Paul Morand

Et je me demande si on c'est beaucoup interrogé en littérature sur la précipitation qui caractérise notre société actuelle (pour la fuite en avant, on a déjà commencé). Perso, j'ai encore tendance à courir, même si j'ai ralenti, par la force des choses (à lire).

Hécate et ses Chiens



Novella d’un style cursif qui sied bien au propos, la liaison à la fois conformiste, passionnée et vaguement ennuyée d’un banquier en poste à l’étranger, expatriation ocieuse, aristocratique, « orientale », en grande partie dans une ville arabe d’Afrique dans l’entre-deux-guerres (Tanger ?). D’abord amant (assez convenu) payé de retour, ce narrateur demeure allusivement nébuleux quant au vice qu’il devine progressivement chez sa maîtresse, apparemment amatrice d’enfants locaux et crasseux, perversion qu’il cultive peu à peu lui-même pour la suivre. L’ambiguïté mystérieuse confine presque au fantastique avec la ténébreuse évocation mythologique désignée par le titre quand il découvre (à demi) la face obscure de sa (double) compagne.

« Ainsi, chez Clotilde, la « bonne grâce de la maîtresse de maison », le « charme de la dîneuse en ville » s’accouplaient merveilleusement à l’industrie de la maquerelle et à l’impudicité de la ménade. »

« Nous ne sommes tout de même pas en Europe !
Je me croyais fort de mon droit, sachant que la loi musulmane ne connaît pas de mineurs. Personne ne me traînerait chez le cadi. »

pervers et lâche

« Nous ne sommes tout de même pas en Europe !
Je me croyais fort de mon droit, sachant que la loi musulmane ne connaît pas de mineurs. Personne ne me traînerait chez le cadi. »

Oui, cette expatriation qui traîne son tædium vitae et ses dépravations (tourisme sexuel) dans des contrées plus pauvres et permissives m'a paru assez nauséabonde ; d'autant que je l'ai souvent croisée en tant qu'expatrié.

Tais-toi



Silvère Lahire enquête sur son cousin Frédéric dont il hérite d’une immense fortune et sur lequel il ne sait rien. Il rencontre successivement un collègue journaliste, Saint-Broc, reconverti dans la pêche au gros, Onésime Roussillon, ancien patron de presse et politicien, Philomène, servante, Corinne, amante, Mircea Katzenberg, gros industriel et Igor de Rosex, écrivaine. Peu à peu se dessine en creux le portrait d’un homme qui ne parle pas suite à un traumatisme et qui parvient malgré cela, ou à cause de cela, à une position éminente dans la voie qu’il s’est choisie.
Un court roman intéressant bien qu’il ne figure pas parmi les œuvres majeures de l’auteur.
C’est l’occasion pour Morand de lancer quelques rosseries en direction de la politique ou du journalisme.  

« Un bon journaliste doit avoir peu de mots ; les mots, ça gâche les choses. Il faut s’inspirer des communiqués de guerre ; ça, c’était malin ; tout dire, excepté la vérité."

« Aucune information n’est neutre, si on sait lui faire cracher son venin. »

« Un journal, monsieur, c’est une malle à double fond pour escamoteurs. Puissance du silence ! Ne pas nommer un ministre pendant un an, c’est le condamner à mort. »

« De quoi seraient faits les mensonges de l’Histoire, sinon des mensonges de la presse ? En Angleterre, le mensonge sacré est sexuel ; aux Etats-Unis, il est racial ; en U.R.S.S., politique ; en France, fiscal… »

Le portrait haut en couleurs d’Igor de Rosex, spécialisée dans les biographies, fait peut-être référence à un ou plusieurs écrivains réels ?

« Toute ma documentation est là ! dit-elle, en ouvrant une véritable serviette de diamantaire, non pas grosse d’échantillons de pierres sur papier, mais bourrée de fiches classées dans un fichier portatif, s’ouvrant en accordéon.
Silvère resta stupéfait devant la redoutable efficacité de ce complexe industriel de biographies préfabriquées, de ce combinat électronique et littéraire du nom d’Igor de Rosex, publiant à la fois en six langues, usine finisseuse recevant du « British », de la « Nationale », de la « Bibliothèque du congrès », les produits semi-ouvrés que lui expédiaient ses grossistes. »

merci Aren

le livre est dans ma pal