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Hector de Saint-Denys Garneau

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Oct - 7:26

Hector de Saint-Denys Garneau
(1912-1943)

Hector de Saint-Denys Garneau Saintd10

De son vivant, si l’on exclut quelques poèmes parus dans des revues et les critiques d’art et de musique confiées à La Relève ou à d’autres revues aujourd’hui oubliées, Garneau n’a publié qu’un recueil de poèmes : Regards et jeux dans l’espace. C’est l’auteur (à vrai dire, ses parents) qui devait assumer les frais de l’édition, tirée à quelque mille exemplaires, dont la moitié seulement aurait été mise en circulation, soit par vente publique, soit, le plus souvent, en offrant le recueil aux amis ; Garneau lui-même aurait procédé à la destruction de l’autre moitié, dans un moment de reniement désespéré.

C’était compter sans la postérité. À peine quelques années après la mort de Garneau paraissait, aux Éditions Fides, dans la collection « Le Nénuphar », consacrée aux classiques canadiens, un recueil réunissant, grâce aux soins de ses amis Jean Le Moyne et Robert Élie, les poèmes de Regards et jeux et un certain nombre de pièces posthumes, arbitrairement réunies sous le titre Les Solitudes. Une partie de la correspondance suivit quelques années après, puis le Journal. Le poète Saint-Denys Garneau naissait. L’Université, la reconnaissance d’autres poètes et la soif de mythes du public consacrèrent cette naissance.

En 1937, Garneau, qui se voit davantage peintre que poète, a exposé quelques tableaux à Montréal. Articles, recueil de poèmes, animation d’une revue : cet embryon d’activité artistique, intense dans les limites imposées par une constitution fragile et qui augure déjà d’une « carrière », s’est déployé sur cinq ou six années et devait culminer avec la parution de Regards et jeux dans l’espace. Garneau avait soigneusement établi l’ordre des poèmes. Une lecture attentive y discerne une progression narrative allant de la légèreté de 1’enfance et des commencements vers la gravité et 1’espoir.

Source : http://www.saintdenysgarneau.com/poemes/

Bibliographie :

Regards et jeux dans l’espace, 1937
Journal, 1954

Saint-Denys Garneau était reconnu comme issu d’une illustre famille littéraire. Son ancêtre, FX Garneau a écrit un livre sur l’histoire du Canada français tel qu’on le connaissait à l’époque. Ce livre fut écrit en réplique aux prétentions du rapport Durham qui disait que les Canadiens français étaient un peuple sans histoire et sans littérature. Sa cousine Anne Hébert a aussi connu une carrière littéraire prestigieuse.


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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Oct - 7:39

Hector de Saint-Denys Garneau 518vqv10

Regards et jeux dans l'espace :

Hector de Saint-Denys Garneau est l'un de ces poètes dont on remarque l'étendue de son oeuvre, lecture après lecture. Je viens de découvrir le site de la Fondation de Saint-Denys Garneau qui est intéressant à plus d'un titre. Nous y retrouvons une sélection de textes assez impressionnante. Ce n'est rien, en revanche, pour rendre compte du poème à l'oeuvre. Hector de Saint-Denys Garneau avait un père qui a connu des déconvenues au niveau professionnel car il a perdu le sens de l'ouïe, ce qui l'a obligé à occuper des postes moins prestigieux que ce lui aurait permis son rang et sa situation dans les grandes familles du Québec. Nous pouvons retrouver cette métaphore dans certains de ses poèmes. Saint-Denys Garneau était très conscient de la condition de son père. Ça l'a amené à esquisser la figure du mauvais pauvre notamment.

Je vous livre quelques extraits. J'ai tenté de faire un peu différent, de vous offrir un autre aperçu de l'oeuvre garnélienne. Saint-Denys Garneau et Marie Uguay sont les deux poètes envers qui j'exprime un critère de fidélité quant aux lectures et relectures que je programme au fil du temps.

«Figures à nos yeux»

Figures à nos yeux
Figures surgies
À peine
Et qui ne quittez pas encore l’ombre
Quel désir vous attire
À percer l’ombre
Et quelle ombre vous retire
Évanescentes à nos yeux

Figures balancées
Aux confins du visible et qui surgissez
En un jeu de vous voiler et dévoiler
Vous venez mourir ici sur le bord
          d’un sourire imaginaire
Et nous envelopper dans la chaleur de votre gravité
Balancement entre l’apparence et l’adieu
Vous nous quittez et vos yeux n’auront pas regardé
Mais nous serons tombés dedans comme dans la nuit.


«Le silence des maisons vides»

Le silence des maisons vides
Est plus noir que celui qui dort dans les tombeaux,
Le lourd silence sans repos
Où passent les heures livides.

On dirait que, comme le vent
Qui siffle à travers les décombres
Des vieux moulins tout remplis d’ombre
Passe, toujours se poursuivant,

L’heure, passant par ce silence
Comme si le pendule lent
Qu’une antique horloge balance
La comptait à pas lourds et lents,

Passe sans rien changer aux choses
Dans un présent cristallisé
Où l’avenir et le passé
Seraient comme deux portes closes

Et dans ce silence béant
On dirait, tant le temps est lisse
Que c’est l’éternité qui glisse
À travers l’ombre du néant.


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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Oct - 7:46

Suite des extraits :

«Cage d’oiseau»

Je suis une cage d’oiseau
Une cage d’os
Avec un oiseau

L’oiseau dans ma cage d’os
C’est la mort qui fait son nid

Lorsque rien n’arrive
On entend froisser ses ailes

Et quand on a ri beaucoup
Si l’on cesse tout à coup
On l’entend qui roucoule
Au fond
Comme un grelot

C’est un oiseau tenu captif
La mort dans ma cage d’os

Voudrait-il pas s’envoler
Est-ce vous qui le retiendrez
Est-ce moi

Il ne pourra s’en aller
Qu’après avoir tout mangé
Mon coeur
La source du sang
Avec la vie dedans

Il aura mon âme au bec.

«Autre Icare»

Cela tient du vent, cela tient au vent.
Cela n’est qu’un accroc que l’on fait au passage,
Un noeud que l’on fait au fil fugace du temps

Et nous sentons bien qu’à travers
ce mince filet qu’on a fait,
Ces faibles appuis qu’on a pris
sur le cours de notre en-allée
Et ces liens ingénieux tendus
à travers des espaces trop vides,

Il n’y a qu’un cri au fond qui persiste,
Il n’y a qu’un cri
d’un lien persistant

Où les tiges des fruits sont déjà rompues,
Tes attaches des fleurs et pétales de fleurs
sont déjà rongés
Où ces ailes de plumes de notre coeur de cire
sont déjà détachées
Et plumes au vent, plumes flottant au vent
par-dessus cette noyade
Sans port d’attache.

Pour celui-là, je l'avais déjà cité :

«C’est là sans appui»

Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise
Et mon pire malaise est un fauteuil où l’on reste
Immanquablement je m’endors et j’y meurs.

Mais laissez-moi traverser le torrent sur les roches
Par bonds quitter cette chose pour celle-là
Je trouve l’équilibre impondérable entre les deux
C’est là sans appui que je me repose.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 27 Oct - 7:48

Si vous voulez imaginer ce que ça donne un Saint-Denys Garneau en prose, voici l'extrait qui est à mon sens l'un des plus emblématiques de la profondeur de sa démarche :

«Le mauvais pauvre va parmi vous» (extrait)

Il rôde autour de vos richesses et s’introduit dans vos bonheurs par effraction. Il voudrait se rassasier par ses yeux de votre joie.  Est-ce qu’à la savoir il va l’avoir? C’est un pauvre irrémédiable.  Il a beau s’épuiser par des escaliers de service pour entrevoir de plus près vos trésors, il y a un trou en lui par où tout s’échappe, tous ses souvenirs, tout ce qu’il aurait pu retenir.  C’est comme un mendiant aux yeux mauvais qui interrogent, qui demandent servilement, sans fierté; vous lui offrez quelque chose et son regard s’allume de convoitise, mais sa besace est percée. Peut-être qu’avec tout cela il aurait pu se faire une espèce de festin; mais dès qu’il s’arrête pour un repas, il n’a plus rien.  Il le sait bien à l’heure qu’il est, mais que voulez-vous qu’il fasse?  Il a envie, c’est tout ce qu’il a, peut avoir : c’est sa vie.

C’est un pauvre et c’est un étranger, c’est-à-dire qu’il n’a rien, rien à échanger : un étranger. Mais il ne joue pas franc jeu, il veut prendre part.  Prendre part à votre vie, joie ou douleur.  C’est un imposteur.  De quels habits ne se revêt-il pas; habit d’ami, de collaborateur, de correspondant, etc.  Il vole quelque chose ici pour le porter là, mais c’est un commerce épuisant, d’autant plus qu’il en perd la moitié en chemin, qu’il est toujours à moitié vide, au moins.  Il ne peut rien retenir, on le sait : c’est un pauvre irréparable.

À l’heure qu’il est chacun sait qu’il est un imposteur, tous les habits sont usés, toutes les contenances.  Comme on dit : il a perdu contenance.  Il suffit de le regarder, il perd contenance, sa forme de toutes parts cède comme un sac de papier gonflé d’air, il devient tout flasque et son regard épouvanté cherche dans tous les coins de la chambre un trou de rat par où se glisser et fuir à toutes jambes jusqu’à dormir d’épuisement.  Ça se comprend: il est pris en flagrant délit de pauvreté dans un habit volé en guise de cuirasse pour tenir debout.

Alors, qu’est-ce qu’on va faire de lui? C’est la question, c’est le problème.  Vous, les riches, qu’allez-vous en faire, de ce pauvre irréparable, qui,  par en plus, est étranger et,  par en plus, est imposteur? Et lui-même se le demande, qu’est-ce qu’on peut faire à son sujet?  Impossible de le garder avec vous bien longtemps, même avec la meilleure volonté.  Quand on l’a vu se dégonfler une fois, cela devient un malaise insupportable de l’avoir parmi vous.  On se met à parler un peu plus fort et plus distinctement que ne voudrait le naturel; les regards sont trop indifférents; on sent une contrainte.  Chacun au fond, appréhende : «Est-ce qu’il va se dégonfler?» Et lui-même est dans la pire angoisse, le souffle oppressé, tout tendu à garder sa contenance, à ne pas perdre contenance.  Dans ces conditions, l’existence est impossible pour tout le monde.

Pourquoi lui-même, qui souffre bien le plus dans toute cette machine mal arrangée, pourquoi ne s’en va-t-il pas? Il passe ici bien des étrangers, pourquoi celui-ci demeure-t-il? Il est vrai que les étrangers qui passent s’en vont à leur affaire alors que celui-ci, étant pauvre, n’a pas d’affaire où aller.


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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 11 Nov - 8:52

Le papa de Saint-Denys Garneau a connu un déclassement social, le genre qui arrive rarement aux familles de son rang. La raison : il était devenu de plus en plus sourd. Nous pouvons ainsi ressentir cette expérience de la pauvreté chez Saint-Denys Garneau, ou plutôt un regard de soi étrangement lucide, le genre qui se réfugie dans la rêverie et qui imagine des textes comme nous venons de voir. Je suis conscient que ce faisant, je redis les choses. Il fallait cependant que je les redise autrement.

Je refais irruption sur le fil. Nelligan. Miron. Saint-Denys Garneau... NOT! Il y a quelque chose qui me lie à l'oeuvre de Saint-Denys Garneau. Je croyais l'avoir ressenti chez Nelligan et chez Miron, mais c'est avec Garneau que je le ressens avec plus d'acuité. La neige chez Nelligan est marquante, la condition du grand-père analphabète de Gaston Miron et puis Garneau... il l'a ressenti et nous l'a transmis avec beauté. Il nous aura quittés assez jeune et après quelques années de silence poétique...

Je prends le temps de vous livrer «Accompagnement» qui est son poème le plus marquant, du moins l'un de ceux qui figurent dans les anthologies. C'est grâce à ce poème que je me suis découvert poète :

«Accompagnement»

Je marche à côté d’une joie
D’une joie qui n’est pas à moi
D’une joie à moi que je ne puis pas prendre

Je marche à côté de moi en joie
J’entends mon pas en joie qui marche à côté de moi
Mais je ne puis changer de place sur le trottoir
Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là
et dire voilà c’est moi

Je me contente pour le moment de cette compagnie
Mais je machine en secret des échanges
Par toutes sortes d’opérations, des alchimies,
Par des transfusions de sang
Des déménagements d’atomes
par des jeux d’équilibre

Afin qu’un jour, transposé,
Je sois porté par la danse de ces pas de joie
Avec le bruit décroissant de mon pas à côté de moi
Avec la perte de mon pas perdu
s’étiolant à ma gauche
Sous les pieds d’un étranger
qui prend une rue transversale.
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Message par Bédoulène Sam 11 Nov - 10:17

je ressens comme une transformation souhaitée et attendue mais ce n'est que mon ressenti

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Message par Invité Mer 11 Avr - 13:13

Je suis en train de lire les poésies de Saint-Denys Garneau, et je te remercie Jack pour le partage sur ce fil.

J'aime bien ses élans romantiques, notamment dans les poèmes sur la nature :

Saules

Les saules au bord de l’onde
La tête penchée
Le vent peigne leurs chevelures longues
Les agite au-dessus de l’eau
Pendant qu’ils songent
Et se plaisent indéfiniment
Aux jeux du soleil dans leur feuillage froid
Ou quand la nuit emmêle ses ruissellements.

Ou cette souffrance dans la solitude et la sensibilité.


Monde irrémédiable désert

Dans ma main
Le bout cassé de tous les chemins
Quand est-ce qu’on a laissé tomber les amarres
Comment est-ce qu’on a perdu tous les chemins

La distance infranchissable
Ponts rompus
Chemins perdus

Dans le bas du ciel, cent visages
Impossibles à voir
La lumière interrompue d’ici là
Un grand couteau d’ombre
Passe au milieu de mes regards

De ce lieu délié
Quel appel de bras tendus
Se perd dans l’air infranchissable

La mémoire qu’on interroge
A de lourds rideaux aux fenêtres
Pourquoi lui demander rien?
L’ombre des absents est sans voix
Et se confond maintenant avec les murs
De la chambre vide.

Où sont les ponts les chemins les portes
Les paroles ne portent pas
La voix ne porte pas

Vais-je m’élancer sur ce fil incertain
Sur un fil imaginaire tendu sur l’ombre
Trouver peut-être les visages tournés
Et me heurter d’un grand coup sourd
Contre l’absence

Les ponts rompus
Chemins coupés
Le commencement de toutes présences
Le premier pas de toute compagnie
Gît cassé dans ma main.

Ma solitude n’a pas été bonne

Ma solitude au bord de la nuit
N’a pas été bonne
Ma solitude n’a pas été tendre
À la fin de la journée au bord de la nuit
Comme une âme qu’on a suivie
          sans plus attendre
L’ayant reconnue pour soeur
Ma solitude n’a pas été bonne
Comme celle qu’on a suivie
Sans plus attendre choisie
Pour une épouse inébranlable

Pour la maison de notre vie
Et le cercueil de notre mort
Gardien de nos os silencieux
Dont notre âme se détacha.

Ma solitude au bord de la nuit
N’a pas été cette amie
L’accompagnement de cette gardienne

La profondeur claire de ce puits
Le lieu de retrait de notre amour
Où notre coeur se noue et se dénoue
Au centre de notre attente

Elle est venue comme une folie par surprise
Comme une eau qui monte
Et s’infiltre au-dedans
Par les fissures de notre carcasse
Par tous les trous de notre architecture
Mal recouverte de chair
Et que laissent ouverte
Les vers de notre putréfaction.

Elle est venue une infidélité
Une fille de mauvaise vie
Qu’on a suivie
Pour s’en aller
Elle est venue pour nous ravir
Dans le cercle de notre lâcheté
Et nous laisser désemparés
Elle est venue pour nous séparer.

Alors l’âme en peine là-bas
C’est nous qu’on ne rejoint pas
C’est moi que j’ai déserté
C’est mon âme qui fait cette promenade cruelle
Toute nue au froid désert
Durant que je me livre à cet arrêt tout seul
À l’immobilité de ce refus
Penché mais sans prendre part au terrible jeu
À l’exigence de toutes ces peines
Secondes irremplaçables.


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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 15 Avr - 4:47

Arturo, tu fais bien de revenir sur Saint-Denys Garneau. Je vous parlais l'autre fois du fait que son père était aux prises avec une surdité. Nous pouvons voir un poème qui fait référence à ce bagage :

«Parole sur ma lèvre»

Parole sur ma lèvre déjà prends ton vol,
tu n’es plus à moi
Va-t-en extérieure, puisque tu l’es déjà
ennemie
Parmi toutes ces portes fermées.
Impuissant sur toi maintenant dès ta naissance
Je me heurterai à toi maintenant
Comme à toute chose étrangère
Et ne trouverai pas en toi de frisson fraternel
Comme dans une fraternelle chair qui se moule
à ma chair
Et qui épouse aussi ma forme changeante.
Tu es déjà parmi l’inéluctable qui m’encercle
Un des barreaux pour mon étouffement.

Hector de Saint-Denys Garneau symbolisait en quelque sorte une aliénation de la nation canadienne-française, mais plusieurs verront par la suite une vision prompte à encourager le dépassement de soi dans une parole reconquise à force de dépouillement et d'effets de pauvreté. Le poète ouvre un nouveau chapitre dans la modernité poétique québécoise. Il y en aura eu beaucoup qui seront restés mitigés avec son héritage, mais ont fini par s'y rallier à travers le temps.


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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 25 Sep - 10:45

Avec Pessoa et quelques autres poètes, Hector de Saint-Denys Garneau est l'un des poètes de ma contrée vers qui je reviens périodiquement.

Il a des poèmes qui ont le don de glacer le sang, mais c'est encore plus particulier que ça...

[Et cependant dressé en nous]

Et cependant dressé en nous
Un homme qu'on ne peut pas abattre
Debout en nous et tournant le dos à la direction
de nos regards
Debout en os et les yeux fixés sur le néant
Dans une effroyable confrontation obstinée et un défi.
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Message par colimasson Mar 25 Sep - 17:52

Glaçant en effet... merci pour la découverte.
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Message par bix_229 Mar 25 Sep - 18:37

Allez-vous me quitter vous toutes les voix
Vais-je vous perdre aussi chacune et toutes
La symphonie et chaque parole
Mon cœur va-t-il être encore comme si vous n’étiez pas
Ce vide qui ne tient pas compte

Qui ne retient pas ce qui est.



Désespéré, désespérant, pas aimé mais n' appréciant que la solitude,
on comprend son importance durable.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 4 Fév - 5:33

Au chapitre des influences de Pierre Reverdy, je dois signaler en plus des deux poèmes cités, la relecture d’«Accompagnement» et «Ma solitude n’a pas été bonne» plus haut sur le fil. Tout autant Pierre Reverdy est un poète dont on se souvient l’influence durable en France et parmi la communauté des surréalistes, Hector de Saint-Denys Garneau a su par son recueil de poésie unique influencer plusieurs générations de poètes par la suite.

«Faction»

On a décidé de faire la nuit
Pour une petite étoile problématique
A-t-on le droit de faire la nuit
Nuit sur le monde et sur notre coeur
Pour une étincelle
Luira-t-elle
Dans le ciel immense désert.
On a décidé de faire la nuit
pour sa part
De lâcher la nuit sur la terre
Quand on sait ce que c’est
Quelle bête c’est
Quand on a connu quel désert
Elle fait à nos yeux sur son passage.
On a décidé de lâcher la nuit sur la terre
Quand on sait ce que c’est
Et de prendre sa faction solitaire
Pour une étoile
encore qui n’est pas sûre
Qui sera peut-être une étoile filante
Ou bien le faux éclair d’une illusion
Dans la caverne que creusent en nous
Nos avides prunelles.

«Portrait»

C’est un drôle d’enfant
C’est un oiseau
Il n’est plus là

Il s’agit de le trouver
De le chercher
Quand il est là

Il s’agit de ne pas lui faire peur
C’est un oiseau
C’est un colimaçon


Il ne regarde que pour vous embrasser
Autrement il ne sait pas quoi faire
avec ses yeux
Où les poser
Il les tracasse comme un paysan sa casquette

Il lui faut aller vers vous
Et quand il s’arrête
Et s’il arrive
Il n’est plus là

Alors il faut le voir venir
Et l’aimer durant son voyage.

En tenant compte des liens entre l'oeuvre de Reverdy et celle de Garneau, je vous invite à consulter le fil consacré à Pierre Reverdy. Il y a des liens inaliénables entre «Accompagnement» de Garneau, «Entre deux mondes» et «Patience» de Pierre Reverdy.
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Message par Bédoulène Lun 4 Fév - 8:56

merci JHP !

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 20 Aoû - 10:35

J'ai tant cité Saint-Denys Garneau... on parle souvent du Mauvais pauvre... pour ma part, je suis tombé sur un autre poème qui a été retenu dans Les cent plus beaux poèmes québécois, anthologie rassemblée par Pierre Graveline...

«Lassitude»

Je ne suis plus de ceux qui donnent

Mais de ceux-là qu’il faut guérir.

Et qui viendra dans ma misère ?

Qui aura le courage d’entrer dans cette vie à moitié morte ?

Qui me verra sous tant de cendres,

Et soufflera, et ranimera l’étincelle ?

Et m’emportera de moi-même,

Jusqu’au loin, ah! Au loin, loin!

Qui m’entendra, qui suis sans voix

Maintenant dans cette attente ?

Quelle main de femme posera sur mon front

Cette douceur qui nous endort ?

Quels yeux de femme au fond des miens,

au fond de mes yeux obscurcis,

Voudront aller, fiers et profonds,

Pourront passer sans se souiller,

Quels yeux de femme et de bonté

Voudront descendre en ce réduit

Et recueillir, et ranimer

et ressaisir et retenir

Cette étincelle à peine là ?

Quelle voix pourra retentir,

quelle voix de miséricorde

voix claire, avec la transparence du cristal

Et la chaleur de la tendresse,

Pour me réveiller à l’amour, me rendre à la bonté,

m’éveiller à la présence de Dieu dans l’univers ?

Qu’elle voix pourra se glisser, très doucement,

sans me briser, dans mon silence intérieur ?
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