Evguéni Vodolazkine
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Evguéni Vodolazkine
Né à Kiev, Evguéni Vodolazkine est médiéviste, chercheur à l’Académie des sciences de Russie à Saint Petersbourg. Il a eu une bourse pour des séjours en Allemagne et y a fait des études. Connaissant à fond le moyen-âge russe, il y jette un regard étonnant.
Il est l’auteur d’un premier roman, Soloviov et Larionov. Paru en 2012, ce roman-ci a été récompensé en 2013 par le prestigieux prix russe Bolchaïa Kniga.
Traductions en français :
2015 : Les quatre vies d'Arséni, Fayard
2019 : L'Aviateur, Les Syrtes
2020 : Brisbane, Les Syrtes
tom léo- Messages : 1353
Date d'inscription : 04/12/2016
Localisation : Bourgogne
Re: Evguéni Vodolazkine
Les quatre vies d'Arséni
Originale : Лавр (Russe, 2012)
Fayard a écrit:Le héros, Arséni, naît en 1440 près du monastère Saint-Cyrille du lac Blanc et meurt en 1520 au terme d’une longue vie qui le conduit de son lieu de naissance à Pskov, puis jusqu’à Venise et Jérusalem, avant de le ramener à son point de départ. Ses dons de guérisseur lui valent partout où il séjourne une grande renommée et pourraient lui assurer honneurs et fortune. Mais, ayant involontairement causé dans sa jeunesse la mort de la femme aimée sans qu’elle ait reçu les sacrements de l’Église, il renonce à tous biens terrestres et tente par la mortification d’obtenir le rachat de celle qu’il ne veut pas livrer au néant.
Chronique imaginaire d’un être tourmenté par la sainteté, ce roman-fable nous entraîne dans une Russie du Moyen Âge ravagée par la peste et dans le quotidien d’un petit peuple humble et brutal, de moines énergiques et visionnaires, de pèlerins exposés aux dangers de longs voyages. Inspiré par des vies de saints russes, stylistiquement aussi dentelé que les feuilles d’un herbier, il dépayse fortement, tout en nous menant aux sources du christianisme russe.
REMARQUES :
Très bonne présentation de l'éditeur ! Le danger aurait été de mettre l'accent sur un pur roman historique ou d'aventures extérieurs – et ce ne serait même pas entièrement faux car l’œuvre a quelque chose d'épique, d'aventureux, de très riche. Mais il me semble clair que l'auteur décrit avant tout un aventure intérieur, un cheminement de vie, quasiment des années d'enfance jusqu'à la mort. Le livre est structuré en quatre grandes parties qui suivent en gros différents étappes dans la vie d'Arséni : de l'apprentissage du savoir médicinale et herboriste de son grand-père, incluant la vie intérieure dans la foir (orthodoxe) jusqu'aux années de l’exercice de ses dons de guérisseur ; de ses années comme « fol en Christ » à Pskov et le pélérinage à Jérusalem jusqu'au retour et une vie d'abord dans un monastère, et puis comme ermite dans une grotte.
Vodolazkine réussit, grâce à son savoir de médiéviste d'un coté, mais aussi grâce à un profond respect de la foi, de dessiner un moyen-âge un peu autre. Oui, marqué certes par la peste et aussi des fois par la superstition ou des préjugés, mais aussi marqué par une certaine forme d'unité de l'être humain dont on aurait grand besoin aujourd'hui. C'est avec des éléments typiquement russes, issus de la tradition, des hagiographies, mais aussi des manuscrits etc, qu'il peint un homme de ce XVème siècle qui nous devient – peut-être – tout proche. Bref, on se demande parfois si cette histoire située il y a si longtemps, ne peut pas nous montrer la Russie d'aujourd'hui, mais aussi être un miroir de nous-mêmes. Je ne cache pas que je trouvais certains passages d'une profondeur immense et touchante.
Donc, vraiment splendide ! Et je garderai cet auteur à l’œil !
Intéressant dialogue avec l'auteur :
https://www.lecourrierderussie.com/culture/2016/05/evgueni-vodolazkine-romancier-absolu/
mots-clés : #moyenage #religion
tom léo- Messages : 1353
Date d'inscription : 04/12/2016
Localisation : Bourgogne
Re: Evguéni Vodolazkine
Originale: Брисбен (Russe, 2018)
CONTENU :
Aussi dans ce roman Vodolazkine nous confronte avec un héros dont la vie est bouleversée d’un coup. Gleb Ianovski est un virtuose de la guitarre, au sommet de son art et d’une célébrité. Alors on lui diagnostique le Parkinson et qu’il commence peu à peu de perdre contrôle de ses doigts, de sa main. Il cherche alors comme un autre sens, un nouveau soutien dans sa vie. Et en cela il sera aidé par son passé : il rassemble les expériences et souvenirs de son enfance à Kiev dans les année 70, puis de sa jeunesse à Leningrad et encore ce qu’il va vivre, avec sa femme, après le démenagement vers l’Allemagne en 1993… Et, dans « l’aujourd’hui », un enfant apparaît. Mais le but rêvé de sa mère dans son enfanace, le lieu de Brisbane en Australie – existe-t-il vraiment comme incarnation de nos rêves et désirs ? Ou est-ce seulement un mirage ?
REMARQUES :
Deux perspectives sur la vie de Gleb se complémentant et étant en lien mystérieux entre elles. Gleb fût né en 1964. D’un coté lui-même raconte sa vie depuis la découverte de sa maladie en 2012 et en gros, jusqu’en 2014. On y trouve avant tout des dialogues, des entretiens, des pensées de lui-même. Tous le temps se montre à quel point les années parcourus, derrière lui, étaient plein de « succès » : la gloire, l’argent, l’aisance… Pourtant il en est bien conscient : qu’est-ce qui reste face à la vie (ou la mort?). De quoi est-ce qu’on se souvient, qu’est-ce qu’on a vraiment retenu et a marqué le noyaux de notre personne ?
Et quand il est interrogé, après un dernier concert à l’Olympia à Paris, sur son vol de retour par un écrivain, Nestor, celui-ci aimerait écrire une sorte de biographie. Mais comment ne pas en faire une n-ième énumération de la carrière et des « succès » ? Comment mettre en évidence ce qui ne fût pas raconté, ce qui a vraiment impregné la vie ? Mais Nestor – c’est alors le deuxème fil – va à partir de ses échanges réguliers avec Gleb, écrire sur les personnages marquants de l’enfance et de la jeunesse. Sur ces expériences, ces rencontres comme le premier amour (si pudique, presque pas remarqué…). Le cotoiement de la mort. La rencontre avec la foi à travers la personne de son grand-père. Ce deuxième fil est descriptif, quasimment sans dialogue et paragraphe. La croissance et le devenir d’un être !
Donc, bien plus qu’une biographie romancée, mais oui, tellement plus. Et souvent d’une poèsie extraordinaire, voir d’une profondeur splendide. En passant (?) nous parlons aussi de musique (d’une façon rarement lu par moi) ; de la relation entre l’Ukraine (du Père de Gleb) et la Russie (maternelle) : non, pour ce narrateur, et pour Vodolazkine, ce sont des frères. Fine critique de ce qui se passait, se asse entre ces pays… Evidemment la litterature est présente (et deuxième sujet d’étude de Gleb à part la musique). Et dans le passé comme dans le présent : la mort ! « La vie est une longue accoutumance à la mort... » Présent et passé sont dans un dialogue permanent : ils s’interpellent, se répondent, aussi bien pour les sujets que pour l’atmosphère, les éléments marquants de notre vie.
Je pourrais ne pas m’arrêter en chantant les louanges de ce livres dense, parfois aussi drôle. Et : très russe ! Avec un livre comme ça on sait que la Russie n’a pas parlé son dernier mot en litérature ! Donc… à lire !
\Mots-clés : #historique #musique #pathologie
tom léo- Messages : 1353
Date d'inscription : 04/12/2016
Localisation : Bourgogne
Re: Evguéni Vodolazkine
merci Tom Léo, je n'ai que les 2 livres précédents, ce sera donc pour plus tard
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Bédoulène- Messages : 21745
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