Citation du jour

Tristram a écrit:Ou alors parce qu'on a été viré pour manières goujates et malotrues...

L'oisiveté exige tout autant de vertus que le travail : il y faut la culture de l'esprit, de l'âme et des yeux, le goût de la méditation et du rêve, la sérénité, toutes valeurs bien rares aujourd'hui : ce ne serait pas les acquérir que d'employer ses dimanches à se créer de nouveaux besoins, des soucis inédits, ajouter au mouvement d'une vie déjà trop mouvementée ; au contraire, ce serait tomber dans un épuisement dont les jours ouvrables et le travail mesuré au cordeau ne suffiraient pas à nous guérir.

« Tout, ici, était répugnant et gluant. Les parois étaient humides, des filets d’eau coulaient de partout et de nulle part, sans doute des infiltrations en provenance des couches supérieures du terrain.
Bien souvent au cours de ma vie j’avais imaginé ce réseau, sans doute à cause de ma tendance à penser aux caves, puits, tunnels, casernes, et à tout ce qui rattache plus ou moins à cette réalité souterraine et mystérieuse : lézards, serpents, rats, cafards, belettes et aveugles.
Égouts abominables de Buenos Aires ! Monde inférieur et horrible, véritable patrie des immondices ! J’imaginais là-haut, dans de magnifiques salons, des femmes ravissantes et raffinées, des banquiers corrects et pondérés, des instituteurs enseignant qu’on ne doit pas écrire de vilains mots sur les murs ; j’imaginais des tabliers blancs et empesés, des robes du soir en tulle ou en gaze vaporeuse, des phrases poétiques dédiées à l’aimée, des discours émouvants sur la vertu des traditions. Tandis qu’ici, en bas, en un tumulte obscène et puant, coulaient pêle-mêle les menstruations des amoureuses romantiques, les excréments des jeunes filles vêtues de mousseline, les préservatifs des banquiers si corrects, les fœtus mutilés de milliers d’avortements, les déchets de millions de logements et de restaurants, enfin, l’immense, l’incommensurable ordure de Buenos Aires. »

« Quel sens à tout cela ? Existe-t-il une clé de la réalité ? J’ai parfois imaginé que la vie des êtres humains était un gigantesque casse-tête que Dieu avait abandonné, en désordre, sur la terre. En ce cas, peut-être que tout a un sens mystérieux, qui nous échappe. Allez savoir si les hommes ne termineront pas un jour de monter le puzzle que nous prenons aujourd’hui pour un absurde chaos. »
Ernesto Sábato, ébauche pour « Sobre heroes y tumbas » , « Mémoires d’un inconnu », variante n°1

kashmir a écrit:C'est le genre de gamin qui oublie des tas de choses mais qui se souvient de tout. Il a le don de la sensibilité. Les choses ne le touchent pas, elles se gravent en lui.Parfois même ça se voit. Et ça fait mal. Il sait déjà qu'il souffrira de tout ce qu'il sait. C'est peut-être pour cela qu'il oublie tant.


John Edgar Wideman   Damballah

« Tout, dans la bibliothèque, était en ordre. Presque tout. Seuls les documents inclassables n’étaient pas classés ; mais ils étaient tous ensemble. »
Jaume Cabré, « Confiteor », IV, 34

Je te dis merci, Dieu. Merci de m'avoir fait comprendre ceci : qu'il suffit que je me donne un petit peu de mal pour toi sur des trucs aussi anodins que de refermer quatre fois de suite la porte de mon bureau, ou d'éviter chaque matin de marcher sur les joints du carrelage de ma salle de bains, pour être épargné par le mauvais sort.