Archéologie

Pas de découverte cette fois-ci, confinement oblige (une équipe d’archéologues s’est fait épingler au Pérou pour fouille d’une nécropole en période de confinement…), mais un focus sur un intrigant et très beau type d’objet : le diatrète.
Le diatrète est une coupe en verre qui a été produite en petit nombre d’exemplaires vers le milieu du IVe siècle après J-C. C’est incontestablement le summum de la technologie du verre dans l’Antiquité, à tel point que les spécialistes continuent à discuter sur ses procédés de fabrication.
Les anglais utilisent le terme de « cage cup » qui est très parlant. En français, on pourrait parler de résille de verre.
Prenons pour exemple l’exemplaire du musée archéologique de Cologne, l’un des plus beaux à mon avis (mais je suis loin de les avoir tous vus).


Il s’agit donc d’une coupe en verre de différentes couleurs. On pense que le verre a été moulé en superposant des couches de différentes couleurs. Ensuite, le travail a consisté à dégager ces différentes couches à la meule pour créer l’inscription ainsi que la résille. Une autre hypothèse serait que l’inscription et la résille ont été collées à chaud sur la coupe.
Sur ce détail on voit bien les petites tiges qui relient la coupe à la résille :


L’exemplaire du musée de Cologne porte une inscription en grec qui peut se traduire par « Buver, vivez mieux pour toujours ».
Les diatrètes ont été fabriqués principalement en région rhénane, probablement dans la cité de « Colonia Claudia Ara Agrippinensium », la ville actuelle de Cologne, grand centre de production verrière dans l’empire romain. Il est possible cependant que d’autres régions en aient réalisés, notamment dans le nord de l’Italie.
Compte tenu de leur haute technicité et par conséquent de leur petit nombre produit, on considère que les diatrètes étaient des cadeaux offerts par les empereurs à quelques privilégiés.

Voici celui de Milan :
Celui du musée de Munich

Celui trouvé au Montenegro :

Celui de la collection Max-Well, le seul en propriété privée, qui s'est vendu à des prix faramineux il y a une quinzaine d'années

Le plus extraordinaire diatrète est cependant la fameuse coupe de Lycurgue conservée au British museum. On pense qu'elle n'a pas été trouvée archéologiquement, mais qu'elle a été transmise de génération en génération depuis l'antiquité. Les montures métalliques sont modernes. Cette coupe diffère des autres par son décor figuratif, mais surtout par la nature du verre employé qui est dichroïque. Un verre dichroïque polarise différemment les rayons lumineux selon l'orientation de l'éclairage ; ainsi la coupe de Lycurgue est verte en éclairage facial, mais rouge en éclairage arrière.

Les verres dichroïques sont obtenus par ajout de nanoparticules métalliques dans le verre.
On n'arrive déjà pas très bien à savoir la façon dont les romains fabriquaient leurs diatrètes, alors comment ils obtenaient du verre dichroïde, je ne vous dis pas  
En ces temps un peu difficiles, j'espère vous avoir fait un peu rêver devant de belles choses

impressionnant, surtout le final, je n'avais jamais entendu parlé de choses pareilles

Incroyable ! Rien à faire, ils m'épatent toujours, nos antiques ancêtres.

superbe, quelle habilité et quelle connaissance aussi des matériaux !

merci Arensor !

On ne trouve pas que de belles verreries antiques à Cologne ! Une équipe d’archéologues qui explorait aux environs de la ville une villa romaine a fait une bien étrange découverte : une boîte métallique scellée qui contenait un poste émetteur-récepteur à ondes courtes.
Il s’agit du modèle R-394KM - nommé "Strizh" (rapide) fabriqué en union soviétique en 1987. La portée est de 1200 km, suffisante pour atteindre par exemple Varsovie, alors sous domination soviétique. L’objet est en parfait état et n’a jamais été utilisé.
Le lieu d’enfouissement n’est pas anodin, à 10 km du centre de recherches nucléaires de Jülich et à peu près à la même distance de la base américaine de Nörvenich où des missiles à tête nucléaire de type Pershing étaient déployés jusqu’en 1995.
Ce sont peut-être des membres de la Stasi ou des agents d’Allemagne de l’est qui ont acheminé et enterré le poste.
A quelles fins ?
Deux hypothèses ont été avancées : enfouissement pour une utilisation future ou bien modèle de remplacement en cas de défaillance d’un poste en fonctionnement. On ne sait. Manifestement, après la chute du Mur, le poste a été oublié…
Un dernier indice : les postes de ce type portent des indications en caractères cyrilliques ; or sur l’exemplaire en question, les caractères sont latins. Il était donc plutôt destiné à un agent allemand plutôt qu’à un russe.
Allo, Papa, Tango, Charlie, vous me recevez bien mister Le Carré ?  

Je vous re-bassine tout de suite avec William Gibson ou j'attends un peu ?

Superbes ces diatr-tes et ces coupes !
Tout a été déjà crée, inventé, et avec quel génie, que nous reste-t-il ?

animal a écrit:Je vous re-bassine tout de suite avec William Gibson ou j'attends un peu ?

par confinement ?

Peut-être pas étonnant pour certains d'entre vous mais la radio russe me rappelle un fil et surtout le bric-à-brac posté dessus de notre ancienne demeure. Le truc qui au détour d'une page vous fait écarquiller les yeux. En l'occurrence (et souvent dans mon cas ?) l'objet, le moment qui relativise le temps ?

Anyway, j'en ai deux que je repêche (et pensée encore pour Shanidar a propos de ce fil) :

moi, dans une vie antérieure qui continue a écrit:

Crystal Radio ?

THE BOY CROUCHES beside a fence in Virginia, listening to Chubby Checker on the Rocket Radio. The fence is iron, very old, unpainted, its uprights shaved down by rain and the steady turning of seasons. The Rocket Radio is red plastic, fastened to the fence with an alligator clip. Chubby Checket sings into the boy's ear through a plastic plug. The wires that connect the plug and the clip to the Rocket Radio are the color his model kits call "flesh". The Rocket Radio is something he can hide in his palm. His mother says the Rocket Radio is a crystal radio: She says she remembers boys building them before you could buy them, to catch the signals spilling out of the sky.
  The Rocket Radio requires no battery at all. Uses a quarter mile of neighbor's rusting fence for an antenna.
  Chubby Checker says do the twist.

début de l'article Rocket Radio de William Gibson.

excusez je découvre ou presque parce que j'ai du en entendre parler pour oublier tout de suite.

Le récepteur à cristal est extrêmement simple, fonctionnant sans alimentation électrique, d’une très haute fidélité sonore et d’une étonnante musicalité comparé au récepteur moderne superhétérodyne. En revanche, la limite de détection du signal radioélectrique est imposée par le niveau absolu des signaux reçus utile au fonctionnement de l’écouteur ou du casque, car seul le signal radioélectrique de la station radio écoutée fait fonctionner le récepteur à cristal.

et d'autres info : http://fr.wikipedia.org/wiki/Récepteur_à_cristal

en fait les deux trucs qui m'ont fait écarquiller les yeux sont l'absence de source d'énergie autre que le signal reçu et du coup le branchement sur quelque chose comme une clôture pour faire antenne.

Et aussi parce que finalement ça peut faire écho à une partie du message de bix (qui a disparue ? ), difficile de prédire ce qui restera, encore plus ce qui sera révélateur. J'ai ronchonné hier en lisant ton message mais en y repensant j'ai repensé à son (avant) dernier à Gibson et son extrapolation sur l'impression 3D pour "partager" des objets dans le temps. Si on oublie le temps mais qu'on imagine un même objet, un rien obscure, du quotidien "partagé" entre n'importe où et nulle part, quelle corrélation pour un futur archéologue s'il doit se retrouver avec les clés d'il n'y a pas si longtemps...

Mais revenons à nos moutons gibsoniens :

Shanidar a écrit:toujours avec Gibson mais extrait de Identification des schémas :

Elle ne peut s'empêcher de regarder dans le coffre.
Des grenades.
Noires, compactes, cylindriques. Six disposées sur un vieux pull dans un désordre de carton bistre.
- Mademoiselle ? (Celui en short)
- Bonjour ? (L'homme gris, précis, impatient.) Elle voudrait se détourner, ne peut pas.
- Oui ?
- Les Curtas ? interroge le blond qui se rapproche.
(...)
- Vous ne venez pas pour les curtas ?
- Les quoi ?
-Les calculatrices.
Elle ne peut plus résister. S'approche de la voiture pour voir.
- Qu'Est-ce que c'est ?
- Des calculatrices.
Le plastique serré du blouson du noir craque tandis qu'il se penche pour prendre une des grenades et se tourne pour la lui donner. Ensuite, elle la tient : lourde, dense, prise en main parfaite.
(...)
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un instrument de précision qui effectue des opérations mécaniquement, sans électricité ni composants électroniques. La sensation de son opération évoque celle d'un délicat appareil photo 35 mm. C'est la plus petite calculatrice mécanique jamais construite.
Le noir a une voix profonde, douce.
- C'est une invention de Curt Herzstark, un Autrichien détenu à Buchenwald. Les autorités du camp ont même encouragé son travail. Là-bas on l'appelait "l'esclave des renseignements". Les officiers voulaient donner sa calculatrice au Führer, à la fin de la guerre. Mais Buchenwald a été libéré en 1945 par les Américains. Hertzstark avait survécu. Avec ses schémas.

après vérification l'histoire semble parfaitement exacte :

C'est magique cette couche de découverte à travers un autre regard non ?

ah! ça me rappelle une calculatrice dont je me servais en 1964 !

je disposais les plots sur les chiffres et je tournais avec la manivelle X fois pour obtenir le résultat

Armor a écrit:Incroyable ! Rien à faire, ils m'épatent toujours, nos antiques ancêtres.

Justement vient d'être publiée une découverte fascinante. Il s'agit d'un minuscule objet, restes d'une cordelette réalisée en fibres situées sous l'écorce d'un conifère. L'intérêt est que ce fragment provient d'un niveau incontestablement néandertalien d'une grotte de l'Ardèche.
On ignorait totalement que notre lointain ancêtre maîtrisait cette technique. Qui dit tressage implique possibilité de vêtements, filets, sacs, moyens de traction etc.

Animal, ton histoire de poste m'évoque un bon roman de P-K. Dick "Le Temps désarticulé". Dans une banlieue un peu destroy des années 60, il n'y a pas de radio (on comprend pourquoi plus tard). Toutefois, des gamins bricolent un poste à galène et captent de bien étranges messages ...

Il y a 300 000 ans les rives du lac de Schoningen, en Basse-Saxe actuelle, étaient fréquentées par des « Homo heildelbergensis », des ancêtres des néandertaliens. C’était l’époque de la culture acheuléenne et du biface.
Par un heureux concours de circonstances, les milieux humides ont permis la conservation d’objets en matière périssable datant de cette époque et qui font de Schoningen un site unique en Europe.
Il y fut découvert notamment des lances, des épieux.
Ces jours derniers, une publication révèle les résultats d’étude concernant un bâton de chasse trouvé en 2016. Taillé dans l’épicéa, le bâton mesure 64,5 de long et pèse 264 g. Il présente un profil arrondi d’un côté et plat de l’autre. Plus remarquable, la partie médiane de l’objet montre des traces de chocs identiques à celles qui se trouvent sur des exemplaires utilisés en Australie et en Amérique du nord.


Le bâton de chasse est tenu par une extrémité et jeté vers la proie. Il tournoie sur son centre de gravité et se comporte comme un boomerang à la différence qu’il ne revient pas vers le lanceur.
Il s’agit d’une arme redoutable, véloce, elle se déplace à 30 m/s, précise, avec une portée jusque 100 m.
A Schoningen, les bâtons de chasse ont été utilisés pour la capture de cygnes et de canards. Les archéologues pensent qu’ils ont été employés également pour diriger des chevaux vers des directions précises, des pièges très probablement.
source : "Nature Ecology & Evolution"

merci Arensor, je comprends bien la dangerosité de ces bâtons !

(et j' ai regardé sur le net la signification de acheuléenne et du biface)

ArenSor a écrit:

Armor a écrit:Incroyable ! Rien à faire, ils m'épatent toujours, nos antiques ancêtres.

Justement vient d'être publiée une découverte fascinante. Il s'agit d'un minuscule objet, restes d'une cordelette réalisée en fibres situées sous l'écorce d'un conifère. L'intérêt est que ce fragment provient d'un niveau incontestablement néandertalien d'une grotte de l'Ardèche.
On ignorait totalement que notre lointain ancêtre maîtrisait cette technique. Qui dit tressage implique possibilité de vêtements, filets, sacs, moyens de traction etc.

Oh j'avais manqué ça ! Génial. (J'ai toujours pensé que Néanderthal était discriminé en partie à cause de son physique. On commence enfin à lui rendre justice.)
Et j'aimerais bien me voir essayer d'attraper un canard avec un tel bâton. Je crois qu'on rigolerait...

Vaste coup de filet opéré conjointement par l’OMD (organisation mondiale des douanes) et Interpol, via les opérations Athena II et Pandora IV (on s’y croirait, hein !) : 101 personnes arrêtées et 19 000 objets volés retrouvés dont un masque en or Tumaco.

« Marchés illicites en ligne
Les services répressifs ont notamment focalisé leur attention sur la surveillance des places de marchés et des sites de vente en ligne, étant donné qu’Internet joue un rôle prépondérant dans le commerce illicite d'objets culturels.
Durant la semaine dite de « cyberpatrouille » et sous la direction des Carabinieri italiens, des experts de la police et des douanes mais aussi d’Europol, d’INTERPOL et de l’OMD ont cartographié les cibles actives et élaboré des dossiers de renseignement. Ces efforts ont permis de saisir 8 670 objets culturels mis en vente en ligne, ce qui représente 28% du nombre total des pièces et des objets retrouvés.

Quelques faits saillants de l’opération
• La Douane afghane a saisi 971 objets relevant du patrimoine culturel afghan à l’aéroport de Kaboul alors qu’ils allaient quitter le territoire national à destination d’Istanbul, en Turquie.
• La Police nationale espagnole, en collaboration avec la Police nationale colombienne, a retrouvé à l’aéroport de Barajas (Madrid) quelques objets précolombiens extrêmement rares, acquis illégalement après avoir été pillés sur des sites archéologiques en Colombie, notamment un masque de Tumaco en or qui, selon les experts, constitue une pièce unique en son genre, et plusieurs figurines et bijoux anciens en or. Trois trafiquants ont été arrêtés en Espagne et des perquisitions à Bogotá par les autorités colombiennes ont permis de retrouver 242 objets précolombiens supplémentaires, la plus grande saisie de biens culturels dans l’histoire du pays.
• Dans le cadre d’une enquête sur une vente en ligne, la Police fédérale argentine a récupéré 2 500 pièces de monnaie anciennes, la plus grande saisie pour cette catégorie d’objets, la deuxième place revenant à la Latvijas Valsts Policija (Police d’État lettone), qui a retrouvé, quant à elle, 1 375 pièces.
• Six forces de police européennes ont rapporté la saisie de détecteurs de métaux pour un total de cent huit pièces, ce qui montre que le pillage de sites archéologiques a encore bel et bien cours en Europe."

Source : site Interpol : https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2020/101-personnes-arretees-et-19-000-objets-voles-retrouves-au-cours-d-une-action-internationale-contre-le-trafic-d-aeuvres-d-art

Il faut faire attention quand on achète de la vaisselle ou des bibelots en ligne ; je voulais me payer une Vénus de Milo grandeur mature pour ma salle de bains, maintenant j'hésite.

Alors bien sûr il y a le nom de Shanidar qui, ici, nous interpelle tous un peu.

De la "preuve d’une pensée symbolique chez nos lointains cousins" néandertaliens à une capacité artistique chez ceux-ci, il n'y a même pas un pas, en ce sens qu'une pensée symbolique est constitutive d'une mise en art (n'est-il pas ?).