Varlam Chalamov
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Varlam Chalamov
source : BabelioVarlam Tikhonovitch Chalamov est un écrivain russe qui passa 22 ans de sa vie au goulag dont il tira de terribles récits.
Varlam est né dans une famille aisée ruinée par la révolution de 1917. Il est le dernier des cinq enfants d'un ecclésiastique privé de ses fonctions par le nouveau régime. Après ses études secondaires, en 1924, il fuit la misère et trouve du travail près de Moscou. En 1926, devenu ouvrier, il a accès à l'université. À Moscou, il fréquente les bibliothèques, les cercles futuristes et constructivistes. Il commence à écrire.
En 1929, il est arrêté dans une imprimerie clandestine qui diffusait le Testament de Lénine. Il passe deux ans dans un camp de travail à Vichéra, nord de l’Oural, où il rencontre sa femme. En 1931, à Moscou, il publie ses premières œuvres.
En 1937, Varlam Chalamov est condamné à cinq ans de bagne pour « activité contre-révolutionnaire trotskiste ». Il est envoyé en Kolyma, dans cet Extrême-Orient soviétique. Dans des conditions inhumaines, il travaille dans différentes mines, d'or en particulier. Il n'est en fait libéré de sa peine qu'en 1951, mais reste assigné à résidence à Kolyma. Il écrit de la poésie.
Quand il rentre à Moscou en 1954, après une absence de dix-sept ans, c'est pour se faire chasser par sa femme et par sa fille, qui l'accuse d'être « un ennemi du peuple ». L'année suivant, Varlam Chalamov entreprend la rédaction des "Récits de Kolyma". Dès sa libération, Chalamov rencontre Pasternak qui lui confie en 1954 et 1955, en deux fois, le manuscrit de "Docteur Jivago", il en est l'un des premiers lecteurs.
Varlam Chalamov est officiellement réhabilité en 1956, il s’installe à Moscou, rompt avec Pasternak, fait la connaissance de sa seconde femme, O.S. Neklioudova. "Les Récits de Kolyma", refusés en URSS, paraissent à l'étranger en 1960, mais il ne perçoit aucun droit d'auteur. En 1972, Chalamov doit renier ses "Récits", très probablement forcé par les pressions de l'État. Le livre paraît en URSS en 1987.
Isolé et malade, Varlam Chalamov meurt aveugle et sourd, dans un hôpital psychiatrique où il a été transféré contre son gré. De son vivant, il n'a publié dans son pays que quelques recueils de poèmes.
Bibliographie en français :
La Quatrième Vologda : récit autobiographique
Les Récits de la Kolyma : quai de l’enf
Correspondance avec Boris Pasternak
Cahiers de la Kolyma et autres poèmes
Mes bibliothèques
Essais sur le monde du crime
Tout ou rien : cahier 1 : l'écriture
Correspondance avec Alexandre Soljenitsyne et Nadejda Mandelstam
Les Années vingt : réflexions d'un étudiant
Vichéra : antiroman
Récits de la Kolyma, nouvelle édition
La Quatrième Vologda : souvenirs
Personnellement, je pense que c'est l'un des plus grands écrivains russes. Témoin terrible de son époque et de son pays.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Varlam Chalamov
Si vous lisez Chalamov -et il faut le lire- sachez que ses oeuvres sont dispersées ici et là, mais il
existe, je crois bien une édition qui contient ses oeuvres complètes.
Je viens de vérifier, c' est Verdier qui publie l'oeuvre complète de Chalamov.
Très bon éditeur, Verdier !
Si quelqu' un a lu récemment les récits de la Kolyma, qu' il se manifeste.
Sinon, lisez-le !
existe, je crois bien une édition qui contient ses oeuvres complètes.
Je viens de vérifier, c' est Verdier qui publie l'oeuvre complète de Chalamov.
Très bon éditeur, Verdier !
Si quelqu' un a lu récemment les récits de la Kolyma, qu' il se manifeste.
Sinon, lisez-le !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Varlam Chalamov
« Toutes les valeurs sont changées et le moindre concept humain qui garde son orthographe, sa résonance, son assemblage normal de sons et de lettres renferme aussi quelque chose d’autre qui n’a pas de nom sur le "continent" : ici, les mesures sont différentes, les coutumes et les habitudes particulières ; le sens du moindre mot a changé.
Lorsqu’il est impossible d’exprimer un événement, un sentiment ou un concept nouveaux dans le langage humain normal, on voit naître un mot nouveau, emprunté au langage des truands qui sont les arbitres de la mode et du bon goût dans l’Extrême-Nord. »
Valmar Chalamov, « Le procureur vert », in « Récits de Kolyma »
« – On ne peut se prouver que sa propre bêtise. Vivre, survivre – voilà notre objectif. Et ne pas décrocher… La vie est plus sérieuse que tu ne crois…
Les miroirs ne conservent pas les souvenirs. Mais ce que je cache dans ma valise, il est difficile de lui donner le nom de miroir : c’est un morceau de verre, on dirait que la surface de l’eau s’est troublée, que la rivière est devenue trouble et sale à jamais, après avoir retenu quelque chose d’important, d’infiniment plus important que le flux de la rivière, cristallin, transparent et limpide de haut en bas. Le miroir s’est troublé et ne reflète plus rien. Mais autrefois ce miroir était un miroir, un cadeau désintéressé que j’ai gardé pendant deux décennies ; des décennies de camp et de liberté semblable au camp, et de tout ce qui a suivi le XXe congrès du parti. Le miroir que m’avait offert Kipreiev n’était pas le résultat d’un commerce auquel il se serait livré ; c’était une expérience, une expérience scientifique, la trace d’une expérience faite dans l’obscurité du cabinet de radiologie. J’avais fait un cadre en bois à ce morceau de miroir. Je ne l’avais pas fait mais commandé. Le cadre est encore intact ; c’est un menuisier quelconque, un Letton, un malade convalescent qui me l’avait fait : pour une ration de pain. Je pouvais alors donner du pain pour une commande aussi personnelle, aussi frivole. […]
J’ai toujours ce miroir. Ce n’est pas une amulette. Je ne sais pas s’il porte bonheur. Peut-être attire-t-il les rayons du mal, reflète-t-il les rayons du mal et m’empêche-t-il de me diluer dans le flot humain où personne, moi excepté, ne connaît Kolyma ni l’ingénieur Kipreiev. »
Valmar Chalamov, « La vie de l’ingénieur Kipreiev », in « Récits de Kolyma »
'
Je ne découvre ce fil que maintenant (ainsi que ton injonction, Bix), parce que Dreep vient d'acquérir Récits de la Kolyma, ce que j'ai lu de plus fort sur cette partie du monde et de l'histoire après Soljenitsyne.
Lorsqu’il est impossible d’exprimer un événement, un sentiment ou un concept nouveaux dans le langage humain normal, on voit naître un mot nouveau, emprunté au langage des truands qui sont les arbitres de la mode et du bon goût dans l’Extrême-Nord. »
Valmar Chalamov, « Le procureur vert », in « Récits de Kolyma »
« – On ne peut se prouver que sa propre bêtise. Vivre, survivre – voilà notre objectif. Et ne pas décrocher… La vie est plus sérieuse que tu ne crois…
Les miroirs ne conservent pas les souvenirs. Mais ce que je cache dans ma valise, il est difficile de lui donner le nom de miroir : c’est un morceau de verre, on dirait que la surface de l’eau s’est troublée, que la rivière est devenue trouble et sale à jamais, après avoir retenu quelque chose d’important, d’infiniment plus important que le flux de la rivière, cristallin, transparent et limpide de haut en bas. Le miroir s’est troublé et ne reflète plus rien. Mais autrefois ce miroir était un miroir, un cadeau désintéressé que j’ai gardé pendant deux décennies ; des décennies de camp et de liberté semblable au camp, et de tout ce qui a suivi le XXe congrès du parti. Le miroir que m’avait offert Kipreiev n’était pas le résultat d’un commerce auquel il se serait livré ; c’était une expérience, une expérience scientifique, la trace d’une expérience faite dans l’obscurité du cabinet de radiologie. J’avais fait un cadre en bois à ce morceau de miroir. Je ne l’avais pas fait mais commandé. Le cadre est encore intact ; c’est un menuisier quelconque, un Letton, un malade convalescent qui me l’avait fait : pour une ration de pain. Je pouvais alors donner du pain pour une commande aussi personnelle, aussi frivole. […]
J’ai toujours ce miroir. Ce n’est pas une amulette. Je ne sais pas s’il porte bonheur. Peut-être attire-t-il les rayons du mal, reflète-t-il les rayons du mal et m’empêche-t-il de me diluer dans le flot humain où personne, moi excepté, ne connaît Kolyma ni l’ingénieur Kipreiev. »
Valmar Chalamov, « La vie de l’ingénieur Kipreiev », in « Récits de Kolyma »
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Je ne découvre ce fil que maintenant (ainsi que ton injonction, Bix), parce que Dreep vient d'acquérir Récits de la Kolyma, ce que j'ai lu de plus fort sur cette partie du monde et de l'histoire après Soljenitsyne.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Varlam Chalamov
Ouais, je le lis très bientôt !
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Varlam Chalamov
Egalement dans ma PAL. Mais après Musil
ArenSor- Messages : 3436
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Varlam Chalamov
... A mon avis, il est meilleur écrivain et nettement plus interessant que Soljenitsyne qui me fait trop penser à un ayatollah.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Varlam Chalamov
Récits de la Kolyma
Editions Verdier, 1478 pages
Ce qui m’a intrigué en feuilletant cet énorme livre, c’était que la place importante que Chalamov donne à la littérature dans son livre saute aux yeux. A la Kolyma, nous dit Chalamov, où tout est déshumanisé, elle semble au contraire n’avoir aucune place. On est par ailleurs bien trop occupé à survivre au milieu des truands et du travail forcé, d’un froid qui descend jusqu’à -60° C, des maladies et du manque évident de nourriture. Mais j’avais aussi envie de lire ce livre pour ce qu’il revêt de la perception d’une certaine réalité, atroce. Je n’avais à ce moment-là pas d’autre envie. L’auteur prévient le lecteur que ce qu’il a vécu là-bas le dépasse, nous à plus forte raison encore.
Des petits morceaux sont reconstitués, dans un désordre chronologique et de répétitions. Le livre acquiert en quelque sorte une forme libre de mémoire aux limites humaines : quelques réflexions éparses ― il ne brille pas par sa dimension analytique malgré tout ― quelques épisodes. Notamment un, relaté dans un très beau récit intitulé "Marcel Proust"… Ce fantôme (dans le meilleur sens du terme, s’entend) a un éclat très particulier, très étrange et en tout cas lumineux au cœur de ce témoignage. Si justement la littérature n’a plus de place, ou presque plus, c’est au mieux en tant que souvenir. Dans des pénibles tentatives de réminiscences de sa vie avant le goulag, ou bien quand on « édite des rômans » pour des truands oisifs. Mais « au mieux, un souvenir » n’est-ce-pas déjà beaucoup ? La littérature devient pour Chalamov un moyen de redevenir humain, qu’il partage avec son lecteur dans une avidité palpable. Mais on se sent comme étranger, peut-être que l’expérience est trop radicale, même si nombre de ces récits sont émouvants.
Varlam Chalamov a écrit:Les valeurs sont brouillées et chaque notion humaine, bien que désignée par un mot dont l’orthographe, les sonorités, l’assemblage familier de sons et de lettres restent les mêmes, renvoie à quelque chose qui n’a pas de nom sur le « continent » : ici, les critères sont différents, les us et les coutumes particuliers ; le sens de chaque mot est transformé.
Lorsqu’il est impossible d’exprimer un sentiment, un événement ou un concept nouveau dans le langage humain ordinaire, on voit naître un mot neuf, emprunté à la langue des truands qui sont les arbitres de la mode et du bon goût dans l’Extrême-nord.
mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #captivite #creationartistique #regimeautoritaire
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: Varlam Chalamov
Compléments biographiques sur Chalamov : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/soljenitsynechalamov-34-une-vie-en-enfer
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Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Varlam Chalamov
Deuxième partie, et le credo de Chalamov : "ne pas céder, ne pas entrer dans le système de délation, dans le système de complicité" ; force vitale, moralité exceptionnelle, oui, pour le moins exemplaire dans le monde totalitaire... Le pin nain, qui se redresse sous la neige...
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/soljenitsynechalamov-44-la-nouvelle-prose-de-varlam-chalamov
"visage de pierre"...
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/soljenitsynechalamov-44-la-nouvelle-prose-de-varlam-chalamov
"visage de pierre"...
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15964
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Varlam Chalamov
Visage de granit, mais oeil d'aigle. Très impressionnant !
Je ne suis jamais parvenu à comprendre comment des etres tels que Chalamov
ont pu supporter les bas fonds de l'ame humaine et de plus en parler.
On pourra dire que c'était une manière de surmonter ou d'essayer en témoignant.
D'autres l'ont fait, comme Primo Levi, mais ils n'ont pas pu aller jusqu'au bout.
Sciascia a parlé plusieurs fois de ces martyrs de l'Inquisition qui ont opposé leur
faible résistance humaine à l'nhumanité militante.
Giordano Bruno fut lui aussi torturé par l'Inquisition et finalement jeté au bucher
mais sans se renier.
Ils ne sont pas forcément des modèles pour les humains qui, dans leur grande majorité,
sont trop vulnérables pour résister.
Mais quand meme des témoins inaliénables à ne jamais oublier.
Je ne suis jamais parvenu à comprendre comment des etres tels que Chalamov
ont pu supporter les bas fonds de l'ame humaine et de plus en parler.
On pourra dire que c'était une manière de surmonter ou d'essayer en témoignant.
D'autres l'ont fait, comme Primo Levi, mais ils n'ont pas pu aller jusqu'au bout.
Sciascia a parlé plusieurs fois de ces martyrs de l'Inquisition qui ont opposé leur
faible résistance humaine à l'nhumanité militante.
Giordano Bruno fut lui aussi torturé par l'Inquisition et finalement jeté au bucher
mais sans se renier.
Ils ne sont pas forcément des modèles pour les humains qui, dans leur grande majorité,
sont trop vulnérables pour résister.
Mais quand meme des témoins inaliénables à ne jamais oublier.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
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