrogne va s’achever en eau de boudin »
17 avril 1973
« Des faits : voilà bientôt huit ans que je traîne une angine de poitrine qui ne s’arrange pas en soufflant – de la fumée – dessus. La cirrhose aussi, ça existe, paraît. Sans parler des cancers. Si j’ai celui de la gorge, j’écrirai vite, vite, ça presse, « Un chat dans la gorge ! » Et au-dessus du lot le 7,65. Comment voulez-vous échapper à tout cela ? Certainement pas par la porte »
17 janvier 1981
« La mort nous délivrerait, si elle faisait son travail de mort, de tous ceux qui nous emmerdent. Elle fait tout le contraire de ce qu’on lui demande »
25 octobre 1964
« La peine de mort est abolie. Pas pour nous. On aurait pu mettre la mort au courant »
9 février 1983
« « C’est dur de mourir au printemps » chantait Brel. C’est absolument mon avis. Ajouter qu’en été ce n’est pas plus drôle. Qu’en automne ce n’est pas la joie et qu’en hiver c’est lugubre »
18 février 1983
« Les gens parlent légèrement de mourir. Comme toujours, ils ne savent pas très bien au juste de quoi il est question »
16 mars 1973
« A propos de manque, nous y voilà. Trois mois après, le gros [Georges Brassens] commence à me manquer singulièrement. Ca ne se dit pas, alors je ne dis rien mais n’y pense pas moins »
20 janvier 1982

Parmi les dernières occurrences en date du 14 juin 1983, cette jolie formule :
« Ce n’est pas Marie qui est pleine de grâces mais la langue française. Quand elle est bien jouée »
14 juin 1983
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Message par animal Jeu 19 Mai - 19:20

Il y a matière à citations René Fallet 1390083676

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Message par Pinky Ven 20 Mai - 11:51

Le Triporteur

René Fallet 51qdsi10

Antoine fils du quincailler de Vauxbrelles en Bourgogne, grand admirateur de Dabek Sariéloubal, célèbre goal fait l'acquisition d'un triporteur à la salle des ventes. On y reconnait l’humour des commissaires-priseurs  revu par Fallet :
"Le commissaire se grignota les lèvres et décida de faire chorus avec ces exaltés pour sauver l’honneur. Il eut un rire jaune d’œuf et prit une voix soi-disant dégagée :
- Allons mes amis, allons, allons ! Chaque chose en son temps et chaque chose à sa place. Vous me direz que le place de cet objet n’est pas ici mais bien dans une décharge publique, je vous l’accorde ! Mais n’y a-t-il pas un chiffonnier parmi vous ? Je luis demanderai donc cent francs. Cent francs ! Qu’est-ce que l’on a pour cent francs ? Pas même un couvercle de boîte à ordures, n’est-ce pas ? Un petit effort ?
On eût entendu voler l’aviation française.
Anxieux puis hagard, Labussière considérait les visages immobiles et glacés, ces visages qu’on eût dit fermés pour cause de décès.
-Cent un !”

Antoine achète le triporteur nommé Augustine.
« La marche d’Augustine tenait de celles de l’écrevisse, du crapaud, de l’invalide du travail, du poivrot licencié, du canard amoureux et des premiers pas de bébé.
Elle oscillait tantôt d’avant en arrière, puis chavirait sur la gauche, donnait un coup de rein, tressautait sur la droite, reculait de cinq centimètres, progressait de dix-huit, virait de bord, voulait à toutes forces se ruer sur le trottoir, se ravisait, préférait menacer une voiture d’enfant….
Antoine était là-dessus comme le cowboy sur le mustang le plus sauvage de l’Ouest. Etreignant le guidon debout, il résistait aux ruades, se méfiait des accalmies, tenait d’une main la sonnette désireuse d’aller visiter les caniveaux vauxbrellois, bondissant à chaque cahot, évitant de justesse une tige de selle agréable au toucher. »

Antoine part pour Paris sur ton triporteur. Il fait de nombreuses rencontres et un jour, est accueilli en héros dans un village, sans qu’il en comprenne tout de suite la raison.
Le président du Vélo Club M. Polbaron vient de mourir, c’était :
« un des membres fondateurs de l’UVF, Union Vélicopédique Française, lui-même pratiquant la petite reine et vainqueur en 1898 de la course Saint-Ampoire-Bercy-Ceinture. C’était un fanatique absolu de la bicyclette, il avait fondé une marque de cycles, dotait les critériums et vitupérait en des articles fulgurants, restés inédits les moteurs auxiliaires et tout ce qui roule par des moyens étrangers au mollet. Il est décédé avant-hier, victime du régime trop riche et spartiate à la fois que suivent les As du grand âge. Ses jambes imitaient les mouvements du pédalage sous les draps de son lit de mort et sa dernière parole fut : « Allez les gars ! Je vois la banderole annonçant l’arrivée ! »

Le testament
« J’exige en outre, et c’est la condition formelle que je mets à l’exécution de mon testament que mes obsèques se déroulent selon le cérémonial suivant : j’entends que ma bière soit placée sur le couvercle du triporteur et que ma dépouille mortelle soit accompagnée jusqu’à sa dernière demeure par ma famille, mes amis et tous ceux qui voudront me rendre un ultime hommage, pourvu qu’ils soient à tandem, à bicyclette ou à voitures à pédales, à l’exclusion de tout engin mécanique à vapeur ou à toute autre propulsion anti-naturelle.  Seront également proscrits du cortège tous les piétons, fussent-ils ecclésiastiques. »

Évidemment les obsèques sont une série de catastrophes successives jusqu’à l’arrivée au cimetière et au départ d’Antoine qui a négocié un bon dédommagement, dédommagement qu’il se fera finalement voler par un clochard qu’il a aidé.

Le Triporteur est aussi un hymne à la paresse, à la boisson jusqu’à plus soif sans oublier les filles faciles que sont les sœurs Aurore et Cornélie. J’avoue que cela a fini par m’irriter : un monde masculin que l’on pourrait vulgairement appeler des « grands cons » et puis la fin m’a réconcilié avec le livre. L’émerveillement d’Antoine découvrant Paris mais surtout un match de foot homérique entre le CM Haut Médoc et le Racing Club Pommard avec le fameux goal Dabek Sariéloubal, idole d’Antoine. Les Girondins contre les Bourguignons. J’ai retrouvé le plaisir du suspens des match que je regardais parfois avec mon père. Suspens qui est ici « dramatisé » par les états d’âme du goal qui a trouvé sa femme en galante compagnie avec le groom en retournant chercher son galet fétiche. Dabek en perd ses moyens, les retrouve pendant le match ; Médoc et Pommard s’invectivent dans les tribunes.

C’est bien Fallet qui peut être féroce avec la vulgarité des gens qu’ils méprisent ou abhorre comme ceux qui travaillent ou gouvernent. Le culte de la boisson devient gênant quand ces messieurs passent une partie de leur temps à être ivres morts.  Il y a le côté sympa de la camaraderie masculine mais aussi son côté lourdaud.
J’oubliais un amour véritable pour la nature, les animaux comme  Corner, caneton apprivoisé qui suit Antoine dans son périple.
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Message par Bédoulène Ven 20 Mai - 21:00

Arensor et Piky vos commentaires invitent à la lecture, merci !

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Message par Pinky Jeu 8 Sep - 11:27

La soupe aux choux

René Fallet 51vvru10

« Roman campagnard de science-fiction ». Deux protagonistes : Claude Ratinier dit le Glaude et Francis Chérasse, Cicisse ou plutôt Le Bombé, à cause de sa bosse discutent en buvant des canons.

Un roman nostalgique qui évoque tout ce qui a disparu :
« Au village, sans prétention, il n’y avait presque plus rien Le four du boulanger s’était refroidi en même temps que le boulanger, qui ne cuisait plus ses couronnes qu’au cimetière.
[….]
Il n’y avait plus de lavoir sur la Bresbre, la rivière qui l’arrosait
…….
Il n’y avait plus, non plus, de curé. Le vieux n’avait pas été remplacé par un neuf. On ne voyait plus de soutane au hasard des chemins, et le mécréant dépité n’avait plus le loisir de gueuler « à bas la calotte » puisque, aussi bien, il n’y avait plus de calotte.
………..
Il n’y avait plus de facteur à pied ou à bicyclette , qu’un préposé pressé en camionnette, plus anonyme qu’une lettre, et qui n’avait jamais une minute pour boire un canon.
……
Au village, en outre, il n’y avait plus d’idiot de village. Dès qu’ils manifestaient leurs talents, on les ramassait, comme des petits-gris pour les enfermer à l’asile psychiatrique d’Yzeure. »

Les deux compères finissent leur existence en levant souvent le coude et aussi en faisant des concours de pets ; on ne peut pas passer sur cela car c’est ce qui fait venir la soucoupe volante et son pilote que le Glaude surnomme La Denrée et qu’il est le seul à voir, la Denrée ayant endormi Le Bombé.

La Denrée goûte à la soupe aux choux
« Eh bien, voilà, vieux frère ! et t’as l’air content depuis la première fois que t’es là ! La soupe aux choux, mon Blaise, ça parfume jusqu’au trognon, ça fait du bien partout où  qu’elle se balade dans les boyaux. Ça tient au corps et ça vous fait même comme des gentillesses dans la tête. Tu veux que je t’y dise : ça rend meilleur. Quand on s’en est envoyé un bol en plein dans le ventre, on a les arpions qui s’étirent dans les sabots. »

La Denrée, habitant d’Oxo, revient régulièrement revoir le Glaude envoyé par les dirigeants des Oxiens qui cherchent à comprendre ce plaisir ressenti grâce à la soupe, tout plaisir étant absent de la planète. Il avoue au Glaude qu’il n’y a pas de femmes ni de bistrots chez lui, ce qui fait dire au Glaude que s’il n’y a pas de femmes, il n’y pas besoin de bistrots.

Le village du Bourbonnais où vivent les deux vieux copains se modifient peu à peu. Des Belges y achètent une grange qu’ils retapent ; des Allemands une autre maison.
Enfin, le maire cherche à développer sa commune :
« Ce qui manque dans les villages français, c’est l’expansion économique, un truc qu’existait pas dans votre jeunesse. Eh bien, avec M. Raymond du Genêt et le Conseil municipal on l’a trouvée, notre expansion économique. [….]
Mes chers concitoyens et amis, dans un an, même pas, on va avoir chez nous  un parc de loisirs…ça vous en bouche un coin, hein, les pères ?
Le Glaude se gratta les moustaches :
- Ça m’en bouche même quatre. Qui que c’est que ça, un parc de loisirs ?
Troufigne s’esclaffa :
- Y savent même pas ce que c’est un parc de loisirs !
- Ben non…
- C’est pourtant la grande mode. Vous êtes pas allés à Thionne ?
- Ben non…Qui donc qu’on irait faire par-là ? »

Un hymne à l’amitié masculine (Le Glaude, Le Bombé et La Denrée) et aussi à un monde qui disparaît, celui des villages du Bourbonnais. Les femmes sont peu présentes, sauf La Francine, épouse du Glaude, décédée depuis dix ans et à laquelle La Denrée réserve quelques aventures après résurrection. Je n’en dis pas plus
Une langue imagée d’un des livres de Fallet dit au Beaujolais, par opposition aux livres plus sombres « au whisky ». J’ai pris plaisir à lire ces aventures. J’avais apprécié le film de Claude Girault (1981) avec Jacques Villeret , Louis de Funès et Jean Carmet, parfaits en amateurs de canons et amis de Fallet. Ce n’est pas toujours très fin ou très délicat mais très humain.

Je mets la recette de la soupe aux choux du Bombé dans le fil cuisine
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Message par Tristram Jeu 8 Sep - 11:46

Ah oui, excellent, tant la recette que le livre ! Et il me semble que ce n'est que maintenant qu'on réalise ce qu'on perd avec la ruralité... surtout les ruraux !

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Message par Bédoulène Jeu 8 Sep - 22:56

ah! oui la soupe au choux c'est du solide !

merci Pinky !

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Message par Tristram Mar 20 Déc - 11:29

Journal de 5 à 7

René Fallet Journa11

Ce journal semble avoir pris son régime comme Fallet, « dans un sempiternel ennui d’argent », se plaint de ne plus pouvoir écrire. Il est inspiré par celui de Jules Renard (puis de Léautaud), et son titre de celui du film Cléo de 5 à 7 (et de l’actrice Corinne Marchand, une de ces blondes qui l’enchantent).
Il fait la part belle aux amis (Georges Brassens d’abord, et Jean-Paul Clébert, Antoine Blondin, Robert Giraud, Albert Vidalie, André Hardellet, Raymond Devos, Jean-Louis Trintignant, Michel Audiard, sans nommer des amis moins célèbres), aux écrivains (« Stendhal. Anouilh. Maupassant. Cendrars. Aymé. Hemingway. » ; aussi Montaigne, Chamfort, Céline, et quelques haines), et aux poètes (« Villon. Apollinaire. Verlaine. Baudelaire. RIMBAUD. »).
Humour et bons mots, mais la tristesse affleure vite. L’intention d’échapper à ses origines villeneuvoises en trouvant le succès littéraire est prédominante au début (outre Paris, Thionne et Jaligny, dans le Bourbonnais, sont aussi fréquemment évoqués, notamment à propos du parler local). Fallet se plaint des critiques, et de son étiquette d’auteur populiste (terme dont le sens a glissé depuis).
Pêche (et chasse), amour des animaux (tout particulièrement des chats) ; vélo, pétanque. La Commune, individualisme et anarchisme, anticommunisme, anticléricalisme, antimilitarisme et anticonformisme. Très tôt la hantise de la vieillesse, « la croisière sur charentaises ». Et bien sûr les femmes (« Yolande, Else, Agathe, Cerise et Simone »).
Un vrai plaisir aussi de retrouver ces années-là… Fallet était passéiste, certes, mais quand on considère les apports du progrès, à une époque de vitesse fébrile où l’on évoque de plus en plus la décroissance, il trouve peut-être une certaine légitimité…
Et, oui, une vraie mine de citations ! Fallet semblait d'ailleurs avoir pleine conscience de la future publication de son journal.
« Quand je n’ai pas de journal, dans le métro, je lis les gens. Toutes ces figures, mal refermées ainsi que des poubelles, me donnent le vertige. Et moi, portion de foule, je suis en foule, une foule dans la foule qui me voit comme je la vois. »
25 janvier 1963
« Auprès d’une belle fille, nous agitons notre esprit à la façon d’un plumage, d’une crête ou d’une crinière. Et le plus drôle d’entre nous frise le ridicule.

L’homme est le seul animal qui regarde sa queue. »
29 juin 1963
« C’est l’été, l’été, ce participe à jamais passé. »
9 juillet 1963
« La France se hérisse de casernes à l’usage de la famille. On appelle ces beautés de béton « les grands ensembles », et tout cela pousse comme l’amanite phalloïde. Voir les HLM se dresser dans le crépuscule qui n’en peut mais, c’est à mourir, c’est à détester l’homme. « Grande est sa confiance en l’homme », a écrit je ne sais quel minus à mon sujet. J’ai confiance en lui : il crèvera de la maladie qui lui pend du sexe : la multiplicité. Ces masures monstrueuses et sinistres, c’est à l’Église que nous les devons. Tant que les papes ne mettront pas le holà – tant qu’ils n’y trouveront pas un intérêt financier quelconque – à la prolifération des soi-disant chrétiens, l’État bourgeois refusera la politique démographique que lui proposent avec angoisse les sociologues.
Mais qu’ai-je à foutre-merdre de tout cela ? »
« Je traîne seul ma tristesse dans les rues de Saint-Ouen, aux Puces. J’aime cette odeur de misère, qui est celle de mon enfance. Il y a là-bas la rue la plus morne qui soit. Elle s’appelle rue du Plaisir. C’est pourtant vrai que le plaisir a cet air désolé. »
28 octobre 1963
« Quand il n’y aura plus un brin d’herbe, plus un papillon sur terre, plus une ablette dans les eaux, quand ils seront six milliards (ou douze), les hommes seront enfin satisfaits. Ils auront été jusqu’au bout. La bêtise est pour eux l’aimant électromagnétique. La force d’attraction finale. »
2 février 1965
« Interallié. Suis en butte aux pressions d’amis d’auteurs, sans parler de celles des éditeurs. Offres d’argent, même. Je tremble en me demandant comment, à quel prix, on a dû l’an passé me décrocher le coquetier. J’ai cru, naïf, à mon mérite. Voilà un alinéa qui sera coupé sans merci dans ce journal s’il est un jour publié. Jurés ou putes, c’est toujours le « petit cadeau ».

J’en suis même arrivé au stade où écrire le français devient à chaque livre plus difficile. Où la faute, l’adjectif de travers m’empêchent de dormir, le comble pour un paresseux. Cet amour du travail bien fait doit me venir du fond des âges, de ces cons de paysans mes ancêtres. Je me suis payé un Dictionnaire des difficultés de la langue française, dont je m’étais si bien passé depuis mes débuts. Des difficultés, j’en rencontre chaque jour davantage. Quelle langue ! J’aurais dû naître écrivain britannique. »
31 octobre 1965
« Il est possible que, le corps se retirant, l’esprit lâche les dés, abandonne, las de se battre. »

« Nous vivons comme des montres, en or ou en fer-blanc, avec ou sans chaîne. Comme nous, elles tombent, retardent ou avancent. On les répare une fois, deux fois. Elles se cassent, enfin. On les jette. »
13 février 1968
« L’histoire vraie la plus drôle de ces temps : un flic de la DST avait le privilège d’aller chercher des services de presse chez l’éditeur Christian Bourgois. Nanti de ses volumes, il tombe dans une bagarre. Une auto-pompe commence par l’arroser de pied en cap. Puis des CRS, malgré ses cris : « Arrêtez ! Je suis de la maison ! » le bastonnent d’importance. Fou de rage, dégoulinant de flotte et de sang, le flic court expliquer le drame au commissariat le plus proche, où le commissaire lui fournit cette sublime explication :
– Que voulez-vous ! Faut vous mettre à leur place ! Ils ne pouvaient pas savoir ! VOUS AVIEZ DES LIVRES ! »
30 mai 1968
« Malgré mes efforts je ne puis me détacher de ces idées de révolution. Malgré mes efforts, oui, car je n’ai pas grand-chose à y gagner, au contraire peut-être. Mais il y a toute cette sombre poésie qui ressemble à l’amour, cet amour qu’il est toujours odieux de refuser. »
26 juin 1968
« Ma génération, à moi, n’est pas perdue, plutôt tordue. »
16 juin 1969
« Tout cela est plus douloureux qu’un chagrin d’amour et le temps y paraît plus long. De plus allez donc tirer un roman d’une patte cassée. »
3 septembre 1969
« Je pense qu’il ne faut pas m’aimer. Je pense aussi que voilà une recommandation tout à fait superflue. »
23 octobre 1971
« Matériellement ce n’est pas un bien de mourir pour une idée, vous mourez avec elle, elle meurt avec vous. En outre, si cette idée avait le malheur de vous être tout à fait personnelle, personne ne s’apercevra de sa disparition. »
7 décembre 1971
« Rompre a un goût de crime. On supprime un être. »
13 janvier 1972
« On retrouve, vingt-sept ans après, dans la jungle de l’île de Guam, un soldat japonais, toujours fanatique de l’empereur et de la guerre. Vingt-sept ans sans une minute de réflexion. Ses compagnons sont morts. Comme d’habitude, c’est toujours le plus con qui survit. Dieu, ce con, n’aime que ses semblables. »
18 février 1972
« Je m’élancolise. »
1 mars 1972
« Nos taudis n’étaient que mélancoliques. Les constructions modernes sont, nuance, carrément sinistres. »
24 février 1973
« On m’expédie pour que je le remplisse un questionnaire sur la Culture. Je l’ai foutu à la poubelle. La culture collective est la plus grave des infamies actuelles. La Culture ne se distribue pas comme les Allocations familiales. »
24 avril 1973
« Le chagrin ne m’apporte plus rien. »
29 juin 1974
« À la mort d’Hardellet, sa très bourgeoise famille a respiré d’aise, et l’une de ses cousines a proféré cette oraison funèbre : « Le scandale est enfin terminé. »

Pour moi, cela ne va pas mal du tout. Sous l’effet d’un somnifère je me suis levé et ai pissé dans un coin de ma chambre, histoire d’arroser la Toussaint. Incontinent. Je suis un continent à moi tout seul. « Gâtisme », assure Agathe. Je me ferai tailler mes bambinettes à Londres. »
3 novembre 1974
« Aimer, ce n’est pas seulement aimer, c’est aimer trop. »
18 septembre 1975
« Toute vie est ratée puisqu’on meurt. »
21 septembre 1977
« Toute vie est ratée puisqu’il faut la quitter. »
18 octobre 1982

\Mots-clés : #journal #xxesiecle

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Message par Bédoulène Mar 20 Déc - 15:52

merci Tristram

rien que pour ces citations je note

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Message par Pinky Mar 16 Mai - 16:09

Bulle ou la voix de l'Océan

René Fallet 51gyhm10

Un livre pour la jeunesse de René Fallet. Bulle un coquillage des mers du Sud est remontée depuis le fond de la mer par un pirate . L'auteur raconte ses aventures sur terre à la recherche de l'amitié que lui donnera Petit-Pierre. Le livre édité dans la collection Folio Junior est illustré à la plume par Mette Ivers ce qui agrémente le récit de ce coquillage qui sait parler, chanter mais aussi se taire par dépit ou tristesse.  Un beau livre de jeunesse où l'on n'attend pas René Fallet. Quand je lis ce genre de livre, j'ai 9 ou 10 ans.
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Message par Bédoulène Mar 16 Mai - 18:19

alors c'est une lecture qui te fait du bien

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Message par Pinky Mar 16 Mai - 18:28

oui, j'aime beaucoup la bonne littérature de jeunesse et j'ai été étonnée d'y retrouver un auteur comme René Fallet que j'apprécie par ailleurs.
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