Carlos Liscano
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Re: Carlos Liscano
L'Écrivain et l'autre

La narrateur (Liscano lui-même, la cinquantaine) s’interroge sur son impossibilité à écrire actuellement, alors qu’il le faisait depuis vingt ans.
Si certains écrivains conçoivent leur texte comme la démonstration d’une thèse, Liscano est de ceux qui écrivent pour découvrir quelque chose qui n’est pas préconçu, et nous donne ici le propos du livre actuel (mais le projet romanesque n’aura pas vraiment de suite).
Est inséré Vaincre le temps, un texte qui prolonge la dissociation caractéristique de Liscano en "lui" et "l’écrivain" (qu’il est), le « cultivateur », le « chercheur d’infini » qui cultive solitude et néant, mort, temps, en soi-même, contre la vie, le monde.
\Mots-clés : #autobiographie #ecriture #universdulivre

La narrateur (Liscano lui-même, la cinquantaine) s’interroge sur son impossibilité à écrire actuellement, alors qu’il le faisait depuis vingt ans.
Si certains écrivains conçoivent leur texte comme la démonstration d’une thèse, Liscano est de ceux qui écrivent pour découvrir quelque chose qui n’est pas préconçu, et nous donne ici le propos du livre actuel (mais le projet romanesque n’aura pas vraiment de suite).
Liscano a beaucoup vécu en marge, en étranger (armée, prison, exil en Suède). L’écrivain est « un personnage que j’ai inventé », il l’a créé et est devenu son « serviteur ». Cette vision d’un « autre » m’a évidemment ramentu Borges et moi, dans L’Auteur de Borges.« J’écris deux choses à la fois, j’essaie de les réunir. Peut-être que le roman, ce genre qui accepte tout, pourra déglutir ce texte. Serai-je capable de raconter et de dire quelque chose sur le métier de raconter ? Où mène ce que je suis en train de faire ? Si je savais où ça mène, je ne l’écrirais pas. Parce que, écrire, c’est ça : partir sans savoir où on va arriver. Sans même savoir si on arrivera quelque part. Écrire est un art immobile, me dis-je. Et je ne sais même pas ce que ça veut dire. »
« J’ai commencé mon roman en visant très haut, beaucoup d’ironie. Le personnage qui se construit lui-même sous les yeux du lecteur. L’histoire habituelle : un individu ordinaire qui veut juste avoir une vie ordinaire, et l’Autre, qui le travaille de l’intérieur, qui le maintient hors de la vie, comme observateur. À la fin ils sont inséparables, même si chacun rejette son associé. Mais je ne suis pas capable de trouver une suite à cette histoire. L’excès d’ironie depuis le début rend tout développement impossible. Du moins ne suis-je pas capable de faire en sorte que l’histoire continue. »
« C’est dans ce sens que la littérature domine ma vie. Pas dans le sens où j’aurais des choses à dire, mais parce que sans la littérature la vie manquerait de sens, de matière, de lieu pour exister. »
« C’est le moment où j’aimerais être un autre, et que j’ai si souvent essayé d’écrire. Ne pas être moi, être un autre. Et alors il y a la condamnation de celui qui ne peut être que lui-même, et être lui-même signifie réaliser le désir de cet enfant sans livres qui croyait que rien n’était plus important dans la vie que lire des livres, et ensuite en écrire. »
« Si j’enlève la lointaine impression d’avoir voulu être écrivain dès l’âge de douze ans, si j’enlève les lectures pour le devenir, si j’enlève les heures passées à écrire et à réfléchir sur le fait d’écrire, si j’enlève ce que j’ai écrit, il ne reste rien de moi. »
Outre cette dualité, Liscano évoque ses modèles en littérature, et son œuvre personnelle, sa solitude.« Tout écrivain est une invention. Il y a un individu qui est un, et un jour il invente un écrivain dont il devient le serviteur ; dès lors il vit comme s’il était deux. »
« L’inventé c’est ça : un style, une façon de raconter qui permet de voir la vie comme on ne la voit pas à première vue. »
Le ton est celui de notes prises sur le vif, un peu aussi celui de mémoires ; on perçoit une progression dans l’ouvrage, et son centre (le livre), bien qu’alternent ruminations moroses, souvenirs et observations du quotidien.« L’inventé écrit pour ses maîtres, pour leur ressembler, pour s’en différencier, même s’il sait qu’il ne pourra jamais les égaler. »
« L’écriture apprend à parler avec soi-même. Je ne suis pas sûr qu’elle apprenne à parler avec les autres. »
« La littérature est une tentative de mettre de l’ordre dans l’expérience de la vie, qui est chaotique. L’écrivain donne aux choses un centre, leur centre, et sent qu’il pourrait peut-être vaincre celle qui, il le sait, viendra le chercher. S’il réussit à établir ce centre, il a l’illusion, la vanité de croire que quelque chose de lui survivra, restera après sa mort. C’est, ou ce serait, la victoire.
Mais en un instant tout redevient précaire, privé de signification, futile. Si je ne fais pas attention je retrouve la sensation de froid, de sommeil, je sens de nouveau que tout ce que je veux, tout ce dont j’ai vraiment besoin, sans personnage, sans littérature, que ce qu’il y a de plus élémentaire et de plus nécessaire, c’est dormir à l’abri, dormir hors du temps, sans l’obligation de me réveiller. Me coucher et savoir que je n’aurai pas froid et que je ne me réveillerai plus. »
Est inséré Vaincre le temps, un texte qui prolonge la dissociation caractéristique de Liscano en "lui" et "l’écrivain" (qu’il est), le « cultivateur », le « chercheur d’infini » qui cultive solitude et néant, mort, temps, en soi-même, contre la vie, le monde.
L’écrivain qui parle de l’écriture est devenu un topos (et pas que dans les ateliers d’écriture). Mais c’est aussi une fin en soi, l’être humain étant en définitive l’utilisateur du langage, et aussi son créateur.« Écrire, c’est créer une voix, un style qui donne forme au monde. Un style n’a pas à être élégant ou cultivé. Il doit être personnel. Voir le monde depuis son propre style est une invention parallèle à celle de l’écrivain. Le style et l’écrivain sont la même invention. Inventé le style, inventé l’écrivain. Même si ça ne suffit pas. Parce que l’écrivain est plus que le style. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano
En somme, c'est intéressant?
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8174
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Re: Carlos Liscano
Oui, et à plus d'un titre, Liscano parlant finalement de beaucoup de choses ; mais le principal c'est quand même le scriptorium : on est dans la tête de l'écrivain. Perso, ça m'a passionné !
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Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano
Tristram a écrit: Perso, ça m'a passionné !

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topocl- Messages : 8174
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Re: Carlos Liscano
Eh oui, je m'exprime peu, et mal (en plus je suis très timide) ; je songe à mettre en place un système de petits cœurs, ou alors des pouces levés, j'hésite encore.
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Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano
Fais vite breveter ça avant qu'on te pique l'idée.
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topocl- Messages : 8174
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Re: Carlos Liscano
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Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano
je suis de l'avis de topocl, je te pause parfois carrément la question pour savoir si tu as aimé ou pas !
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"Prendre des notes, c'est faire des gammes de littérature Le journal de Jules Renard
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 20016
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Re: Carlos Liscano
Bon, je vais voir à donner mon avis dans mes commentaires...
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Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano

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topocl- Messages : 8174
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Re: Carlos Liscano
Je vais essayer d'y penser !
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Tristram- Messages : 14942
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Re: Carlos Liscano
L'écrivain et l'autre
Et bien, je vais être obligée d'avouer que j'ai été très très loin de la passion. Je n'ai pas compris grand chose et me suis beaucoup ennuyée.
Liscano a été plus de 10 ans en prison et on a l'impression qu'il l'a quittée pour une autre prison, celle de son cerveau qui tourne en rond autour de notions comme la littérature, la dichotomie (ou la schizophrénie ?) de l'écrivain, le silence, le suicide et la solitude. Ah, oui, il évoque aussi l'ironie, mais je l'ai beaucoup cherchée sans la trouver...
Bref pour moi, un livre très sérieux, austère, lourd, abstrait à en être abscons, un truc pour quelqu'un d’intelligent comme tristram.
Et que je n'ai pas aimé, car je sens que tu vas me le demander.
Tristram a écrit: Perso, ça m'a passionné !
Et bien, je vais être obligée d'avouer que j'ai été très très loin de la passion. Je n'ai pas compris grand chose et me suis beaucoup ennuyée.
Liscano a été plus de 10 ans en prison et on a l'impression qu'il l'a quittée pour une autre prison, celle de son cerveau qui tourne en rond autour de notions comme la littérature, la dichotomie (ou la schizophrénie ?) de l'écrivain, le silence, le suicide et la solitude. Ah, oui, il évoque aussi l'ironie, mais je l'ai beaucoup cherchée sans la trouver...
Bref pour moi, un livre très sérieux, austère, lourd, abstrait à en être abscons, un truc pour quelqu'un d’intelligent comme tristram.
Et que je n'ai pas aimé, car je sens que tu vas me le demander.
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topocl- Messages : 8174
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Re: Carlos Liscano
Ah oui, c'est pas très gai, et mon avis ne vaut pas pour tous sans doute.
Très bien vu et dit ! Il a été si marqué qu'il abandonne l'engagement politique pour l'écriture, sans que bien sûr ce soit un choix raisonné.Topocl a écrit:Liscano a été plus de 10 ans en prison et on a l'impression qu'il l'a quittée pour une autre prison
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Tristram- Messages : 14942
Date d'inscription : 09/12/2016
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Re: Carlos Liscano
Ce n'est pas une question de gaité, je ne crains pas quand c’est bien sombre.Tristram a écrit:Ah oui, c'est pas très gai, et mon avis ne vaut pas pour tous sans doute.
C'est une question de compréhension, et un peu aussi de tourner en rond.
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topocl- Messages : 8174
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Localisation : Roanne
Re: Carlos Liscano
Qu'est-ce que tu n'as pas compris, que je t'explique ?
Quant à tourner en rond, c'est assez fréquent en prison (me suis-je laissé dire).
Quant à tourner en rond, c'est assez fréquent en prison (me suis-je laissé dire).
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Tristram- Messages : 14942
Date d'inscription : 09/12/2016
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Re: Carlos Liscano
Tristram a écrit:Qu'est-ce que tu n'as pas compris, que je t'explique ?
Pas grand chose, en fait

Oui, il y a ce tragique de la marque ineffaçable.Tristram a écrit:Quant à tourner en rond, c'est assez fréquent en prison (me suis-je laissé dire).
Mais j'aurais préféré qu'il tourne en rond sur des trucs que je comprends. Je ne susipas arrivée à le suivre dans son obsession auto-destructrice.
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topocl- Messages : 8174
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 63
Localisation : Roanne
Re: Carlos Liscano
Je ne crois pas que ce soit une obsession autodestructrice, mais peut-être au contraire le moyen de lutter contre cet instinct de mort.
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Tristram- Messages : 14942
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 66
Localisation : Guyane
Re: Carlos Liscano
Dans le temps où j'avais étudié en littérature de l'Amérique latine, j'avais participé assez longtemps au processus pour me souvenir que Carlos Liscano a également écrit Le fourgon des fous. Je pense que c'est ce livre qui pourrait peut-être davantage s'adresser à toi, Topocl?
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2477
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 41
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Re: Carlos Liscano
Alors je suis d'accord que le but de cette obsession n'est pas autodestructeur, mais j'ai craint en le lisant que l'autodestruction ne soit le résultat. Voilà ce que je voulais dire.Tristram a écrit:Je ne crois pas que ce soit une obsession autodestructrice, mais peut-être au contraire le moyen de lutter contre cet instinct de mort.
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topocl- Messages : 8174
Date d'inscription : 02/12/2016
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Localisation : Roanne
Re: Carlos Liscano
Oui JHB (c'est drôle car justement hier je me disais qu'on ne t'avait pas vu depuis longtempsJack-Hubert Bukowski a écrit:Dans le temps où j'avais étudié en littérature de l'Amérique latine, j'avais participé assez longtemps au processus pour me souvenir que Carlos Liscano a également écrit Le fourgon des fous. Je pense que c'est ce livre qui pourrait peut-être davantage s'adresser à toi, Topocl?

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topocl- Messages : 8174
Date d'inscription : 02/12/2016
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