Jiri Weil
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Jiri Weil
(1900 - 1959)
Biographie a écrit:Jiří Weil (1900 - 1959) est un écrivain tchèque d'origine juive adhérent au parti communiste dans l'entre-deux guerres et ayant survécu à la Shoah.
Jiří Weil est né le 6 août 1900, à Praskolesy, une petite ville de Bohême, à 40 km de Prague. Il est le second d'une famille de Juifs orthodoxes. Son père possède une petite usine. Jiří Weil étudie les langues slaves et la littérature comparée à l'Université Charles de Prague. Encore étudiant, il commence déjà à écrire et à traduire des textes. Il publie un premier roman, Mesto, sous le pseudonyme de Jiří Wilde. Il fait partie de cercles de jeunes intellectuels de gauche, comme le mouvement Devětsil qui réunit les artistes les plus talentueux de l'avant-garde tchèque. En 1921, il adhère au parti communiste et occupe rapidement de hautes fonctions chez les jeunes communistes. Il devient journaliste au sein de la presse communiste tchécoslovaque de 1922 à 1931. Il poursuit en même temps son travail de traducteur de russe en tchèque avec les œuvres de Boris Pasternak, Vladimir Lugovskoy, Vladimir Maïakovski et Marina Tsvetaeva. Il travaille ensuite à l'ambassade soviétique à Prague.
Jiří Weil s'installe en URSS en 1933 et devient journaliste et traducteur des classiques marxistes-léninistes aux éditions du Komintern à Moscou. Il participe notamment à la traduction en tchèque de l'État et la Révolution de Lénine. À l'instigation du NKVD, il fait passer des documents illégaux dans l'Allemagne nazie. Mais il est victime des purges staliniennes en 1934. Il est exilé au Kazakhstan. De retour en Tchécoslavaquie en 1935, Jiří Weil rapporte un témoignage sévère sur ses expériences soviétiques dans un livre de reportage, et dans deux romans, "De Moscou à la frontière" '1937) et La cuiller en bois (1938), un des premiers livres parlant du goulag. En 1938, il travaille pour le musée juif de Prague. Après la signitature des Accords de Munich, les 29 et 30 septembre 1938, des amis lui proposent de partir au Royaume-Uni. Ne se sentant pas particulièrement juif, il refuse.
En 1938 et 1939, la partie tchèque de la Tchécoslovaquie est occupée par les nazis. Jiří Weil est pourchassé en tant que communiste mais surtout en tant que juif. Lui qui se pensait uniquement en tant qu'Homme, prend alors conscience de sa judéité. En 1942, lorsqu'il doit être déporté, il fait croire à son suicide. Il passe alors à la clandestinité. Grâce à des amis de la résistance, il parvient à survivre. Durant cette période, il continue à écrire. L'expérience de la clandestinité mais surtout sa condition d'un être inférieur ne cessent alors de le hanter jusqu'à sa mort. Elles lui inspirent l'un de ses plus grand romans "Vivre avec une étoile" publié en 1949. Ce roman raconte l'histoire d'un homme que son origine et l'étoile de son manteau excluent du monde des hommes et qui attend le verdict dans la crainte et la misère : résignation face à la mort dont le tirera seule la découverte de la solidarité humaine.
Entre 1945 et 1948, Jiří Weil réintégre la vie culturelle de la Tchécoslovaquie. Il dirige la revue Literarni noviny. Après l'arrivée des communistes au pouvoir en 1948, il est exclu de l'Union des écrivains pour ses ouvrages d'avant-guerre et est interdit de publication. Il travaille au Musée juif de Prague. Les documents sur le génocide des Juifs tchèques qui passent entre ses mains lui inspirent un collage littéraire, Complainte pour 77297 victimes. Il est réhabilité en 1958. Son dernier livre achevé, Mendelssohn sur le toit, est publié une année après sa mort, en 1960.
Bibliographie en français :
De Moscou à la frontière
La cuiller en bois
Vivre avec une étoile : Page 1
Complainte pour 77297 victimes
Mendelssohn est sur le toit : Page 1, 2
La cathédrale de Strasbourg, Štrasburská katedrála, nouvelle de 1938 suivie de Que peut bien faire un Tchèque en Alsace? d'Alena Wagnerová
màj le 29/05/2020
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
Jiri Weil fait, à mon humble avis partie des trois plus grands écrivains tchèques avec Kafka et Hrabal.
L'importance de son travail littéraire en République Tchèque est considérable et son étude habituelle dans les cercles universitaires.
Sa réflexion sur la situation des juifs pendant la seconde guerre mondiale et après l'est tout autant.
Ce roman raconte l'histoire de soldats nazis ayant pour mission de retirer toutes les statues rendant hommage à des artistes juifs dont le compositeur de musique Mendelssohn. Le sujet prête à rire s'il n'était hélas authentique. Weil prend garde de bien mettre en avant l'absurdité d'une telle démarche avec des débats entre les soldats mémorables sur la façon de reconnaître une statue juive. Hélas il y a aussi le drame, Weil nous le rappelle par son style laconique, triste, d'une simplicité humble et réaliste. On lit les pages on s'amuse, on culpabilise de s'amuser mais il y a aussi une émotion dont on ne connaît précisément l'origine et qui nous étreint. On referme le livre, on le repose, et il est impossible de ne pas être différent d'avant la lecture car ce récit transforme, par sa réflexion, par son histoire tout lecteur interpellé par cette époque tragique. Un grand roman.
mots-clés : #antisémitisme #communautejuive #deuxiemeguerre #romanchoral
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
merci Hanta
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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Bédoulène- Messages : 21628
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Re: Jiri Weil
Mendelssohn est sur le toit
Originale : Na střeše je Mendelssohn (Tchèque, 1960 , une année après la mort de l'auteur)
CONTENU :
Julius Schlesinger, aspirant officier chez les SS, reçoit l'ordre d'enlever la statue du compositeur juif, Felix Mendelssohn, du toit du Rudolfinum, la nouvelle ancienne salle de concert de Prague. C'est bien Heydrich lui-même, protecteur dans la Bohèmie-Moravie pratiquemment incorporé au Reich, qui en a donné l'ordre. Eh bien, il peut bien s'agir de qui parmi ces statues sans titres, sans noms ? Ah, probablement celui avec le plus grand nez : on connaît quand même les bases de la doctrine raciale ! Olàlà : on a failli enlèver notre cher Richard Wagner ! Comment cela va continuer ?
REMARQUES :
C'est bien avec cette anecdote historique (!) que commence ce livre en 22 chapitres de Jiri Weil, comme l'indique aussi son titre. Dans la suite seront racontés des fils autour de cette histoire, la suite pour ainsi dire, ou : les destins des uns et des autres (voir aussi : http://www.amazon.co.uk/Mendelssohn-Roof-Jewish-lives-Jiri/dp/0810116863/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1413652863&sr=8-2&keywords=mendelssohn+weil ). L'auteur travaillait sur ce livre après la guerre et jusqu'à sa mort, changeant tantôt les variantes, ne trouvant pas le ton basique à garder. Et il fût encore plus difficile dans les circonstances historiques : sous le règime communiste il n'était pas tellement bien vu de raconter une telle histoire « sans participation active de la resistance communiste » etc.
Donc, en ce qui concerne le roman, on se trouve alors dans les années 40 dans le protectorat Bohèmie et Moravie : le tiède von Neurath vient d'être remplacé par Reinhard Heydrich, un des personnages centraux dans les rouages de la machinerie de la mort organisée par les Nazis. Quelques mois après son arrivée crainte et accompagnée par beaucoup d'executions, l'élaboration encore secrète de « la solution finale » lors de la confèrence de Wannsee, Heydrich trouvera la mort pendant un attentat organisé par la resistance tchèque et le gouvernement en exile à Londres. Puis autres massacres et déportations attendaient le peuple, et avant tout la forte minorité juive qui fût transitée à Auschwitz via le camp de Terezin. L'anecdote de départ fut aussi racontée en quelques lignes par Laurent Binet dans son livre HHhH.
Partant de cette histoire l'auteur juif-tchèque raconte toutes sortes de destins et possibilités de destins dans ce temps sinistre: se présente à nous toute une mosaïque de fils éventuels, un vrai collage. On rencontrera évidemment le serviteur de la mort, Heydrich; Schlesinger comme Sudète et collaborateur «involontaire»; des personnages des différents organismes du Reich; des résistants de motivations différentes; les jeux d'intrigues des uns et des autres; l'impuissance de certains intellectuels juifs, pas seulement menacé dans leur intégrité corporelle, mais aussi forcer à nier leurs convictions réligieuse etc...
Surtout dans la première partie Weil réussit de raconter ce drame avec un grand sérieux, une tristesse, mais au même moment en se moquant des absurdités des nazis, leur incapacité etc. Là on retrouve à nouveau cet humour tchèque (juif?) qui est capable de ne pas se resigner, mais de rester debout, souverain même.
Dans la deuxième partie l'auteur et la tonalité deviennent encore plus graves (la situation y invite…), donc je veux prévenir de ne pas s'attendre à une satire ou un roman drôlatique. Néanmoins la lecture restera d'un grand intérêt et aidera beaucoup à comprendre la situation. Face à certains choix d'écriture il devient évident aussi qu'en racontant d'une dictature, Weil écrit avec les propositions exigées d'une autre dictature (voir aussi des mots d'accompagnement dans l'édition française).
Pour le visiteur de Prague il y a beaucoup de liens entre le livre, les lieux y mentionnés, et l'Aujourd'hui et l'Ici. C'est ce qui m'arriva lors d'une visite de la ville autour de la lecture de ce livre.
tom léo- Messages : 1353
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Re: Jiri Weil
VIVRE AVEC UNE ETOILE. - 10/18
Josef Rubicek n'était pas grand chose avant l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Allemands. Un homme banal, un citoyen ordinaire, ainsi se définit-il.
Mais depuis, il n'est plus rien. en fait et c'est pire, il est juif.
Il vit seul dans une pièce glaciale et qui laisse passer la pluie.
Il n'est pas exigeant pourtant. Mais il souffre de la faim, du froid. Et surtout de la peur.
Qu'on l'arrête et qu'on le déporte.
Alors qu'il était encore temps, il a refusé de quitter son pays et sa ville. C'est pourtant ce que lui proposait raisonnablement Ruzena, la femme qu'il aime.
Et qui lui manque. Dans son immense solitude, il a pris l'habitude de l'invoquer et de parler avec elle.
Josef, se contenterait de survivre et d'échapper à la déportation.. Il travaille dans un cimetière où lui et ses compagnons de misère font pousser des légumes, et un chat l'a adopté et lui tient compagnie.
Mais la haine de l'occupant le poursuit. Il est convoqué sans cesse pour faire états des biens qu'il n' a pas mais que les autres convoitent.
La situation ne cesse d' empirer. Les arrestations se mutiplient et les convois de prisonniers partent vers la déportation.
Comme lui, tous les juifs sont prêts à tout dans l'espoir de survivre.
De fait, les plus riches se croyaient hors d'atteinte. Et la Communauté juive -à tort ou à raison- pensait encore sauver ce qui pouvait l'être en collaborant avec les nazis.
Jusqu'au dernier moment, chacun essayait de s'accrocher au moindre espoir.
"Ils se moquaient que la vie soit de peu de valeur. Ils savaient qu'elle est unique et irremplaçable et que c'était la leur."
Cette pensée, à mon avis fait mieux comprendre pourquoi les juifs se sont laissé emprisonner, déporter et massacrer sans résister.
Envers et contre tout, rester en vie. Ils avaient cette illusion chevillée au corps jusqu'au bout.
Mais un jour, Thomas, le chat de Josef est tué par les Allemands. C'en est trop pour lui. Il pleure de pitié, de colère et d'impuissance.
N'ayant plus rien à perdre désormais, aux portes de la mort, il se sent enfin soulagé et libre.
Le ton du livre est uni et retenu, même s'il y a des éclats d'espoir, de nostalgie et de compassion.
Philip Roth écrit dans la préface du livre :
"Weil s'avérait être plutôt un conteur qu'un styliste absorbé par une auto-analyse implacable... Ce qu'il partageait avec l' écrivain russe Isaac Babel, c'était la capacité d'écrire sur la barbarie et la douleur avec un laconisme qui semble être en soi le commentaire le plus féroce qu' on puisse faire sur ce que la vie a de pire à offrir."
Récupéré
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bix_229- Messages : 15439
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Re: Jiri Weil
Mendelssohn est sur le toit
Nous sommes en plein coeur de la seconde guerre mondiale. Heydrich est devenu le tout puissant "protecteur" de la Bohême Moravie… Un soir, en sortant d'un concert, il aperçoit, horrifié, la statue de Mendelssohn sur le toit… "Vite vite, ôtez ce juif que je ne saurais voir !"
Des subalternes sont dépêchés en urgence sur les lieux. Làs, les noms des grands hommes n'étant pas spécifiés, Mendelssohn est bien difficile à reconnaître. Ils s'emploient donc à rechercher le nez le plus "sémite" de tous, et sûrs de leur fait, entreprennent gaillardement de dézinguer la statue... de Wagner ! On s'aperçoit de la méprise juste à temps, et c'est là que débute la quête d'un juif "savant" qui serait à même de reconnaître le musicien...
Le roman commence donc comme une farce, une satyre qui s'amuse des traits les plus grotesques des nazis. Et ils en avaient…
Mais, si l'humour de Jiri Weil, est omniprésent, il est aussi désespéré. Les nazis, encore puissants mais sentant bien le déclin arriver, n'en deviennent que plus hargneux et pressés d'achever leur mission d'éradication des juifs. Alors, la tristesse et le désenchantement gagnent peu à peu les pages du roman, qui se concentre sur les destins de quelques nazis peu reluisants, et surtout de juifs traqués, épiés, réduits à bien des expédients et des compromissions pour survivre. Certains sont en proie à de véritables crises de conscience, comme Pr Rabinovic, qui a accepté de créer un musée juif pour le bon plaisir des dirigeants nazis. Si, au départ, il a pensé duper les Allemands en préservant un patrimoine en péril, bien vite, les vexations et les reniements ont détruit en lui tout amour-propre...
Il se savait pris au piège. Il était devenu le complice des assassins en croyant jouer au plus fin. Le musée, par exemple. Il l’avait créé à leur demande, pour commémorer leur victoire sur les siens, mais il y avait vu un moyen de conserver des objets sacrés qui, sinon, auraient été détruits comme dans les autres pays conquis. Il savait à présent que les objets resteraient, mais qu’il n’y aurait plus d’hommes. Quiconque frayait avec eux était contraint de faire le mal, contraint de devenir bon gré mal gré leur acolyte malgré toutes ses finasseries, quand même il se serait mis à leur service dans le but de les tromper. Car le mal était leur apanage et la mort leur alliée, une gardienne qu’ils postaient auprès de chacun en lui commandant de bien ouvrir les yeux et de bien aboyer.
Lorsque Jiri Weil a écrit ce livre, son pays était en proie aux dictats du régime communiste. Il a dû remanier son texte, et l'expurger de certains passages jugés trop bourgeois. (l'un d'eux, filant lui aussi la métaphore statuaire, est d'ailleurs reproduit en fin d'ouvrage.) A l'aune d'ajourd'hui, certaines pages n'en prennent que plus de relief...
Mendelssohn est sur le toit est un roman unique, mélancolique, drôle, et triste à pleurer. Comme le dit justement Hanta, le lecteur passe par toutes sortes d'émotions contrastées, et culpabilise parfois de prendre tant de plaisir au récit de ce drame intime et universel… C'est le roman d'une humanité en péril, et qui pourtant reste debout. C'est le roman d'êtres ordinaires aux prises avec un destin qui ne l'était pas… C'est le roman de la résistance au quotidien, de l'héroïsme l'air de rien. C'est aussi le roman d'une cruauté que rien ne sauve...
C'est un roman, qui, comme le souligne tom léo, aide à comprendre.
Hanta, tu m'avais dit que ce livre me plairait beaucoup, et tu avais raison.
Dernière édition par Armor le Jeu 7 Juin - 1:54, édité 1 fois
Armor- Messages : 4589
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Re: Jiri Weil
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
Le commentaire de bix me donne bien envie de de lire aussi Vivre avec une étoile.
Pas dans l'immédiat, cela dit. Les sujets semblent assez proches, et Mendelssohn m'a laissé une telle impression que je crains qu'une lecture trop rapprochée ne déserve le second ouvrage...
Armor- Messages : 4589
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Re: Jiri Weil
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
Mendelssohn est sur le toit
Il savait qu'il mourrait un jour, qu'il verrait venir la mort sous le masque d'hommes en imperméables, coiffés de chapeaux tyroliens. Alors la lumière et l' éclat du paysage ferait en place à la nuit d'un cachot, mais seulement pour lui. Dehors, les collines et les montagnes, les champs et les prés, les forêts et les rivières poursuivraient leur vie variée, haute et profonde, fière et indisciplinée. Ils pourraient incendier, saccager les champs, transformer les prés en marécages. L'herbe se remettrait à pousser sur les terres brûlées, la glèbe boirait l'eau et les hommes reprendraient le travail des champs. Ils ne triompheraient pas de ce pays.
On connaît Paris sous l'Occupation. j'avais découvert il n'y a pas très longtemps Marseille, avec Jean Malaquais. Et voici maintenant Prague, lecture enrichie des souvenirs de mon séjour là-bas pas si anciens.
Dans ce roman choral qui va nous mener tout au long de la guerre, on accompagne tout aussi bien les Allemands, menés par Heidrich jusqu'à son assassinat et les représailles qui suivirent, que les Tchèques, y compris la population juive, avec bien sûr, les orthodoxes et les assimilés. Du côté des oppresseurs, la rigidité, l’avidité se cachant derrière la soi-disant culture raffinée, l’imbécillité soumise et vengeresse. Du côté des occupés, on partage les doutes et les angoisses des sous-fifres qui n'ont guère d'autre choix que d'obéir, ceux qui collaborent petitement ou pleinement, ceux qui pratiquent un marché noir généreux ou spéculatif, ceux qui se cachent, ceux qui résistent, à leur façon grande ou petite. Tous essayant de capter un dernier éclat de vie.
On débute sur un mode assez loufoque, où Jiri Weil se moque des Allemands : les choses débute on peut encore y croire, ne pas les prendre trop au sérieux, et tenter de rire. Mais peu à peu la solution finale prend sa vitesse de croisière, les convois partent pour Theresienstadt, puis pour plus loin, les poches des Allemand se remplissent des biens spoliés, leur ventre se remplit alors que d'autres agonisent. La peur saisit chacun au tréfonds de lui-même, et le lecteur avec. Certes les condamnés à la pendaison crient "Vous ne gagnerez pas la guerre" mais cela ne masque qu'un instant la torture, l'arrachement familial, les violences et les déportations, le froid, la faim...
On suit les personnages, on les abandonne pour passer à d'autres, on les retrouve, les destins se croisent et se séparent, dans un récit qui maitrise tout aussi bien l' aspect humain et émotionnel que la transmission historique.
Mêlant habilement, en bon tchèque qu'il est humour grinçant et sens du tragique, Jiri Weil propose au fil des mois qui passent et des deuils qui s'accumulent un portrait tout en nuance et en complexité d'un peuple écrasé par ses bourreaux.
Nous, lecteurs, savons la fin, et si eux y croyaient férocement, ils ont vécu cet espoir dans l'immensité de l'horreur vécue au jour le jour.
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Re: Jiri Weil
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15924
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Re: Jiri Weil
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Re: Jiri Weil
Dommage, avec tout ce que vous en dites, qu'il ne soit pas réédité (bis repetita placent)...
Je le mets sous surveillance active...
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Re: Jiri Weil
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
Toujours les memes causes : l' éditeur originel qui ne réédite pas.
Tout comme 10/18 qui a édité en poche, mais là, le problème est différent.
10/18 ne réédite pas.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jiri Weil
Hanta a écrit:Pour cela que j'en ai acheté plusieurs exemplaires quand il était moins cher...
Ha! c'est toi qui le vends à 69 euros sur PM !
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jiri Weil
Hanta- Messages : 1596
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Re: Jiri Weil
Mendelssohn est sur le toit
traduit du tchèque par Erika Abrams
Jan comprit que Winter avait raison. Tout était puni de mort. Chacun pouvait se mettre la corde au cou de la manière qui lui plaisait. Il n'avait pas le droit de condamner ce que faisait Winter. L'ange entré dans l'immeuble sur une charrette à ridelles avait apporté du bonheur aux gens . Un bonheur éphémère, mais qui n'en était pas moins réel...Mais la mort ne pouvait empêcher les gens de sourire de bonheur après un bon repas et de respirer plus librement précisément parce que, dans les limites de cet instant, ils en avaient triomphé.
Armor a écrit:C'est le roman d'une humanité en péril, et qui pourtant reste debout. C'est le roman d'êtres ordinaires aux prises avec un destin qui ne l'était pas… C'est le roman de la résistance au quotidien, de l'héroïsme l'air de rien.
Vous avez déjà dit bien des choses de cet excellent roman dans lequel domine un sens de l'absurde que l'on retrouve peu, et pour cause, dans les autres écrits que j'ai lus évoquant cette période. Et, effectivement, à travers plusieurs personnages que l'on suit de chapitre en chapitre, un hommage à la résistance au quotidien d'une population , d'une survie au jour le jour .
A noter que le texte initial a été censuré par la censure tchécoslovaque de 1959, en raison de l'esprit de " l'esprit petit-bourgeois pot-au feu" qui avait déjà été reproché à l'auteur à la fin des années 30 à la suite de la publication de son premier roman au temps des purges staliniennes.
Merci Armor d'avoir fait circuler ce livre ! Il part chez Arturo.
Marie- Messages : 653
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Re: Jiri Weil
Il est peut etre dans votre médiathèque et vous ne le savez pas.
En tout cas, c' est la que je l' ai trouvé, à la médiathèque départementale de la Haute Garonne.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jiri Weil
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topocl- Messages : 8546
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