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Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 9 Mai - 11:29

Un autre poème... Je vous présente Louise Warren que je tenais en haute estime mais puisque une poétesse de ma connaissance l'affectionnait, j'ai tenté autre chose pour mieux y revenir...

Dans Nous, paroles inquiètes :

Nous rêvons dans des barques vides. Nous nous heurtons au temps. Le fleuve rend ses galets. Nos poches en sont pleines. Les yeux des chevaux transportent les flèches et les sabres des guerriers. La fourrure des bêtes épaissit l'hiver. Leurs yeux se plissent devant les mouches. Ils ont leur vie. Les puits s'assèchent. Des tentes s'élèvent, des camps de nomades, des réfugiés attendent les vivres. Médicaments. Huile, riz, céréales. Des feux rougeoyants agrandissent les ruines. Les cendres volent et le froid mord la chair qui tremble. Les voiles colorés des femmes découpent l'air. Fagots sur leur tête. Épines plantées dans leurs cheveux.

Tiré du recueil rétrospectif L'anthologie du présent
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Message par bix_229 Sam 9 Mai - 17:07

Un fleuve, un amour de Luis Cernuda

Je voudrais être seul dans le sud
Peut-être mes yeux lents ne verront plus le sud
Aux légers paysages endormis dans l'espace,
Aux corps comme des fleurs sous l'ombrage des branches
Ou fuyant au galop de chevaux furieux.
Le sud est un désert qui pleure quand il chante,
Et comme l'oiseau mort, sa voix ne s'éteint pas ;
Vers la mer il dirige ses désirs amers
Ouvrant un faible écho qui vibre lentement.
A ce si lointain sud je veux être mêlé.

Luis Cernuda
Trad. par Charles Ancet
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Message par bix_229 Mar 12 Mai - 19:36


Les amis inconnus

par Jules Supervielle



Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d’une lampe profonde ,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.

Il vous naît un oiseau dans la force de l’âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu’il n’a que son cri d’oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s’y pose, on dirait qu’elle est comme les autres.

Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n’est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L’écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?

Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d’étranges battements
Qui lui viennent de jours qu’il n’aura pas vécus.

Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles
«Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »

Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
[/center]
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Message par Invité Mer 13 Mai - 14:05

Vers l'arbre-frère aux jours comptés


Harpe brève des mélèzes,
Sur l'éperon de mousse et de dalles en germe
— Façade des forêts où casse le nuage —,
Contrepoint du vide auquel je crois.


René Char

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Message par Quasimodo Mer 13 Mai - 14:44

Il faudrait que je le lise à nouveau, Char. Merci janis, je ne connaissais pas celui-ci !
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Message par Bédoulène Mer 13 Mai - 16:57

merci Janis (j'aime les mélèzes)

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Message par bix_229 Mer 13 Mai - 20:29

Love song III


Quand tisonner les mots pour un peu de couleur


ne sera plus ton affaire


quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles


ne te feront plus regretter ta jeunesse


quand un nouveau visage tout écorné d’absence


ne fera plus trembler ce que tu croyais solide


quand le froid aura pris congé du froid


et l’oubli dit adieu à l’oubli


quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du


houx ce jour-là


quelqu’un t’attendra au bord du chemin


pour te dire que c’était bien ainsi


que tu devais terminer ton voyage


démuni


tout à fait démuni


alors peut-être...


mais que la neige tombée cette nuit


soit aussi comme un doigt sur ta bouche


Nicolas Bouvier


Genève, décembre 1977
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Message par Bédoulène Jeu 14 Mai - 8:48

drunken

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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 16 Mai - 10:00

Je passe beaucoup de temps à méditer dans un coin de mon esprit le poète et flâneur Jacques Réda. Du moins, je tergiverse les moments et les pauses entre mes lectures du livre que Maulpoix a préparé comme une introduction à son oeuvre.

J'ai repêché des choses sur Internet...

«Porte d'automne»

Porte d'automne, lente écluse entre les peupliers ;
Cataractes de paix dans le bleu guerrier de l'été ;
Souffle du haut vantail sur les gonds criants des forêts ;
Espace enfin, démarrage de tout l'espace à travers un

espace vrai,
Mais retour où criait le couvercle noir du plumier.
Et non,

Je ne cherche pas une enfance à tout jamais paralysée
Entre les figures indéchiffrables qui se retirent,
Mais le pays qui s'ouvrait librement au bord de la saison

seule et dure.
Oh j'aimais le tilleul dans la cour étroite du boucher juif.
Et cette lumière tranchée à coups de sabre entre le parc et

les casernes, mais
Ce qui s'élançait vers le ciel délivré de septembre
Déjà me rappelait.

(Et quoi encore ?
Ils ont tué
Pol
Israël dit
Salomon dans un wagon du camp

d'Écrouves,

Jacques Réda

Voici un autre poème intitulé «Automne» :

«Automne»

Ah je le reconnais, c'est déjà le souffle d'automne
Errant, qui du fond des forêts propage son tonnerre
En silence et désempare les vergers trop lourds ;
Ce vent grave qui nous ressemble et parle notre langue
Où chante à mi-voix un désastre.

Offrons-lui le déclin
Des roses, le charroi d'odeurs qui verse lentement
Dans la vallée, et la strophe d'oiseaux qu'il dénoue
Au creux de la chaleur où nous avons dormi.

Ce soir,
Longtemps fermé dans son éclat, le ciel grandi se

détache,
Entraînant l'horizon de sa voile qui penche ; et le bleu
Qui fut notre seuil coutumier s'éloigne à longues enjambées
Par les replis du val ouvert à la lecture de la pluie.
Jack-Hubert Bukowski
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Message par bix_229 Sam 16 Mai - 21:14

LES BELLES NOYÉES


Des femmes au coeur de feuillage
Sur les routes poudreuses
Déploient des ombrelles,
Elles courbent des reins souples
Pour tout au bord du fleuve
Cueillir des fleurs doubles;
Mais poussées par la main
D'un libertin cynique
Elles tombent dans l'eau verte
Qui reflète les chênes ;
La voix d'or des enfants
Répond seule à leurs cris,
La course du soleil
Est au trois quarts remplie
Qu'un homme au remords voué
Suit les berges attiédies
Et les corps adultères
Charmants au fil de l'eau
Servent d'îles aux oiseaux.

Jean Follain
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Message par bix_229 Dim 17 Mai - 18:29



Si vous n'avez jamais entendu Gérard Philipe, écoutez.
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Message par Nadine Mar 19 Mai - 22:09

Cécile Coulon :

UNE CANNE DE BOIS AU SOLEIL DE MIDI
C’était un dimanche dans un village d’ici :
le soleil arrosait les rosiers en retroussant ses manches.
Je portais à la taille une ceinture bouclée d’or
et au cœur une larme immense qui pleure, ce soir, encore.
Nous étions assises sur le petit muret devant la porte :
une canne de bois contre un genou fragile,
le chien couché devant, la truffe entre les pattes.
Tu étais la reine de quatorze heures, nous étions une escorte
de jambes maigres et blanches, de bras tendus et dociles,
ma vie est une mer tranquille et tu es mon pirate.
Nous avons parlé un peu, si peu. Tes paroles tombent en moi
comme des cerises en juin. Tu dis que soigner cette plaie
à l’âme prendra un temps que tu n’as pas.
Qu’à ton âge, le temps s’oblige à toi
comme la foudre à l’orage.
Et me voilà debout, engloutissant tes cheveux blancs et ta mine basse dans mon manque de courage.
Je ne cherche pas ta voix, je voudrais faire
lever tes yeux :
s'iil y a bien une chose dont je suis sûre,
c'est qu'on n’est jamais déçu par un ciel bleu.
Je sens dans ce moment qui dure aussi longtemps
que durent les peines immenses
– si longues qu’elles en deviennent sereines –
je sens les soixante années
qui nous séparent en longs silences,
qui nous rapprochent en amours simples.
Il y a dans ton chagrin une forme de désobéissance
que j’admire :
je coupe une de ses branches pour m’en faire un jardin.
En quittant le village, j’ai jeté un œil à l’église,
elle trouait les bois verts, sous les monts du Sancy.
Dans ta vieillesse, je te vole ce moment,
et je le garde en moi comme une dernière chemise :
une canne de bois au soleil de midi.

Nadine
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Message par Bédoulène Mar 19 Mai - 23:42

ça m'émeut !

et puis "s'il y a bien une chose dont je suis sûre,
c'est qu'on n’est jamais déçu par un ciel bleu."

meci Nadine !

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Message par bix_229 Jeu 4 Juin - 15:43

Il pleut en amour de Richard Brautigan


AMANTS


J'ai réinstallé sa chambre :
le plafond je l'ai surélevé d'un mètre,
ses affaires je les ai remises en place
( comme la pagaille dans sa vie )
les murs je les ai repeints en blanc
j'ai apporté une grande sérénité
dans la pièce,
un silence dont on sentait presque le parfum,
elle je l'ai couchée dans un petit lit en fer
sous des couvertures de satin blanc,
et puis je suis resté là à la porte
je l'ai regardée dormir en chien de fusil,
le visage détourné
qui ne me regardait pas.
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Message par Quasimodo Sam 6 Juin - 11:24

Une rencontre comme on en fait peu :

Grenade

Soit lointaine, soit voisine,
Espagnole ou sarrazine,
Il n’est pas une cité
Qui dispute sans folie
A Grenade la jolie
La pomme de la beauté,
Et qui, gracieuse, étale
Plus de pompe orientale
Sous un ciel plus enchanté.

Cadix a les palmiers ; Murcie a les oranges ;
Jaën, son palais goth aux tourelles étranges ;
Agreda, son couvent bâti par saint-Edmond ;
Ségovie a l’autel dont on baise les marches,
Et l’aqueduc aux trois rangs d’arches
Qui lui porte un torrent pris au sommet d’un mont.

Llers a des tours ; Barcelone
Au faîte d’une colonne
Lève un phare sur la mer ;
Aux rois d’Aragon fidèle,
Dans leurs vieux tombeaux, Tudèle
Garde leur sceptre de fer ;
Tolose a des forges sombres
Qui semblent, au sein des ombres,
Des soupiraux de l’enfer.

Le poisson qui rouvrit l’œil mort du vieux Tobie
Se joue au fond du golfe où dort Fontarabie ;
Alicante aux clochers mêle les minarets ;
Compostelle a son saint ; Cordoue aux maisons vieilles
A sa mosquée où l’œil se perd dans les merveilles ;
Madrid a le Manzanarès.

Bilbao, des flots couverte,
Jette une pelouse verte
Sur ses murs noirs et caducs ;
Médina la chevalière,
Cachant sa pauvreté fière
Sous le manteau de ses ducs,
N’a rien que ses sycomores,
Car ses beaux pont sont aux maures,
Aux romains ses aqueducs.

Valence a les clochers de ses trois cents églises ;
L’austère Alcantara livre au souffle des brises
Les drapeaux turcs pendus en foule à ses piliers ;
Salamanque en riant s’assied sur trois collines,
S’endort au son des mandolines
Et s’éveille en sursaut aux cris des écoliers.

Tortose est chère à saint-Pierre ;
Le marbre est comme la pierre
Dans la riche puycerda ;
De sa bastille octogone
Tuy se vante, et Tarragone
De ses murs qu’un roi fonda ;
Le Douro coule à Zamore ;
Tolède a l’alcazar maure,
Séville a la giralda.

Burgos de son chapitre étale la richesse ;
Peñaflor est marquise, et Girone est duchesse ;
Bivar est une nonne aux sévères atours ;
Toujours prête au combat, la sombre Pampelune,
Avant de s’endormir aux rayons de la lune,
Ferme sa ceinture de tours.

Toutes ces villes d’Espagne
S’épandent dans la campagne
Ou hérissent la sierra ;
Toutes ont des citadelles
Dont sous des mains infidèles
Aucun beffroi ne vibra ;
Toutes sur leurs cathédrales
Ont des clochers en spirales ;
Mais Grenade a l’Alhambra.

L'Alhambra ! l'Alhambra ! palais que les Génies
Ont doré comme un rêve et rempli d’harmonies,
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants,
Ou l’on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles flancs!

Grenade a plus de merveilles
Que n’a de graines vermeilles
Le beau fruit de ses vallons ;
Grenade, la bien nommée,
Lorsque la guerre enflammée
Déroule ses pavillons,
Cent fois plus terrible éclate
Que la grenade écarlate
Sur le front des bataillons.

Il n’est rien de plus beau ni de plus grand au monde ;
Soit qu’à Vivataubin Vivaconlud réponde,
Avec son clair tambour de clochettes orné ;
Soit que, se couronnant de feux comme un calife
L’éblouissant Généralife
Elève dans la nuit son faîte illuminé.

Les clairons des Tours-Vermeilles
Sonnent comme des abeilles
Dont le vent chasse l’essaim ;
Alcaçava pour les fêtes
A des cloches toujours prêtes
A bourdonner dans son sein,
Qui dans leurs tours africaines
Vont éveiller les dulcaynes
Du sonore Albaycin.

Grenade efface en tout ses rivales ; Grenade
Chante plus mollement la molle sérénade ;
Elle peint ses maisons de plus riches couleurs ;
Et l’on dit que les vents suspendent leurs haleines
Quand par un soir d’été Grenade dans ses plaines
Répand ses femmes et ses fleurs.

L’Arabie est son aïeule.
Les maures, pour elle seule,
Aventuriers hasardeux,
Joueraient l’Asie et l’Afrique,
Mais Grenade est catholique,
Grenade se raille d’eux ;
Grenade, la belle ville,
Serait une autre Séville,
S’il en pouvait être deux.

Victor Hugo, Les Orientales
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Message par bix_229 Dim 7 Juin - 16:29

KolmarHommage à Gertrud Kolmar, grande poète juive allemande qui mourut à Auschwitz et dont les livres furent détruits par les nazis, provoquant sa disparition du monde littéraire, suivie d’une redécouverte tardive. Elle était une cousine du philosophe Walter Benjamin qui l’aida à publier „Blason de Zinna“ mais elle n’a pas besoin de ce prestigieux parrainage pour imposer sa poésie.



Blason de Zinna

Dans le bleu une figure de femme vêtue d’or qui tient
du raisin dans la main droite et une
pomme dans la gauche

O cœur, ô fruit, ô temps, ô volonté !
Comme vous avez agréablement mûri.
Comme la main du calme été
Vous a caressés d’un éclat de couleur solaire,
Comme vous semblez doux sous la membrane jaune
Et scintillez brûlant d‘un rouge florissant
Puis avancez parés au repas éternel
Car vous êtes vous-mêmes aliments et morts.

Justement c’est la raison pour laquelle vous luisiez :
Votre souffle et rayonnement incarnés
En votre sein protégeant un mince noyau
Qui se blottit en vous brun chatoyant.
La joue, claire des larmes de la pluie,
Vous l’éleviez souriant à la lumière
Et écoutiez gaiement la fermentation des sèves
Qui en vous parla sucrée chantante.

Bonheur pour tout ce qui ne tomba pas véreux
Avant même la saisie et incise du cueilleur,
Qui ne dessécha pas en des griffes de feu
Ni glissa pourri dans une moiteur visqueuse,
Ce que, dédaigné par la main qui récolte,
Un vent dépose sur chaque motte
Quand celle-là sema, moissonna,
Et toujours fut mère et enfant.

Ce qui arpège en cœur tendu de cordes rouges,
S‘embrase au front doré de la pomme,
Laboure au long des latitudes de l’année
La journée de travail de cerveau et charrue,
Cela repose las un jour dans la terre méditante,
Non éveillé par la tempête de neige hivernale,
Et rêve une unique coulée silencieuse et blanche
Qui tendrement recouvre ses traces.

Source : Gertrud Kolmar : Preußische Wappen, Berlin 1934. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.


Wappen von Zinna

In Blau eine goldgewandete Frauengestalt, die in
der rechten Hand eine Traube trägt und einen
Apfel in der linken
.

O Herz! O Frucht! O Zeit! O Wille!
Wie lieblich seid ihr hergereift!
Wie hat euch Hand der Sommerstille
Mit sonngemaltem Glanz gestreift,
Wie scheint ihr sanft mit gelber Schale
Und flimmert heiß mit blühndem Rot
Und geht geschmückt zum ew'gen Mahle,
Da selbst ihr Speise seid und tot.

Das aber ist, wofür ihr glühtet,
Ihr Hauch und Strahl euch angeschmiegt
Und tief den kleinen Kern behütet,
Der braun und blinkend in euch liegt.
Die Wange, klar von Regenzähren,
Hobt lächelnd ihr dem Lichte nach
Und lauschtet froh der Säfte Gären,
Das süß und singend in euch sprach.

Wohl allem, was nicht siech gefallen,
Schon vor des Pflückers Griff und Schnitt,
Was nicht verdorrt aus Feuerkrallen,
Verfault aus schleim'ger Feuchte glitt,
Was, wenn es Erntehand verschmähte,
Zu jener Scholle legt ein Wind,
Die selber säte, selber mähte
Und immer Mutter war und Kind.

Was singt wie Herz mit roten Saiten,
Erglüht wie Apfels goldne Stirn
Und aufwirft über Jahresbreiten
Den Arbeitstag von Pflug und Hirn,
Das ruht einst müd' im Erdensinnen,
Vom Winterschneesturm ungeweckt,
Und träumt nur weißes, leises Rinnen,
Das liebend seine Spuren deckt.

Source : Gertrud Kolmar : Preußische Wappen, Berlin 1934.
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Message par bix_229 Dim 7 Juin - 18:10

L’INÉPUISABLE

à Jacques Lacarrière

i.m.
Sans jamais me résoudre

à combler un désert

ni me rassasier de mourir
Maria Ángela Alvim
Voyez

écoutez

c’est un tournoiement sans fin

dans cette mort

rien de triste

disait Van Gogh à son frère Théo

avant d’entrer dans la nuit

avec ses doigts de vision

dans cette mort

juste

la traversée du souffle
Voyez

écoutez

c’est un murmure multiple

des secrets endormis

surgissent

comme une danse de lucioles

on entend

la vraie chair de la parole

on entend soudain

la brèche qui nous saisit
Voyez

écoutez

c’est la voix de la voix

cette peau sonore

dont parle René Daumal en funambule

cette peau

ouverte au fond du cœur

au bord de la vie

cette peau

que nous pouvons enfin revêtir

pour de bon
[…]
Voyez

écoutez

Icare aux bras cassés

n’en finit pas

de voler

il écrit dans le ciel

à haute voix

que nous sommes les vrais dieux

les seules étoiles

sous la voûte du cirque
[…]
Zéno Bianu, Le Désespoir n’existe pas, Gallimard, 2010, pp. 41 à 44
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Message par Bédoulène Lun 8 Juin - 0:27

merci Bix !

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Message par Invité Mer 10 Juin - 21:12

« Qui as-tu rencontré aujourd’hui?

Un homme aux mains pleines de terre et d’oiseaux

Au coeur travaillé par le temps et l’outil

au coeur ouvert par la faim et le froid

et qui dit

Comment peut-on savoir quand quelqu’un souffre?

Un homme précieux

Mon voisin.



Qui as-tu rencontré aujourd’hui?

Une femme aux mains pleines d’encre et de poèmes

Au corps travaillé par le désir et les larmes

Au coeur ouvert par l’enfant et l’ami

Et qui dit

Ne souffre pas aie confiance je t’aime

Une femme précieuse

Ma voisine. »

Yvon Le Men

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Message par bix_229 Dim 14 Juin - 19:01

Kiki DIMOULA

JUNGLE

Matin et toutes choses au monde
posées
à la distance idéale du duel.
On a choisi les armes,
toujours les mêmes,
tes besoins, mes besoins.
Celui qui devait compter un, deux, trois, feu
était en retard,
en attendant qu'il vienne
assis sur le même bonjour
nous avons regardé la nature.

La campagne en pleine puberté,
la verdure se dévergondait.
Loin des villes Juin poussait des cris
de sauvagerie triomphante.
Il sautait s'accrochant
de branche d'arbre et de sensations
en branche d'arbre et de sensations,
Tarzan de court métrage
pourchassant des fauves invisibles
dans la petite jungle d'une histoire.
La forêt promettait des oiseaux
et des serpents.
Abondance venimeuse de contraires.
La lumière tombait catapulte
sur tout ce qui n'était pas lumière,
et la splendeur érotomane dans sa fureur
embrassait même ce qui n'était pas l'amour,
et jusqu'à ton air morose.

Dans la petite église personne
à part son nom pompeux, Libératrice.
Un Christ affairé comptait
avec une passion d'avare
ses richesses :
clous et épines.
Normal qu'il n'ait pas entendu
les coups de feu.
bix_229
bix_229

Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
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