Jean-Loïc Le Quellec
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Jean-Loïc Le Quellec
Jean-Loïc Le Quellec
(né en 1951)
(né en 1951)
Jean-Loïc Le Quellec est ethnologue, anthropologue, spécialiste de la préhistoire et de l'art rupestre saharien.
Il est diplômé de l’École pratique des hautes études (paléoécologie du quaternaire) et docteur en anthropologie, ethnologie et préhistoire.
Directeur de recherches au CNRS, il a réalisé de nombreux ouvrages sur l'art rupestre du Sahara, en particulier de la Libye.
Fondateur de Traces, cabinet d'ethnologie-préhistoire, il effectue des missions d'expertises pour le compte de l'UNESCO ou de divers organismes. Il préside l'association des Amis de l'art rupestre saharien (AARS).
Jean-Loïc Le Quellec a aussi écrit sur les traditions populaires de Vendée. Également vice-président de la Société de Mythologie Française, il a publié un "Dictionnaire de zoologie mythique" (1995).
Il a obtenu conjointement avec ses deux coauteurs le Prix Bordin de l'Académie en 2006, et le Prix Burkhard de l'Archéologie lui a été attribué par l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 2008, pour son travail au Sahara central.
Publications
Art rupestre du Sahara
• 2005 : Jean-Loïc Le Quellec, Pauline de Flers et Philippe de Flers, Peintures et Gravures d'avant les pharaons : du Sahara au Nil
• 2006 : Chamanisme et Arts préhistoriques : Vision critique
• 2012 : Arts rupestres et Mythologies en Afrique
• 2012 : Murs d'images : Art rupestre de la Tassili-n-Ajjer
Études sur la mythologie
• 2017 : Dictionnaire critique de mythologie (avec Bernard Sergent)
• 2021 : Avant nous le déluge ! L’Humanité et ses Mythes
Mythologie moderne
• 2009 : Des Martiens au Sahara : Chroniques d'archéologie romantique
• 2010 : La Dame blanche et l'Atlantide : Ophir et le grand Zimbabwe : enquête sur un mythe archéologique
• 2012 : Alcool de singe et Liqueur de vipère, Légendes urbaines
• 2013 : Dragons et Merveilles : Voyage en mythologies
• 2013 : Jung et les archétypes : Un mythe contemporain
• 2023 : Des Martiens au Sahara : Deux siècles de fake news archéologiques
Bas-Poitou
• 1988 : Les Sobriquets du Bas-Poitou
• 1989 : Chroniques d'un village vendéen Les Magnils–Reigniers
• 1994 : Proverbes de Vendée
• 1994 : avec Bernadette Bidaude, Contes du marais
Art pariétal
• 2022: L’Homme de Lascaux et l’Énigme du puits
• 2022 : La Caverne originelle: Art, mythes et premières humanités
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Jean-Loïc Le Quellec
La Caverne originelle,
Art, mythes et premières humanités
Près de 900 pages, des milliers de notes, une iconographie abondante et une bibliographie quasi exhaustive : le travail impressionne par son ampleur et sa rigueur.
Jean-Loïc Le Quellec pose une simple question : qu’est-ce qui a poussé des hommes du paléolithique à s’aventurer dans des grottes, prendre des risques pour graver, peindre, parfois modeler des images au fond de boyaux difficiles d’accès. Pour y répondre, il exclut de son étude l’art mobilier et de plein air, se concentrant sur l’art des cavernes proprement dit.
Jean-Loïc Le Quellec est un anthropologue et un mythologue. Il travaille avec une approche, des méthodes différentes de celles utilisées par les spécialistes de la question, les pariétalistes. C’est l’un des principaux attraits de son livre. L’auteur pointe régulièrement, non sans malice, les failles méthodologiques qui entachent les diverses interprétations données jusqu’à présent à cette forme d’art.
Qu’est-ce qu’on voit :
Ajoutons que toutes les étapes possibles peuvent exister entre images mimétiques et signes, la lecture et la catégorisation devenant alors très aléatoire. Par exemple, un tracé digital dans le mondmilch (ou « lait de lune » = dépôt blanchâtre, humide et meuble, recouvrant les parois de certaines grottes) peut se limiter à un trait cursif évoquant le dos d’un animal.
Une autre difficulté provient de l’enchevêtrement des images qui ont pu être réalisées à des périodes éloignées les unes des autres. Ainsi, cette « mésaventure » survenue au « sorcier » ithyphallique de Saint-Cirq due à une mauvaise lecture :
Les interprétations
La nécessité de sources de travail fiables (relevés, bases de données) étant posée, l’auteur examine les différentes interprétations données à l’art pariétal, des plus saugrenues aux plus sérieuses. Dans la première catégorie donnons cet exemple de tentative de lecture des images à l’aide d’une proto langue préhistorique :
D’autres tentatives d’explications méritent, elles, un examen plus serré : théorie de la chasse, animisme, totémisme, chamanisme, structuralisme.
L’un des principaux reproches adressé par Le Quellec aux préhistoriens est de s’aventurer dans des explications fondées sur des notions anthropo-philosophiques mal définies. C’est le cas notamment du chamanisme, une théorie très en vogue ces dernières années mais qui s’appuie sur des écrits anciens et contestable, déconnectés des travaux sur le terrain :
Il faut donc se résigner au fait qu’aucune explication globale de l’art pariétal d’époque paléolithique ne résiste à une analyse sérieuse.
Le mythe de l’Emergence primordiale
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à un domaine que Jean-Loïc Le Quellec maîtrise particulièrement, celui des mythes ; plus précisément celui de l’Emergence primordiale. En résumé, de nombreuses cultures réparties sur le globe possèdent des mythes selon lesquels animaux et êtres humains vivaient à l’origine sous terre puis ils se sont répandus à l’air libre en sortant par une caverne. L’auteur, par un travail de répartition géographique et d’analyse phylomémétique, technique inspirée de la phylogénétique permettant une archéologie des mythes, en arrive à la conclusion que le mythe de l’Emergence trouverait ses origines en Afrique dès le paléolithique ; de ce foyer, il se serait répandu sur les autres continents.
Je ne dispose pas des outils permettant d’infirmer ou de confirmer cette théorie qui semble a priori très séduisante. En effet, elle expliquerait la présence de représentations jusqu’au plus profond des cavités souterraines. Dans de nombreuses variantes du mythe, animaux et humains sont indifférenciés lorsqu’ils sont sous terre, ce qui expliquerait que la plupart des représentations humaines des grottes soient incomplètes et « animalisées ». Enfin, la prise en compte du relief des surfaces par les artistes paléolithiques évoque assez bien l’idée d’un monde en création, comme si animaux et humains surgissaient de la paroi.
Pour ceux que la question intéresse, voici un extrait de conférence dans laquelle Jean-Loïc Le Quellec présente avec grande pédagogie les grandes lignes de son travail.
Art, mythes et premières humanités
Près de 900 pages, des milliers de notes, une iconographie abondante et une bibliographie quasi exhaustive : le travail impressionne par son ampleur et sa rigueur.
Jean-Loïc Le Quellec pose une simple question : qu’est-ce qui a poussé des hommes du paléolithique à s’aventurer dans des grottes, prendre des risques pour graver, peindre, parfois modeler des images au fond de boyaux difficiles d’accès. Pour y répondre, il exclut de son étude l’art mobilier et de plein air, se concentrant sur l’art des cavernes proprement dit.
Jean-Loïc Le Quellec est un anthropologue et un mythologue. Il travaille avec une approche, des méthodes différentes de celles utilisées par les spécialistes de la question, les pariétalistes. C’est l’un des principaux attraits de son livre. L’auteur pointe régulièrement, non sans malice, les failles méthodologiques qui entachent les diverses interprétations données jusqu’à présent à cette forme d’art.
Qu’est-ce qu’on voit :
Et de citer l’exemple de la colombe ou de l’agneau dans la religion chrétienne. Il faut garder à l’esprit que la représentation d’un mammouth pouvait représenter tout autre chose qu’un mammouth pour celui qui l’a peint ou gravé sur les parois.« Idéalement, afin d’éviter d’interminables discussions sur la notion d’ « art préhistorique », il conviendrait de considérer l’ornementation pariétale comme étant uniquement composée d’images, toutes dignes de la même attention, « images » étant ici entendu au sens de Léon Battista Alberti qui, au XVe siècle, désignait ainsi toute chose ayant fait l’objet d’un minimum de travail humain. Il y aurait d’une part les images mimétiques (imitant des formes reconnaissables), et d’une autre les images non mimétiques, conventionnellement appelées « signes » par les archéologues. La difficulté – insurmontable – est que le critère du mimétisme ne vaut que pour nous, et que nous ignorons ce qu’il en était pour les Paléolithiques. »
Ajoutons que toutes les étapes possibles peuvent exister entre images mimétiques et signes, la lecture et la catégorisation devenant alors très aléatoire. Par exemple, un tracé digital dans le mondmilch (ou « lait de lune » = dépôt blanchâtre, humide et meuble, recouvrant les parois de certaines grottes) peut se limiter à un trait cursif évoquant le dos d’un animal.
Une autre difficulté provient de l’enchevêtrement des images qui ont pu être réalisées à des périodes éloignées les unes des autres. Ainsi, cette « mésaventure » survenue au « sorcier » ithyphallique de Saint-Cirq due à une mauvaise lecture :
Il est donc impératif de s’appuyer sur des relevés récents réalisés selon des normes et non pas sur des relevés anciens trop souvent entachés par une part interprétative du dessinateur. Une grande partie de ce travail reste encore à faire…« Avec un sérieux imperturbable, d’aucuns ont calculé un « indice sexuel (masculin) par le rapport simple entre la longueur phallique, multipliée par 100, que divise la hauteur moyenne de l’individu », obtenant pour l’homme moderne un indice variant de 4 à 5 pour l’état flaccide, et de 7,6 à 10 pour l’érection. Louis-René Nougier, désireux de faire avancer la science, appliqua cet indice à une douzaine de figures pariétales et mobilières, et attribua le record mondial à cet homme de Saint-Cirq, « avec un indice exceptionnel de 22 ». Malheureusement, cette belle performance a été récemment remise en cause, car ces mensurations formidables s’appuyaient sur des relevés erronés : le « sexe » du fameux « sorcier » résulte de la reprise de l’une des pattes postérieures d’un cheval antérieurement gravé. »
Les interprétations
La nécessité de sources de travail fiables (relevés, bases de données) étant posée, l’auteur examine les différentes interprétations données à l’art pariétal, des plus saugrenues aux plus sérieuses. Dans la première catégorie donnons cet exemple de tentative de lecture des images à l’aide d’une proto langue préhistorique :
Avouons que ce type d’interprétation, faute de mieux, fait preuve d’une belle créativité poétique !« Selon ce type d’hypothèse, l’art pariétal serait donc assimilable à une sorte d’écriture, transcrivant un langage que, dans les années 1990, Hans Bornefeld a même cru parfaitement décrypter. Pour lui, les peintures d’Altamira et de Lascaux relèveraient d’un système de notation phonétique à base de ce qu’il appelle des « théroglyphes », donc des « glyphes » à forme animale. En utilisant des dérivations linguistiques de son cru, il a d’abord pensé reconstruire un vocabulaire paléolithique de base, comportant par exemple les mots pour « cheval », « bison », et « main », qui seraient « uma », « to » et « te ». Les mêmes sujets peints sur les parois pourraient alors se lire en fonction de leur juxtaposition ou de leur superposition. Par exemple, une main négative (« te ») placée sur un cheval (« uma ») se lirait « tuma », et d’autres combinaisons se liraient « timi », « tema », « tamo », « tama » etc. En appliquant cette méthode ( ?!) l’auteur prétendit déchiffrer des parois entières, comme celle de Lascaux qui, selon lui, devrait se lire « tu tuma omo timi tema tumu yama aya », c'est-à-dire : « Le soleil éclipsera la lune, à moins de sacrifier le prince à la déesse de la lune. » S’imaginant avoir ainsi déchiffré la langue qu’il appelle le « cromagnonnais », il exposa ensuite que la société des peintres était matriarcale et entretenait des prêtresses au service d’une Déesse Mère. Mieux, il a créé un Institut spéléoglyphique européen (à vrai dire très confidentiel) qui a édité une grammaire du cromagnonnais, et même des règles d’orthographe. »
D’autres tentatives d’explications méritent, elles, un examen plus serré : théorie de la chasse, animisme, totémisme, chamanisme, structuralisme.
L’un des principaux reproches adressé par Le Quellec aux préhistoriens est de s’aventurer dans des explications fondées sur des notions anthropo-philosophiques mal définies. C’est le cas notamment du chamanisme, une théorie très en vogue ces dernières années mais qui s’appuie sur des écrits anciens et contestable, déconnectés des travaux sur le terrain :
En définitive, de nombreuses explications sont possibles, mais non prouvables. Le Quellec reprend alors à son compte la réponse faite par le prix Nobel de physique Wolfgang Pauli à propos du travail d’un étudiant : « ce n’est même pas faux » ; autrement dit, le raisonnement est exact mais ne prouve rien. De plus, les différentes théories d’explication sont incompatibles entre elles et s’excluent l’une, l’autre.« Par ailleurs, de quel chamanisme parle-t-on ? La survalorisation des « états de conscience altérés » dans le discours occidental sur le chamanisme prolonge le courant lancé en 1951 par Mircea Eliade, qui considérait ce dernier comme une « technique de l’extase » alors même que, par exemple, les chamanes mongols ou bouriates n’entrent jamais en « transe ». Le livre d’Eliade sur le chamanisme est une sorte de fiction primitiviste semi-érudite, fondée sur des sources jamais évaluées, négligeant systématiquement la littérature ethnographique de première main. Cette synthèse était principalement destinée, selon son propre aveu, à séduire les artistes et les littéraires. Ses thèses sont uniquement adoptées par des non-spécialistes, alors même que ni Roberte Hamayon, ni Michel Perrin, ni Charles Stépanoff n’acceptent l’idée que la transe ou l’extase pourraient définir le chamanisme, tant les contre-exemples abondent. Il est du reste aisé de vérifier que de nombreuses cultures du monde connaissent la « transe » sans pour autant pratiquer le « chamanisme » - quelque soit le sens donné à ces termes. »
Il faut donc se résigner au fait qu’aucune explication globale de l’art pariétal d’époque paléolithique ne résiste à une analyse sérieuse.
Le mythe de l’Emergence primordiale
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à un domaine que Jean-Loïc Le Quellec maîtrise particulièrement, celui des mythes ; plus précisément celui de l’Emergence primordiale. En résumé, de nombreuses cultures réparties sur le globe possèdent des mythes selon lesquels animaux et êtres humains vivaient à l’origine sous terre puis ils se sont répandus à l’air libre en sortant par une caverne. L’auteur, par un travail de répartition géographique et d’analyse phylomémétique, technique inspirée de la phylogénétique permettant une archéologie des mythes, en arrive à la conclusion que le mythe de l’Emergence trouverait ses origines en Afrique dès le paléolithique ; de ce foyer, il se serait répandu sur les autres continents.
Je ne dispose pas des outils permettant d’infirmer ou de confirmer cette théorie qui semble a priori très séduisante. En effet, elle expliquerait la présence de représentations jusqu’au plus profond des cavités souterraines. Dans de nombreuses variantes du mythe, animaux et humains sont indifférenciés lorsqu’ils sont sous terre, ce qui expliquerait que la plupart des représentations humaines des grottes soient incomplètes et « animalisées ». Enfin, la prise en compte du relief des surfaces par les artistes paléolithiques évoque assez bien l’idée d’un monde en création, comme si animaux et humains surgissaient de la paroi.
Pour ceux que la question intéresse, voici un extrait de conférence dans laquelle Jean-Loïc Le Quellec présente avec grande pédagogie les grandes lignes de son travail.
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Jean-Loïc Le Quellec
Passionnant (et non dénué d'humour) ! Certes il faudrait approfondir...
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15928
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Jean-Loïc Le Quellec
Oui, il y a un côté "malicieux" chez Le Quellec. J'ai oublié de signaler que son livre, comme sa conférence, est très pédagogique. L'auteur aborde des notions complexes mais les présente de manière très simple ; par exemple quand il expose les ontologies de Ph. Descola au sujet des théories animistes, j'ai compris (enfin, à peu prés...)
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
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