Umberto Eco
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Re: Umberto Eco
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15922
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Re: Umberto Eco
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Umberto Eco
Bref essai de grande clarté et remarquablement structuré.« Comme la littérature dit ce qui est le cas dans un monde possible différent du nôtre, le mensonge est seulement l’une des manières de dire ce qui n’est pas le cas dans le monde réel. »
« Donc, alors que dire le faux est un problème aléthique – et cela a à voir avec une notion d’aletheia c’est-à-dire de vérité –, mentir est un problème éthique, ou moral. »
« D’où le phénomène de ces lecteurs qui pensent sérieusement que les romans parlent de choses réellement advenues et attribuent à l’auteur les opinions des personnages. Et je vous assure, en tant qu’auteur de romans, que, au-delà disons des dix mille exemplaires, on passe du public habitué aux romans au public néophyte pour qui le roman est lu comme une séquence d’affirmations vraies, tout comme dans l’ancien théâtre de marionnettes, les spectateurs à la fin essayaient de lyncher le traître Ganelon. »
\Mots-clés : #essai
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Tristram- Messages : 15922
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Bédoulène- Messages : 21622
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Umberto Eco
Recueil de certaines des chroniques d’Umberto Eco dans L’Espresso (de 2000 à 2015, d’autres ayant déjà été insérées dans Comment voyager avec un saumon et À reculons comme une écrevisse).
À propos du titre :
Phase de transition, « ce présent en gestation » est caractérisé par la « crise du concept de communauté [qui] engendre un individualisme effréné » :« La société liquide commence à se dessiner avec ce courant dit postmoderne (terme « parapluie » sous lequel se regroupent, pas toujours de manière cohérente, nombre de phénomènes, de l’architecture à la philosophie en passant par la littérature). Le postmodernisme marquait la crise des « grandes narrations » qui pensaient pouvoir superposer au monde un modèle d’ordre ; il s’est consacré à une revisitation ludique ou ironique du passé, et à bien des égards il s’est entrecroisé avec les pulsions nihilistes. »
Tout ça dès les quelques premières pages… Ensuite, pioché en vrac, ici sur la nostalgie des souvenirs de guerre en vieillissant, comparés à l’actualité (2008) :« Ce « subjectivisme » a miné les bases de la modernité, il l’a fragilisée, d’où une situation dans laquelle, à défaut de grille de référence, tout se dissout dans une sorte de liquidité. »
« …] les seules solutions pour l’individu sans critère de référence sont le paraître à tout crin, le paraître comme valeur […] et le consumérisme. »
« Ce ne sont pas seulement les individus, c’est la société elle-même qui vit dans un continuel processus de précarisation. »
« [Zygmunt] Bauman observe que (la foi ayant abouti à un salut provenant du haut, de l’État ou de la révolution), c’est le mouvement d’indignation qui est typique de cet interrègne. Ces mouvements savent ce qu’ils ne veulent pas mais pas ce qu’ils veulent. »
Sur la « visibilité » dans notre société :« D’abord, il y a des fascistes au gouvernement. Il n’y a pas qu’eux, ils ne sont plus exactement fascistes, mais qu’importe, on sait que l’histoire se produit une première fois sous forme de tragédie et une seconde fois sous forme de farce. En revanche, à cette époque, sur les murs s’étalaient des affiches montrant un Noir américain répugnant (et ivre) qui tendait sa main crochue vers une blanche Vénus de Milo. Aujourd’hui, je vois à la télévision des visages menaçants de Noirs décharnés qui viennent par milliers sur nos terres et franchement les gens semblent encore plus effrayés qu’alors. »
Dieu l’omniscient ayant disparu, « il faut se montrer pour ne pas plonger dans le trou noir de l’anonymat » :« Mais ce que les maîtres d’école ni quiconque à leur place ne réussiront peut-être pas à rappeler, c’est que, à cette époque antique, une distinction très nette régnait entre être célèbre et être objet de ragots. »
Votation démocratique :« L’ennui, c’est qu’en ce cas on se méprend sur le double sens de « reconnaissance ». Nous aspirons tous à ce que soient « reconnus » nos mérites, ou nos sacrifices, ou n’importe quelle autre de nos belles qualités ; mais quand, après être apparu à l’écran, quelqu’un nous rencontre au bar et nous dit « je vous ai vu hier à la télé », il dit tout bonnement « je te reconnais », c’est-à-dire je reconnais ton visage, ce qui est une chose extrêmement différente. »
« Or, depuis longtemps, le concept de réputation a cédé le pas à celui de notoriété. »
Les hackers :« Si les Soviets avaient proposé aux électeurs non pas un mais deux candidats, l’Union Soviétique aurait été semblable à la démocratie américaine. »
Le polar :« En devenant les seuls experts accomplis d’une innovation à rythme insoutenable, ils ont le temps de comprendre tout ce que peuvent faire la machine et la Toile, mais pas d’en tirer une nouvelle philosophie ni d’en étudier les applications positives, si bien qu’ils se consacrent à la seule action immédiate que leur compétence inhumaine leur permette : le détournement, le dérangement, la déstabilisation du système global. »
Culture :« L’essence du polar est éminemment métaphysique, et ce n’est pas un hasard si l’anglais désigne ce genre par le terme whodunit, qui a fait ça, quelle est la cause de tout ça ? C’était la question que se posaient déjà les présocratiques et que nous n’avons cessé de nous poser. Même les cinq voies pour démontrer l’existence de Dieu, que nous avons étudiées chez saint Thomas, étaient un chef-d’œuvre d’enquête policière : à partir des traces que nous trouvons dans le monde de notre expérience, on remonte, nez au sol comme un chien truffier, vers le premier maillon de cette chaîne de causes et d’effets, ou au moteur premier de tous les mouvements… »
« Chaque texte demande à être lu idéalement deux fois, une pour savoir ce qu’il raconte, l’autre pour apprécier comment il le raconte (d’où la plénitude de la jouissance esthétique). Le roman policier est un modèle (réduit mais exigeant) de texte qui, une fois l’assassin découvert, vous invite implicitement ou explicitement à regarder en arrière, soit pour comprendre comment l’auteur vous a conduit à élaborer des hypothèses fausses, soit pour décider qu’au fond il ne vous avait rien caché mais que vous n’avez pas su bien regarder comme le détective. »
Intéressante synthèse historique, Où est l’antisémitisme ?, qu’il faudrait citer entièrement, et où il apparaît que l’antisémitisme arabe a été inspiré par l’Occident.« Certes, les Romains quittaient une représentation de Térence pour aller voir les ours, mais au fond, aujourd’hui aussi des intellectuels raffinés renoncent à un concert pour un match de foot. Le fait est que la distinction entre deux (ou trois) cultures ne devient nette que lorsque les avant-gardes historiques se fixent pour but de provoquer le bourgeois, et qu’elles élisent au grade de valeur la non-lisibilité, ou le refus de la représentation. »
Liberté d’expression en matière religieuse (2006) :
Kant et Nietzche :« Je crois que mon ami Daniel [Barenboïm] serait d’accord pour déplorer que, il y a des années, on ait critiqué (ou interdit) la mise en scène du Marchand de Venise de Shakespeare car nourrie certes par un antisémitisme courant à l’époque (et avant encore, depuis Chaucer), mais qui nous montre en Shylock un cas humain et pathétique. En réalité, voici ce que nous devons affronter : la peur de parler. Rappelons que ces tabous ne sont pas tous imputables aux fondamentalistes musulmans (qui, en matière de susceptibilité, ne plaisantent pas), mais qu’ils sont nés avec l’idéologie du politically correct, en soi inspirée de l’idée de respect envers tous, qui empêche désormais, du moins en Amérique, de raconter des blagues je ne dis pas sur les juifs, les musulmans ou les handicapés, mais sur les Écossais, les Génois, les Belges, les carabiniers, les pompiers, les éboueurs et les Esquimaux (on ne devrait pas les appeler ainsi, mais si je les appelais comme ils le voudraient personne ne comprendrait de qui je parle). »
Autre article intéressant, sur la montée du fondamentalisme en politique aux États-Unis (2008, de la Bible belt à Bush).« Toutefois, nous pouvons faire trois affirmations très différentes entre elles : 1° il n’y a pas de faits mais seulement des interprétations ; 2° tous les faits, nous les connaissons à travers notre interprétation ; 3° la présence des faits est démontrée parce que certaines interprétations ne fonctionnent pas du tout, et donc il doit y avoir quelque chose qui nous oblige à les rejeter. »
L’islam et la chrétienté :
Prose et poésie :« Tout cela conduit à penser que les grandes menaces transcontinentales viennent toujours de religions monothéistes. Les Grecs et les Romains ne voulaient pas conquérir la Perse ou Carthage pour imposer leurs propres dieux. Ils avaient des préoccupations territoriales et économiques mais, du point de vue religieux, dès qu’ils rencontraient les nouveaux dieux de peuples exotiques, ils les accueillaient dans leur panthéon. Tu es Hermès ? Parfait, moi je t’appelle Mercure et tu deviens l’un des nôtres. Les Phéniciens vénéraient Astarté ? Bien, les Égyptiens la traduisaient comme Isis, pour les Grecs elle devenait Aphrodite, et Vénus pour les Romains. Personne n’a envahi un territoire pour éradiquer le culte d’Astarté. »
« On pourrait dire que seul un credo monothéiste permet la formation de grandes entités territoriales qui tendent ensuite à l’expansion. […]
L’équivalent des monothéismes classiques, on le trouve sans doute dans les grandes idéologies, comme le nazisme (d’inspiration païenne) et le marxisme athée soviétique. »
Politique, d’après les Brigades Rouges :« Dans la prose, rem tene, verba sequentur, possédez bien ce dont vous voulez parler, puis vous trouverez les mots adaptés. […] En poésie, c’est tout le contraire, d’abord vous tombez amoureux des mots, et le reste viendra tout seul, verba tene, res sequentur. »
Les médias :« Parler d’État Impérialiste des Multinationales, c’était considérer qu’une grande partie de la politique du globe n’était plus déterminée par les gouvernements mais par un réseau de pouvoirs économiques transnationaux qui pouvaient aller jusqu’à décider des guerres et des paix. »
Réflexions regroupées thématiquement, portant sur l’actualité, la société, la politique (curieux comme l’Italie est comparable aux États-Unis), les religions, la philosophie, les mythes, la littérature, et bien d’autres choses, souvent italiennes, mais aussi états-uniennes, et même françaises. C’est érudit, stimulant, et plein d’esprit.« Les journaux sont souvent sous l’emprise du Web, car ils y puisent des infos et parfois des légendes, et donnent donc la parole à leur plus grand concurrent – mais ce faisant, ils sont toujours en retard sur Internet. Ils devraient au contraire consacrer au moins deux pages chaque jour à l’analyse de sites Web (tout comme on fait la critique de livres ou de films) en indiquant les sites vertueux et en signalant ceux qui véhiculent des mystifications ou des imprécisions. Ce serait un immense service rendu au public et peut-être aussi un motif pour que les navigateurs en ligne, qui dédaignent les journaux, recommencent à les feuilleter chaque jour.
Bien entendu, pour affronter une telle entreprise, un journal aurait besoin d’une équipe d’analystes, dont beaucoup seraient à trouver hors de la rédaction. C’est une entreprise certes coûteuse mais elle serait culturellement précieuse, et marquerait le début d’une nouvelle fonction de la presse. »
« Mais ce n’est pas mal de voir, de temps en temps, passer sur tout ce qui arrive aujourd’hui la lueur de l’Histoire. »
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Umberto Eco
là c'est du lourd me semble !
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Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Umberto Eco
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Umberto Eco
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Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Umberto Eco
(Certains ouvrages sont abordables au non-spécialiste, comme ceux publiés chez Grasset.)
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