Michel Houellebecq

Simla a écrit:Il n'y a pas de nouvelles valeurs....à moins que j'ai raté un épisode...

Et que fais-tu du communisme, de l'humanisme, de l'individualisme, du libéralisme, du capitalisme ?!

"Et que fais-tu du communisme, de l'humanisme, de l'individualisme, du libéralisme, du capitalisme ?!"

Humanisme ? Jamais entendu parler

Quant au reste, je ne savais pas que c'était de nouvelles valeurs, mot qui définit une référence morale , sociale, esthétique etc.........je choisirai plutôt nouvelles lâchetés, nullités, faiblesses, médiocrités.

Enfin ce n'est que mon avis

Mouais. Le consensus sera difficile, c'est bien ce que je pensais. D'ailleurs moi-même je ne saurais pas à quelle valeur adhérer sans arrière pensée.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/l-economie-selon-houellebecq-3311234
1H, le nouveau Balzac et le libéralisme !

"Anéantir est le livre le plus politique de Houellebecq, directement situé dans les arcanes du pouvoir. C’est aussi un drôle de livre, sorte de collage hétéroclite de plusieurs textes […]. Le tout sans cesse traversé par la situation politique de la France, du mois de décembre jusqu’à l’élection présidentielle au printemps."

Voici le meilleur résumé que j'ai trouvé de ce roman. Je partage assez ce point de vue.

Alors, j'ai bien aimé "Anéantir" mais je ne sais trop quoi en penser au final. Bien écrit, bien documenté, toujours une vision assez pessimiste de notre société et de son évolution, je partage évidemment celle-ci, néanmoins un peu d'humour de temps en temps...mais bon pas très joyeux sur le fond malgré tout.

Donc, le personnage principal est Paul, la cinquantaine, collaborateur très rapproché du Ministre des finances (on dit que Bruno Le Maire en est le modèle ?..il me semble pourtant bien plus fâlot mais bon....) Une campagne présidentielle approche, tout le mécanisme des élections est bien démontré, la stratégie, la com..ou comment vendre un candidat dans son plus bel emballage...c'est tout à fait ça.

En parallèle, de mystérieux attentats posent problème....qui pourraient, éventuellement, avoir un impact favorable sur le candidat choisi pour succéder à l'ancien président....bien vu...

Dans une seconde partie, Paul, connaît de nombreux problèmes éprouvants dans sa vie personnelle et familiale....son père gravement malade, sa femme, Prudence, avec qui une énorme distance s'est instaurée, sa soeur, son frère, etc....rien ne va plus au royaume des (presque) riches....

Une belle ode à la nature et aussi surprenant que cela puisse paraître, à l'amour, à la compassion et aux relations humaines qui restent, malgré tout, le pivot essentiel d'une vie épanouie....

Ceci dit, le thème n'est guère réjouissant dans l'ensemble...je dirais même plutôt déprimant....du pur Houellebecq ..mais qui aurait tendance à s'attendrir avec le temps peut-être ....

Extrait (qui m'a fait mourir de rire) :

" Le désaccord alimentaire entre Prudence et Paul s'était par contre manifesté rapidement. Prudence cependant,  dans les premières années, mue par l'amour ou par un sentiment analogue, avait assuré à son concubin une alimentation conforme à ses goûts, à ses yeux pourtant marqués par un conservatisme éprouvant. Si elle ne faisait pas la cuisine, elle faisait elle-même les courses, et mettait une fierté particulière à dénicher pour Paul les meilleurs steaks, les meilleurs fromages, la meilleure charcuterie. Ces produits carnés se mêlaient alors, dans un amoureux désordre, aux fruits, céréales et légumineuses bio qui constituaient son ordinaire personnel, au long des rayonnages de leur réfrigérateur commun.

La mutation végane, survenue chez Prudence dès 2015, au moment même où le mot faisait son apparition dans le Petit Robert, allait déclencher une guerre alimentaire totale, dont onze ans plus tard ils n'avaient toujours pas pansé les séquelles, et à laquelle leur couple avait maintenant bien peu de chances de survivre.

La première attaque de Prudence fut brutale, absolue, décisive. A son retour de Marrakech, où il assistait avec le ministre de l'époque à un congrès de l'Union africaine, Paul avait eu la surprise de voir son réfrigérateur envahi, outre les fruits et les légumes habituels, par une multitude d'aliments étranges où se côtoyaient algues, soja germé et de nombreux plats cuisinés de la marque Biozone mêlant tofu, boulgour, quinoa, épeautre et nouilles japonaises. Rien de tout cela ne lui paraissait si peu que ce soit comestible, et il en fit part avec une certaine acrimonie ( "Y'a que de la merde à bouffer" tels furent ses mots exacts). Une négociation brève mais intense s'ensuivit, à l'issue de laquelle Paul se vit concéder un rayon du réfrigérateur pour y stocker sa "bouffe de beauf", pour reprendre les termes de Prudence - bouffe qu'il lui appartenait désormais d'acheter lui-même, sur ses propres deniers (ils avaient conservé des comptes bancaires séparés, le détail a son importance).

Les premières semaines, Paul osa quelques escarmouches ; elles furent repoussées avec vigueur. Toute tranche de saint nectaire ou pâté en croute qu'il déposait au milieu du tofu et du quinoa de Prudence était en quelques heures ramenée à son rayon d 'origine, quand elle n'était pas purement et simplement jetée à la poubelle.

Une dizaine d'années plus tard, tout s'était extérieurement apaisé. Sur le plan alimentaire, Paul se contentait de son petit rayon, qu'il remplissait vite, ayant peu à peu renoncé à la fréquentation des artisans de bouche pour se contenter de la formule, synthétique sur le plan nutritionnel et assurée d'une distribution fiable, des plats cuisinés micro-ondables. " Il faut bien manger quelque chose" se répétait-il avec sagesse devant son tajine de volaille Monoprix Gourmet, rejoignant ainsi une forme d'épicurisme morose. La volaille était issue " de différents pays de l'Union européenne" ; cela aurait pu être pire, se disait-il encore, les poulets brésiliens non merci. De petits êtres lui apparaissaient maintenant, de plus en plus souvent dans la nuit ; ils s'agitaient avec rapidité, leur peau était sombre, et leurs bras nombreux.

Dès le début de la crise, ils avaient fait chambre à part. Coucher seul est difficile lorsqu'on en a perdu l'habitude, on a froid et on a peur : mais ils avaient depuis longtemps dépassé ce stade pénible ; ils étaient parvenus à une sorte de désespoir standardisé. "

Il y a ainsi quelques passages très drôles....mais la suite est assez touchante....un questionnement philosophique, sur la vie, la mort, comment faire face à celle-ci....émouvant.

Moins misanthrope et misogyne avec l'âge?

Perso, je l'avais aussi trouvé moins pessimiste dans ce roman, si c'est ce que tu veux dire Topocl !... Merci Simla pour l'extrait, qui a la relecture me paraît bien illustrer un certain militantisme-limite à la mode (promouvant la daube branchée hors-sol), et le mari puni dans l'assiette par sa tendre épouse revancharde !

Tristram a écrit:Perso, je l'avais aussi trouvé moins pessimiste dans ce roman, si c'est ce que tu veux dire Topocl !...

Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Quand je dis misanthrope et misogyne, je veux dire misanthrope et misogyne, je ne veux pas dire pessimiste.

Bingo ! Dommage que je n'aie pas parié plus sur ta réponse attendue !

Topocl...je ne dirais pas moins misanthrope....je crois qu'il a toujours un profond mépris pour l'espèce humaine ...en tout cas de notre époque.....du moins c'est ce que je déduis de ses nombreux écrits, mais peut-être plus d'indulgence....et là ses personnages féminins sont dans l'ensemble plutôt sympathiques....hormis le portrait d'une journaliste odieuse.....qui a sans doute un modèle caché quelque part

Tristram....le fanatisme des vegan, contre qui je n'ai rien je tiens à le préciser, est parfois grotesque....un peu contreproductif en fait, un petit exemple, j'avais parlé de miel sur un de leur site et je me suis fait virer illico presto

Il y a ainsi des mots tabou !

Oui, plus d'indulgence peut-être, ou moins d'âpreté, voire plus de sagesse...

Impressionnant le coup du miel ! J'aurais fait la même erreur... Effectivement, ce qui me gêne, ce n'est pas de ne manger que des fruits et légumes, c'est ce sectarisme, associé à un militantisme radical ; il y a un côté exclusion haineuse qui tend vers le terrorisme...

Oui Tristram, certains sont dans l'excès, mais heureusement pas tous....et ça ne concerne pas, hélas, que les adeptes d'un nouveau mode de vie..en fait ce qui manque à notre société est la tolérance.... Ceci dit, dis-moi qu'as-tu pensé de ce roman ?

Je suis déjà obligé de me reporter à mon commentaire de février, ne serait-ce que pour raviver mes souvenirs. Toujours la description perspicace de nos travers sociétaux actuels (comme les "présumés coupables" dont on se demande si on médiatisera ou non la décision de justice après leur lynchage ; il est vrai que l'agresseur de Rushdie est toujours considéré comme "suspect" deux mois après son acte). Au-delà de toutes ces observations pertinentes, sur le "fond", Houellebecq expose toujours le sentiment de vide de sens de l'existence de nos jours (par perte du "sacré" ?), même s'il apparaît moins "sombre" _ après tout, il a quand même meublé sa mélancolie personnelle d'une œuvre marquante !

Quelques mois dans ma vie (octobre 2022 – mars 2023)



Sorte de droit de réponse autobiographique sur deux affaires récentes où Houellebecq est impliqué.
D’abord, mea culpa suite à ses déclarations controversées (et largement sujettes à caution) dans un entretien avec Michel Onfray : son dernier mot, c’est :

« …] le problème n’est pas l’islam, c’est la délinquance »

D’autre part, son film porno hollandais, où il serait victime d’un aigrefin ; c'est aussi l'occasion d'une sorte de défense et illustration de la sexualité, et de la pornographie.

« Sous l’effet de différentes théories psychologiques erronées, on surévalue fréquemment l’importance des fantasmes dans la sexualité. Création mentale individuelle et autonome, développée en l’absence de toute relation humaine, les fantasmes n’ont presque aucune importance en matière sexuelle, et ne comptent absolument plus dès que l’amour est en jeu. Comme chacun au fond le sait, l’élément le plus important dans la sexualité est l’amour. En second lieu vient un sentiment moins exaltant, et moins souvent exalté, qu’on appelle en général sympathie. »

« Prostituée, voilà ce que j’appelle un beau métier, un métier honorable et noble. »

Humour, digressions, confidences, sordidité, étalage complaisant de ses pratiques sexuelles (comme le triolisme), provocation, mises en cause ad hominem (les noms sont doublés de qualificatifs outrageants), et cet affligeant constat :

« …] j’avais atteint, à titre personnel, la quasi-perfection de la connerie. »

Mais aussi :

« Je ne crois pas aux idées ; je crois aux gens. »

Certes Houellebecq fait montre d’esprit (même s’il est apparemment lent dans la vie courante), mais dans une large part, ce qu’il nous livre est un aperçu de l’infâme gloubi-boulga que nous servent à satiété nombre de médias et réseaux sociaux actuels, ce qui de mon point de vue en retire d’entrée beaucoup d'intérêt. Comme souvent chez lui, on trouve des aperçus originaux et pertinents ; cette fois, c'est aussi la démonstration, toujours utile, qu'on peut parfaitement voir se conjuguer chez un même individu intelligence et nigauderie.

\Mots-clés : #actualité #autobiographie #sexualité

Merci Tristram pour cet aperçu de Quelques mois dans ma vie : je me demandais de quoi il s'agissait...

Après lecture de Anéantir, qui m'a touché par son mélange doux-amer de désespoir et de tendresse distanciée, je ne sais pas si j'ai trop envie de lire ce dernier texte. Mais bon, never say never...

Je préfère un Houellebecq à la manoeuvre dans des "fictions romanesques" qu'un Houellebecq passant aux "aveux autobiographiques". Notre société médiatique semble raffoler de ces petites mises en scène de soi, pas toujours très élégantes, parfois pathétiques, et Houellebecq a tout l'air de sacrifier aux rites du moment...

Je vais retourner à des choses plus solides en relisant La Possibilité d'une île ou La Carte et le Territoire...

Je préfère un Houellebecq à la manoeuvre dans des "fictions romanesques" qu'un Houellebecq passant aux "aveux autobiographiques". Notre société médiatique semble raffoler de ces petites mises en scène de soi, pas toujours très élégantes, parfois pathétiques, et Houellebecq a tout l'air de sacrifier aux rites du moment...

C'est tout à fait ça !