Georges Simenon

En tout cas fort inspiré de son enfance. Un livre à part, assez long, marquant, et contenant cette belle phrase à multiples évocations :

« Contrairement à ce qu’il se serait figuré autrefois, ce sont les passants qui sont dans l’aquarium et c’est lui qui, à travers les vitres de la librairie, les observe avec une curiosité légèrement apitoyée. »
Georges Simenon, « Pedigree », III, 9

un jour !

Maigret (1934)

Faux dernier de la série et en mode post retraite. C'est qu'à peine installer on vient le déloger de son bord de Loire pour tirer d'un sale pétrin son jeune neveu, policier qui se retrouve compromis dans une sale histoire.

Après Maigret qui n'a plus besoin d'être policier, Maigret qui ne l'est plus ? Comme dans pas mal de série il y a aussi une manière de laisser la place à une suite. Ambiance magouille et tentation contre quiétude provinciale. Question qu'est-ce qui fait l'homme Maigret, le besoin de savoir, le devoir d'aider les siens ? Les tentations de ce monde qui est lui aussi sans l'être.

ça marche bien toujours, et les glissements et jeux de positions des composantes du personnage et de la série on du charme. L'obstination ça compte aussi...

constance de la part de Maigret et la tienne !

je fais maintenant des efforts pour lire autre chose !

C'est effectivement addictif, comme le polar en général : je fais aussi des efforts pour ne pas abuser de ces bonnes choses !

Les Caves du Majestic (1942)

ça fait toujours plaisir de retrouver Maigret mais passés les portraits d'ouverture on a l'impression que Simenon cherche à utiliser des ressorts sûrs mais la sauce ne prend pas tout à fait ai-je trouvé. Néanmoins vous avez du palace et des petites gens, de l'exotisme américain, un voyage à Cannes, ... et vous aurez envie de connaître le fin mot de l'histoire.




La Maison du juge (1942)

Changement de décor. Pas de cadavre dans un grand hôtel cette fois mais une mutation en Vendée et un meurtre qui arrive à point nommé pour se changer les idées. Maigret et la mer ça marche généralement bien et c'est encore le cas. C'est bien un peu forcé aux entournures mais on se prend au jeu. Toujours les contrastes, toujours le Maigret bougon mais le petit je ne sais quoi est là entre le bon et le moins bon des gens. (On peut aussi lever un sourcil au passage sur un résumé possible en "les hommes au bistrot, les femmes aux fourneaux"... ou à la descente du commissaire qui doit avoir un foie en béton).

merci Animal ! faut tenir compte de la période

Petite phrase pour la route :

Depuis quand cela ne lui était-il plus arrivé d'entrer dans une maison, comme il l'avait fait un peu plus tôt, de renifler, d'aller et venir, lourd et patient, jusqu'à ce que l'âme des gens et des choses n'eût plus de secrets pour lui ?

Une autre ?

Un instant, ce fut presque comique. On s'attend à tout, sauf aux fantaisies de la réalité.

La deuxième, il me semble bien l'avoir déjà lue ; et la première, caractéristique, voire emblématique !

Signé Picpus (1942)

Avant Jack Bauer et ses insupportables sonneries de téléphone portable, il y avait Maigret avec ses pipes et ses demis. Pourquoi la comparaison ? Parce que parution en feuilleton avec au départ une sélection de personnages par des lecteurs avec un premier épisode très vite publié ! Et puis une écriture "cinématographique" au sens de l'époque, c'est à dire, à la fois précis et frappant... presque télévisuel. Et toujours le poids mis dans les personnages, le goût du détail qui ferait marcher à peu près n'importe quoi. Diablement efficace et tortueux avec au départ un meurtre annoncé par avance !

merci Animal ! je devrais certainement me plonger dans les livres de cet auteur (lu quelques uns dans ma jeunesse, mais aucun souvenir) plus accessible à ma bourse littéraire.

L'inspecteur Cadavre

Un vrai plaisir de retrouver Maigret dans une atmosphère provinciale, en Vendée cette fois, le temps d'une enquête non officielle. De l'humidité, du poids, des secrets, et toujours l'intime, le familier qui sont les meilleurs ressorts du drame. Et que serait un bon policier, personnage, roman ou nouvelle sans la question de la justice ?

Confortable plaisir de lecture...

décidément j'ai bien envie de m'y mettre ! (j'allonge ma liste !)

L'inspecteur Cadavre



Comme dans tous les Maigret, on trouve immédiatement ses repères − sa place, confortable, familière, satisfaisante ; on boit de bons coups, on fume de bonnes pipes.
Celui-ci a une particularité : le commissaire est démuni de ses moyens habituels (inspecteurs, etc.) parce qu’il agit à titre officieux.
Sinon, les personnages sont peut-être un peu caricaturaux dans leur incarnation, comme le vindicatif Cavre et surtout le lâche Groult-Cotelle…
Intéressant le distinguo entre criminel de facto et vrai instigateur.
Quant à la "solution" trouvée pour la pauvre Geneviève, elle est abjecte, espérons caractéristique d’une époque révolue.

c'est vrai que c'est un rien caricatural mais ce qui apparaît bien aussi dans cet épisode est le poids du milieu et du moment sur les gens, révélateur de faiblesses et de mauvais penchants. cette détermination incomplète donne de l'épaisseur trouve-je.

Certes, il y a conditionnement du milieu social, et on s'y complaît d'autant qu'on est du bon côté !

Bon, sans le vouloir je commence par un livre qui n'est pas un policier


le récit, peut-être le narrateur Marcel Féron le transmettra-t-il à ses enfants ? pour qu'il sache que dans sa vie il a eu un autre visage que celui qu'ils connaissent. peut-être  si le destin  le permet .

Donc Marcel et sa petite famille, sa femme enceinte et et sa fille prennent l'un des trains de l'exode pendant la seconde guerre mondiale, au départ de la ville où ils vivent : Fumay.

C'est sans plus réfléchir que Marcel décide du départ, il pense avoir rendez-vous avec son destin, lui homme calme, atteint d'une très mauvaise vue et qui traîne de son enfance une faiblesse pour avoir été quelques mois au sanatorium. C'est une aventure qu'il accepte volontiers.

La désorganisation qui s'amplifie au fur et à mesure que les Allemands avancent font que le wagon où il a du s'installer est séparé de celui de sa femme et sa fille. Mais cela ne perturbe pas Marcel, il sent que c'est ce qui devait arriver. Pourquoi lutterait-il contre son destin ?
La séparation d'avec sa famille ne lui pèse pas,  au contraire il apprécie tout ce qui se passe le long du parcours, lui plutôt timide et solitaire est intéressé par les autres réfugiés du wagon ; leur wagon devient en quelque sorte "privé".

Alors quand une jeune femme, Anna, (laquelle lui confiera pendant leur relation, sortir de la prison de Namur et avoir une mère Juive)  arrive dans le wagon, seule, sans aucune valise et se rapproche de lui il l'accueille comme une heureuse fatalité et il seront tous deux très heureux pendant ces jours, une parenthèse dans leur vie. Il considère normal tous ces évènements inhabituels.

Il recherche tout de même sa femme et un jour reçoit l'information qu'elle se trouve à Bressuire dans la maternité où elle a accouchée. Il décide immédiatement de la rejoindre, c'est ce qu'il veut et doit faire.
Anna décide de l'accompagner, contre son avis pour repousser le moment de l'adieu, Marcel n'apprécie pas trop ; ils se séparent donc devant la maternité, non sans qu'Anna lui dise qu'elle l'aime.

C'est quelques mois plus tard qu'il la rencontrera dans la rue alors qu'elle doit conduire en zone libre un aviateur Anglais et qu'elle cherche un lieu pour se cacher quelques jours. Marcel ne lui propose pas, car son métier de réparateur radios fait qu'il est surveillé par les Allemands elle comprend, dit-elle et par rejoindre l'aviateur.

Il apprendra un mois plus tard par affiche que cinq personnes ont été fusillées à la prison de Mézières.

Des images touchantes dans cette exode, le comportement des uns et des autres, qui malgré l'époque continuent à vivre, tout simplement. L'attente est leur quotidien.

Personnellement si j'ai pu comprendre l'attitude d'Anna, je n'ai pas apprécié celle de Marcel envers sa femme et sa fille, quoi qu'il ai dit parfois s'intéresser ( pas s'inquiéter) à leur sort ;  il trouvait des raisons de ne pas le faire.
D'un autre côté il n'a pas mérité, non plus, ces jours de "bonheur", et il apparait d'ailleurs à ce sujet qu'il ne sache pas ce qu'est le bonheur, ni l'amour.

Ses soucis de santé dans l'enfance ne l'excusent pas à mes yeux. Il est inconséquent, inconscient, égoïste.


J'ai lu que l'auteur était parfaitement au fait des centres de réfugiés pour y avoir travaillé. Ceci explique les précisions du fonctionnement desdits centres et le sentiment de la lectrice d'un récit bien maîtrisé et cohérent.

Bien entendu mon prochain livre sera un policier !

Pietr-le-Letton



En 1929, Georges Simenon, son bateau, « L’Ostrogoth », étant en cale sèche dans un port des Pays-Bas, crée un personnage promis à un grand avenir : le commissaire de police divisionnaire Jules-Amédée-François Maigret. Le personnage a déjà 45 ans et, nous dit un roman suivant « il avait passé la moitié de sa vie dans les services les plus divers de la police : aux mœurs, à la voie publique, à la mondaine, à la brigade des gares et à celle des jeux.»
Le commissaire est vêtu à la manière des années 20 : faux-col, veston, manteau à col de velours et chapeau melon. Dés la première enquête, il est inséparable de sa pipe et…picole pas mal.
Simenon insiste sur l’aspect massif du personnage

« Maigret se campa, large et pesant, les deux mains dans les poches, la pipe au coin de la bouche. »

« Lui restait là, énorme, avec ses épaules impressionnantes qui dessinaient une grande ombre. On le bousculait et il n’oscillait pas plus qu’un mur.»

« Mais la charpente était plébéienne. Il était énorme et osseux. Des muscles durs se dessinaient sous le veston, déformaient vite ses pantalons les plus neufs. »

Ce qui m’a toujours impressionné chez Simenon, c’est sa capacité en quelques touches de planter un décor, donner une atmosphère particulière aux lieux :

« Ici on sentait plus violemment la tempête. La pluie tombait à seaux. Pour aller d’une voie à l’autre, il fallait patauger dans la boue jusqu’aux genoux. Un vilain petit train, fait de wagons de rebut. Des fermes mal dessinées dans le petit jour blême, a demi effacées par les hachures de pluie.
Fécamp ! Une odeur compacte de morue et de hareng. Des monceaux de barils. Des mats derrière les locomotives. Une sirène qui mugissait quelque part. »

Sinon, cette première enquête part dans différentes directions, hésite entre l’espionnage et le policier, nous entraîne à Fécamp, au luxueux hôtel « Majestic » à Paris, dans les rues populaires du quartier juif etc. Surtout, Simenon commet une grande erreur en faisant mourir Torrente, un des adjoints de Maigret !

merci pour ton ressenti Arensor !