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Message par Tristram Sam 25 Avr - 12:07

Oh je suis, mais avec d'abord les Ossements je pense.

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Message par Bédoulène Sam 25 Avr - 17:26

merci Arensor, tu fais remonter de bons souvenirs car je n'ai pas oublié les personnages, la difficulté de la lecture hâchée c'est surtout pour la difficulté, pour moi, de faire un commentaire comme j'aurais voulu le faire.

Toi tu as bien détaillé, merci !

alors les autres Chosiens n'hésitez pas !

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Message par ArenSor Sam 25 Avr - 20:31

Tristram a écrit:Oh je suis, mais avec d'abord les Ossements je pense.

"Sur les ossements des morts " est bien, mais vraiment mineur par rapport à "Les Livres de Jakob". Pour comprendre la puissance d'écriture qu'il y a chez Tokarczuck il faut passer par ce dernier opus. Very Happy
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Message par Tristram Sam 25 Avr - 20:40

ArenSor a écrit:il faut passer par ce dernier opus
Soit : en dernier !

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Message par ArenSor Sam 25 Avr - 21:36

Tristram a écrit:
ArenSor a écrit:il faut passer par ce dernier opus
Soit : en dernier !

C'est une démarche qui se conçoit. Je crois que tu aimes lire les livres dans l'ordre de date de parution. J'avais aussi cette idée là, mais j'y ai renoncé en me rendant compte que souvent je calais en route ; maintenant c'est direct à l'essentiel, me disant que nous ignorons de quoi demain sera fait et recherchant en priorité les "grandes ivresses". Je pense que cette démarche me convient ; exemple Bolano, j'ai lu tout de suite "2666" et "Les Détectives sauvages", pas sûr qu'en prenant l'ordre de parution des livres de l'auteur, je sois arrivé un jour à ces chefs-d'oeuvre. En revanche, l'éblouissement  des susdits livres me donne envie de regarder dans la production moins importante de cet auteur.
Chacun sa méthode Very Happy
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Message par Tristram Sam 25 Avr - 21:46

Certes, la méthode est valable s'il n'y a pas trop de livres, mais dans le cas présent je me fonde sur ton compte-rendu des Ossements, puis je passerai aux 1000 pages...
Revenir en arrière dans l'oeuvre d'un auteur est parfois décevant, et surtout on regrette parfois de ne pas avoir lu dans l'ordre le déploiement de pensées, d'un style, etc. étendu sur plusieurs textes. L'idéal serait d'avoir le temps de lire tout, de relire ce qui le vaut, et aussi toute la littérature proche... Reste à rêver d'une "dictature éclairée" qui notifierait le programme, évitant de s'éparpiller dans ce qui est superflu, permettant de découvrir dans un ordre qui éclaire chaque oeuvre par les précédentes, évitant de ne rien manquer d'essentiel...

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Message par Tristram Ven 19 Juin - 15:22

Les Pérégrins

social - Olga Tokarczuk - Page 3 Les_pz10

Très vite on comprend qu’on a entrepris l'exploration d’un livre très riche, d’une grande intelligence.
Ces 116 petits narrés, autant de départs d’histoires sans lien apparent entr’eux, ainsi aérés, procurent une lecture agréable, alerte et variée. Dès le deuxième, le dessein semble donné :
« Dans ce que j’écrivais, la vie prenait la forme d’histoires incomplètes, d’historiettes oniriques aux intrigues obscures ; elle y apparaissait, certes, mais de loin, selon des perspectives insolites, décalées, ou bien en coupes transversales, de sorte qu’il aurait été bien téméraire d’en tirer des conclusions quant à l’ensemble. »
Une courte nouvelle, plus longue que les autres textes, est reprise dans un suivant : c’est le récit de la disparition de la femme et du jeune fils d’un touriste dans une petite île croate « pelée », Vis.
« On est tous visibles ici, comme sur la paume. »
Le mari et père a même une vision panoptique qui aura de la postérité :
« Il songe aussi à ces puces électroniques qu’on attache aux pattes de certains animaux, des oiseaux migrateurs comme les cigognes ou les grues, mais que personne n’a jamais pensé utiliser pour les humains. Tout le monde devrait être équipé de ce machin pour sa propre sécurité ; on pourrait alors suivre tous nos mouvements sur Internet : trajets, arrêts, égarements. Combien de vies humaines pourraient être sauvées ! »
Un autre récit assez développé est celui d’Éric, un marin fasciné par Moby Dick, échoué sur une petite île après ses tribulations « sur les mers du monde ».
« Et c’était tous les soirs le même rituel. Chaque jour passait, en effet, à la façon d’un bac, qui va d’une berge à l’autre en tirant sur ses câbles, en suivant de sempiternelles bouées rouges qui sont censées briser le monopole de l’eau sur l’infini – pour en faire quelque chose de mesurable et donner une impression illusoire de contrôle. »
Les différents moyens de transport sont évoqués, avion (surtout), train, bateau, etc. Les lieux reliés sont souvent des hôtels, des aéroports, des musées, etc. La narratrice rencontre d’autres voyageurs :
« Le but de mes pérégrinations est toujours la rencontre d’un autre pérégrin. »
(Et cela deviendra un leitmotiv.)
Une théorie (où on perçoit une part du vécu de l’auteure, psychologue, mais aussi des échappées métaphysiques) est exposée :
« La psychologie du voyage s’intéresse à l’homme qui voyage, à l’homme qui est en mouvement et, ce faisant, elle prend le contre-pied de la psychologie traditionnelle qui a toujours étudié l’être humain dans un contexte immuable, dans une situation de stabilité et d’immobilité, par exemple, à travers le prisme de sa constitution biologique, de ses rapports familiaux, de sa position sociale et ainsi de suite. »

« Selon la psychologie du voyage, l’île constitue l’état le plus primitif, l’état d’avant la socialisation, quand l’ego s’est suffisamment individualisé pour acquérir un certain niveau de conscience de soi, mais n’a pas encore lié des relations complètes et satisfaisantes avec son entourage. »

« Notre perception de l’espace résulte de notre aptitude à nous déplacer. La perception du temps, quant à elle, tient au fait que nous sommes des êtres vivants sujets à des états fluctuants. Le temps n’est donc rien d’autre que le flux continuel de ces états.
Cet aspect de l’espace qu’on nomme un lieu est une pause dans le temps, une fixation momentanée de notre perception sur une configuration des objets. Il s’agit là, à la différence du temps, d’une notion statique.
Suivant cette conception, le temps humain se divise en étapes, de même que le mouvement dans l’espace est rythmé par des pauses, autrement dit, des lieux. Or ces pauses nous ancrent dans le flux du temps. […] À ces séquences du temps délimitées par des pauses, on donne souvent le nom d’épisodes. »
Sont abordés les concepts de panopticum (panoptique en français), kairos (opportunité, occasion à saisir ‒ « au bon endroit au bon moment »), synchronisme (dans le sens de relations entre coïncidences et correspondances ‒ comme dans le roman lui-même les îles, les baleines, etc.) :
« Cela relève d’un phénomène connu des psychologues du voyage sous le nom de synchronisme – preuve s’il en est que le monde n’est pas dépourvu de sens et qu’au milieu de ce beau chaos, il existe des fils chargés de signification qui, déployés dans toutes les directions, créent un maillage d’une étrange logique. »
Et contuition :
« ‒ La contuition… commença le professeur, dissimulant tant bien que mal son agacement, est – comme je l’ai déjà dit – une sorte d’introspection qui dévoile spontanément la présence d’une puissance bien supérieure à celle des hommes, d’une forme d’unité par-delà toute diversité. »
La contuition serait une intuition sans concept (d’après Jean de Dieu de Champsecret à propos de saint Bonaventure) ; le Cordial donne « Psychologie. Intuition seconde, connaissance d'une entité via une autre entité liée à celle-ci. », ce qui n’aide pas énormément. Le "dictionnaire de la métaphysique" http://www.metascience.fr/lexis.htm#c26 propose « conception ou représentation d'une chose obtenue indirectement depuis ce qui est connu d'une autre chose. »
L’imagination d’Olga Tokarczuk suit volontiers une inspiration géométrique :
« Chaque millimètre du rail entrera forcément en contact avec chacune des roues, devenant un point tangent, pendant une fraction de seconde. La roue et le rail, le temps et le lieu formeront alors une configuration unique, exceptionnelle, dans tout le cosmos. »

« Je vois des lignes, des surfaces et des volumes qui se transforment dans le temps. Le temps, quant à lui, semble être un simple outil pour mesurer les tout petits changements – un double décimètre d’écolier gradué juste de trois repères : ce qui a été, ce qui est et ce qui sera. »
L’auteure fait preuve d’esprit et d’inventivité. À signaler une métaphore jubilatoire des envahissants sacs plastique :
« Nous sommes témoins de l’apparition sur Terre d’êtres nouveaux, des créatures qui ont déjà conquis tous les continents et la plupart des niches écologiques. Ils se caractérisent par un fort instinct grégaire et sont anémophiles, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité prodigieuse de se déplacer sur de grandes distances, au gré des vents. »
Après l’évocation de reliques catholiques, c’est le domaine de l’anatomie, de la dissection qui est approché, l’occasion d’une biographie du chirurgien flamand Philippe Verheyen (XVIIe) :
« J’ai passé ma vie à voyager ; j’ai voyagé à travers mon propre corps, à l’intérieur de mon membre sectionné. Ce faisant, j’en ai dressé les cartes les plus précises. »
Suite à la découverte de la plastination (technique de préservation des tissus biologiques, notamment embaumement du corps humain), ainsi que d’un antécédent à la cour d’Autriche :
« Son successeur, l’empereur François Ier, n’avait pas hésité à faire empailler son courtisan noir, un certain Angelo Soliman. »
Il y a un côté Wunderkammer (cabinet de curiosités, tératologie) et Encyclopédie du savoir relatif et absolu de Bernard Werber : on a l’impression d’apprendre beaucoup de choses étonnantes et disparates (qu’on oublie aussi vite) :
« Le trouble léthologique est l’incapacité de se rappeler le mot dont on a besoin dans l’instant. »
Léthologique, du grec ancien Lếthê, « oubli » : dans l’aphasie léthologique, le patient est incapable de prononcer certains mots car il les a oubliés ou ne parvient pas à se les rappeler ; peut ne concerner que les noms propres (ou prénoms), Wikipédia. J’aurai mis un mot sur de mes troubles, noté pour briller sur les forums.
Sinon, c’est parsemé d’observations perspicaces :
« Ces sorties fatigantes, ennuyeuses, consistaient surtout à attendre que les retardataires eussent rejoint le groupe. »

« ‒ Ça ne me fait pas du tout plaisir de tomber sur mes compatriotes à l’étranger. »
D’analyses sociologiques :
« La mobilité, la variabilité, le caractère illusoire de ce qu’il entreprend, voilà ce qui caractérise l’homme civilisé. »
Ou plus vagues encore :
« …] et lorsqu’on connaît le but du voyage de quelqu’un, on en sait suffisamment sur lui. »
Puis sont narrés les errements d’une femme dans le métro moscovite, où elle rencontre la pérégrine, vieille clocharde d’une secte qui croit que s’arrêter de marcher permettrait à l’Antéchrist de vous saisir :
« Balance-toi, remue-toi ! Bouge ! Y a que comme ça que tu pourras lui échapper. Celui qui dirige le monde n’a pas de pouvoir sur le mouvement. Il sait que notre corps en mouvement est sacré. Tu lui échappes que quand tu bouges. Il n’a de pouvoir que sur ce qui est immobile et pétrifié, sur ce qui est passif et inerte. […]
Quiconque s’arrête de bouger sera pétrifié. »
Nous retrouvons kunicki, le mari de l’île de Vis, refusant de croire sa femme qui prétend s’être juste égarée trois jours durant avec leur enfant.
« Il voit avec une clarté saisissante que tout ce trajet, qu’il connaît par cœur, est jalonné de signes – ça crève les yeux –, d’informations qui lui sont exclusivement destinées. Dressés sur une patte maigrelette, des cercles, des triangles jaunes, des carrés bleus, des panonceaux vert et blanc, des flèches, des instructions. Des feux. Et des lignes blanches peintes sur l’asphalte, des tableaux d’information, des mises en garde, des rappels. »

« Il se rend compte tout à coup qu’il existe différentes façons de voir les choses. L’une permet de voir tout bonnement des objets, des choses utiles pour l’homme, de braves choses, bien concrètes, dont on sait d’emblée à quoi elles servent et comment on les utilise. Mais il y a aussi une façon de voir plus globale, panoramique, qui permet d’entrevoir les liens entre les objets, le jeu de leurs reflets. Les choses cessent alors d’être des choses, et ce à quoi elles servent devient secondaire, ce n’est qu’un faux-semblant. »
Puis c’est un vieux professeur de civilisation grecque qui donne des conférences lors de croisières, vu par son épouse :
« Voici un nouveau type d’esprit – songeait Karen –, un esprit qui ne fait plus confiance aux mots lus dans les livres, dans les ouvrages fondamentaux, dans les monographies, les essais et les encyclopédies. Esprit malmené pendant les études et qui a maintenant le hoquet. Esprit dépravé par la facilité avec laquelle on lui a décomposé en éléments premiers toutes les constructions, même les plus compliquées. Et aussi par cette pratique de ramener à l’absurde toute démarche intellectuelle non fondée sur une analyse poussée. Et par la tendance à adopter tous les deux ans un nouveau langage à la mode qui – à l’instar du dernier modèle de couteau suisse – est capable de tout faire : ouvrir une boîte de conserve, vider le poisson en deux temps trois mouvements, analyser un roman ou anticiper l’évolution de la situation politique en République centrafricaine. C’est un esprit de charades, esprit qui manipule renvois et addenda comme une fourchette et un couteau. Un esprit rationnel et discursif, solitaire et stérile. Un esprit qui se rend compte de tout, et même du fait qu’il ne comprend pas grand-chose. Certes, c’est un esprit vif, lucide – une impulsion électronique intelligente –, qui ne souffre aucune limitation, qui lie tout avec tout, mû par la conviction que tout cela pris ensemble signifie quelque chose, mais voilà, nous ne savons pas quoi. »
Puis…
J’ai quand même un peu regretté que cette mystérieuse quête, cet intrigant jeu de piste, ne mène pas (évidemment) à une élucidation…
Voilà cependant de bien belles variations sur le nomadisme en marge de la société. Pour situer, ce serait quelque part entre Auster et Murakami...

Mots-clés : #romanchoral #voyage

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Message par Bédoulène Ven 19 Juin - 17:29

merci Tristram (j'espère que c'est plus Auster que Murakami)

j'ai beaucoup aimé le livre de Jakob donc je tenterai l'aventure !

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Message par topocl Sam 20 Juin - 9:05

Donc quelque chose dont on jouit dans l'instant avec un fil directeur,  plutôt des petits bouts accolés dont l'ensemble laisse une forte impression, qu'un amalgame qui court vers un but?
C'est ça?
La non-amatrice de nouvelles que je suis avait reculé jusque là face à ce livre...


Dernière édition par topocl le Sam 20 Juin - 13:53, édité 1 fois

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Message par Tristram Sam 20 Juin - 12:28

Ah, j'avais oublié de préciser que l'option "j'ai pas tout compris" reste valable.
On a l'impression (motivante) d'un "amalgame qui court vers un but", grâce à des leitmotive, des signes qui font effectivement un peu faisceau de fils conducteurs, des sortes de constantes qui donnent l'impression d'un ordre sous-jacent.
Les "petits bouts accolés" ne sont généralement pas assimilables à des nouvelles, sauf peut-être les histoires développées, parfois racontées en plusieurs fois.

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Message par Tristram Sam 12 Sep - 21:32

Sur les ossements des morts

social - Olga Tokarczuk - Page 3 Cvt_su10

Vivant retirée sur un plateau désertique de Pologne non loin de la Tchéquie, au début du XXIe, Janina Doucheyko est une vieille excentrique ayant ses propres théories sur tout, une adepte d’astrologie, une farouche protectrice des animaux, une férue de William Blake et la narratrice. Dans son voisinage réduit à quelques personnages également hauts en couleur, surviennent des morts curieuses qu’elle impute à une vengeance des bêtes. Sinon, elle pense connaître la date de sa mort, et voit souvent sa mère décédée dans la chaufferie, « en visite de l’au-delà ».
Evidemment une part de ce roman (2009) est dans l’air du temps ; cette sorte de polar est plaisant à lire, mais je n’en dégage pas vraiment la volonté de l’auteure : le rejet de la carnivorie n’est pas étayé par la superstition de l’héroïne, à moins qu’une défense de toute croyance ne soit prônée.
C’est une fois encore (comme dans Les Pérégrins et la littérature en général) une variation sur l’interprétation d’éventuels signes.
Pour ce que j’en connais, les livres d’Olga Tokarczuk sont bourrés d’observations et de remarques originales, qui à elles seules légitiment la lecture (par chance ArenSor a déjà cité plusieurs des phrases que j’ai cochées) :
« J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle "autisme testostéronien". Il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plongé dans sa rêverie. »

« Il faisait partie de ces hommes qui méprisent ce qu’ils ne connaissent pas. »

« Le devoir que nous avons envers les animaux, c’est de les mener – à travers leurs vies successives – vers leur libération. Nous allons tous vers cette même direction, de la dépendance à la liberté, du rituel au libre arbitre. »

« Le monde est une prison pleine de souffrances, organisée de telle façon que, pour survivre, il faut faire du mal aux autres. »

« Les matins d’hiver sont faits d’acier, ils ont un goût métallique et des bords acérés. Les mercredis de janvier, à sept heures du matin, on voit bien que le monde n’a pas été créé pour l’homme, et certainement pas pour son confort et son plaisir. »

« Le dessein de l’évolution est purement esthétique, et peu lui importe l’adaptation. En réalité, l’évolution est en quête de beauté, de l’aboutissement le plus parfait de toute forme. »

Mots-clés : #nature #ruralité #spiritualité

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Message par Bédoulène Dim 13 Sep - 0:34

merci Tristram, je le lirai certainement !

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Message par Invité Dim 6 Déc - 21:50

Histoires bizarroïdes

social - Olga Tokarczuk - Page 3 Histoi10



C'est toujours plus difficile de parler objectivement d'un recueil de nouvelles par rapport à un roman parce que dans le premier, certains courts récits seront préférés à d'autres et donc le commentaire pourra varier énormément d'un lecteur à l'autre.

Dans ces pages, il y d'abord les talents d'un conteur, il y a également la magie des mots, et la poésie de la prose et tout cela constitue déjà une extraordinaire évasion.


Quand je repense au recueil dans son ensemble, je dirais qu'Olga Tokarczuk essaye de nous parler d'un monde dans lequel les illusions de préserver une humanité auraient disparu. Il est question de régimes totalitaires absurdes, mais pas si irréels, finalement et cela fait frissonner, il est question de religion, ou plutôt d'adoration que ce soit pour des reliques ou pour un symbole autour duquel ont été instaurées des coutumes, symbole lui-même miroir de toutes les abominations dont est capable l'être humain. Sujets d'adoration qui ne sont, par ailleurs, d'aucun secours pour la folie des hommes.
Tout est comme si les hommes ne savaient plus vivre ensemble, il y a des élus et des relégués, comme si les hommes avaient épuisé l'environnement coupant toute interaction avec la nature et le monde animal même si certains décident de le rejoindre dans une forme d'éternité rédemptrice.
Enfin, certains textes nous questionnent sur nos peurs et nos automatismes de pensée.


C'est une très belle lecture, mais qui laisse comme un sentiment d'angoisse par l'aspect des sujets évoqués, une fois le livre refermé.
Une lecture qui pourrait faire surgir des questions sur les possibilités qu'il nous reste de sauver notre humanité.

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Message par Armor Dim 6 Déc - 21:55

Merci pour ce beau commentaire incitatif, janis ! Décidément il faut que je la lise. (Combien de fois dis-je ceci par semaine, sur ce forum ? Razz )

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Message par bix_229 Dim 6 Déc - 22:05

Merci, Janis ! J'aime déjà Olga T. sans l'avoir encore lue.
Une vidéo qui renforce mon admiration pour elle.
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Message par Invité Dim 6 Déc - 22:16

@bix_229, dans l'entretien, il y a cette phrase :

Tous ses livres sont habités par cet imaginaire centre-européen, encore trop mal connu du reste du continent.

Et c'est tout à fait cela, j'ai lu des auteurs roumains et on retrouve cette sorte d'écriture-conte où l'imagination ne s'envole pas si loin de notre réalité qu'on pense immuable. Tout parait possible dans ces récits...


@Armor : un recueil de nouvelles se lit tout seul !  Wink ( un peu comme une friandise )

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Message par Tristram Lun 7 Déc - 0:21

Merci Janis ; j'ai toujours Les livres de Jakób en attente, mais je ne m'en ressens pas pour un pavé ces jours-ci... alors, un petit recueil de nouvelles, après de bonnes expériences dans ce domaine, peut-être bien !
J'ai écouté l'interview (assez mal fichue par certains côtés), mais ce que dit Tokarczuk m'a paru très intéressant, notamment sur l'Europe, l'excentrisme, et l'antisémitisme.

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Message par Bédoulène Lun 7 Déc - 14:20

merci Janis ! tant d'envies et si peu de temps

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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social - Olga Tokarczuk - Page 3 Empty Re: Olga Tokarczuk

Message par bix_229 Lun 7 Déc - 15:16

Dans l'entretien, j'ai aimé cette phrase de OT :

“Dans cette région qui est la mienne, on accorde une grande importance à l’écriture et au côté poétique de la narration. Ce qui m’a attirée, c’est non seulement la manière de raconter les histoires, mais aussi une certaine anxiété. (...) J’ajouterais aussi l’ironie, une ironie bien spécifique, qui est la philosophie des impuissants. (...) Je me sens proche de tout cela.”
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social - Olga Tokarczuk - Page 3 Empty Re: Olga Tokarczuk

Message par ArenSor Lun 15 Fév - 17:32

Dieu, le temps, les hommes et les anges

social - Olga Tokarczuk - Page 3 Dieu_l10

Dieu est très actif dans ce roman, occupé à créer les mondes, avec plus ou moins de bonheur :

« Dans le huitième monde, Dieu est déjà vieux. Sa pensée est de plus en plus débile, le verbe bredouille. Le monde issu de la Pensée et du Verbe est gâteux. Le ciel se fendille comme du bois desséché, la terre s’est décomposée par endroits et s’effrite sous les pas des animaux et des hommes. Les confins du monde s’effilochent, tombent en poussière. »

Est-ce dans ce monde que vivent les personnages de Tokarczuk ? Un autre, encore plus loupé ? Certains tentent en vain d’en percer les secrets, le châtelain Popielski, à l’aide d’un jeu sans fin ou le jeune Isidor et ses «quadruplets».

Le Temps s’écoule au fil des générations, des prémices de la première guerre mondiale aux années 60, ou peut-être 70 ?,  avec leur lot de catastrophes dans cette partie de l’Europe malmenée : combats en Russie, invasion allemande de 1939, avancée russe quelques années plus tard, installation du communisme. Ainsi les chapitres s’égrènent : « Le Temps d’Antan », « Le temps de Geneviève » etc. 84 chapitres au total, très courts, et qui rythment bien la lecture.

Les Hommes. L’histoire se déroule exclusivement dans un village entouré de forêts. Il y a la famille du châtelain, la famille du meunier, la Glaneuse, le Mauvais Bougre, l’inquiétant Noyeur…

Les anges. Ce sont les anges gardiens présents au moment de la naissance et qui suivront la vie de chacun jusqu’à son dernier souffle. Le fantastique est partout présent dans ce village, il se mêle sans difficultés au réel. Dans le village, les femmes font l’amour avec des plantes (angélique en l’occurrence), des bébés sont mystérieusement échangés à leur naissance.  La forêt est le lieu de toutes les transformations, de tous les possibles.
C’est certainement ce que j’ai préféré dans ce livre de Tokarczuk, le mélange en douceur du réel et du fantastique au point de ne plus savoir qui est l’un et qui est l’autre. On retrouve un peu l’atmosphère de « Sur les ossements des morts » sans le caractère policier de ce dernier roman.

« Les gens croient vivre plus intensément que les animaux, les plantes et – à plus forte raison – les choses. Les animaux pressentent que leur vie est plus intense que celle des plantes et des choses. Les plantes rêvent qu’elles vivent plus intensément que les choses. Les choses, cependant, durent ; et cette durée relève plus de la vie que quoi que ce soit d’autre. »

« Imaginer, c’est en somme créer, jeter un pont entre la matière et l’esprit. Surtout quand on pratique cet exercice aussi souvent qu’intensivement. L’image se transforme alors en gouttelettes de matière et s’intègre aux courants de la vie. Parfois, en cours de route, elle se déforme quelque peu. En somme, tous les désirs humains se réalisent, s’ils sont suffisamment intenses, mais pas toujours de la manière qu’on s’était imaginée. »
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