Jean Améry
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Jean Améry
Biographie
Né à Vienne, capitale de l'Empire austro-hongrois, Hans Mayer est issu d'une double culture : son père est juif et sa mère catholique, avec des origines juives. Son père meurt lors de la Première Guerre mondiale. Il est éduqué en catholique par sa mère. Il retourne à Vienne en 1926 et commence des études qu'il ne termine pas. En 1930, il commence à travailler sous la direction de Léopold Langhammer comme bibliothécaire dans une université populaire.
À ce moment-là, Hans Mayer, élevé dans la religion catholique donc, est pétri des valeurs traditionnelles autrichiennes. Il ignore les créations avant-gardistes et de gauche pourtant abondantes dans Vienne à cette époque. Élevé en province, il aime la littérature de terroir populaire. Il parle d'ailleurs le patois tyrolien. Il commence à écrire des romans (Le Pont, et en 1935, Les Naufragés).
Opposant au régime nazi, il émigre au moment de l'Anschluss en 1938 en Belgique où il milite et se fait arrêter et enfermer à deux reprises. Il est emprisonné, après l'invasion allemande, dans le camp de concentration de Gurs, dans le sud de la France. Il est arrêté par la Gestapo en juillet 1943 pour son activité dans la Résistance belge. Torturé au fort de Breendonk, il est ensuite déporté à Auschwitz en raison de ses origines juives et revient de ce camp d'extermination en tant que rescapé.
Après la guerre, il gagne sa vie en écrivant des articles pour une agence de presse suisse. Il lui est très difficile de parler de ce qu'il a vécu à Auschwitz, de ce qui ne s'appelle pas encore « la Shoah ». Mais le procès pour crime contre l'humanité des SS ayant sévi à Auschwitz qui a lieu à Francfort entre 1963 et 1965 lui permet de rompre « l'obscur envoûtement qui le paralysait ». Il couche par écrit son témoignage et ses réflexions dans un célèbre essai paru en 1966 en Allemagne Par delà le crime et le châtiment. Cet ouvrage, qui se veut une description de « la situation de l'intellectuel dans un camp de concentration »1, utilise l'introspection et l'observation de ses propres expériences psychiques pour faire l'écriture un véritable processus d'exploration des effets de la barbarie sur la victime qui y est livrée. L'intellectuel juif de langue allemande exilé devient une référence morale. Les essais Du vieillissement (1968) et Porter la main sur soi (1976) rencontrent un lectorat important.
Améry se montre très critique envers les témoins qui pardonnent et la société allemande qui oublie. Pour lui, afin d'éviter de répéter les mêmes erreurs, la culture occidentale devrait affronter une profonde auto-analyse et une véritable reconversion morale. Seulement ainsi les victimes, avec leurs brûlants souvenirs et leurs critiques, auraient pu avoir un rôle actif.
Il se suicide en 1978 dans un hôtel de Salzbourg.
Œuvres
Par-delà le crime et le châtiment - Essai pour surmonter l'insurmontable, Actes Sud, 1995
Du vieillissement, Paris, Payot, 1991 [1968] ; rééd. Petite Bibliothèque Payot, 2009
Le feu ou la démolition, Actes Sud, 1996 [1974]
Porter la main sur soi - Du suicide, Actes Sud, 1999 [1976]
Charles Bovary, médecin de campagne, Actes Sud, 1995 [1978]
Les Naufragés, Actes Sud, 2010 [1935]
L’homme enfanté par l’esprit de la violence [1969]
Dernière édition par églantine le Ven 18 Aoû - 23:07, édité 1 fois
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Jean Améry
Les témoignages et récits , oeuvres en tous genres ,sur cette blessure de l'humanité, sont nombreux , et ne le seront jamais assez.
Cet essai de Jean Améry se distingue de la littérature sur les camps par une approche philosophique , dans une mise à distance de son vécu de détenu à Auschwitz , pour en faire ressortir l'insurmontable par une réflexion purement intellectuelle .
Je n'aurais pas la prétention d'en faire un résumé , ni une synthèse . Du reste rien n'est réductible de chaque mot cliniquement pesé pour tenter d'être au plus juste de son "expérience" de sa condition concentrationnaire derrière laquelle le désespoir et l'arrachement à la vie crient dans le silence du monde .
Alors oui , Jean AMERY , juif parmi les juifs à Auschwitz .
Mais pas que . Juif intellectuel sceptique .De là ,à réfléchir sur le pouvoir de la pensée comme force ou faiblesse dans ce monde déshumanisé . Il en conclut :
"Le détenu non entrainé à l'exercice de l'esprit acceptait toutes ces choses sans trop sourciller , avec la même égalité d'humeur que celles que trahisaient déjà avant des réflexions comme " "Il faut bien qu'il y ait des pauvres et des riches " ou bien : "Il y aura toujours des guerres " . Il en prenait connaissance , il s'y faisait et dans le meilleur des cas il en triomphait .Mais l'intellectuel se révoltait devant l'impuissance de la pensée , car au début il s'en remettait encore à cette sagesse folle et rebelle selon laquelle "Ce qui n'a pas le droit d'exister ne peut exister . Mais au début seulement . "
Alors oui Jean Amery juif intellectuel parmi les juifs.
Mais pas que . Juif intellectuel agnostique .
Contrairement à ces camarades de camps s'en remettant à une foi divine ou une idéologie , il est bien évident que sa solitude et son absence de perspective d'avenir en l'au-delà ou terrestre constitue une faiblesse supplémentaire .
"Je ne voulais pas être au nombre de mes camarades croyants , mais j'aurais aimé être comme eux : inébranlable , tranquille , fort .Ce que j'ai cru comprendre m'est apparu de plus en plus comme une certitude : l'homme croyant au sens le plus large du terme , que la foi qui l'anime soit métaphysique ou fondée sur une immanence , se dépasse lui-même . Il n'est pas prisonnier de son individualité , il fait partie d'un continuum spirituel que rien n'interrompt à Auschwitz .Il est à la fois plus éloigné et plus proche que l'incroyant .Plus éloigné puisque dans son attitude essentiellement finaliste il laisse à gauche les contenus donnés de cette réalité et fixe les yeux sur un avenir rapproché ou lointain ; plus proche de la réalité , il l'est parce qu'il ne se laisse jamais surmonter par les faits qui le concernent , ce qui lui laisse le loisir d'agir énergiquement sur eux .Pour le non croyant , la réalité est dans le pire des cas , une violence à laquelle il se rend , dans le meilleur des cas un sujet d'analyse . Pour le croyant elle est une argile qu'il modèle , un problème qu'il résout ."
Alors oui Jean Améry , juif intellectuel agnostique .
Mais pas que . De culture allemande .
Et de cette spécificité , imaginons ce que peut ressentir tel homme , de se sentir spolié de cette base identitaire pour , comble de l'ironie , s'afficher ostensiblement dans l'outrance du nazisme , se réclamant de celle-ci .
Alors oui Jean Améry , juif intellectuel agnostique de culture allemande .
Mais pas que . Exilé aussi .
Arraché à cette terre natale :
" Il faut avoir une terre à soi pour ne pas en avoir besoin , de la même manière que la pensée doit posséder les structures de la logique formelle pour en franchir les limites et accéder aux domaines plus fertiles de l'esprit ."
Et que dire de la condition de juif qui n'est juif que par le sang . Sans aucune connection avec la culture juive et qui se retrouve marqué dans sa chair par cette identité qu'il ne reconnait pas ! Voilà qui me rappelle Imre Kertesz qui affirmait être devenu juif à Auschwitz.. Jean Améry , lui , est devenu juif en 1935 découvrant dans un journal les lois de Nuremberg.
".
De là vivre le paradoxe de "la nécessité et l'impossibilité d'être juif
Jean Amery , juif parmi les juifs , sceptique , agnostique , juif par hasard .
Mais au delà : un homme .
Qu'est ce qui définit l'homme ?
Que se passe-t-il lorsque celui ci est soumis à la torture ?
Perte de dignité ? Il faudrait se mettre d'accord sur ce qu'on y met derrière .
Vivre l'insoutenable dans sa chair ...Mais qu'est ce que l'insoutenable ? Peut-on se le représenter sans l'expérience ? :
"Sa chair se réalise totalement dans son autonégation "
"c'est seulement dans la torture que la coincidence de l'homme et de sa chair devient totale" .
Il établira aussi une distinction très nette entre le martyr et le torturé .
De ce vécu il écrira 22 ans plus tard :
"c'était donc fini".Une bonne fois pour toutes . Mais ce n'est toujours pas fini .Je pendouille toujours , 22 ans après , suspendus au bout de mes bras disloqués , à un mètre du sol , le souffle court , et je m'accuse ".
Jean Améry , plaie béante , revendiquant son droit au ressentiment comme une forme de protestation intime , personnelle face à "l'oeuvre cicatrisante et immorale du temps .
Jean Améry accusant le peuple allemand pour la faute collective qui devrait , selon lui , être vécue , inscrite dans la descendance , culpabilité inhérente . Le pardon est pour lui inconcevable .
Que l'on ne prenne que ce qui fait honneur à sa culture , son peuple pour se construire et que l'on efface la crasse de celle-ci , c'est ce manque de probité que Jean Améry dénonce .« Les ressentiments sont là pour que le crime devienne une réalité morale aux yeux du criminel lui-même, pour que le malfaiteur soit impliqué dans la vérité de son forfait. »
Jean Améry s'est donné la mort en 1978.
Qu'écrire de plus ...Sinon que Par delà le crime et le châtiment me semble une oeuvre incontournable , essentielle , première pour qui s'intéresse à l'histoire , à aujourd'hui , à l'universel , à sa condition d'homme .
...............................
mots-clés : #essai #campsconcentration
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Jean Améry
Merci beaucoup Eglantine pour ton commentaire qui me donne vraiment l'envie de lire Améry.
Tes citations sont très intéressantes.
Je ne savais pas qu'il s'est suicidé.
Tes citations sont très intéressantes.
Je ne savais pas qu'il s'est suicidé.
Gnocchi- Messages : 965
Date d'inscription : 01/01/2017
Re: Jean Améry
un commentaire argumenté, exigeant églantine, merci
je note, je n'en ai pas fini à lire les témoignages
je note, je n'en ai pas fini à lire les témoignages
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21642
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Jean Améry
C'est un livre que je relirai et qui ira se scotcher directement contre ceux de Imre Kertesz , à portée de mains dans ma bibliothèque .En attendant je le fais circuler autour de moi , et il est content de sortir de la poussière et de l'oubli .
Une LC pourrait être la bienvenue , car il me semble être tellement riche .
Une LC pourrait être la bienvenue , car il me semble être tellement riche .
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Jean Améry
certainement ! il était dans ta PAL ?
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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Bédoulène- Messages : 21642
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Jean Améry
Oui , grâce à Imre Kertesz et France Cult.Bédoulène a écrit:certainement ! il était dans ta PAL ?
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
Re: Jean Améry
Merci Eglantine pour ce commentaire très fort. Je ne connaissais pas cet écrivain. A ajouter d'urgence dans ma PAL
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Jean Améry
ArenSor a écrit:Je ne connaissais pas cet écrivain. A ajouter d'urgence dans ma PAL
J'ai pensé à toi en le lisant , car il me semble que ....cette approche , ça pourrait te parler .
églantine- Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie
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