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In Koli Jean Bofane

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Message par Armor Mar 13 Déc - 16:36

In Koli Jean Bofane
Né en 1954

In Koli Jean Bofane Autor-10

In Koli Jean Bofane, né le 24 octobre 1954 à Mbandaka en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), est un écrivain kino-congolais.

In Koli Jean Bofane arrive en Belgique en 1960 pendant les troubles de l’indépendance. Après des aller-retour entre le Congo et l'Europe, quelques péripéties et des études en publicité et communication, il rentre au Zaïre en 1983.
Il exerce dans la publicité (Factuel-Média) qui émerge à ce moment là à Kinshasa, jusqu’au moment où le Maréchal Mobutu met en place un processus démocratique en 1991, ce qui lui permet de créer une maison d’édition (Publications de l’Exocet).

En 1993, suite aux pillages et à la répression subie par le milieu de la presse et de l’édition, In Koli Jean Bofane quitte définitivement son Congo natal et s'installe en Belgique avec sa famille.

Son premier roman  « Pourquoi le lion n’est plus le roi des animaux » paraît en 1996. Il s'agit d'une parabole sur la dictature qui annonce, un mois avant l’arrivée de Laurent-Désiré Kabila, la fin du régime de Mobutu.
Les romans d'In koli Jean Bofane sont traduits dans une douzaine de langues.
sources : Wikipédia et Babélio


Bibliographie :

1996 : Pourquoi le lion n'est plus le roi des animaux (édition jeunesse)
2000 : Bibi et les Canards
2008 : Mathématiques congolaises
2014 : Congo Inc. Le Testament de Bismarck


Dernière édition par Armor le Ven 16 Déc - 14:10, édité 1 fois
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Message par Armor Mar 13 Déc - 16:41

In Koli Jean Bofane 97827411

Mathématiques congolaises

Entre-temps, la Faim, au milieu de la population, gagnait du terrain, faisait des ravages considérables. Elle progressait en rampant, impitoyable comme un python à deux têtes. Elle se lovait dans les ventres pareille à un reptile particulièrement hargneux creusant le vie total autour de sa personne. Ses victimes avaient appris à subir sa loi. En début de journée, avant qu'elle ne se manifeste, on n'y pensait pas trop, absorbé par le labeur qui permettait justement de manger et ainsi obtenir un sursis. On faisait semblant d'oublier, mais l'angoisse persistait à chaque moment. En début d'après-midi, avec le soleil de plomb qui accélère à la déshydratation, cela devenait plus compliqué. L'animal qui, depuis longtemps, avait pris la place des viscères,  manifestait sa présence en affaiblissant le métabolisme, se nourrissant de chair et d'autres substances vitales. On était obligé de vivre sur ses maigres réserves. L'effort faisait trembler les membres, rendait les mains moites et froides, le cœur avait tendance à s'emballer. Pour calmer la bête, on lui faisait alors une offrande d'eau froide, pour qu'elle se sente glorifiée. Cela ne dure pas, car juste après, elle jouait sur le cerveau et d'autres organes de la volonté et du sens combatif. On pouvait avoir tendance à quémander et à mendier. certains devenait même implorants, parce qu'elle laminait, de son ventre rêche, des choses aussi précieuses que l'orgueil et la fierté. Elle était omniprésente et omnipotente. On ne conjuguait plus le verbe « avoir faim ». À la question de savoir comment on pouvait aller, la réponse était :  «Nzala ! », « La Faim ! ». Elle s'était institutionnalisée.

La Faim… La Faim est omniprésente dans ce roman. Les habitants de Kinshasa passent leur journée à tenter de la contrer, sans grand succès la plupart du temps. C'est pour gagner un peu d'argent afin d'apaiser la Faim que de jeunes habitants acceptent régulièrement de jouer le rôle de partisans du gouvernement lors de manifestations factices contre l'opposition.
Mais il peut arriver qu'une manifestation dégénère, et que l'on déplore des morts. Innocentes victimes des petits jeux de dupes auxquels se livrent les puissants du pays… C'est en venant faire taire une famille éplorée que l'homme de l'ombre du président, Gonzague Tsihilombo, remarque Célio Matemona, dit Celio Mathematik.

Celio, que la guerre civile a rendu orphelin, n'a dû son salut qu'à un prêtre missionnaire et à la découverte émerveillée des mathématiques. Dès lors toute situation devint pour lui sujette à analyse, résumée en quelques théorèmes mâtinés d'une ou deux sentences de Machiavel. Gonzague Tshilombo pressent que ce drôle d'énergumène pourrait être utile à la présidence, et l'embauche. L'idéaliste Celio se retrouve donc au service d'un homme sans scrupule, qui "appréciait de vivre cette période de transition. Il estimait connaître des moments privilégiés ou le savoir-faire des hommes tels que lui était nécessaire. Il était non seulement l'expert en écran de fumée, mais aussi le spécialiste en « comment poser une poutre dans l'œil du voisin sans faire tomber la paille qui s'y trouve déjà, des qualités inestimables en matière d'intoxication et de désinformation, car telle était sa véritable tâche."

Désir de s'élever dans la société, de quitter les petits boulots précaires, de jouir de l'argent facile, Celio fait taire sa conscience et met toute la fougue de sa jeunesse au service de son employeur.
L'Europe fait pression sur l'état congolais ? Jouons donc le jeu de la démocratie, si cela peut leur faire plaisir, mais tentons néanmoins de tourner chaque situation à notre avantage…Celio découvre avec grand plaisir que les mathématiques lui permettent de se jouer des hommes à sa guise et d'anticiper leurs réactions pour mieux les influencer. Et tant pis si quelques innocents sont balayés au passage, il est si amusant, et si facile de manipuler les foules !
Mais quand on est un enfant de la rue, un idéaliste, un ami des opprimés, peut-on indéfiniment faire taire sa conscience ? Tel sera le dilemme auquel Celio sera confronté…

La plume d'In Koli Jean Bofane, teintée d'humour noir, est un subtil mélange de décontraction et de recherche, et décrit à merveille la vie quotidienne des kinois. La quête d'argent happe certes toute leur énergie, mais ils n'en oublient toutefois pas de palabrer, d'aimer, et… d'entretenir leur amour de la sape !
Pendant ce temps, les puissants usent et abusent de leur pouvoir pour maintenir le pays sous leur joug, se jouant des hommes et des concepts avec un cynisme qui fait froid dans le dos. Les sorciers et autres féticheurs sont régulièrement mis à contribution, pour aider une ascension sociale ou pour faire taire une conscience trop longtemps bafouée… L'humour sous-jacent ne met que plus en valeur la déliquescence d'un pays gangrené par une corruption généralisée et un pouvoir oublieux de son peuple, qui ne sert que ses intérêts particuliers.
Sans céder à la facilité ni à l'exotisme, l'auteur est parvenu à rendre palpable la réalité de ce Congo ravagé par les luttes intestines. Mais une fois le livre refermé, c'est la dignité et la force de vie du "petit peuple" que le lecteur a envie de retenir, en espérant qu'un jour le mot "démocratie" décrira une réalité bien tangible, et non plus un concept détourné à leur profit par des dirigeants corrompus…

Chaque jour, le pouvoir d'achat s'amenuisait. Les denrées alimentaires étaient rares et hors de prix. Le système de santé n'existait plus depuis longtemps. Le sida et ses conséquences s'étant ajoutés à tout cela, l'ensemble était devenu ingérable. Les gens ne tenaient plus que par la peau qui les recouvrait. Pour l'éducation, c'étaient les parents qui s'organisaient pour payer le salaire des professeurs. Dans ce contexte, seul Dieu faisait des miracles, et encore, il avait un mal fou à suivre.


(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #corruption #regimeautoritaire #social


Dernière édition par Armor le Jeu 24 Mai - 0:21, édité 8 fois
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Message par Bédoulène Mar 13 Déc - 16:49

J'apprécie beaucoup l'écriture des auteurs d'Afrique du Sud, qui savent si bien manier l'humour dans les heures les plus sombres.

merci Armor

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