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Pascal Quignard

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Message par Tristram Ven 29 Mar - 11:21

L'amour la mer

Pascal Quignard - Page 5 97820710

Ce roman rassemble des tableaux (aussi peintures qu’on reconnaît), des scènes de personnages de toute l’Europe du milieu du XVIIe (et jusqu’à la mer de Marmara), souvent musiciens, certains au moins ayant existé, comme Froberger, compositeur pour claviers, et la princesse Sibylla de Wurtemberg avec sa jument Josepha, ou vraisemblablement pas, comme la longue Thullyn baltique et Hatten le luthiste athée, « musicien qui a peur de sa propre création. » Quignard reprend des thèmes déjà abordés dans son œuvre romanesque (ces personnes sont aussi des Ombres errantes), notamment des figures de la musique baroque comme Sainte Colombe, déjà présent dans Tous les matins du monde. La guerre de Trente Ans (et donc les religions) constitue la toile de fond de ce récit diffracté ; autre récurrence, les cartes à jouer.
Quignard est sensuel, et même érotique (hétéro comme homosexuel).
« …] de même mon front touchait la peau lisse de ton sein, mes lèvres sèches s’y posaient doucement, rêvaient de s’y entrouvrir, de mouiller l’embout de chair grumeleuse, de tirer, de soutirer, de traire lentement la vie possible et fade, tiède, blême et extraordinaire. »
C’est avec volupté que j’ai lu ce roman qui parle essentiellement (et mélancoliquement) de bonheur. Sa prose, sorte de flux de conscience polyphonique, évoque ces thèmes ressassés – « L’amour, la mer, la musique, la mort » (et la nuit) – sans être convenu, demeurant simple en alternant courtes phrases et brèves énumérations d’adjectifs ou verbes.
« Il la prend dans ses bras doucement. Il la serre contre lui. Ils se serrent l’un contre l’autre si fort. Il sent ses seins qui gonflent peu à peu contre son torse. Il sent son ventre qui vient respirer contre son ventre. Ils ne sanglotent plus. Leurs cœurs battent plus lentement et leurs rythmes, qui différaient, se concertent, s’accordent, s’équilibrent, s’épousent. »

« On me disait impie parce que je refusais de saluer les dieux mais les églises, les cathédrales, les basiliques, étaient restées pour moi, toujours, à jamais, des sanctuaires. Même, si je puis dire, le souvenir d’un dieu qui était parfaitement mort rendait ces enclos de silence encore plus vénérables. Et, plus encore, il était possible, depuis que les croyants les avaient désertés, que les lieux de culte démunis de culte, une fois devenus vides, une fois délivrés d’espérance immortelle, tant le silence qu’ils contenaient était devenu sonore et pur, fussent destinés, par privilège peut-être, par excellence, aux incroyants. Seuls les athées en respectaient la fonction ancienne, c’est-à-dire la nuit constante, quelque chose d’absolument lointain, de haut et d’effrayant aussi, proche du supplice, sûr de la mort et de son cri, et qui était peut-être devenu plus saint en s’étant renoncé. »

« Qu’est-ce qu’un fantôme sinon nous-mêmes vivants, au-delà de nous-mêmes, enfiévrés par notre propre mort qui fait un cercle pour revenir vers soi ? Mais que veut dire nous-mêmes ? Nous-mêmes vivants que leurs reflets avalent ? »

« Que reste-t-il de l’amour quand l’amour, à l’évidence, n’est plus ? Tellement de choses qu’il est impossible de les énumérer. Tout un monde.
Continue le mouvement qui l’initia.
N’a pas de fin l’essentiel.
L’amour est bien plus que la prédation si animale, si attentive, si curieuse, si avide, si passionnée, si envoûtante, d’un corps que l’on ne connaît pas.
Séjourne tellement plus que le côtoiement tellement bouleversant, odoriférant, étrange, stupéfiant, que la présence physique fait naître.
Même les plantes ajoutent au pollen le nectar, au nectar le parfum, au parfum la couleur – pour retenir ce qui les aide à se ressusciter.
Alors, sublimement, subitement, les plantes, comme enivrées de leurs propres splendeurs, s’ajoutent les animaux, les papillons, les oiseaux – pour ajouter à l’érection le mouvement, à la couleur le chant, et au chant la mémoire.
Enfin à la mémoire la nostalgie, saison après saison, dans la roue des saisons, qui n’est rien d’autre que le désir du désir qui fait le tour du temps dans la lumière céleste. »

« — Je pense que Hatten, comme tous les artistes, adore que le vide se creuse. Adore en ressentir le manque.
Il saisit la main de la jeune femme qui se tait.
— Ils aiment retrouver ce qu’ils ont éprouvé de pire. C’est leur sève affreuse. »

« La porte de ce chant est ce vieux mutisme inquiet, qui procède chez tous les animaux du silence de mort, ou du pressentiment de leur mort dans le silence qui se fait entendre autour du volume de leurs corps, dans la menace perpétuelle qui les entoure dans les arbres, les carrières de roches éboulées, les hautes roselières, les fougères. C’est le silence propre à la prédation. C’est le silence devant le corps qui est menacé de périr. C’est le « silence de mort ». Cet effroyable silence fait le fond de la musique. Les animaux lèvent leur visage de façon incomparable. Les musiciens quand ils ferment leurs paupières décomptent intérieurement ce silence où ils sont à mourir.

Soudain ils les rouvrent en même temps. Ils se regardent. Ils attaquent. Et ils attaquent ce silence au cœur de ce silence devenu intolérable.
Comme ils attaquent au cœur tous ceux qui, immobiles, lui prêtent toute leur attention.

Monsieur Hatten disait : Au rossignol aucun auditoire n’est nécessaire. Le cœur de la nuit suffit. »
(Pour aller plus loin : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/06/lire-maree-haute-quignard/)

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Sam 30 Mar - 7:57

revenir à l'auteur ? j'avais beaucoup apprécié Tous les matins du monde et Terrasse sur Rome, mais j'ai arrêté de le lire après Villa Amalia où je n'avais pas accroché du tout

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