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Message par Quasimodo Ven 29 Oct - 11:33

C'est dans dix jours, je crois, Dreep (c'est le 30 octobre du calendrier julien). Pour sa correspondance, je crois que c'était aussi l'avis de Gide. Mais si tu la lis, je serais curieux de savoir si tel est vraiment le cas.
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Message par Dreep Ven 29 Oct - 12:41

Son anniversaire n'a qu'à durer dix jours, c'est toujours mieux que 24h Rolling Eyes

Le journal d'Anna Dostoïevski donnait déjà l'idée d'un personnage assez pathétique (et ce n'est franchement pas à cause d'un regard critique d'Anna Dostoïevski à l'égard de son mari, elle est au contraire plutôt tendre). Pas sûr de vouloir me reconfronter à cela.
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Message par bix_229 Ven 29 Oct - 16:40

Dostoievski, l'homme, eut une vie bouleversée. Il haissait son père, brutal et insensible.
Il aurait pu le tuer en imagination et d'une certaine façon, il l'a fait par l'intermédiaire
des Frères Karamazov.
Son séjour au bagne, lui conféra une sensibilité nouvelle si on en croit La Maison des morts.
Mais pour quelles séquelles physques et morales ?
Il était miné par l'épilepsie et le jeu était une adiction qui l'obligeait à écrire rapidement
pour essayer de combler ses dettes incessantes.
Ses prises de position politiques, morales et religieuses l'ont sans doute confronté à lui
meme d'abord.
Bref, sa vie n'était pas un fleuve tranquille et son humeur s'en ressentait (l'héritage paternel)
et ses relations humaines étaient contrastées. Meme si, comme le dit Dreep,, son épouse
en fait un portrait plutot clément.
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Message par Quasimodo Sam 30 Oct - 13:26

Dreep a écrit:Son anniversaire n'a qu'à durer dix jours, c'est toujours mieux que 24h Rolling Eyes
Tiens oui, c'est amusant : un anniversaire qui dure le temps qu'un calendrier rattrape l'autre Fédor Dostoïevski - Page 4 1390083676
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Message par Dreep Lun 1 Nov - 10:31

Le rêve d'un homme ridicule

Fédor Dostoïevski - Page 4 51ydqk11

-- Il est possible que je divulgâche un peu --

C'est si peu de choses que ces soixante pages ! Et encore moins si l'on considère seulement l'idée qu'elles renferment. On présente cette idée comme celle qui animait Dostoïevski contre son temps, contre le monde dans lequel il vivait. Trois phrases jetées avec mépris suffisent à son personnage pour résumer l'antithèse d'un rêve ― celui du titre. Qu'est-ce que ce rêve ? Une vision, éphémère dans le texte, un poème. Ne parlons pas d'utopie, car elle serait un fétu de paille. Dostoïevski n'entend pas spécialement s'adonner au genre qui a fait le renom de Thomas More ou celui de Louis-Sébastien Mercier. Pensez donc, il s'agit de Dostoïevski ! Mais ce rêve, éphémère s'il en fut ― et qu'est-ce qu'il ne l'est pas dans ce livre ? ― en fut aussi un moment spécial, surtout lors de son envolée vers les étoiles... je dois dire qu'une envolée si nette est très atypique dans l'œuvre de Dostoïevski, et à ce titre elle justifie presque à elle seule que l'on s'attarde sur Le rêve d'un homme ridicule. Le surnaturel chez Dostoïevski a bien plus l'habitude de n'être qu'un soupçon de démence, contenu, enclos dans un monde rationnel, et terrible parce qu'il est réel. Le monde de Dostoïevski c'est celui-ci, beaucoup moins celui du rêve.

La sphère la plus importante du récit (y compris dans l'économie du texte) c'est encore une fois ce monde réel, dans lequel le narrateur est un homme ridicule, dans lequel Dostoïevski montre à quoi est réduit son rêve : l'impossibilité. Non pas du rêve lui-même, mais impossibilité de le rendre intelligible ou audible aux autres hommes. C'est curieusement là que la nouvelle peine à convaincre, dans toutes les idiosyncrasies de l'écrivain russe : l'homme ridicule assène fiévreusement (mais sans force) ses vérités, il n'a qu'un seul interlocuteur, nous, sinon la vague rumeur de gens qui l'ont traité de fou, ou de bouffon. Une vague mais très récurrente (dans l'œuvre, pas la nouvelle) figure de la petite fille abandonnée pour émouvoir.
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Message par Tatie Mar 2 Nov - 19:01

C'est toujours assez fascinant, ce contraste étrange entre la noblesse de certaines idées, la grandeur d'un style, un souffle unique et la vie de l'écrivain derrière, plutôt ordinaire ou minable, comme nous tous, je dirais.

Ca m'interpelle toujours. Idem avec les compositeurs, peintres, etc...

Tous tellement humains, parfois petitement humains et pourtant, l'étincelle en plus, par intermittence...

Voire le feu, quand on parle des géants de l'Art...

Le mystère.
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Message par Dreep Mar 2 Nov - 19:20

Ça n'a jamais été un mystère pour moi. Je trouve cela au contraire tout à fait normal. Quelqu'un qui par sa vie, par sa personnalité, serait le contraire de quelqu'un d'ordinaire ou de minable, voilà qui ne laisserait pas de m'étonner.
Les génies le sont par le travail, je crois.
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Message par Laurentides Mer 27 Déc - 23:26

Fédor Dostoïevski - Page 4 41qdot10

Je viens de terminer fiévreusement ce premier roman de Dostoïevski (1846) qui m'a beaucoup plu. C'est un roman épistolaire, donc très vivant, qui met en scène des personnages de condition modeste, dans la ville de St Saint-Pétersbourg des années 1840. On est plongé dans les heurs et malheurs de leur quotidien professionnel, amical, amoureux, en prise directe avec leur subjectivité. Ils se débattent dans un monde souvent dur pour les humbles, les sans-grade, les pauvres gens (et l'auteur ne manque pas de raffiner avec précision dans la description des degrés de misère, poussant ainsi le lecteur dans ses retranchements...). La honte, le mensonge et la méchanceté mais aussi la pitié, la bonté et l'amour sont des ressorts romanesques puissants dans ce beau texte d'une grande ambition morale.
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Message par Bédoulène Jeu 28 Déc - 10:56

merci Laurentides ! retourner vers l'auteur !

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Message par Tristram Jeu 28 Déc - 15:27

Oui, je ne pense pas l'avoir lu, et si je le trouve...

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Message par ArenSor Jeu 28 Déc - 18:02

Bédoulène a écrit:merci Laurentides ! retourner vers l'auteur !
De même. Il faut que je revienne à Dostoïevski pas relu depuis de éternités !
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Message par Avadoro Sam 30 Déc - 22:43

Un commentaire qui me donne aussi la motivation de me replonger dans l'univers de Dostoïevski, j'avais découvert la plupart de ces romans majeurs en un seul bloc de lecture.
Son écriture révèle une telle intensité qui peut parfois être éprouvante, mais il y a tant d'émotions et de pistes de réflexion à en retirer.
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Message par Laurentides Lun 15 Jan - 8:27

Fédor Dostoïevski - Page 4 Le-dou12

Selon Wikipedia :
- Le titre : Dans l’édition de 1865, Le Double porte le sous-titre Poème alors que dans l’édition originale parue dans en 1846, le sous-titre était Aventures de M. Goliadkine.
- Le récit : Le roman traite de la lutte intérieure du personnage principal, que Dostoïevski nomme « notre héros », Jacob Petrovitch Goliadkine, ce dernier nom étant traduisible grossièrement par « nu » ou « insignifiant ». Le narrateur dépeint un fonctionnaire pétersbourgeois dont la vie est bouleversée par l’apparition soudaine d’un double de lui-même. Celui-ci tente de détruire la réputation de Goliadkine et clame sa position. À la fois dans sa vie publique, dans la bureaucratie russe et également dans l’environnement social de Goliadkine. Le double est généralement appelé « le jeune », alors que Goliadkine (l’original) est appelé « l’aîné ». La stupéfaction de Goliadkine résulte du fait que personne, dans son entourage, n’est particulièrement choqué de voir son double - en tout point identique - débarquant dans sa vie. L’entourage n’y voit qu’un homme avec qui il aurait « une certaine ressemblance ».

   Bien des passages ont été écrits à la hâte, en état de fatigue. La première partie est meilleure que la dernière. À côté de pages magnifiques, on en trouve d'abominables, d'ineptes, à vous donner la nausée, on n'a pas envie de les lire. Cela, vois-tu, m'a fait vivre quelque temps un enfer, j'étais malade de chagrin. Frère, je t'enverrai Goliadkine dans deux semaines, tu le liras. Écris-moi un avis détaillé. »

Fiodor Dostoïevski, Lettre du 1er avril 1846 à son frère Mikhaïl


En ce qui me concerne, l'expérience de lecture a été redoutable : c'est à la fois prenant et insupportable. Qui donc parle et pense ? Qui donc s'agite et court dans les rues nocturnes et enneigées de Saint-Pétersbourg ? Qui donc aime et espère ? Qui donc pleure et supplie ? Qui donc ricane et crie ? Mais où veut-il donc en venir ? Ou devrais-je dire : où veulent-ils...? Que vient-on de lire ? Me voilà rendu, en bout de lecture, à une série de questions qui, je crois, ne trouveront qu'une réponse, y revenir encore et encore... Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, si loin, si proche...
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Message par Tristram Lun 15 Jan - 10:02

Merci d'encore attirer l'attention sur les titres moins courus de Dostoïevski, qui apparemment se place toujours, dans ce second roman, dans la continuation de Gogol.

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Message par Bédoulène Lun 15 Jan - 13:41

merci Laurentides, il faudrait toujours revenir à l'auteur

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Message par Tristram Ven 26 Jan - 10:41

Les Pauvres Gens

Fédor Dostoïevski - Page 4 Les_pa10

Le (premier) roman de Dostoïevski est l’échange de lettres entre deux personnages : le vieux Makar Alexéïévitch Dévouchkine est venu loger en face de chez Varvara Alexéïevna Dobrossiolova, une parente éloignée qu’il chérit.
« Nous, les vieux, je veux dire les gens d’un certain âge, nous nous faisons aux vieilles choses comme si elles avaient toujours été à nous. Mon logement, vous savez, il était si douillet ; avec ses murs… oui, à quoi bon en parler ! – il y avait des murs, comme n’importe quels murs, il ne s’agit pas des murs, et, de me souvenir de tout ça, de tout mon passé, ça me rend mélancolique… Une chose étrange – c’est dur, mais, les souvenirs, c’est comme s’ils étaient doux. Même ce qui était mal, ce qui me faisait rager parfois, dans les souvenirs, c’est comme si ça se nettoyait du mal, et ça se présente à mon imagination sous un air attrayant. »
Son logement est surpeuplé, et assez misérable ; il se sacrifie pour elle, et tous deux minimisent leurs ennuis. Varvara lui envoie un journal tenu alors qu’elle était plus heureuse. Enfant, elle vivait à la campagne, où son père était intendant, mais il leur fallut partir à Pétersbourg. À la mort de son père, une parente éloignée, Anna Fiodorovna, les recueillit, elle et sa mère. Là, elle eut comme voisin et précepteur le pauvre et maladif étudiant Pokrovski ; ils se rapprochèrent comme elle devenait une jeune fille, et découvrait les livres.
« Oh, ce fut un temps triste et joyeux à la fois – tout ensemble ; aujourd’hui encore, je me sens triste et joyeuse quand je m’en souviens. Les souvenirs, qu’ils soient joyeux, qu’ils soient amers, ils vous torturent toujours ; moi, du moins, c’est ainsi ; mais cette torture est douce. »
Lui est copiste, qui regrette de ne savoir composer (ce scribe a un côté bartlebyen, et fait directement référence à Le Manteau de Gogol, paru l’année précédente).
« Parce que, c’est vrai, à la fin, qu’est-ce que ça peut donc faire, que je recopie ? C’est un péché, de recopier, ou quoi ? “Non, mais, il recopie !” “Ce rat, n’est-ce pas, de fonctionnaire, il recopie !” Qu’est-ce qu’il y a là-dedans de tellement malhonnête ? Mon écriture, elle est nette, belle, elle fait plaisir à voir, et Son Excellence est satisfait ; c’est pour lui que je recopie des papiers des plus importants. Bon, je n’ai pas le style, je le sais très bien, que je ne l’ai pas, le satané style ; c’est bien pour ça que je n’ai pas monté dans ma carrière, et, maintenant, là, ma bonne amie, je vous écris tout simplement, comme ça me vient, comme l’idée m’en vient au cœur… Tout ça, je le sais bien ; mais, n’empêche, si tout le monde se mettait à composer, qui est-ce qui resterait, pour recopier ? »

« Parce que, c’est vrai, au fond, ça vous passe, quelquefois, par la tête… et si, moi, j’écrivais quelque chose, qu’est-ce qui arriverait ? »
Makar se ruine pour aider Varvara qui l’apprend ; il a honte, craint les ragots, alors qu’elle lui a gardé son amitié.
« Vous aviez honte de m’obliger à avouer que j’étais la cause de votre situation désespérée, et maintenant, vous avez doublé mon malheur avec votre conduite. Tout cela m’a stupéfiée, Makar Alexéïévitch. Ah, mon ami ! le malheur est une maladie contagieuse ! Les malheureux et les pauvres devraient s’éviter les uns les autres, pour ne pas se contaminer encore plus. »
Tous deux en mauvaise santé et en piètre situation, ils accusent le destin avec résignation. Rataziaïev, colocataire de Makar, est un écrivain qu’il admirait, et qu’il pense maintenant au nombre de ses persécuteurs, lui qui voudrait le mettre dans un de ses livres (délire paranoïaque à comparer à Varvara qui se dit être poursuivie par la haine d’Anna, et qui me paraît comparable à celui de Rousseau dans Les Rêveries).
Finalement, Varvara accepte d’épouser Bykov, relation d’Anna, propriétaire foncier assez rustre, qui l’emmène dans la steppe. Explicit :
« Mais non enfin, moi, j’écrirai, et, vous, aussi, écrivez, enfin… Parce que, moi, maintenant, j’ai le style qui se forme… Ah, mon amie, c’est quoi, le style ! Mais, moi, maintenant, là, je ne sais même plus ce que j’écris, et je ne corrige pas le style, j’écris juste pour écrire, juste pour en écrire un petit plus… Ma petite colombe, mon amie, oh, vous, mon âme à moi ! »
Ce qui m’a frappé, chez ces "petits", ce n’est pas tant qu’ils souffrent de la pauvreté, mais plutôt de la malveillance, et de ne pouvoir révéler les qualités de leur âme, leurs humbles compassion (« pitié ») et dignité (« honneur », « réputation »). Il me semble que Dostoïevski parvient à échapper au pathos, ou à le dépasser par son empathie.
Par ailleurs, son dessein d’écrivain est marqué par les références littéraires, et surtout par les préoccupations de style chez Makar.

\Mots-clés : #correspondances #ecriture #misere

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Message par Bédoulène Sam 27 Jan - 7:58

merci Tristram, encore un livre à noter (mais le temps .............)

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Message par Laurentides Ven 15 Mar - 17:18

Fédor Dostoïevski - Page 4 Cvt_le10

Dans un article De Dostoïevski à Kafka, paru dans la revue Temps modernes (1947), et repris dans L'Ère du soupçon, Essais sur le roman (1956), Nathalie Sarraute écrit sur Dostoïevski romancier :

C'est ce besoin continuel et presque maniaque de contact, d'une impossible et apaisante étreinte, qui tire tous les personnages comme un vertige, les incite à tout moment à essayer par n'importe quel moyen de se frayer un chemin jusqu'à autrui, de pénétrer en lui le plus loin possible, de lui faire perdre son inquiétante, son insupportable opacité, et les pousse à s’ouvrir à lui à leur tour, à lui révéler leurs plus secrets replis. Leurs dissimulations passagères, leurs bonds furtifs, leurs cachotteries, leurs contradictions, et ces inconséquences dans leur conduite, que parfois ils semblent multiplier à plaisir et faire miroiter aux yeux d'autrui, ne sont que des coquetteries, des agaceries pour piquer sa curiosité et l’obliger à se rapprocher. Leur humilité n'est qu'un appel timide, détourné, une manière de se montrer tout proche, accessible, désarmé, ouvert, offert, tout livré, tout abandonné à la compréhension, à la générosité d'autrui : toutes les barrières que dressent la dignité, la vanité, sont abattues, chacun peut s'approcher, entrer sans crainte, l'accès est libre. Et leurs brusques sursauts d'orgueil ne sont que des tentatives douloureuses, devant l'intolérable refus, la fin de non-recevoir opposée à leur appel, quand leur élan a été brisé, quand la voie qu'avait cherché à emprunter leur humilité se trouve barrée, pour faire rapidement machine arrière et parvenir, en empruntant une autre voie d'accès, par la haine, par le mépris, par la souffrance infligée, ou par quelque action d'éclat, quelque geste plein d'audace et de générosité, qui surprend et confond, à rétablir le contact, à reprendre possession d'autrui.
(…)
Chacun répond, chacun comprend. Chacun sait qu'il n'est qu'un assemblage fortuit, plus ou moins heureux, d'éléments provenant d'un même fond commun, que tous les autres recèlent en eux ses propres possibilités, ses propres velléités ; de là vient que chacun juge les actions des autres comme il juge les siennes propres, de tout près, du dedans, avec toutes leurs innombrables nuances et leurs contradictions qui empêchent les classifications, les étiquetages grossiers ; de là vient que personne ne peut jamais avoir de la conduite d'autrui cette vision panoramique qui seule permet la rancune ou le blâme ; de là cette curiosité inquiète avec laquelle chacun scrute sans cesse l'âme autrui ; de là ces surprenantes divinations, ces pressentiments, cette lucidité, ce don surnaturel de pénétration, qui ne sont pas seulement le privilège de ceux qu'éclaire l'amour chrétien, mais de tous ces personnages louches, de ces parasites au langage sucré et âcre, de ces larves qui fouillent sans cesse et remuent les bas-fonds de l'âme et flairent avec délices la boue nauséabonde.
Le crime même, l'assassinat qui est comme l'ultime aboutissement de tous ces mouvements, le fond du gouffre vers lequel à tout moment tous se penchent, pleins de crainte et d'attrait, n'est chez eux qu'une suprême étreinte et la seule définitive rupture. Mais même cette rupture suprême peut encore être réparée grâce à la confession publique par laquelle le criminel verse son crime dans le patrimoine commun.
(…)
Ce besoin continuel d'établir un contact – trait de caractère primordial du peuple russe auquel l'oeuvre de Dostoïevski tient si fortement par toutes ses racines – a contribué à faire de la terre russe la terre d'élection, la véritable terre noire du psychologique.
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Message par Tristram Ven 15 Mar - 20:43

Vue perspicace, qui m'a sans doute échappé lors de ma vieille lecture de L'Ère du soupçon !

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Message par Pinky Sam 16 Mar - 14:48

Tout à fait intéressant et sensible cette analyse de Nathalie Sarraute mais on ne peut pas en attendre moins d'elle.
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