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Junichiro TANIZAKI

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Message par Bédoulène Jeu 10 Déc - 17:28

merci Tristram ! tu te doutes que l'extrait sur les femmes dans l'ombre m'a interpellée. L'auteur semble t-il convaincu par cette façon de traiter les femmes ?

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Message par Tristram Jeu 10 Déc - 17:50

Il parle du passé, d'ailleurs lui-même était je crois partagé entre différents modèles féminins (libérée ou soumise, etc.) Il montre (et bien) la pesanteur sociale (machiste) qui forma ce "goût".

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Message par Bédoulène Jeu 10 Déc - 20:09

merci Tristram ! (dire que je suis encore réticente pour la littérature Japonaise, je pense tout de même lire mishima vu les commentaires)

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Message par Nadine Jeu 10 Déc - 20:59

Bédou, pour avoir lu, trop jeune, l'essai de Yourcenar sur Mishima, donc pour n'y avoir compris qu'une dépression de la vie, je me dis que c'est choisir du pessimisme, du dur, je sais pas, je revois par exemple ce commentaire plus haut, il y a peut être plus de chair au fruit de ces auteurs, pour désamorcer un arrêt face à la littérature du pays ? :
Armor a écrit:Ah je suis heureuse de lire des impressions aussi positives, janis !
Malheureusement Gnocchi n'est plus là pour nous parler des subtilités du style en japonais, mais je pense qu'en effet, l'écriture doit refléter cette forme de sérénité dont tu parles.
Moi aussi, quand j'ai été totalement immergée dans un livre, j'ai du mal à trouver le suivant... Pour poursuivre avec la littérature japonaise, pourquoi ne pas envisager Kafû, avec Du côté des saules et des fleurs ou Le bambou nain ? Wink
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Message par Bédoulène Jeu 10 Déc - 23:25

je vais réfléchir, de toute façon j'ai dejà une liste à honorer ! merci Nadine !

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Message par Tristram Jeu 10 Déc - 23:29

Kafû, oui, moi aussi je me tâte ; un de ces jours peut-être, si on vient à bout de nos PAL et LAL, hein, Bédoulène !

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Message par bix_229 Jeu 10 Déc - 23:53

Kafu, Oui. j'ai lu plusieurs livres de lui avec plaisir.
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Message par Dreep Lun 31 Mai - 11:21

Le Goût des Orties

psychologique - Junichiro TANIZAKI - Page 3 00389010

Quelques détails disséminés au fil de l'eau dans Le Goût des Orties seront développés par Tanizaki dans son Éloge de l'ombre. Mais avant la publication de cet essai poétique nettement mieux achevé, Tanizaki se lance dans l'écriture de ce roman d'une séparation poussive entre Kaname et son épouse. Entre des "épisodes" où rien n'est jamais conclu, il y a donc ces détails qui scintillent au compte-gouttes, qui émailleront cinq ans plus tard la future réflexion de l'écrivain japonais. Tout le roman repose sur ces petites choses (ou grande, lorsqu'il s'agit du théâtre bunraku) car si leur beauté éclate au cours du dernier chapitre, Tanizaki structure ces éléments d'une manière bien bancale. Les personnages sont fadasses, l'intrigue inexistante, c'est surprenant de la part d'un écrivain qui nous avait habitué à plus corsé, plus enchevêtré. Là, on dirait presque un débutant tâtonnant tant bien que mal dans le sillage de son génie d'aîné, Sôseki. Tanizaki n'a rien d'un débutant mais sa manière manque ici de naturel malgré la simplicité ; le récit reste fluide et agréable à lire malgré la lenteur et l'apathie.
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Message par Bédoulène Lun 31 Mai - 11:53

pas trop de piquant pour ces orties donc !

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Message par Dreep Lun 31 Mai - 12:00

On dira que c'est de la soupe. psychologique - Junichiro TANIZAKI - Page 3 1384701150
Mais c'est bon, la soupe aux orties.
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Message par Tristram Lun 31 Mai - 12:13

Curieux, j'avais apprécié cette indécision portée jusque dans le style !

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Message par Armor Lun 31 Mai - 13:50

Tout comme toi, Tristram, j'avais beaucoup apprécié cette lecture, dont le style et la structure peuvent quelque peu dérouter, mais qui m'avait personnellement conquise.
Gnocchi, je profite de ton retour pour te demander, si tu as l'information, comment ce roman est-il considéré au Japon dans l'oeuvre de Tanizaki ?

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Message par Tristram Lun 31 Mai - 13:59

Content d'apprendre que je ne suis pas le seul à trouver un charme aux orties (et pas que dans la soupe : super aussi dans la purée de patates, Animal !) Egalement curieux des informations de Gnocchi !

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Message par animal Lun 31 Mai - 20:00

J'ai faim. pas d'orties mais des patates... c'est vrai que ça doit être pas mal comme association. psychologique - Junichiro TANIZAKI - Page 3 1171367610

Vous m'intriguez, pour le livre aussi.

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Message par Tristram Jeu 15 Juil - 14:37

Dans l'œil du démon

psychologique - Junichiro TANIZAKI - Page 3 Dans_l14


Le narrateur, un écrivain, accompagne son ami Sonomura, qu’il considère être au bord de la folie (pour le protéger, et aussi par curiosité malsaine), comme ce dernier se rend sur la scène d’un crime annoncé : Sonomura s’en est convaincu notamment en décryptant un message chiffré avec le code exposé par Poe dans sa nouvelle Le scarabée d’or.
Tapis, ils assistent à une scène étrange, une belle femme venant d’étrangler la victime désignée, et dissolvant son cadavre dans un bain chimique avec l’aide d’un complice.
L’aspect rocambolesque de l’intrigue tramée par Tanizaki fait que le lecteur remarque à peine que les deux hommes n’envisagent à aucun moment d’apporter de l’aide à l’homme qu’on va assassiner, ou de prévenir la police : ils saisissent juste l’opportunité d’assister à un meurtre !
Sonomura tombe amoureux de ce « démon du crime », il la rencontre et se lie avec…
Au-delà du topos de la femme fatale et d'une esthétique pernicieuse, il me semble que l’idée principale de cette novella est celle décrite par Poe dans Le démon de la perversité, l'irrésistible pulsion autodestructrice qui mène quelqu’un à des actes contraires à sa propre sauvegarde.

\Mots-clés : #criminalite

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Message par Bédoulène Jeu 15 Juil - 19:59

pas encore ouvert la porte !

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Message par Pinky Lun 31 Jan - 19:54

Quatre sœurs  

Plutôt que de reprendre ce qui a déjà été dit sur les Quatre sœurs que j’ai beaucoup aimé, je me suis attachée à rechercher ce qui « disait le temps » dans l’ouvrage. C’est un peu long mais on peut aussi parcourir, ne pas tout lire
Quels indices ténus ou très explicites parcourent le livre nous faisant percevoir le temps qui passe ?  Temps presque immobile, celui de la tradition alors que peu à peu tout change, l’éducation des enfants, les villes, l’âge des quatre sœurs et de leurs enfants ; temps ancré dans un contexte international de guerre dont les échos parviennent par l’intermédiaire des étrangers, ce qui évite à l'auteur d'en dire trop.


La vision des étrangers : décalages culturels et situation internationale

C’est à la fois une manière de situer les différences culturelles, souvent autour des repas, mais aussi le regard politique des étrangers sur la situation mondiale à la  fin des années 1930. Pour ne pas impliquer les Japonais ?

Les Russes blancs :
"- Je vous présente mon ami, M. Vronski. Tae Ko le connaît.
-Vous avez dit M.Vronski ? C'est un personnage d'Anna Karenine dit Teinosuke.
- Oui ! Vous êtes très au courant ; vous lisez Tolstoï ?
- Tous les Japonais ont lu Tolstoï, Dostoïevsky, dit Kyrilenko à Vronski. »

"Pour quelles raisons avez-vous accroché les photos de LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice du Japon dans l'autre chambre ?
- C'est naturel. Nous, Russes, vivons... grâce à leurs Majestés dit brusquement la "grand-mère" d'un ton sérieux.
- Tous les Russes blancs pensent de même. Ils savent que le Japon combattra le communisme jusqu'au bout.
Kyrilenko poursuivit :
- Comment pensez-vous que les affaires tourneront en Chine ? Est-ce que ce pays ne finira pas bientôt par devenir communiste ?
Je ne comprends pas grand-chose à la politique mais cela m'ennuie de voir le Japon et la Chine en mauvais termes.
- Que pensez-vous de Tchiang-Kaï-chek ?dit Vronski, qui depuis un moment jouait avec un verre vide dans sa main.
- L'an dernier en décembre, Tchang Siue Leang l'avait fait prisonnier. On l'a délivré. Pourquoi ?
- J'imagine qu'il y a eu des choses que les journaux n'ont pas dites.


« Vraiment, je me demandais au début ce qui était arrivé. Katharina toute seule, rienà manger ni à boire : mon estomac criait famine.  Puis,  quand elle a apporté toutes sortes de choses, je me suis mis à dévorer de la manière la plus vulgaire. Comment font les Russes pour manger autant ? Quand il s'agit de boire, je ne leur cède pas mais pour manger, je me déclare vaincu. La "grand-maman" paraissait contente de nous avoir tous. Ces Russes aiment recevoir, même dans une maison aussi petite que celle-là. »

Les Allemands

Les allusions aux Allemands ou la correspondance entre eux et la famille des quatre soeurs sont l'occasion encore une fois soit d'évoquer les décalages culturels, par exemple lors des repas, soit de décrire la situation internationale, la marche vers la guerre et les opinions politiques de Mme Stolz fervente admiratrice d'Hitler.

"Petite fille allemande, rappelez-moi votre nom, dit Sakou qui avait de la peine à se rappeler le nom de Rosemarie. Etes vous à votre aise par terre ? Si vous avez mal dans vos jambes, allongez-les donc.
Fritz et Rosemarie gardaient rigoureusement le silence. On ne les reconnaissait plus.
- Pouvez-vous manger cela, madame ? demanda Teinosuke à Mme Stolz qui tenait sur ses genoux une assiette de soushi qu'elle attaquait maladroitement avec ses bâtonnets.
- Vous n'êtes pas habituée à ces choses ; si elles vous déplaisent n'allez pas plus loin - il aperçut O hana qui servait du thé - Apportez à Mme Stolz quelque chose qu'elle puisse manger, du cake et emportez ces soushi.
- Mais non, je les mange, dit Mme Stolz en empêchant O Hana d'emporter l'assiette de soushi.
- Réellement vous pouvez les manger ?
- Mais, oui...je les aime...
- Vraiment vous aimez cela ? Apportez une cuiller à Mme Stolz
Apparemment Mme Stolz avait dit la vérité, car, elle ne laissa pas un grain de riz sur son assiette.

-
Maman, les Stolz retournent en Allemagne, dit un soir Etsou ko après avoir joué toute la journée chez les voisins.
Le lendemain matin, Satchi Ko, ne se fiant pas à ce qu'avaient dit les enfants, demanda par dessus le grillage à Mme Stolz s'ils avaient dit vrai. "C'est la vérité" répondit Mme Stolz. Son mari lui avait dit que le Japon étant en guerre, les affaires avaient cessé. Depuis le début de l'année, l'agence de Kobe n'avait à  peu près rien fait. Ils avaient attendu jusqu'à présent, pensant que la guerre allait finir. On ne savait pas maintenant quand elle se terminerait. 356.
M. Stolz était parti dans une telle hâte que sa femme avait dû procéder seule aux derniers emballages, aux derniers arrangements et fermer la maison. De son premier étage, Satchi ko la voyait travailler chaque matin. Du haut de sa véranda, ses regards plongeaient forcément sur la partie arrière de la maison voisine. Elle était sûre de voir du matin au soir Mme Stolz travailler avec ses servantes ; elle était émerveillée en apercevant les ustensiles de cuisine, les poêles et les casseroles toujours rangées par ordre de grandeur autour du fourneau et de la table de cuisine, tout cela étincelant, astiqué comme des armes dans une panoplie.  Le lavage du linge, le nettoyage des pièces et l'allumage du bain, la préparation des repas avaient lieu chaque jour à des heures déterminées à tel point que   dans la maison des Makioka, on n'avait pas besoin de consulter une pendule, il suffisait de jeter un coup d'oeil chez les voisins.

Extrait d'une lettre adressée par Me Stolz à Satchi ko et datée du 30 septembre 1938 à Manille qui se termine par :

" Venez nous voir en Europe lorsque la situation générale sera de nouveau tranquille. Actuellement, dans tous les pays, on n'entend que le bruit des armes, mais comme aucun peuple n'aime la guerre, finalement il n'y en aura pas. Je suis sûre que Hitler va arranger la question tchèque. "

Quelques jours plus tard, Satchi ko et Youki ko rencontrèrent par hasard Itani dans la grande rue de Kobe. Elle leur fit part d'une nouvelle inattendue : Itani se préparait à céder son institut de beauté et à se rendre pour la deuxième fois en Amérique afin d'étudier les nouvelles modes dans les soins de beauté. Certains de ses amis lui représentaient que les troubles mondiaux étaient à leur comble, que l'on pouvait craindre des incidents entre les Etats-Unis et le Japon.

Hambourg le 9 février 1941. Lettre de Me Stolz à Satchi ko
"Quand vient le soir, j'en ai assez. J'ai eu d'abord le temps d'écrire des lettres le soir mais maintenant, il faut que je sorte d'une corbeille les bas et les chaussettes des enfants pleins de trous, petits et grands. Autrefois, je les aurais jetés, mais aujourd'hui il ne faut rien gaspiller. Nous devons tous travailler pour être vainqueurs ; chacun doit contribuer aux économies même si sa part est minime. J'ai entendu dire qu'au Japon aussi la vie est devenue difficile.Un de nos amis qui est venu du Japon en congé nous a raconté les changements survenus. C'est un fardeau que doivent accepter les nations jeunes qui veulent marcher de l'avant pour se faire une place au soleil.  Mais je suis fermement convaincue que nous nous ferons cette place.

Les Chinois
Plus proches, les Chinois sont évoqués comme "exotiques" :
« Quand on plonge les regards vers le port, on a une sensation d'exotisme comme si l'on était à Nagasaki.
- oui vraiment on se croirait à Nagasaki.
- Je  vais souvent dans des restaurants chinois de la rue de Nankin, mais je n'avais aucune idée qu'il put exister un endroit comme celui-ci à Kobe.
- C'est tout près de mon bureau, vous savez ; nous venons souvent ici.  De plus, la cuisine est bonne.
- oui, nous parlons d'exotisme, regardez cette construction ; elle ressemble à celle que vous pouvez voir dans les ports chinois.  Le style des restaurants chinois construits par des Chinois est souvent laid, mais celui-ci présente dans ses sculptures, dans la décoration de ses pièces, des particularités intéressantes.
- il y a un navire de guerre dans le port! »

On ne sait pas quelle est sa nationalité mais cette  brève remarque renvoie aussi au climat de guerre qui est très discrètement en arrière-plan du roman. On passe des remarques sur le goût chinois au contexte précis du conflit entre le Japon et la Chine
En suivant le récit de la rencontre organisée dans le restaurant pour Youki ko, le malaise des uns et des autres se mêle un peu plus loin à une évocation des événements en Europe :
"Les convives s'assemblèrent autour d'une table ronde. Satchi ko en face de Nomoura. Dès le début du repas, on servit du saké japonais et du choo-sing chinois. Jimba parla de l'Anschluss publié le matin par les journaux, la conversation roula quelque temps sur la démission de Schuschnigg et l'entrée d'Hitler à Vienne."

Le temps cyclique

Les saisons
Le temps qui passe est scandé par le retour des cerisiers en fleurs chaque année en avril. L'épisode de la chasse aux lucioles a lieu aussi  à un moment précis
Les saisons sont signalées par différents indices.  L'hiver de Tokyo se distingue de celui d'Osaka par le froid (lettre de Tsourou ko du 18 janvier, l'année n'est pas précisée alors qu'elle l'est dans les lettres qui évoquent des événements historiques précis comme la guerre.
La floraison des arbres est un indice du printemps. Le moment le plus important est celui de la fête des cerisiers ; alors que Youki ko doit repartir pour Tokyo, Teinosuke et Satchi ko la retiennent pour qu'elle les accompagne.
"En outre, on ne pouvait faire cette partie annuelle si un membre de la famille manquait.....La partie fut fixée pour le samedi 9 et le dimanche 10  avril. "
Cette "partie" nécessite des préparatifs : " Jusque-là, Youki ko n'avait pas dit si elle partirait ou non, mais le samedi matin, elle monta au premier étage et commença ses préparatifs. Quand elle eut fini de se farder, elle ouvrit sa valise, prit, tout au fond, un paquet qu'elle ouvrit. C'était un kimono spécialement choisi pour aller voir les cerisiers.
-As-tu vu ce qu'elle a apporté ?dit Tae ko à Satchi ko qu'elle aidait à fixer son obi.
Youki ko avait quitté la pièce un instant.
-Youki ko ne dit rien mais elle arrive à ce qu'elle veut;"
Aux coutumes se mêlent les indices du caractère des personnages. Youki ko, la taciturne et la timide, s'affirme en venant avec un kimono destiné à la fête des cerisiers.

La chasse aux lucioles

la campagne n’avait guère changé depuis dix ans, mais c’était la saison de la chasse aux lucioles. L’endroit n’était pas particulièrement réputé pour les lucioles, mais dans une semaine le spectacle des essaims de lucioles volant dans l’obscurité sur les bords de la petite rivière sans nom qui court au milieu des rizières serait joli. Certainement il les intéresserait parce que différent d’une cueillette de champignons ou d’une promenade aux érables rouges. De plus la saison des lucioles était courte ! »

Jours fastes et jours néfastes et convenances

Les rendez-vous en vue du mariage de Youki ko sont subordonnés aux moments fastes ou néfastes. "M.Nomoura avait exprimé le désir que l'entrevue eût lieu autant que possible avant le passage de l'hiver au printemps" en note il est précisé "c'est à dire vers le 5 février d'après le vieux calendrier ». Autre contrainte :
" Or, ce mois-ci, du 18 au 24, c'était la semaine de l'équinoxe, qu'il convenait d'éviter ; auparavant, il n'y avait à partir du 8 que le 15 qui fût convenable, sinon il faudrait attendre le mois suivant"

Les clivages sociaux sont une sorte d’obsession lors des rendez-vous pour marier Youki Ko. S’allier à une famille convenable est un enjeu d’importance parfois presque plus importante que les qualités du fiancé lui-même.

Satchi ko s'était mise à détester Okoubata sous l'influence de Teinosuke ; actuellement, elle n'était pas bien disposée à son égard très certainement, mais quand elle le comparait à Itakoura, elle trouvait qu'il méritait une certaine pitié. Il représentait peut-être le type de l'enfant prodigue et débauché, il n'avait certainement aucune valeur ; au premier coup d'oeil, on s'apercevait de sa frivolité et il donnait mauvaise impression ; mais il était né dans une vieille famille de Semba avec qui l'on avait eu de bonnes relations. Bon ou mauvais, il appartenait à leur classe. "

Catastrophes naturelles et ce temps qu’on ne peut pas prévoir
Typhons, inondations, tremblements de terre sont évoqués ainsi que la description d'un typhon à Tokyo dans la maison ainée
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Message par Bédoulène Lun 31 Jan - 20:12

merci Pinky, tu as bien argumenté !

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Message par Tristram Lun 31 Jan - 20:25

Oui, intéressant de suivre un fil conducteur dans un vaste ouvrage qui en comporte plusieurs !

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Message par Tristram Sam 19 Mar - 11:49

Deux amours cruelles

psychologique - Junichiro TANIZAKI - Page 3 41jxkq10

L’histoire de Shunkin
À Osaka pendant l’ère Meiji, c'est-à-dire au XIXe siècle, Shunkin est déjà une musicienne prodige lorsqu’elle perd la vue à neuf ans. Nukui, son guide et serviteur, deviendra son disciple qu’elle traite durement.
« Autrefois, pour former les jeunes artistes, les professeurs se montraient d’une sévérité inimaginable, allant jusqu’aux châtiments corporels. »
Exigeante, voire capricieuse, à la fois éprise de luxe et avare, hautaine, cela lui vaut d’être défigurée dans une agression, et Nukui s’aveugle pour lui complaire en s’empêchant définitivement de voir son visage abîmé. Il lui donnera des enfants qu’ils abandonnent, avant de lui survivre vingt et un ans, toujours dans l’amour idéalisé de Shunkin.
« Les coups de la belle aveugle leur procuraient sans doute une étrange volupté ; il devait y avoir du Jean-Jacques Rousseau chez certains… »
Cette novella est typique du raffinement japonais tourné vers la beauté.
« Au Pont de Yodo, par les journées ensoleillées du printemps, les voisins de Shunkin voyaient souvent la musicienne aveugle lâcher son alouette dans le ciel. Sasuke se tenait toujours auprès d’elle, avec la femme de chambre chargée du soin de la cage. Shunkin donnait à sa servante l’ordre d’en ouvrir la porte. L’oiseau s’échappait joyeusement, volait de plus en plus haut, lançant ses trilles, jusqu’à disparaître dans la brume. La musicienne levait ses yeux aveugles comme pour suivre cet envol et tendait l’oreille pour percevoir la mélodie qui allait résonner dans les nuages.
Parfois d’autres amateurs se joignaient à elle avec leurs alouettes préférées et les voisins, alertés, apparaissaient sur leurs terrasses pour ne pas manquer ce spectacle. Parmi eux se trouvaient certes quelques curieux, plus désireux de voir la belle musicienne que les alouettes. Sa cécité leur semblait-elle un charme de plus ? Quand Sasuke la conduisait jusqu’à la demeure d’un élève, Shunkin, silencieuse, avait toujours un visage fermé. Mais quand elle lâchait ses alouettes, elle souriait, se mettait à parler avec vivacité et sa beauté prenait un éclat vivant et juvénile. C’est peut-être cette transformation que les curieux guettaient. »
C’est une histoire emblématique d’amour cruel, caractéristiquement japonaise jusque dans sa suave perversité.

Ashikari − Une coupe dans les roseaux (aussi publié sous le titre Le coupeur de roseaux)
Oyu, jeune veuve avec un enfant, doit traditionnellement rester fidèle à son mari décédé ; ne pouvant se remarier avec Serizawa qui l’aime et qu’elle aime, sa sœur cadette Oshizu épouse ce dernier, mariage blanc qui évite la séparation des deux amoureux, et en fait les rapproche.
L’histoire est racontée au narrateur par le (fantôme du) fils de Serizawa, revenu comme tous les ans épier Oyu qui célèbre en musique la pleine lune de septembre…
« "Le crêpe de soie n’est pas toujours de bonne qualité parce qu’il est souple, reprit mon père. Il faut l’apprécier d’après la finesse de ses plis. Quand on palpe un corps de femme à travers un tel crêpe, le grain de la peau est beaucoup plus sensible, et l’étoffe elle-même, quand elle recouvre un épiderme soyeux, se révèle très agréable au toucher. »

« Si mon père s’était entêté, il ne fût resté, pour Oyu-sama et pour lui, que la solution du double suicide. Plus d’une fois il y avait songé, m’avoua-t-il, mais il hésitait à la pensée d’abandonner Oshizu. Au fond de son cœur, il savait que ce serait une façon lamentable de lui témoigner sa gratitude et d’un autre côté, mon père répugnait à un triple suicide. »
Donc aussi une histoire d’amour étrange, de psychologie tordue, de dilemme cornélien, de tragédie grecque, vraiment… cruelle – et toujours d’une grande délicatesse, portée jusqu’au rituel nostalgique.

\Mots-clés : #amour #psychologique #traditions

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