Citation du jour

bix_229 a écrit:"C' est pour cela... que les personnes qui à un moment ou à un autre de leur vie ont choisi le silence l'ont fait parce qu'elles ont eu l'intuition que parler et surtout écrire, est toujours une façon de pactiser avec le manque de sens de la vie".

Antonio TABUCCHI - Il se fait tard.

Les soubresauts et les spasmes pelviens du danseur, maintenant livré à lui-même avec la musique en boucle, avaient quelque chose d'obscène. De même que ses sourires triomphaux. Ils me rappelaient les reproductions populaires des tableaux de Jack Vettriano, ces produits lisses fabriqués à partir de photographies : les danseurs-zombies sur le rivage, accompagnés par des domestiques à la Downtown Abbey portant des ombrelles. Les intérieurs de Vettriano où des mâles élégants tripotaient des filles en jarretelles authentiques, étaient achetés par des collectionneurs aussi avisés que Sir Alex Ferguson et Jack Nicholson.

« La culture a toujours été le domaine de l’aristocratie. Dès qu’elle cesse d’obéir à cette règle, elle meurt. »
Ryszard Kapuscinski, Voyages avec Hérodote

animal a écrit:Petit extrait de Iain Sinclair qui observe un danseur sur la plage dans Quitter Londres :

Les soubresauts et les spasmes pelviens du danseur, maintenant livré à lui-même avec la musique en boucle, avaient quelque chose d'obscène. De même que ses sourires triomphaux. Ils me rappelaient les reproductions populaires des tableaux de Jack Vettriano, ces produits lisses fabriqués à partir de photographies : les danseurs-zombies sur le rivage, accompagnés par des domestiques à la Downtown Abbey portant des ombrelles. Les intérieurs de Vettriano où des mâles élégants tripotaient des filles en jarretelles authentiques, étaient achetés par des collectionneurs aussi avisés que Sir Alex Ferguson et Jack Nicholson.

« Si Dieu devait se révéler maintenant et avec lui une poignée de vérités incontestables, presque tous ces livres disparaîtraient. La section "Philosophie" disparaîtrait. Tous les livres de la section "Religion" seraient retirés des étagères. Adieu, la physique et l’astrophysique. Adieu les sciences et la section "Sciences". Une poignée de vérités venant de Dieu rendrait tous les livres jamais écrits sur les sciences totalement superflus. La section "Voyages" resterait. Les grands livres, les grands livres traitant des grandes questions métaphysiques, disparaîtraient parce que ces grandes questions n’existeraient plus. Il n’y aurait plus aucun rôle pour l’humanité et la civilisation, si la vérité venait à être révélée. Comme si l’humanité était une sorte de réponse biologique à l’absence de vérité. »
Steve Tesich, Karoo

Il y avait là le renard et le corbeau, le cousin Pons, le roi nègre Hyadlabu, le marquis Proco, le duc Barbecul Lombago del Canular, grand d'Espagne mais petit d'appétit, le comte Harebourg, le chef d'orchestre étrusque Aktékon, les trois frères Angarde, toréadors, le prince indonésion Salafoumal, Lord Anjade, le bon poète Cachemire, le fasque de mer, le cul du femor et enfin la propionate de Testoterone, qui fit un discours en latin de cuisine ambulante

« Les murs de la suite étaient couverts de tableaux abstraits de tailles et de formes variées. Le genre de tableaux abstraits que l’on trouve dans le siège social des grandes multinationales. De l’art abstrait, mais qui ne serait pas une abstraction de quoi que ce soit. De l’art, mais déconnecté de tout. De l’art non confessionnel, pas sectaire, apolitique, non idéologique, non régional, non national. Peut-être de l’art universel. »
Steve Tesich, Karoo

Tristram a écrit:

« Les murs de la suite étaient couverts de tableaux abstraits de tailles et de formes variées. Le genre de tableaux abstraits que l’on trouve dans le siège social des grandes multinationales. De l’art abstrait, mais qui ne serait pas une abstraction de quoi que ce soit. De l’art, mais déconnecté de tout. De l’art non confessionnel, pas sectaire, apolitique, non idéologique, non régional, non national. Peut-être de l’art universel. »
Steve Tesich, Karoo

ArenSor a écrit:Ca me parle Very Happy

- Noël ! Noël ! Noël ! criait le peuple de toute part.
    C’était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace. Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s’étaient succédé à cette lucarne sans réaliser cette idéal du grotesque qui s’était construit dans les imaginations exaltées par l’orgie, il ne fallait rien moins, pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et Clopin Trouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s’avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ses dents empiétait comme la défense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, si l’on peut, cet ensemble.
    L’acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.
    Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
    On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.
    Quant cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme, à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s’écria d’une voix :
- C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël !

« Ce qui n’est pas légèrement difforme à l’air insensible ; d’où il suit que l’irrégularité, c'est-à-dire l’inattendu, la surprise, l’étonnement sont une partie essentielle et la caractéristique de la beauté. »
Charles Baudelaire

« L’été, parfois, je regarde voler les engoulevents. Ils plongent en groupes gracieux et désordonnés, chaque oiseau imprimant sa propre trajectoire dans l’air du crépuscule, ses ailes battant comme le rythme d’une chanson à contretemps, comme si cet oiseau était le contrepoint de tous les autres, comme si cet oiseau prouvait aux autres qu’il existe une façon différente d’évoluer, parmi les battements d’un vol habituel. Je repère parfois les battements d’ailes d’un engoulevent solitaire, lorsque l’oiseau est incliné à un angle idéal, que l’horizon orange donne sa couleur aux rayures blanches des ailes et que ces ailes s’arquent et se découpent sur le bleu du ciel et que l’instant, le battement, les ailes à contretemps, s’étendent et deviennent éternité, un temps à l’opposé du temps, un temps figé hors du temps, afin que jamais il ne cesse. »
Kent Meyers, Twisted Tree

Et combien de réunions, de discussions, de déclarations et de contre-déclarations, faudrait-il encore pour que l'ouvrage avance et que la vie soit encore meilleure pour nous.

« L’attrape-malices collectionne les mauvaises intentions. Il a de la place pour elles, il les conserve soigneusement et il appelle son sac, qui est plein de malices attrapées, la boîte de Pandore. »
Le Témoin auriculaire, Cinquante caractères, Elias Canetti

« Cette branche.
Un rameau feuillu de saule, partagé en deux branches, plongeait dans la rivière et l’eau l’avait entortillé de telle manière qu’une des branches trempait dans les flots à un rythme régulier. Le courant s’en emparait pour la repousser aussitôt, et la branche se redressait d’un coup sec, atteignait le sommet de son arc de cercle, redescendait, replongeait, était repoussée de nouveau, se redressait, rebondissait, replongeait, encore et encore et encore, le rameau tout entier en phase avec l’eau, les feuilles à l’autre bout de la seconde branche s’agitant avec un rythme si constant qu’elle pouvait presque, en les observant, le sentir dans son propre corps.
Et alors ?
Elle entendit un tracteur étrange. Dans un éclair, son esprit se représenta le Case IH sortant de la remise en grondant dans le petit matin. Étrange, oui : comme un énorme insecte que Brock contrôlait, invisible dans sa cabine.
La branche replonge toujours dans l’eau, continua Caleb tandis qu’elle essayait de le rattraper. Le rythme est totalement régulier. La rivière coule tout droit, mais la branche revient sans cesse. C’est ce qu’on appelle un attracteur étrange. C’est le nom de l’équation, du moins. D’après la théorie du chaos.
Vous avez lu la théorie du chaos ?
Il sourit : Ce n’est pas interdit.
Ils se retournèrent tous les deux. Elle regarda par-dessus son épaule. La branche plongeait, s’élevait, replongeait. »
Kent Meyers, « Twisted Tree », « Ravine »

« … il souleva ce verre à la hauteur de l’œil, plongea son regard à travers les rubis liquides, insinua que ce vin riche en alcool, monté en couleur, avait du corps, du nez, et possédait une chair exquise ; alors il abaissa son verre, l’agita lentement de droite à gauche, et plus vite de gauche à droite, y plongea l’éminence osseuse dont la nature l’avait généreusement doté, et huma pendant quelques minutes les suaves émanations dégagées par cette rotation intelligente. Après une muette extase, il absorba, les yeux fermés."