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Message par bix_229 Ven 9 Déc - 0:23

Halldór Kiljan Laxness (1902-1998)

Halldor Laxness  Aaaa29


Halldór Kiljan Laxness (né Halldór Guðjónsson), né à Reykjavik le 23 avril 1902 et décédé le 8 février 1998, est un écrivain islandais du xxe siècle. À trois années d'intervalle, il reçoit le prix international de la paix en 1952 et le prix Nobel de littérature en 1955.

Laxness passe son enfance dans la ferme de son père dans la localité de Laxness, proche de Mosfellsbær, dont il tire plus tard son nom. Il publie à 17 ans son premier roman, L'Enfant et la nature. Il effectue de nombreux voyages à travers l'Europe. Il se convertit au catholicisme en 1923 et ajoute à son nom le prénom de Kiljan en l'honneur du saint irlandais. Il étudie la théologie en Italie puis au monastère de Clervaux, au Grand-Duché de Luxembourg.

Ses lectures du surréalisme, de Marcel Proust, d'August Strindberg et de la psychanalyse influencent fortement la rédaction du Grand Tisserand du Cachemire (1927), son premier roman important qui fait la synthèse de ses années d'apprentissage. L'œuvre, qui emprunte beaucoup à l'art narratif et poétique séculaire d'Islande, interroge les turpitudes du monde des hommes et la force de la foi.

Laxness voyage ensuite aux États-Unis et au Canada. Outre-Atlantique, il se lie d'amitié avec le romancier Upton Sinclair dont il découvre l'engagement socialiste. Il abandonne alors le catholicisme et embrasse les thèses du communisme. En 1930, il retourne en Islande et se marie. Il publie Gens Indépendants (1934) qui dépeint la lutte d'un paysan islandais pour vivre en étant affranchi de toute tutelle, puis Salka Valka (1932) dans lequel transparaissent une nouvelle fois ses préoccupations sociales. Sur l'exemple de Knut Hamsun qu'il admire et dont l'œuvre brosse le panégyrique de la ruralité norvégienne, Laxness peint la vie des paysans islandais. Il loue alors leur courage, leur détermination et leur ténacité face à un pays rude et une évolution socio-économique qui leur est hostile.

Par la suite, il signe de grands romans folkloriques au souffle épique, nourris d'histoire et d'humour que la critique considère comme ses chefs-d'œuvre : Lumière du monde (1934) sur les tourments d'un instituteur démuni, poète et rêveur à qui l'on ôte tout excepté le sens de la beauté et la splendeur céleste, puis La Cloche d'Islande (1943) qui narre la destinée d'un paysan truculent, jovial et énergique, condamné à mort sans preuve pour avoir assassiné le bourreau du roi.

Laxness divorce en 1936 et se remarie en 1945 avec une jeune femme de 21 ans. Il restreint son champ d'influences au traditionalisme, au répertoire légendaire et au patriotisme unanimiste. Au cours de ses voyages en URSS, Laxness prend conscience des excès et erreurs du stalinisme et se détourne du communisme. S'ensuit une période moins engagée et à nouveau religieuse, tournée vers la méditation. Le taoïsme, qu'il embrasse, affleure dans Les Annales de Brekkukot (1957) et surtout, dans Le Paradis retrouvé (1960), qui évoque avec tendresse et ironie la difficile recherche de spiritualité. Sa production romanesque postérieure poursuit son éloge de la ruralité et sa critique de l'urbanisation galopante. Il y renvoie à nouveau l'Islande à sa dimension mythique ses valeurs immémoriales. En 1974, Il participe au millénaire de la fondation de l'État islandais.

Atteint de la maladie d'Alzheimer, il est placé en maison de retraite en 1995 et meurt en 1998.

Oeuvres traduites en français :

1931 : Salka Valka: petite fille d'Islande
1934 : Gens indépendants
1939 : Lumière du monde
1943 : La Cloche d'Islande
1948 : Station atomique
1952 : La Saga des fiers-à-bras
1957 : Les Annales de Brekkukot
1960 : Le Paradis retrouvé
1968 : Úa ou Chrétiens du glacier



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Message par bix_229 Mer 28 Déc - 19:42

Halldor Laxness  Statio10

STATION ATOMIQUE


Quand un livre me plaît beaucoup, je me demande s'il est vraiment magique ou si c'est moi qui l'ai embelli.
Dans ce cas précis, je pense qu'il s'agit des deux.
C'est aussi le genre de roman que je n'ai pas envie d' analyser, encore moins de disséquer. Mais plutôt de synthétiser mes impressions du moment en toute subjectivité. Ce qui est déjà aussi difficile que d'expliquer pourquoi on est sur un petit nuage et ce qu'on y ressent, le temps d' une lecture !

Station atomique est un livre follement romanesque et qui vous entraîne dans sa folie parce que Laxness est très convaincant.
Ses personnages sont attachants parce qu'ils sont très marginaux. Marginaux en ce sens qu'ils n'appartiennent à aucune catégorie connue, et qu'ils ne ressemblent à personne.
La narratrice est une femme de caractère, belle, attirante, intelligente et libre, mais aussi d' une complexité extrême. Elle est à la recherche d'elle-même et d'une vie qui lui permettrait d'atteindre la simplicité la plus grande en cohérence avec ses aspirations. Ce qui est évidemment difficile quand on est fille de pasteur et qu'on n'a pas le sou...

Les autres personnages sont à fois humains et divins. Et très supérieurs aux dieux parce qu'humains !
Les dialogues sont d'une grande force et d'une grande justesse, pleins d'ironie et de malice, la marque de fabrique de Laxness.
C'est ce qui l'a empêché sans doute de donner dans le «réalisme socialiste».
Cela et nous pouvons aussi considérer sa grande connaissance des vieilles sagas islandaises.
Son style magnifique ne pouvait s'accommoder de la langue de bois.
J'ajouterai que la traduction de l'islandais est superbe et qu'on a l'impression que le livre a été écrit directement en français.

Message récupéré


mots-clés : #politique
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Message par Tristram Dim 21 Juil - 23:04

La Cloche d’Islande

Halldor Laxness  La_clo10


Merci @Avadoro, qui m’a aussi fait découvrir Le pont sur la Drina, d’Ivo Andrić, dans la chaîne d’hiver 2017 !
L’impression calamiteuse (mais bon marché) de l’édition GF-Flammarion me transporte d’entrée aux temps héroïques des balbutiements de la typographie.
L’ouvrage comprend une utile mise en situation du traducteur-préfacier, Régis Boyer.
Le roman est construit en trois livres, publiés de 1942 à 1946 (500 pages en tout) :

La Cloche d'Islande
:
C’est l’histoire de l’increvable croquant, Jon Hreggvidsson de Rein, fermier du Christ, picaresque incarnation de la résilience populaire : ce pauvre paysan noir de poil et noirci par les épreuves est indûment condamné à mort comme meurtrier du bourreau qui venait de le flageller pour le vol d’une corde qui lui aurait permis de pêcher. L’action de cette fresque historique se déroule au XVIIIe siècle, lors de la famine dans ce pays asservi par les Danois qui le privent du nécessaire ‒ dont la corde, qui deviendra un leitmotiv du roman : ainsi, c’est à Jon que le bourreau commanda de couper la corde de la cloche de l’Althing (l’assemblée parlementaire nationale), réquisitionnée pour être fondue.
« Le junker suivit Ture Narvesen jusqu’à la soue aux porcs. On gardait là les bêtes qui, seules de toutes les créatures, vivaient dans le bien-être et l’honneur en Islande, surtout depuis que le représentant spécial du roi avait strictement interdit aux bipèdes de manger vers et vermine. Parfois, par miséricorde, les croquants obtenaient la permission de contempler ces bêtes merveilleuses à travers un grillage et ils en avaient la nausée, d’autant que ces animaux, par leur couleur, ressemblaient à des hommes nus, avec une chair de gens riches, et de plus, vous regardaient avec des yeux raisonnables de pauvres ; à cette vue, beaucoup vomissaient de la bile. »

« ‒ Vôtre Grâce préfère-t-elle laisser le roi acheter des graines de mauvaises années pour ces gens plutôt que de leur permettre de pêcher du poisson ?
‒ Je n’ai jamais dit cela, dit le Conseiller d’État. Mon opinion est que nous avons toujours manqué, en Islande, d’un fléau suffisamment radical pour que la canaille qui infeste ce pays disparaisse une bonne fois pour toutes, afin que les quelques gens qui sont bons à quelque chose puissent, sans être dérangés par les mendiants et les voleurs, tirer le poisson dont la Compagnie a besoin et préparer l’huile de baleine qu’il faut à Copenhague. »

« ‒ Il faut parer au plus pressé, dit Arnas Arnaeus. Il faut maintenir les bals masqués, cela coûte de l’argent. Un bon bal masqué engloutit les intérêts d’une année de revenus de tous les couvents islandais, Votre Grâce. »

« L’homme qui veut étrangler une petite bête peut finir par se fatiguer. Il la tient à bout de bras, resserre tant qu'il le peut son étreinte autour de sa gorge, mais elle ne meurt pas, elle le regarde, toutes griffes sorties. Elle ne s'attend à aucun secours, quand bien même un troll amicalement disposé surviendrait qui dirait vouloir la délivrer. Tout son espoir de survivre vient de ce qu'elle attend que le temps agisse à son avantage et affaiblisse les forces de son ennemi.
Si un petit peuple sans défense a eu la chance, au milieu de son malheur, d’avoir un ennemi pas trop fort, le temps finira par conclure un accord avec lui comme avec la bête que j’ai prise en exemple. Mais si, dans sa détresse, il se met sous la protection du troll, il sera englouti en une bouchée. […]
Un serviteur gras n’est pas un grand homme. Un esclave que l’on roue est un grand homme, car dans sa poitrine habite la liberté. »
S’ensuivent nombre de péripéties comme Jon s’enfuit et traverse l’Islande pour embarquer vers la Hollande, l’Allemagne et le Danemark, où il entend faire réviser son procès par le roi ‒ et à l’issue de chaque péril, il déclame les « Rimes de Pontus ».

La Vierge claire :
C’est Snaefrid, blond soleil rayonnant avec la « gloire dorée » de sa chevelure, fille du gouverneur Eydalin, épouse de Magnus Sigurdsson, junker de Braedratunga (chef de vieille souche et propriétaire terrien), aussi bel artisan doué, mélancolique et ivrogne ‒ truculent avatar de la démesure cyclique dans sa ruineuse immodération, capable de vendre son domaine ou sa femme lors d’une de ses « expéditions », sinon repentant, réparateur, rongé de dépit et de remords…
C’est Snaefrid qui fit s’évader Jon, et l’envoya rencontrer au Danemark Arnas Arnaeus, l’homme qu’elle aime, et qui revient quinze ans plus tard en tant que commissaire du roi, pour statuer sur la conduite injuste des juges et du gouverneur, notamment envers ledit Jon…
Islandais réfugié au Danemark, Arnas collecte les antiques manuscrits islandais pour les sauvegarder.
L’archiprêtre Séra Sigurd, un pieux protestant, est aussi un vieux prétendant de Snaefrid. Laxness profite de son intervention pour régler des comptes avec le luthéranisme et le papisme… À propos, il passe habilement d’un style à un autre, et sa palette comprend humour, lyrisme, poésie, description réaliste, etc.
« Celui qui ne peut jamais arracher sa pensée de sa misérable chair, la fixant en peinture sur un mur, chez soi, sous forme d’une idole transpercée de clous, ou qui témoigne de ce désir selon les livres saints, jamais ne comprendra celui qui s’est consacré corps et âme au service des gens sans défense et au rétablissement de son peuple. »
Elfe, Snaefrid est insondable, imprévisible, telle un être surhumain ; elle paraît aussi inhumaine, scandaleuse, voire cruelle (cf. le sacrifice du cheval).

L'Incendie de Copenhague :
Magnus a publiquement accusé sa femme d’adultère, gagné son procès à ce propos, puis est mort. Varient les rapports entre Snaefrid et Arnas (chez qui Jon Hreggvidsson est réfugié). Outre ces trois personnages principaux, d’autres sont notables, comme le docte Jon Gudmundsson de Grindavok, copiste (et écrivain) de la bibliothèque d’Arnas, ou Jon Marteinsson, le voleur qui déroba à ce dernier la Skalda, précieux livre antique (voilà trois Jon…)
Le récit culmine dans l'incendie de Copenhague :
« Les gens se précipitaient par la ville, frappés de terreur, ‒ comme, en Islande, quantité de vermisseaux sortent en rampant d’une lompe que l’on fait cuire sur la braise pour les bergers ‒ certains avec des enfants dans les bras, une quantité portant quelques affaires dans un sac, d’autres, nus et dépourvus de tout, affamés et assoiffés, certains hors de sens et multipliant gémissements et plaintes : une femme n’avait réussi à sauver qu’un tisonnier, et restait là, nue. »
Dans ce roman fort curieux et dépaysant est omniprésente l’Islande (nation occupée à l’époque, et même colonie danoise), c'est-à-dire son histoire de reliquaire des héritages héroïque et cosmogonique viking et plus généralement scandinaves (aussi celte et Moyen Âge chrétien) : Eddas, scaldes et sagas (et trolls, elfes, géants…) Laxness a d’ailleurs reçu le Nobel 1955 pour "avoir ressuscité l'ancienne tradition narrative islandaise." Et dans ses personnages à la fois iconiques et complexes sourd de nouveau la sève et la verve des anciennes divinités, dans un curieux syncrétisme où leurs destins se mêlent inextricablement.
C’est encore un bel éloge des livres (d’occasion), auquel les Chosiens seront sensibles :
« Il reste encore sur le rebord de la fenêtre, à demi enveloppé d’un linge de soie rouge, un antique livre sur parchemin, racorni, noir de suie, plein de marques de doigts graisseux : il a appartenu à des gens morts depuis si longtemps qu’il ne subsiste de leur séjour ici-bas que ces marques de doigts. »

Mots-clés : #colonisation #historique #insularite

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Message par Bédoulène Dim 21 Juil - 23:24

merci pour ton commentaire Tristram ; 500 pages et assez complexe me semble, me faudra choisir le bon moment !

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Message par Tristram Dim 21 Juil - 23:37

En fait, je ne sais pas l'impression que je donne, mais ça se lit très facilement, avec grand plaisir !

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Message par Bédoulène Dim 21 Juil - 23:42

je te crois Tristram, mais je suis toujours en retenue devant un livre culte.

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Message par bix_229 Dim 21 Juil - 23:58

Laxness est avant tout un romancier populaire, malgré sa culture. Et sa façon de conter,
allègre, imagée et entrainante, a quelque chose d'Alexandre Dumas.
Sauf que Laxness est plus proche de la vérité historique.
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Message par topocl Lun 22 Juil - 8:53

Et quel lien ça a avec Le pont sur la Drina?

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Message par Tristram Lun 22 Juil - 12:07

La recommandation d'Avadoro !

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Message par Quasimodo Lun 22 Juil - 14:23

bix_229 a écrit:Sauf que Laxness est plus proche de la vérité historique.
Voilà ce qui me plaît chez Dumas !!
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Message par bix_229 Lun 22 Juil - 15:06

Oui, tout à fait !
C'est l’intérêt romanesque  qui prime et la façon de conter.
Mais Laxness sait attirer l'attention du lecteur de diverses façons selon ce qu'il écrit..
La Cloche d'Islance par exemple est un récit épique mouvementé et picaresque.

De Laxness, Régis Boyer, le spécialiste des littératures scandinaves, a écrit qu'il était véritablement un «descendant des grands personnages de sagas», un esprit foncièrement libre, et un «écrivain d'humeur» reconnaissable en tout premier lieu «à un style fracassant, féru de néologie et de confusion des registres et des tons, qui n'a aucun équivalent en Islande».
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Message par Aventin Lun 22 Juil - 18:54

En complément cet extrait de La cloche d'Islande, décongelé d'un de mes messages sur Parfum, histoire de bien souligner la truculence, l'humour:

Onzième chapitre de la troisième partie, L'incendie de Copenhague a écrit:Un jour, vers la fin de l'été, un honneur inattendu fut réservé au croquant: il reçut la visite, dans le bûcher, de rien moins que la maîtresse de maison en personne, sa patronne, la très vertueuse et honorable épouse de l'assesseur, Dame Mette. Elle salua l'Islandais. Depuis que cette noble dame avait envoyé Jón Hreggviðsson au diable, en allemand pour soldats, à sa porte, vingt ans plus tôt, son menton s'était affaissé considérablement tandis que la graisse s'était accumulée sur elle, au point qu'elle ressemblait à une statue d'argile qui vient de tomber d'un rayonnage et que l'on a remise en boule avant de la passer au four. Elle s'était saupoudré le visage; elle portait sur la tête une grande chose pointue qui lui descendait jusqu'à la bosse et elle avait une longue jupe noire et ample, toute froissée. Jón Hreggviðsson ôta sa casquette déguenillée, s'essuya le nez et déclara louer Dieu. Elle jeta un regard de maîtresse de maison sur sa pile de bois. Il demanda si elle voulait que les bûches aient au moins trois empaumures de long ou si elle les voulait, d'une longueur qui, avec votre permission, correspondrait à celle d'un pénis de cheval de dimension moyenne: elle dit que cette dernière longueur serait la bonne; pour l'eau, il demanda si elle voulait avoir celle du puits de l'ouest, où un gamin avait été noyé l'année précédente, ou celle du puits de l'est où l'on avait repêché une femme allemande au printemps.

Elle affirma qu'elle n'avait rien à redire sur l'eau et le bois, mais qu'il s'agissait de quelque chose de plus important: on n'avait pas de mal à dire de lui, ici, au palais. Son mari Arnaeus avait coutume de faire surveiller les nouveau-venus parmi la domesticité de la maison, pour le cas où ils ne seraient pas sûrs ou auraient les doigts crochus, et s'il s'avérait que tel était le cas il étaient immédiatement chassés. Comme "Regvidsen" ne s'était signalé par rien de tel en presque une année, elle considérait que le temps était venu de s'occuper de lui et de s'enquérir de sa santé. Jón Hreggviðsson répondit qu'il n'avait jamais eu de santé, ni de corps ni d'âme, pas plus bonne que mauvaise, et que d'ailleurs il était Islandais.Tout dépendait de ce que voulait le roi. Il espérait que ce bon roi qu'il ne pourrait jamais assez bénir aurait peut-être l'inspiration de ne pas laisser un stupide paysan du Skagi à la charge, pour toujours, de comtesses et de baronnes chrétiennes du Danemark et de leurs maris, chose dont la conséquence pouvait être que les très nobles et honorables chevaux du Danemark attrapent des poux.

Sans pouvoir dire ce que Madame comprenait des politesses du croquant il était visible qu'elle désirait converser avec lui, d'autant plus que son seigneur et légitime époux était compté parmi les gens de sa nation; elle dit qu'elle avait longtemps souhaité questionner "Regvidsen" sur les nouvelles d'Islande, qui était un étrange pays, certains disaient que l'Enfer s'y trouvait, mais comme son bien-aimé, quoique Islandais, fût un bon chrétien, elle ne le croirait pas sans confirmation.    

Il dit, toujours aussi courtois à l'égard de son propre pays, que ma Très Noble comtesse, baronne et Madame ne devait pas croire qu'il y eût grand-chose digne d'être raconté sur le compte de ce maudit cul de chien qu'on appelle l'Islande; sinon cette vieille chose, qui est et demeure la vérité quand bien même on éviterait d'en parler, que dans ce pays-là est et demeure l'Enfer pour les siècles des siècles - é destination de ceux qui méritent d'être torturés.

Alors Madame demanda:
-Comment vont les Islandais maintenant, après que notre Seigneur leur ait envoyé, par miséricorde, une peste bénie ?
-Oh ! ils ont été tués comme moutons affamés et ils sont allés au diable.
-Leurs médecins auraient bien dû les saigner à blanc, dit la femme.
-Oh ! il y a longtemps qu'ils ont perdu tout leur sang, ma brave femme, dit Jón Hreggviðsson. Depuis qu'ils ont tué mon parent, Gunnar de Hlidarendi, il n'y a plus de sang en Islande.

Et ce que je bafouillais alors de l'aspect historique:

Il est bon de préciser que les trois personnages principaux sont inspirés de personnages réels de l'histoire Islandaise. Jón Hreggviðsson, Snaefrid Eydalin Björnsdottir et Arnas Arnaeus (voir le message initial du fil, de Gunnar). Qu'un autre personnage, le gouverneur Eydalin, est inspiré d'un "vrai" gouverneur contemporain à l'époque dans laquelle se situe l'action de l'ouvrage (début XVIIIème).

Il est aussi bon de préciser:
-Que les références historiques et légendaires sont toutes corroborées en notes.
-Que c'est certes une fiction, un roman disons épique et parfois truculent, servi par un conteur de réel talent, de grande maestria. Mais pas seulement, il s'approche des meilleurs du genre grâce à la toile de fond de l'ouvrage, œuvrant tel un bon maître européen du XIXème sur un support historique de première solidité, où piocher pour trouver une faille semble très ardu.

Autrement dit:
-Que tout est bien sûr plausible, exact quant à la terrible situation de l'Islande d'alors, sous le joug suzerain Danois et potentiellement vendue au plus offrant par les souverains de Copenhague, ainsi que les guerres en Europe qui sont évoquées ou décrites, jusqu'au mépris et préjugés -on dirait racisme aujourd'hui- dont étaient victimes les Islandais au Danemark.

-Que les pestes et les famines ont dévasté à cette époque cette île cinq fois grande comme la France, qui comptait 50000 habitants alors (320000 aujourd'hui).
-Que les Danois ont imposé le culte Luthérien, décapitant le dernier évêque "papiste" (une scène marquante pour Laxness, qui l'évoque à plusieurs reprises; Laxness lui-même, Luthérien, s'est converti au Catholicisme).
-Que l'église Luthérienne eut un rôle trouble, d'inféodation, sous l'occupation Danoise.
Tandis que les monastères (l'Islande fut fondée par des moines celtes irlandais Catholiques vers la fin du premier millénaire puis conquise par les Vikings) copiaient inlassablement les Sagas, écrits des Scaldes, Gestes des légendes, et que les Islandais s'étaient donné un régime qui n'est ni la république, ni la démocratie, mais qui reposait sur une sorte de jurisprudence mêlée d'un codex d'inspiration Viking où prédomine une morale fondée sur la liberté et l'honneur.
-Que l'Islande est devenue indépendante (province Danoise jusqu'alors) en 1944, et que ce livre fut écrit entre 1943 et 1946.
-Que tout ce qui relie l'Islande asservie, misérable, et les Islandais d'alors, rendus à l'état de gueux, sont leurs coutumes (le parlement de justice de plein air, l'Althing, près de l'Öxara dans le cadre majestueux du Thingvellir est central au roman), leurs légendes passées, leur littérature, aussi; fût-elle transmise surtout par oralité et copie interprétée, corrigée, en somme.

Et que cette leçon-là peut se méditer en maints points du globe, si ce n'est partout, avec une cuisante acuité aujourd'hui.
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Message par Aventin Lun 22 Juil - 19:01

La Saga des fiers-à-bras

Halldor Laxness  Laxnes10

C'est à la fois une parodie des sagas de la Tradition Norroise, franchement moquées, et une variante du don quichotttisme, mais je dirais grinçante si ce n'est nihilisante, en ce sens qu'elle se veut à deux héros lamentables, bien plus désolants que désopilants.
À bien y regarder, on trouve un troisième Quichotte d'ailleurs, le Roi Olaf.
Et pas de perspectives d'espérance, ou même de bonté dans leurs délires.

Disons-le tout de suite, on peut sans doute rire de tout mais pas avec tous, pour ma part l'humour trop macabre ne me sied guère.
La violence, l'abjection sont deux thèmes dont j'ai du mal à me gausser. La distanciation, de xième degré, en l'occurrence, je n'y parviens pas.
Exemples ?
Le massacre purement gratuit de gueux sans défense traduit en acte de bravoure de preux, dans l'imagination délirante des héros-ratés, ou encore le coup des bébés démaillotés et jetés d'épieu en épieu comme une balle sanguinolente jusqu'à trépas dans d'atroces souffrances "mais le bébé rit la première fois qu'on le lance", ça ne provoque pas la moindre hilarité chez moi, à quelque recul que ce soit vis-à-vis de la chose narrée.

Autant Quichotte peut être un héros positif et véritable, "aimable", fût-il dérangé, ridicule, autant ces "frères"-là, psychopathes et décalés chacun à leur manière, laquelle est bien différente, demeurent antipathiques (à des degrés divers) tout en étant ridicules, idéalistes, et jusqu'au-boutistes dans leurs errements.

On sent le compte à régler avec l'histoire scandinave et la tradition des Scaldes, avec la conquérante violence Viking, avec la haute comme la basse époque médiévale au niveau du cercle polaire. Par exemple, le prestige, encore bien vivant et vivace de nos jours, du légendaire Olaf, Roi de Norvège en prend un coup décapant !

Toutes choses et contextes qui nous sont (en tous cas me sont) plutôt exotiques, encore un livre que j'ai lu le moteur de recherches de l'ordinateur à proximité (mais comment faisais-je, avant ?).

Mais la plume de Laxness sauve le tout.
Quelles que soient mes réticences, mes limites ci-dessus exposées, je conseille cependant aux âmes sensibles de surtout ne pas s'abstenir !

Cinquante deux chapitres, 380 pages environ de talent. Les personnages sont exceptionnellement sculptés, travaillés. Tantôt grand maître de l'absurde, tantôt conteur inégalé bâtissant sur un terreau historique riche, précis et fouillé (ainsi qu'il l'a prouvé aussi avec "La cloche d'Islande"), c'est bien le grand Laxness que nous lisons, aucun doute là-dessus.

Cela vaut bien quelques malaises, petits ou grands...

Un extrait, histoire de dépeindre la genèse d'un deux fiers-à-bras, le "d'où vient-il ?":

Chapitre troisième a écrit:amais maîtresse Thorelf ne mentionnait comment Havar Klepsson, viking du Hordaland, était tombé près de la barrière du clos sans avoir levé la main pour se défendre; elle le présentait toujours comme un inépuisable fier-à-bras qui avait tout mis à feu et à sang, combattant en première ligne dans les batailles des grands rois; de son père, Thorgeir n'entendit jamais dire qu'une seule chose: comment il se tenait auprès de l'étendard; il était parfaitement évident pour le gamin que la bonne et la mauvaise fortune des rois ne tenaient qu'à son père et qu'ils avaient pris conseil de lui aux moments décisifs, bref, que le camarade Havar avait personnifié cet homme d'épée et de meurtre que l'on appelle terreur dans la poésie scaldique. Maîtresse Thorelf enseignait à son fils que c'est à leur verbiage que l'on reconnaît les indigents et les femmes occupées à leur ménage; les mots, disait-elle, ne sont bons à rien si ce n'est à la louange qui sied aux rois, à l'épée et à la bataille; un héros est un homme qui ne parle guère, ses lèvres ne profèrent ni blâme ni louange et elles ne laissent échapper nulle parole qu'il ne soit prêt à tout moment à soutenir par les armes: il n'est pas de réponse correcte si elle ne s'exprime par la langue véridique de l'épée. La vaillance d'un homme au combat, sa force et sa ruse, voilà sa valeur. Que sa vie soit longue ou brève, qu'il survive ou périsse dans la bataille, il n'importe, pourvu que ses actes appellent l'éclat de la renommée. La noblesse, c'est de ne pas craindre pour sa vie, que l'on affronte une force supérieure ou que l'on batte à l'improviste un ennemi sans défense. Il est noble de n'entendre raillerie de personne, de tirer vengeance de tout affront, de savoir pénétrer les desseins d'ennemis sournois et d'être le premier à asséner des horions. Sa mère disait qu'un brave doit être le plus fidèle au roi qui se montre le plus généreux, car la chance accompagne un tel roi; toutefois il y a lieu de le trahir si l'argent vient à lui faire défaut. Jamais un brave ne doit s'envergogner à choisir la paix si la guerre s'offre. Sa mère disait aussi qu'un bon viking n'épargne ni femme ni enfant lorsqu'il fait la guerre. Et quiconque suivrait ces sains conseils, son nom vivrait parmi les nations tant que le serpent de Midgard serait noué.  



Dégagé au piolet d'un message sur Parfum du 28 juillet 2013.
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Message par Aventin Lun 22 Juil - 19:08

Les annales de Brekkukot

Halldor Laxness  Les_an10

On trouve un thème récurrent dans ses œuvres, la quête de ce qui caractérise l'islandais (plus que l'Islande, bien individualisée sur une carte du monde). L'extrait ci-dessous est parlant à cet égard.

Dans ce roman il n'est pas trop malaisé de reconnaître que Laxness lui-même s'est mis en scène, mi-Alfgrimur, mi-Garðar Holm.  
La vie de bohème en Europe continentale de Laxness, le retour au pays, avec son corollaire de notoriété artistique glanée à l'étranger, tout ceci sonne vécu de l'intérieur.

Je crois aussi qu'Alfgrimur "est" Laxness, lorsqu'il affirme tout au long du roman que, dans le fond aurait bien voulu être pêcheur de lompe "à l'ancienne", suivant des méthodes saisonnières et une pêche à taille humaine, non mécanisée. Mais que celle-ci est irrémédiablement condamnée avec l'avènement d'une pêche productiviste et "moderne". Et donc qu'Alfgrimer/Laxness ne se consacrent à leur art que par défaut, somme toute - il me semble possible de le déceler aussi dans le mystérieux -bien qu'envahissant, curieusement envahissant et absent- personnage de Garðar Holm.
Selon une sentence, de mémoire attribuée à Toulouse-Lautrec (?), démythifiant l'art comme un absolu: "on peint...faute de mieux...".


Ah, et l'humour, l'humour de Laxness, jouant un peu sur le grotesque, un peu sur la tendresse, je le trouve magnifique ici, car à la différence de la Saga des fiers à bras, où l'humour était prégnant mais pouvait aller jusqu'à donner des hauts-le-cœur sur certaines pointes extrêmes, il n'est, dans ces "Annales", jamais mâtiné de "cru", de violence à la limite (du mauvais côté de la limite ?) du mauvais goût.

La peinture de l'Islande à l'orée du XXème siècle, à juxtaposer, par exemple à celle de Gunnar Gunnarsson est un régal.
Les personnages des grands-parents adoptifs, au reste comme ceux des autres habitants de ce lieu pas ordinaire qu'est Brekkukot, peuvent peut-être paraître secondaires, ou posés sur l'arrière-plan.
A la réflexion, il n'en est rien.
Eux sont cette Islande, sur laquelle l'influence Danoise n'a que peu -ou même pas- de prise, Islande que sans doute Laxness rêve et idéalise.
Une fois de plus, ne choisit-il pas un titre somme toute évocateur de la très ancienne tradition, disparue, de la littérature médiévale islandaise, comme un clin d'œil ?

Un roman que j'ai beaucoup apprécié, à recommander vivement.
N'est-ce pas la marque d'un grand écrivain que de proposer une matière très riche servie par une écriture toute en simplicité ?

Chapitre 11, L'Université des islandais a écrit:Un homme au visage battu par les vents, venu de loin, assis sous la lampe dans l'embrasure de la porte est de la soupente, en tain de lire un livre ou de raconter une histoire;  mon grand-père, qui a fixé un filet à l'une des poutres, réparant en silence maille sur maille; et de même la corde du capitaine Hogensen qui s'allonge et le montant du lit qui craque chaque fois qu'il tire; Runólfur assis, ses doigts entre ses gencives édentées comme un tout petit enfant, les larmes lui coulant le long des joues, non pas parce qu'il est en train de pleurer, mais parce qu'il a été si longtemps en mer que la brûlure du sel ne quitte plus le coin de ses yeux; d'autres encore, assis sur les lits et autres sièges; et la trappe ouverte, ma grand-mère assise en tricotant sur la marche du bas parce qu'elle attend d'autres arrivants. Et l'histoire qui progresse.

Quelle histoire cela pouvait bien être ?

Les histoires étaient nombreuses, et leur point commun était que la manière de les raconter était diamétralement opposée à celle que nous avions coutume d'associer aux romans danois: jamais n'interférait dans l'histoire la propre vie du narrateur, et encore moins ses opinions. Seul, le sujet de l'histoire avait droit de cité.

Jamais ils ne se hâtaient de dire leur histoire, ces hommes. Quand ils en venaient à une chose que les auditeurs trouvaient bien excitante, ils entreprenaient souvent de débiter de longues généalogies; puis ils se lançaient dans une digression, souvent détaillée. L'histoire elle-même avait sa vie propre, calme et lointaine, indépendamment du récit , libre de toute odeur humaine, un peu comme la Nature elle-même, où les éléments règnent seuls sur toute chose. Qu'était un petit homme recroquevillé, invité de passage, comparé au vaste monde de l'époque des héros, le monde de l'épopée avec ses grands évènements qui se sont produits jadis et pour l'éternité ?



D'après un message du 15 février 2015 sur Parfum, harponné sur la banquise.
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Message par Aventin Lun 22 Juil - 19:17

Le paradis retrouvé

Halldor Laxness  Le_par10


Roman, 1960, titre original: Paradísarheimt, 3 chapitres, 270 pages environ.

Bon, ça commence mal, avant même la première page entamée, en dépit du beau titre proustien du livre, et ce à cause des éditions Gallimard:
Traduction de traduction (depuis l'anglais), ce qui est éhonté pour une parution d'un Nobel de fraîche date (alors).
Jusque là, simple montée de moutarde au nez alliée à une franche déception, mais là où j'en veux à Gallimard c'est d'avoir laissé passer une bourde de l'ampleur de:
"titre original: The reclaimed paradise" ce qui est bien évidemment le titre de la...traduction anglaise.

Le sujet est vaguement rébarbatif, n'inspire pas des masses, il s'agit du parcours d'un fermier Steinar de Hlidar, très habile de ses mains pour ce qui est d'épierrer son champ et bâtir des murs (clôtures) de pierres sèches, les plus remarquables. Mais très tôt, l'humour affable de Laxness, sa douce écriture chargée d'un tout léger saupoudrage poétique prennent le dessus. Cet humour est ici basé sur le comique de situation, doublé d'effets naissant d'un couplage entre la naïveté ingénue (tutoyant parfois l'extrême simplicité d'esprit, pour ne pas dire plus) et une droiture généreuse, désintéressée.
On retrouve sa tendresse coutumière de conteur, et aussi sa quête d'un "islandisme", une recherche d'identité qui paraît traverser chacun de ses ouvrages. Ceci étant plutôt inattendu, du fait que l'action se déroule souvent hors d'Islande, et que celle-ci sert plutôt de toile de fond.


Un poney blanc exceptionnel naît, un premier signe, en somme.

Même si la traduction peut irriter (par exemple pourquoi, dans l'extrait ci-dessous, avoir gardé en français un "Creek Banks" anglais, que l'auteur de la traduction de l'islandais vers l'anglais s'était, lui, donné la peine de traduire et de rendre...oui, mais en anglais ?), même si la ponctuation brille par son absence (n'essayez pas de lire à voix haute le même extrait, vous risqueriez l'apoplexie), bref, malgré toutes ces maladresses confinant au franc désagrément, cela reste du Laxness, voyez par vous-mêmes:  

Chapitre 1, Le poney merveilleux a écrit:On raconte que Steinar de Hlidar avait un poney blanc que l'on considérait comme le plus bel animal dans le Sud. Ce cheval était l'espèce de phénomène dont toute ferme a besoin. Il paraissait hors de doute que ce fût une bête surnaturelle et cela depuis que ce jeune poulain avait fait son apparition inopinément aux côtés d'une jument blanche, assez âgée, qui avait longtemps fait partie d'un troupeau vivant dans les montagnes. Au moment de la naissance du poulain, elle paissait à Creek Banks, mais on l'avait mise à l'écurie vers le milieu de l'hiver et personne ne pensait qu'elle portait un petit. S'il y eut jamais un cas d'immaculée conception en Islande, c'est bien celui-là. La naissance eut lieu au milieu d'une tempête de neige neuf jours avant l'été. Pas une fleur en vue, pas même une feuille de patience tapie au pied d'un mur et sûrement aucun signe encore du pluvier doré. Le fulmar avait à peine commencé à se précipiter très haut dans les airs, pour voir si les montagnes étaient toujours là; et soudain une nouvelle créature était venue au monde avant même la naissance du printemps. Le petit poulain courait si légèrement auprès de la vieille jument qu'on aurait dit qu'il touchait à peine le sol avec ses petits pieds et pourtant ces sabots minuscules n'étaient pas tournés vers l'arrière et cela semblait indiquer qu'après tout ce n'était pas un esprit des eaux tout au moins des deux côtés. Mais comme la jument n'était pas préparée à le recevoir, de quoi allait donc vivre cet être surnaturel ?

Et cet animal est vite convoité par les sommités du coin. Mais Steinar "homme qui ne dit jamais ni oui ni non", le meilleur des hommes selon son épouse et l'un de ses deux enfants (sa fille) rejette toutes les propositions.

En fait, l'année suivante, il en fait don au Roi du Danemark (l'Islande est colonie Danoise depuis le XIVème siècle), qui se nomme Christian Williamson (ce qui doit correspondre, si je ne me trompe pas trop, au roi Christian VII qui régna de décembre 1839 à janvier 1848, et nous fournit ainsi une datation de l'action du roman). Il le fait en se rendant, inexplicablement -son rang social ne le lui permet pas- auprès de l'assemblée du roi, son magnifique poney blanc servant de sauf-conduit/passeport.

Plus tard, Steinar de Hlidar fabrique un mystérieux et très ingénieux coffret sans serrure, mais qu'on ne peut ouvrir sans presser chaque bouton dans un ordre déterminé que seul un poème révèle.
Muni de celui-ci, il quitte l'Islande pour la Cour Royale (au Danemark), où il est reçu par le Roi, qui le traite avec égards, il y voit aussi son poney blanc, son objet est incompris et rejeté par les courtisans.
Il rencontre fortuitement un prêcheur Mormon qu'il avait autrefois délivré d'une fâcheuse situation en Islande, puis gagne l'Utah, converti par ce prêcheur-évêque Mormon, abandonnant sa femme, son fils et sa fille à un état de pauvreté tel qu'ils doivent dépendre de l'assistance publique.
L'histoire ne s'arrête pas là. Nos protagonistes, l'un en Utah, les autres en Islande, finiront par renouer (enfin, presque tous !), par delà les coups du sort, les péripéties variées et les illuminations (celles des illuminés) des uns et des autres - mais ne dévoilons pas outre mesure la trame, d'autant que le chassé-croisé Islande/Utah ne s'arrête pas là.


Le thème de la famille (lien familiaux "du sang" et famille sociale, ou choisie, ou modèle déviant par rapport aux normes -cas le la polygamie des Mormons), celui, d'ailleurs, de la normalité en général en un temps et en un lieu (voir le "cas" Bjorn de Leirur, psychopathe -ou sociopathe- ou bien...victime ?) et bien d'autres encore sont finement observés et couchés sur le papier par un Laxness affûté.

Le paradis retrouvé n'a pas tout à fait, à mes yeux, le souffle, la force, la charpente de La Saga des fiers-à-bras, La Cloche d'Islande ou Les Annales de Brekkukot.
C'est juste une autre manière d'écrivain, en somme, et cela s'avère loin d'être décevant, tout au contraire, Le paradis retrouvé  révèle une facette autre de cet auteur dont je m'aperçois qu'il renouvelle beaucoup ses champs d'investigation littéraire, ce qui ne l'empêche pas de poser quelques constantes.


Harponné depuis un baleinier d'un message du 28 février 2015 sur Parfum.
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Message par Bédoulène Lun 22 Juil - 23:04

devant cet avalanche de commentaires, je me dis que je devrais au moins tenter !

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Message par bix_229 Mar 23 Juil - 0:15

Bédoulène a écrit:devant cet avalanche de commentaires, je me dis que je devrais au moins tenter !
Bédou, je te conseille Station atomique pour commencer. Justement à cause du titre aussi et du contenu.
Tu comprendras ! Wink
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Message par Avadoro Dim 17 Jan - 23:59

Halldor Laxness  97822110

Gens indépendants

Halldor Laxness évoque la vie de Bjartur, paysan devenu propriétaire de sa propre ferme et qui s'attache à conserver son indépendance, sa détermination, sa fierté. Alors que le début du XXème siècle, avec l'ombre de Première Guerre mondiale, est une période de transformation profonde qui impacte jusqu'à l'Islande qui semble pourtant isolée par la rudesse de son climat et de sa géographie.

Gens indépendants est une oeuvre complexe tant de multiples thèmes sont abordés : l'histoire, la mythologie, l'économie, la famille...Bjartur, en raison de sa raideur et son obstination, est un personnage qui laisse le lecteur à distance mais qui fascine par une fidélité à des principes, à une vision de l'existence. L'apparition des coopératives, de revendications politiques, ne peut que provoquer une frustration, une incompréhension tant l'attachement à la terre, à obtenir sa propre subsistance, reste son unique fil conducteur.

Pour moi, c'est un souvenir moins fort que La cloche d'Islande dans la mesure où la narration m'a semblé moins accessible et plus ardue. Mais certains passages révèlent une poésie lumineuse, notamment dans la relation entre Bjartur et sa fille Asta Sollilja. Et la tonalité tragique, mélancolique de cette transition vers le monde contemporain offre de poignantes perspectives de réflexion.
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Message par Bédoulène Lun 18 Jan - 23:20

merci Avadoro, pas encore lu "la cloche d'Islande" mais en projet (encore)

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