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Message par ArenSor Lun 4 Avr - 16:49

Leurs enfants après eux

Nicolas Mathieu - Page 2 Leurs_10

Belle plongée sociologique au cœur d’une ville de la région sidérurgique de Moselle, touchée de plein fouet par la désindustrialisation.
Le récit se découpe en quatre temps estivaux : 1992, 1994, 1996 et 1998 (et carton rouge au passage à Actes Sud qui a « oublié » la table des matière. On se demande pourquoi les auteurs prennent la peine de diviser leur livre en parties et chapitres…)
Nicolas Mathieu s’attache plus particulièrement aux adolescents, mais c’est l’occasion également de parler de la génération précédente, celle qui a vu s’écrouler un monde où les termes fierté, qualité du travail, avaient encore un sens. L’aciérie qui était au centre de l’univers n’est plus à présent qu’un vieux squelette rouillé :

« Le corps insatiable de l’usine avait duré tant qu’il avait pu, à la croisée des chemins, alimenté par des routes et des fatigues, nourri par tout un réseau de conduites qui, une fois déposées et vendues au poids, avaient laissé dans la ville de cruelles saignées. Ces trouées fantomatiques ravivaient les mémoires, comme les ballasts mangés d’herbes, les réclames qui pâlissaient sur les murs, ces panneaux indicateurs grêlés de plombs.
Anthony la connaissait bien cette histoire. On la lui avait racontée toute l’enfance. Sous le gueulard, la terre se muait en fonte à 1800°C, dans un déchaînement de chaleur qui occasionnait des morts et des fiertés. Elle avait sifflé, gémi et brûlé, leur usine, pendant six générations, même la nuit. Une interruption aurait coûté les yeux de la tête, il valait encore mieux arracher les hommes à leurs lits et à leurs femmes. Et pour finir, il ne restait que ça, des silhouettes rousses, un mur d’enceinte, une grille fermée par un petit cadenas. L’an dernier, on y avait organisé un vernissage. Un candidat aux législatives avait proposé d’en faire un parc à thème. Des mômes la détruisaient à coups de lance-pierres. »

Le poids du passé est souvent étouffant


« Après tout, lui aussi en avait ras le bol de toute cette mémoire ouvrière. Elle donnait à ceux qui n’avaient pas vécu cette époque le sentiment d’être passés à côté de l’essentiel. Elle rendait par comparaison toute entreprise dérisoire, toute réussite minuscule. Les hommes du fer et leur bon vieux temps faisaient chier depuis trop longtemps. »

Les édiles cherchent pourtant des solutions qui paraissent un peu illusoires, en tous cas qui ne convainquent pas vraiment la jeunesse qui ne pense qu’à partir ailleurs :

« Dans la vallée, il ne restait presque plus d’usines, et les jeunes taillaient la route, faute d’emploi. Par conséquent, la masse d’ouvriers qui avait jadis fait les majorités municipales et donné le ton à la politique dans le coin était vouée à la portion congrue. La mairie, avec l’aide du conseil général et de l’Etat, soutenait donc des hypothèses de développement novatrices. Le tourisme devait permettre une renaissance. Après la réfection du camping, l’agrandissement du club nautique et de la piscine et la création d’un minigolf thématique, on multipliait maintenant les rues piétonnes, les pistes cyclables et on annonçait un musée du fer et de l’acier flambant neuf pour l’an 2000. En plus de ça, les parages étaient riches de montées, de descentes et de sentiers. Toutes choses qui pouvaient attirer les randonneurs. On avait également convaincu plusieurs entreprises du secteur (locales, allemandes et luxembourgeoises) de soutenir une idée de luna park. Globalement, le plan était simple : investir. Le moyen évident : l’endettement. Le résultat immanquable : la prospérité. »

Ceux qui réussissent ce sont surtout les filles, à force de travail scolaire, avec une volonté de revanche sociale, ou tout du moins de ne pas rester sur le carreau.
Pour les autres la situation n’est guère brillante :


« La silicose et le coup de grisou ne faisaient plus partie des risques du métier. On mourait maintenant à feu doux, d’humiliation, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveillé à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi. Depuis que les usines avaient mis la clef sous la porte, les travailleurs n’étaient plus que du confetti. Foin des masses et des collectifs. L’heure, désormais, était à l’individu, à l’intérimaire, à l’isolat. Et toutes ces miettes d’emplois satellitaient sans fin dans le grand vide du travail où se multipliaient une ribambelle d’espaces divisés, plastiques et transparents : bulles, box, cloisons, vitrophanies. »

« Des solidarités centenaires se dissolvaient dans le grand bain des forces concurrentielles. Partout, de nouveaux petits jobs ingrats, mal payés, de courbettes et d’acquiescement, se substituaient aux éreintements partagés d’autrefois. Les productions ne faisaient plu sens. On parlait de relationnel, de qualité de service, de stratégie de com, de satisfaction client. Tout était devenu petit, isolé, nébuleux, pédé dans l’âme. »

Pourtant, il y a pire encore. Chaque génération a ses « étrangers », des gens peu fréquentables, qu’elle redoute, qu’elle peut haïr. Pour les parents ce furent les émigrés :


« Avec Rania, ils avaient quitté un pays pauvre et trouvé à Heillange un asile relatif. A l’usine, il avait obéi quarante ans, ponctuel, faussement docile, arabe toujours. Parce qu’il avait vite compris que le hiérarchie au travail ne dépendait pas seulement des compétences, de l’ancienneté ou des diplômes. Parmi les manœuvres, il existait trois classes. La plus basse était réservée aux noirs, aux Maghrébins comme lui. Au dessus, on trouvait des Polonais, des Yougoslaves, des Italiens, les Français les moins dégourdis. Pour accéder aux postes situés plus haut, il fallait être né hexagonal, ça ne se pouvait pas autrement. Et si par exception un étranger devenait OS ou accédait à la maîtrise, il demeurait toujours une aura de soupçon autour de lui, un je-ne-sais-quoi qui lui donnait tort d’avance. »

Pour les jeunes, ce sont aussi les « grosses têtes ». On dit qu’ils mangent des chiens et des hérissons :

« Steph ne savait pas exactement ce que c’était, les grosses têtes. Bien sûr, elle connaissait l’expression. Chez elle, on l’employait pour qualifier ces drôles de gens, les familles tuyaux de poêle dans des bleds, les camps-volants, les gamins ahuris qui faisaient de la mob, brutaux, la nuque rase, la morve au nez. Dans le fond, le niveau les plus bas, sous les cassos, même. Ces gens-là, dans leur manière de vivre, leur éloignement rustique et cette physionomie brouillonne, semblaient procéder d’un genre d’état de nature. On les imaginait forcément reclus, dans des fermes, à se mélanger telles des bêtes. »

« C’était un mec en pantalon de survêt et casquette, un de ces lascars rustiques qui croisent sur les départementales périphériques, ados malingres, hardis, laids à faire peur et enragés de bruit, qui font le malheur des retraités et le contingent des lycées professionnels. »

Finalement, la nouvelle génération reproduit en grande partie le comportement de celle qui l’a précédée : « Leurs enfants après eux »

« Tous partageaient le même genre de loisirs, un même niveau de salaire, une incertitude identique quant à leur avenir et cette pudeur surtout, qui leur interdisait d’évoquer les vrais problèmes, cette vie qui se tricotait presque malgré eux, jour après jour, dans ce trou perdu qu’ils avaient tous voulu quitter, une existence semblable à celle de leurs pères, une malédiction lente. Il ne pouvait admettre cette maladie congénitale du quotidien répliqué. Cet aveu aurait ajouté de la honte à leur soumission. Or, ils étaient fiers, et notamment de ne pas être des branleurs, des profiteurs, des pédés, des chômeurs. »


« Ces gens là l’avaient adopté. Pourtant il détestait leurs manies, leurs modes de vie. Les horaires absolument immuables pour bouffer, midi, 19 heures. Leur manière de tout compter, rationner, couper en morceaux, les journées comme les parts de tarte. Le père qui déboutonnait après le repas. Leurs idées sur tout, simples, honnêtes, d’éternels cocus. Cette probité benoîte, qui les laissait toujours interdits devant le cours du monde. Les trois ou quatre idées fortes qu’ils tenaient de l’école communale ne leur servaient à rien pour comprendre les événements, la politique, le marché du travail, les résultats truqués de l’Eurovision ou l’affaire du Crédit lyonnais. Après ça, ils ne pouvaient que se scandaliser pauvrement, dire c’est pas normal, c’est pas possible, c’est pas humain. Les trois couperets qui chez eux tranchaient toutes les questions ou à peu près. Et pourtant, alors que la vie contredisait sans cesse leurs pronostics, décevait leurs espérances, les dupaient mécaniquement, ils restaient vaillamment dressés sur leurs principes de toujours. Ils continuaient à respecter leurs chefs, à croire ce que leur racontait la télé, ils s’enthousiasmaient quand il faut et s’indignaient sur commande. Ils payaient leurs impôts, mettaient les patins, aimaient les châteaux de la Loire, le Tour de France et achetaient des voitures françaises. Sa belle-mère lisait même « Point de vue ». C’était à se flinguer. »

En 1998, la coupe du monde football crée des solidarités, communions devant la télé, éphémères, illusoires…

« Même de loin, on reconnaissait chaque silhouette. Liza, Desailly, Zidane, Petit avec sa queue de cheval. Comme cinquante millions d’autres connards, Anthony s’était pris au jeu, son malheur temporairement suspendu, son désir fondu dans la grande aspiration nationale. Les patrons du CAC 40, les mômes de Bobigny, Patrick Bruel et José Bové, tout le monde était d’accord, à Paris ou à Heillange, c’était pareil. Du haut en bas des grilles des salaires, du fond de la campagne jusqu’à la Défense, le pays bramait à l’unisson. La chose, au fond, était simple. Il suffisait de faire comme en Amérique, se croire la nation la meilleure du monde et se tourner la tête interminablement. »

Puis tout redevient comme avant :

« Une main sur le volant, l’autre sur sa bière, Anthony refaisait le paysage. L’usine titanesque, à la croisée des projecteurs. Les abribus où il avait passé la moitié de son enfance à attendre les transports scolaires. Son ancien bahut, les kebabs qui fleurissaient, la gare d’où il était parti, la même où il était revenu la queue entre les jambes. Les ponts d’où il avait craché dans la rivière pour tromper son ennui. Les PMU, le Mc-Do et puis le vide des courts de tennis, la piscine éteinte, le lent glissement vers les zones pavillonnaires, la campagne, le rien. »

Au final, Nicolas Mathieu ne dresse pas un constat noir de la situation. La nouvelle génération se coule en partie dans l’ancienne, mais pas complètement. Le monde change malgré tout et l’espoir demeure. Une nouvelle donne est lancée. Et que feront les enfants ?
J’ai beaucoup aimé ce livre qui analyse avec finesse et pudeur, je n’en ai pas encore parlé, le mal-être de l’adolescence :

« Il sentit s’abattre sur lui ce malaise flou, encore une fois, l’envie de rien, le sentiment que ça ne finirait jamais, la sujétion, l’enfance, les comptes à rendre. Par moments, il se sentait tellement mal qu’il lui venait des idées expéditives. Dans les films, les gens avaient des têtes symétriques, des fringues à leur taille, des moyens de locomotion bien souvent. Lui se contentait de vivre par défaut, nul au bahut, piéton, infoutu de se sortir une meuf, même pas capable d’aller bien. »

Il y a beaucoup d’humour également :

« Les meufs c’était quand même un drôle de business. Vous aviez envie de les baiser, et puis ensuite elles arrivaient à vous convaincre de rester dormir, et, de fil en aiguille, vous commenciez à signer des papiers, faire des projets, et un beau jour, vous ne reconnaissiez plus rien autour. Vous ne fréquentiez plus aucun des endroits où vous aviez vos habitudes. Des copains d’enfance devenaient de parfaits étrangers. Et vous commenciez à faire gaffe de rabaisser la lunette avant de quitter les chiottes. »

Tout juste, pourrais-je reprocher, à titre personnel, de longues descriptions anatomiques dans les rapports sexuels de ces jeunes et qui ne me paraissent pas apporter grand-chose au récit.
J'ai beaucoup apprécié également cette tension entre Anthony et Hacine qui parcourt tout le livre et qui devrait, pense-t-on, se résoudre dans un bain de sang. Il n'en est rien, le temps passe, les esprits changent, de nouvelles solidarités se révèlent.
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Message par Tristram Lun 4 Avr - 18:37

Voici un point de vue qui me fait envisager de reconsidérer mon déni consécutif au commentaire de Topocl (j'aime à changer d'avis, pour tenter de me prendre en défaut).
J'hésite encore, il y a apparemment des longueurs, d'ailleurs : 560 pages...
Mais narrer le constat des méfaits de la désindustrialisation et le train-train médiocre engendré ne peut qu’être laborieux et rasoir ; le cortège de laissés-pour-compte sans perspective est une réalité qui ne m'est pas totalement étrangère, et je comprends que ça ne peut pas susciter un rendu joisse. L'éthique (ouvrière) obsolète, la société dévalorisée qui ne laisse que le choix de fuir pour vivre, ça peut difficilement donner un plaisir de lecture.
Mais quelques extraits me paraissent bien tournés.
ArenSor a écrit:(et carton rouge au passage à Actes Sud qui a « oublié » la table des matière. On se demande pourquoi les auteurs prennent la peine de diviser leur livre en parties et chapitres…
Ouaip, une lacune récurrente : la pagination doit compliquer son établissement. C'est d'autant plus dommage que la table des matières permet de se retrouver dans l'architecture d'un livre. Mais bon, pas de petit profit.

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Message par Bédoulène Mar 5 Avr - 8:34

ce livre me tentait après le com d'Arensor, mais le nbre de pages vu ma lenteur de lecture me fait m'interroger.

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Message par topocl Mar 5 Avr - 9:54

Arensor ça m'amuse de te voir sur cette lecture d'un prix littéraire qu'a priori je ne t'aurais pas conseillé. Comme quoi il faut se méfier des a priori.
Bédoulène, la lecture en est facile et ça devrait te plaire (mais ceci est encore un a priori...)

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Message par Tristram Mar 5 Avr - 11:29

Il ne faut pas non plus tomber dans l'excès : il peut se trouver qu'un prix littéraire soit aussi un bon livre, non ?

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Message par topocl Mar 5 Avr - 16:53

Tristram a écrit:Il ne faut pas non plus tomber dans l'excès : il peut se trouver qu'un prix littéraire soit aussi un bon livre, non ?

Magnanime, philosophe, ouvert, tolérant, impartial : tout notre Tristram, non?

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Message par Tristram Mar 5 Avr - 17:12

'bsolument (faut non plus être vénère, Topocl, oh !)

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Message par topocl Mar 5 Avr - 17:33

Vénère ? Ah mais je riais juste Wink .

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Message par Tristram Mar 5 Avr - 17:35

"Magnanime, philosophe, ouvert, tolérant, impartial", je n'en ai point douté zun seul instant.

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Message par ArenSor Mar 5 Avr - 21:00

topocl a écrit:Arensor ça m'amuse de te voir sur cette lecture d'un prix littéraire qu'a priori je ne t'aurais pas conseillé. Comme quoi il faut se méfier des a priori.
Bédoulène, la lecture en est facile et ça devrait te plaire (mais ceci est encore un a priori...)

Oui, je m'étonne moi-même. C'est effectivement très éloigné de mes centres d'intérêt habituels. Mais le livre m'a bien plu. C'est bien de temps en temps de sortir de sa zone de confort.
Bédoulène, je suis tout à fait de l'avis de topocl : je pense que ce livre pourrait te plaire et effectivement, il se lit très facilement.
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Message par Bédoulène Mer 6 Avr - 20:06

bon, je tente même s'il va me falloir un certain temps !

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Message par Tristram Mer 6 Avr - 20:10

LC ?

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Message par Tristram Jeu 4 Avr - 12:23

Leurs enfants après eux

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Lecture d'abord assez ennuyeuse, congrue à son sujet (donc c’est plutôt positif comme constat). C’est minable, les gens, les choses, l’époque : industrialisation puis désindustrialisation, et ce que ça donne socialement ; l’enfance, l’adolescence : c’est pas Bosco, pas celle dont curieusement les adultes disent se souvenir, mais la vraie, ce vaste ennui des jeunes tordus par les hormones de croissance, et leurs parents avant eux. « Le plus beau cul d’Heillange », qui mène Hélène à son fils Anthony, le personnage principal (suivi de quatorze à vingt ans). Et c’est finalement un panorama français (daté d’un quart de siècle), qui ne peut être réjouissant.
« Il sentit s’abattre sur lui ce malaise flou, encore une fois, l’envie de rien, le sentiment que ça ne finirait jamais, la sujétion, l’enfance, les comptes à rendre. Par moments, il se sentait tellement mal qu’il lui venait des idées expéditives. Dans les films, les gens avaient des têtes symétriques, des fringues à leur taille, des moyens de locomotion bien souvent. Lui se contentait de vivre par défaut, nul au bahut, piéton, infoutu de se sortir une meuf, même pas capable d’aller bien. »
(J’ai conservé des extraits qu’ArenSor avait déjà cités.)
« Il n’y a pas si longtemps, il lui suffisait de se taper des popcorn devant un bon film pour être content. La vie se justifiait toute seule alors, dans son recommencement même. Il se levait le matin, allait au bahut, il y avait le rythme des cours, les copains, tout s’enchaînait avec une déconcertante facilité, la détresse maximale advenant quand tombait une interro surprise. Et puis maintenant, ça, ce sentiment de boue, cette prison des jours. »
Patrick est le père d’Anthony, et ici occasion d’analyse sociétale du changement des valeurs :
« Depuis, Patrick entretenait avec ce couvre-chef des relations d’opérette. Il le portait, se croyait observé, le piétinait, l’oubliait dans son C15, le perdait régulièrement. Au volant, sur un site, au bistrot, au bureau, au garage, il se posait cette question : devait-il porter sa casquette ? Autrefois, les mecs n’avaient pas besoin de se déguiser. Ou alors les liftiers, les portiers, les domestiques. Voilà que tout le monde se retrouvait plus ou moins larbin, à présent. La silicose et le coup de grisou ne faisaient plus partie des risques du métier. On mourait maintenant à feu doux, d’humiliation, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveillé à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi. Depuis que les usines avaient mis la clef sous la porte, les travailleurs n’étaient plus que du confetti. Foin des masses et des collectifs. L’heure, désormais, était à l’individu, à l’intérimaire, à l’isolat. Et toutes ces miettes d’emplois satellitaient sans fin dans le grand vide du travail où se multipliaient une ribambelle d’espaces divisés, plastiques et transparents : bulles, box, cloisons, vitrophanies.
Là-dedans, la climatisation tempérait les humeurs. Bippers et téléphones éloignaient les comparses, réfrigéraient les liens. Des solidarités centenaires se dissolvaient dans le grand bain des forces concurrentielles. Partout, de nouveaux petits jobs ingrats, mal payés, de courbettes et d’acquiescement, se substituaient aux éreintements partagés d’autrefois. Les productions ne faisaient plus sens. On parlait de relationnel, de qualité de service, de stratégie de com, de satisfaction client. Tout était devenu petit, isolé, nébuleux, pédé dans l’âme. Patrick ne comprenait pas ce monde sans copain, ni cette discipline qui s’était étendue des gestes aux mots, des corps aux âmes. On n’attendait plus seulement de vous une disponibilité ponctuelle, une force de travail monnayable. Il fallait désormais y croire, répercuter partout un esprit, employer un vocabulaire estampillé, venu d’en haut, tournant à vide, et qui avait cet effet stupéfiant de rendre les résistances illégales et vos intérêts indéfendables. Il fallait porter une casquette. »
Les personnages féminins sont de même approfondis :
« Depuis le temps qu’elle trompait son attente, se préparait. Ainsi, ces derniers jours, elle avait pris soin d’ingurgiter ses deux bouteilles de Contrex quotidiennes. Elle s’était mise au soleil, mais pas trop, une heure maxi, se nappant avec patience, couche après couche, jusqu’à obtenir le rendu parfait, un hâle savant, onctueux, une peau en or et de jolies marques claires qui dessinaient sur sa nudité le souvenir de son maillot deux pièces. Au saut du lit, elle montait sur la balance avec une inquiétude sourde. Elle était gourmande, fêtarde. Elle aimait se coucher tard et avait tendance à picoler pas mal. Alors elle s’était surveillée au gramme près, mesurant son sommeil, ce qu’elle mangeait, faisant mais alors extrêmement gaffe à ce corps qui selon les moments, la lumière, les fatigues et les rations de nourriture connaissait d’extraordinaires mues. Elle avait poli ses ongles, maquillé ses yeux, prodigué à ses cheveux un shampoing aux algues, un autre aux œufs. Elle avait fait un peeling et s’était frottée sous la douche avec du marc de café. Elle avait confié ses jambes et son sexe à l’esthéticienne. Elle était ravie, appétissante, millimétrée. Elle portait un débardeur tout neuf, un truc Petit Bateau à rayures. »
Les clés de la réussite sociale n’ont finalement guère changé de mains…
« Les décideurs authentiques passaient par des classes préparatoires et des écoles réservées. La société tamisait ainsi ses enfants dès l’école primaire pour choisir ses meilleurs sujets, les mieux capables de faire renfort à l’état des choses. De cet orpaillage systématique, il résultait un prodigieux étayage des puissances en place. Chaque génération apportait son lot de bonnes têtes, vite convaincues, dûment récompensées, qui venaient conforter les héritages, vivifier les dynasties, consolider l’architecture monstre de la pyramide hexagonale. Le “mérite” ne s’opposait finalement pas aux lois de la naissance et du sang, comme l’avaient rêvé des juristes, des penseurs, les diables de 89, ou les hussards noirs de la République. Il recouvrait en fait une immense opération de tri, une extraordinaire puissance d’agglomération, un projet de replâtrage continuel des hiérarchies en place. C’était bien fichu. »
… même si certains parviennent à prendre l’ascenseur social.
« Car ces pères restaient suspendus, entre deux langues, deux rives, mal payés, peu considérés, déracinés, sans héritage à transmettre. Leurs fils en concevaient un incurable dépit. Dès lors, pour eux, bien bosser à l’école, réussir, faire carrière, jouer le jeu, devenait presque impossible. Dans ce pays qui traitait leur famille comme un fait de société, le moindre mouvement de bonne volonté ressemblait à un fait de collaboration.
Cela dit, Hacine avait aussi plein d’anciens copains de classe qui se trouvaient en BTS, faisaient une fac de socio, de la mécanique, Tech de co ou même médecine. Finalement, il était difficile de faire la part des circonstances, des paresses personnelles et de l’oppression générale. Pour sa part, il était tenté de privilégier les explications qui le dédouanaient et justifiaient les libertés qu’il prenait avec la loi. »
Les classes moyennes, pourtant financièrement précaires, alimentent allègrement la société de consommation :
« Avec Coralie, ils s’étaient d’ailleurs rendus chez Mr Bricolage et Leroy Merlin, mais ils étaient chaque fois rentrés bredouilles. Hacine n’y connaissait rien en bricolage, et il avait peur de se faire arnaquer, ça le rendait méfiant, il refusait de parler aux vendeurs. Heureusement, il y avait juste à côté d’autres enseignes pour acheter de la déco, des vêtements, des jeux vidéo, du matos hi-fi, du mobilier exotique et puis manger un morceau. C’était la beauté de ces zones commerciales du pourtour, qui permettaient de dériver des journées entières, sans se poser de question, en claquant du blé qu’on n’avait pas, pour s’égayer la vie. À la fin, ils étaient même allés chez King Jouet et avaient parcouru les allées, un sourire aux lèvres, en pensant à tout le plaisir qu’ils auraient eu étant gosses, s’ils avaient pu s’offrir tout ça. Résultat, l’appart était rempli de bougies, de loupiotes en plastique, de plaids en laine polaire, de bibelots d’inspiration bouddhique. Coralie avait également craqué pour deux fauteuils en rotin garnis de coussins blancs. Avec le yucca et les plantes vertes dans les coins, c’est vrai que l’ensemble avait pris un certain cachet. Ce serait encore mieux quand Hacine se serait décidé à planter un clou pour accrocher la photo du Brooklyn Bridge qui attendait au pied du mur. »
Culmination avec la fresque du 14 juillet :
« Ils étaient donc là, peut-être pas tous, mais nombreux, les Français.
Des vieux, des chômeurs, des huiles, des jeunes en mob, et les Arabes de la ZUP, les électeurs déçus et les familles monoparentales, les poussettes et les propriétaires de Renault Espace, les commerçants et les cadres en Lacoste, les derniers ouvriers, les vendeurs de frites, les bombasses en short, les gominés, et venus de plus loin, les rustiques, les grosses têtes, et bien sûr quelques bidasses pour faire bonne mesure. »
C’est la ruralité, alors il faut deux ou quatre roues pour se déplacer, pas seulement pour la frime.
Il y a plusieurs incohérences ou erreurs, qu’une relecture sérieuse aurait corrigé.
Le suspense est habilement entretenu dans le déroulement de ces quelques vies caractéristiques, avec pour ressort les rapports tendus d’Anthony et Hacine.
Après une première partie plutôt rebutante, je me félicite d’avoir poursuivi l’effort de lecture de ce roman en fait très consistant, qui traite de la jeunesse, de la désindustrialisation, de l’immigration, des « cassos », des drogues et de la délinquance en notre pays (principalement les années 1990). Plus proche de l’observation sociologique (avec effectivement les pertinentes « analyses récapitulatives » évoquées par Topocl ; j’ai aussi pensé à Daewoo, de François Bon) que de l’"ouvrage d'imagination", il a quand même obtenu le prix Goncourt. Ce dernier peut se révéler décevant, mais a permis cette fois de faire valoir un romancier contemporain qui mérite d’être lu.

\Mots-clés : #immigration #lieu #mondedutravail #relationdecouple #relationenfantparent #ruralité #sexualité #xxesiecle

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Message par Bédoulène Jeu 4 Avr - 15:54

la fin de ton commentaire fait que je ne vais peut-être pas passer

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Message par Tristram Jeu 4 Avr - 16:12

Certes : le début n'est pas engageant, mais...

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Message par Bédoulène Jeu 4 Avr - 20:14

j'apprécie qu'on persiste, souvent on ne le regrette pas

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