Jean Anouilh
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Jean Anouilh
Fils d'une famille franco-basque installée à Paris, Jean Anouilh commence des études de droit puis débute une carrière de publicitaire. Mais sa rencontre avec les pièces de Jean Giraudoux sont une révélation : il vivra par et pour le théâtre.
Après avoir été secrétaire de Louis Jouvet jusqu'en 1932, il sort une première pièce, 'L'Hermine'. Le succès et la célébrité viennent avec sa deuxième pièce, 'Le Voyageur sans bagage', en 1937.
Dès lors, il ne cesse de travailler et de rencontrer le succès auprès du public, malgré des critiques parfois sévères. Il a de plus participé à vingt-deux films, traduit sept pièces de dramaturges étrangers, et mis lui-même en scène onze pièces. Une trentaine de ses pièces ont été montées, notamment par George Pitoëff au théâtre des Mathurins, et interprétées par les plus grands comédiens, français ou étrangers.
Ses pièces qu'il a catégorisées (pièces noires, roses, grinçantes, brillantes...) donnent une image constante et pessimiste de la nature humaine, rongée par la nostalgie d'une pureté perdue.
(Source Evène)
Bibliographie
Théâtre
Pièces roses (1942)
Humulus le muet (1929)note 7
Le Bal des voleurs (1932)
Le Rendez-vous de Senlis (1937)
Léocadia (1939)
Pièces noires (1942)
L'Hermine (1931)
La Sauvage (1934)
Le Voyageur sans bagage (1937) : Page 1
Eurydice (1942)
Nouvelles pièces noires (1946)
Jézabel (1932)
Antigone (1944) : Page 1
Roméo et Jeannette (1946) : Page 1
Médée (1946) : Page 1
Pièces brillantes (1951)
L'Invitation au château (1947)
La Répétition ou l'Amour puni (1947)
Cécile ou l'École des pères (1949) : Page 1
Colombe (1951)
Pièces grinçantes (1956)
Ardèle ou la Marguerite (1948)
La Valse des toréadors (1951)
Ornifle ou le Courant d'air (1955)
Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes (1956)
Pièces costumées (1960)
L'Alouette (1953)
Becket ou l'Honneur de Dieu (1959)
La Foire d'empoigne (1962).
Nouvelles pièces grinçantes (1970)
L'Hurluberlu ou le Réactionnaire amoureux (1957)
La Grotte (1961)
L'Orchestre (1962)
Le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron (1968)
Les Poissons rouges ou Mon père ce héros (1970)
Pièces baroques (1974)
Cher Antoine ou l'Amour raté (1969)
Ne réveillez pas Madame (1970)
Le Directeur de l'Opéra (1972)
Pièces secrètes (1977)
Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972)
L'Arrestation (1975)
Le Scénario (1976)
Pièces farceuses (1984)
Épisode de la vie d'un auteur (1948)
Chers zoiseaux (1976)
La Culotte (1978)
Le Nombril (1981)
Littérature
1962 : Fables
1987 : La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique, autobiographie
2000 : En marge du théâtre, recueil d'articles, de préfaces et de présentations de ses œuvres théâtrales, publié de manière posthume, sous la direction d'Efrin Knight.
Opéra
1953 : Le Loup, ballet de Henri Dutilleux, argument de Jean Anouilh et Georges Neveux, chorégraphie de Roland Petit, créé au théâtre de l'Empire en mars 1953 ;
1961 : Colombe, « comédie lyrique » en quatre actes et 6 tableaux de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh d'après sa pièce, créée le 5 mai 1961 à l'Opéra de Bordeaux avec Maria Murano, dans une mise en scène de Roger Lalande, décors et des costumes de Jean-Denis Malclès ;
1970 : Madame de..., « comédie musicale » en deux actes de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh, créée le 26 avril 1970 à l'Opéra de Monte-Carlo avec Suzanne Sarroca dans une mise en scène d'André Barsacq
1971 : Eurydice, « drame lyrique » en 3 actes de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh d'après sa pièce, créé en 1971 dans le cadre du Festival de mai de Bordeaux puis repris l'année suivante à l'Opéra de Bordeaux ;
1999 : Antigone, opéra en deux actes de Míkis Theodorákis, livret du compositeur d'après la pièce de Jean Anouilh, créé le 7 octobre 1999 à Athènes.
màj le 6/11/2017
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Flore Vasseur
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Re: Jean Anouilh
Antigone
Antigone, celui d’Anouilh, je l’ai lu , relu, et encore plusieurs fois , et offert aux gens que j’aime. J’en sais quelques passages par cœur. Et Chalandon (avec Le quatrième mur) est venu me chercher par la main pour le relire. Meilleur à chaque lecture.
Antigone, c'est la petite brune que les garçons ne regardent même pas, celle qui pense que la vie est belle comme un jardin sauvage avant que l'homme n'y mette les pieds, celle qui pense que cela vaut le coup de mourir pour des idées. Et pour son frère aussi, même si celui-ci n'a pas su vous aimer .
Normal qu’à ma première lecture, vers 14-15 ans, elle m'ait plu, cette gamine infernale. Après, j'ai bien fait quelques choix, moi aussi, mais j'ai vite tourné du côté de Créon, du côté : on va tâcher de mener la barque, quitte à faire des concessions et à se dire, oui c’est cette jeunette qui a raison. dans le fond, mais ça serait un sacré bordel s'il n'y avait que des gens comme elle. Mais je me réserve le droit de parfois retourner à mon rôle d’Antigone, de sincère butée. .
La folie contre la raison ? Trop simple. C'est ça qui me retourne à chaque fois, c’est que Créon n’est pas un abominable salaud, ce n'est pas un tyran impitoyable, c'est un homme complètement attachant, complètement désespéré, qui continue la route, pas forcément parce que c'est juste, ou parce que c'est beau, mais parce qu'il faut, même si c'est un peu vain. Le mieux possible. Et le mieux possible n'est pas toujours ragoûtant.
Et puis à côté de cette alternative du choix entre un « non » et un « oui », il y a des tas d'autres personnages qui ont leurs choix à eux, plus flous, moins courageux . Et personne n’est fondamentalement mauvais.
Il y a Eurydice, qui tricote pendant toute la pièce, qui ne dit rien, dont on croit qu’elle s’en fout, ou même qu’elle n’est pas intéressante, et qui finalement s'avère un personnage tout aussi tragique que les autres.
Il y a la nourrice, qui fait le choix de distribuer des tartines, et les gardes, qui ne se posent pas d'autres questions que leurs bouteilles de vin. Ce côté drôle, léger, qui nous donne une respiration dans la tragédie : oui la vie est tragique, mais ce n'est pas tout…nous dit Anouilh. C'est d'ailleurs pour cela qu'Antigone l’aime tant. Et qu’elle ne veut pas la laisser gâcher.
Chaque lecture au fil des années se nourrit de mon histoire et de mes autres lectures. Chaque lecture est une redécouverte. Ici en Antigone, j'ai retrouvé « cette posture d'héroïsme » des héros de Vercors,(et, animal, la sœur d’Antigone, Ismène, ne manque pas de dire : « C'est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elle. Toi tu es une fille. ») et en Créon, le regard désabusé des frères Rolin qui se retournent sur leurs passions de jeunesse.
Ah ! et j’ai encore oublié de parler de la modernité de l’écriture d’Anouilh, ce grand chercheur de pureté. Une modernité qui prend ses bases dans la tradition classique, avec un chœur antique mais qui est ici plein de compassion et d'humour.
Antigone va retourner sur son étagère, jusqu'à la prochaine lecture, mais il (elle) restera là, quelque part, en moi.
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #contemythe #famille #justice #politique #théâtre
Antigone, celui d’Anouilh, je l’ai lu , relu, et encore plusieurs fois , et offert aux gens que j’aime. J’en sais quelques passages par cœur. Et Chalandon (avec Le quatrième mur) est venu me chercher par la main pour le relire. Meilleur à chaque lecture.
Antigone, c'est la petite brune que les garçons ne regardent même pas, celle qui pense que la vie est belle comme un jardin sauvage avant que l'homme n'y mette les pieds, celle qui pense que cela vaut le coup de mourir pour des idées. Et pour son frère aussi, même si celui-ci n'a pas su vous aimer .
Normal qu’à ma première lecture, vers 14-15 ans, elle m'ait plu, cette gamine infernale. Après, j'ai bien fait quelques choix, moi aussi, mais j'ai vite tourné du côté de Créon, du côté : on va tâcher de mener la barque, quitte à faire des concessions et à se dire, oui c’est cette jeunette qui a raison. dans le fond, mais ça serait un sacré bordel s'il n'y avait que des gens comme elle. Mais je me réserve le droit de parfois retourner à mon rôle d’Antigone, de sincère butée. .
La folie contre la raison ? Trop simple. C'est ça qui me retourne à chaque fois, c’est que Créon n’est pas un abominable salaud, ce n'est pas un tyran impitoyable, c'est un homme complètement attachant, complètement désespéré, qui continue la route, pas forcément parce que c'est juste, ou parce que c'est beau, mais parce qu'il faut, même si c'est un peu vain. Le mieux possible. Et le mieux possible n'est pas toujours ragoûtant.
Et puis à côté de cette alternative du choix entre un « non » et un « oui », il y a des tas d'autres personnages qui ont leurs choix à eux, plus flous, moins courageux . Et personne n’est fondamentalement mauvais.
Il y a Eurydice, qui tricote pendant toute la pièce, qui ne dit rien, dont on croit qu’elle s’en fout, ou même qu’elle n’est pas intéressante, et qui finalement s'avère un personnage tout aussi tragique que les autres.
Il y a la nourrice, qui fait le choix de distribuer des tartines, et les gardes, qui ne se posent pas d'autres questions que leurs bouteilles de vin. Ce côté drôle, léger, qui nous donne une respiration dans la tragédie : oui la vie est tragique, mais ce n'est pas tout…nous dit Anouilh. C'est d'ailleurs pour cela qu'Antigone l’aime tant. Et qu’elle ne veut pas la laisser gâcher.
Chaque lecture au fil des années se nourrit de mon histoire et de mes autres lectures. Chaque lecture est une redécouverte. Ici en Antigone, j'ai retrouvé « cette posture d'héroïsme » des héros de Vercors,(et, animal, la sœur d’Antigone, Ismène, ne manque pas de dire : « C'est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elle. Toi tu es une fille. ») et en Créon, le regard désabusé des frères Rolin qui se retournent sur leurs passions de jeunesse.
Ah ! et j’ai encore oublié de parler de la modernité de l’écriture d’Anouilh, ce grand chercheur de pureté. Une modernité qui prend ses bases dans la tradition classique, avec un chœur antique mais qui est ici plein de compassion et d'humour.
Antigone va retourner sur son étagère, jusqu'à la prochaine lecture, mais il (elle) restera là, quelque part, en moi.
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
Mais je crois bien avoir vu passer un amateur d'Anouilh, Quasimodo. Et qui parlait de sa prose que je ne connais pas du tout...
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
Merci pour ton superbe commentaire ! C'est avec Antigone que j'ai commencé, moi aussi. Ca commence à dater et tu me donnes extrêmement envie de le reprendre. Je l'avais lu parce que je devais en commenter un extrait, en devoir-maison, quand j'étais en première. Ca a été un choc.
Et oui effectivement ... c'est avec Anouilh que j'ai redécouvert la lecture, et c'est l'auteur que j'ai le plus lu.
Quand je parle de prose, j'ai inclus le théâtre. Je connais surtout ses pièces. Mais aussi un merveilleux livre de souvenirs de jeunesse, La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique, qui se dévore et que je recommande à tout le monde.
Et oui effectivement ... c'est avec Anouilh que j'ai redécouvert la lecture, et c'est l'auteur que j'ai le plus lu.
Quand je parle de prose, j'ai inclus le théâtre. Je connais surtout ses pièces. Mais aussi un merveilleux livre de souvenirs de jeunesse, La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique, qui se dévore et que je recommande à tout le monde.
Quasimodo- Messages : 5461
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Re: Jean Anouilh
Ah, et je trouve que c'est très juste ce que tu dis de son style.
C'est une écriture qui m'a toujours beaucoup interrogé et qui, aussi simple qu'elle paraisse, touche juste à chaque phrase. Ca m'impressionne.
C'est une écriture qui m'a toujours beaucoup interrogé et qui, aussi simple qu'elle paraisse, touche juste à chaque phrase. Ca m'impressionne.
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
Re: Jean Anouilh
Ton commentaire m'a donné des frissons.
J'ai pris ce livre en intraveineuse, adolescente.
Tu me donnes l'envie de le relire pourtant, avec cet accent sur le choix.
J'ai pris ce livre en intraveineuse, adolescente.
Tu me donnes l'envie de le relire pourtant, avec cet accent sur le choix.
Nadine- Messages : 4882
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 49
Re: Jean Anouilh
Oui, c'est un livre à perpétuellement relire, Antigone. Je continue avec Anouilh:
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
Le voyageur sans bagages
Après la guerre de 14, Gaston, amnésique de tous son passé, est resté à végéter 18 ans dans un asile. Et puis, une duchesse qui sait ce qui est bien décide que les choses doivent se remettre dans l'ordre, qu'il faut retrouver sa famille, lui restituer son passé. Mais ce que Gaston découvre n'est pas forcément à son goût, ni cette famille qu'on lui propose, ce jeune homme qu’il a été, lui dit-on, et qui n'est pas sympathique… Alors, lui qui n'a été qu'un pauvre type malmené par la vie et dont les autres ont disposé, décide que l'amnésie n'était pas une fatalité, mais une chance unique : la possibilité d'un choix.
Ils devraient être terrifiants, cette duchesse, cette famille, qui pensent qu'il faut faire les choses comme elles le doivent et non pas comme on les espère ou qu'on les aime. Mais l’œil mutin d’Anouilh nous les présente avec son humour tendre, et nous les voyons dérisoires. C'est plutôt léger et souvent drôle pour une « pièce noire ». Gaston, qui a la naïveté d'un homme sans mémoire, un homme sans attaches, sidéré par leurs obstinations, par leur petit vision toute formatée se bat pour des lendemains meilleurs et leur donne une belle leçon de vie.
(commentaire rapatrié)
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
Médée
(Nouvelles pièces noires)
Et ton cas est réglé pour toujours, Médée ! C'est un beau nom pourtant, il n'aura été qu’à toi seule dans ce monde. Orgueilleuse ! Emporte celle-là dans le petit coin sombre où tu caches tes joies : il n'y aura pas d'autre Médée, jamais, sur cette terre. Les mères n'appelleront jamais plus leurs filles de ce nom. Tu seras seule, jusqu'au bout des temps, comme en cette minute.
Antigone et Médée, ce sont comme deux sœurs, chacune son visage, sa personnalité, mais une espèce de pacte commun qui les lie par derrière. Antigone c’est la pure, Médée la sauvage. Toutes deux éprises d’ absolu, promises à un destin tragique.
Médée et Jason, c'est encore la lutte entre la folie et la raison. Un amour fou des années partagé, traînant le poids des ignominies commises en son nom, et un beau jour, les destins qui se séparent : Médée qui ne veut pas renoncer, et Jason qui choisi le chemin de Créon, le chemin des concessions, construire non plus détruire, vivre et non plus dévorer. La passion perdue est le prix à payer. Pas beaucoup de remords, on en aurait sans doute aimé un peu plus…
Et puis il y a toujours la nourrice et le garde, qui s'en foutent, qui ne demandent qu’un peu de pain le matin, et un air frais à respirer…
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #amour #contemythe #exil #politique #théâtre #trahison
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
L'école des pères (pièce brillante)
C'est une petite pièce sans prétention, qui a comme seule ambition d'être charmante et tordante. Une parodie ludique comme son titre l'indique. Pari parfaitement réussi.
Jean Anouilh remet au goût du jour les grands classiques : le père veuf libidineux, les jeunes amants contrariés qui se jurent un amour éternel, la servante maline et mignonne qui n'a pas sa langue dans sa poche, les quiproquos, quitte à introduire des déguisements pour corser l'affaire…. Il se paie même le luxe de se moquer discrètement de lui-même au passage.
La langue est vive, enjouée, les réparties fusent, les situations sont piquantes et emberlificotées à souhait. On rit. Et même le happy end est au rendez-vous.
On passe un moment tout à fait délicieux.
(commentaire rapatrié)
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topocl- Messages : 8546
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Re: Jean Anouilh
Médée
Dix ans après avoir conquis la toison d'or, Médée et Jason, éternels parias, sont accueillis en Corinthe. Jason tombe amoureux de Créuse, la fille du roi, et répudie Médée.
On enjoint à celle-ci de s'en aller, on lui affirme qu'on l'a assez tolérée. Si on la chasse, ce n'est certainement pas à cause de ses crimes : Jason partage les siens, et Créon, le roi de Corinthe, en est tout aussi chargé. Mais Médée vit dans une roulotte, Médée est une magicienne, Médée refuse de vivre comme les autres, enfin, elle est étrangère. Lorsque Jason abdique, et acceptant une existence ordinaire il renonce à une vie passionnée et sans fards, il est - comme par sorcellerie - absous de ses crimes, qui ne comptent plus. Médée est la seule coupable, mais coupable d'être indépendante. Car on ne peut persécuter quelqu'un parce qu'il nous est différent, on l'accuse de maux plus graves, peu importe qu'on en soit nous-même responsables. Ici, c'est l'hypocrisie qu'Anouilh châtie.
Tour à tour, Créon et Jason se rendent à la roulotte de Médée pour lui parler.
Le premier finit par lui avouer les véritables raisons de son exclusion :
Malheureux et dégoûté d'avoir vécu dans le crime, Créon cède, laisse Médée rester une dernière nuit, et appelle le destin à se venger sur lui s'il le veut : c'est le point qui permet le sanglant dénouement de la pièce.Jason est de chez nous, le fils d'un de nos rois, sa jeunesse, comme bien d'autres, a peut-être été folle, mais c'est un homme à présent qui pense comme nous.
Créon sort, Jason entre.
Rappelant leur histoire, il verse le regret des bons jours dans l'âme de Médée. Les motifs du "petit soldat", du "petit frère" qui symbolisent la tendresse dans l'amour sont invoqués par Jason, et un nouveau récit, apaisé celui-là, apparaît à nos yeux. Mais Jason nie Médée; ce n'est pas de Créuse qu'il est amoureux, c'est l'amour - donc Médée - qu'il s'est pris à haïr. Une vie normale, une épouse ordinaire, un pays à soi : c'est Médée en négatif, mais c'est toujours Médée. Celle-ci lui prédit d'ailleurs que plus il la fuira, plus il la cherchera dans la moindre de ses conquêtes, et qu'il sera à jamais hanté par son souvenir. Il nie, nie, c'est toujours elle en négatif, mais qui l'occupe tout entière.
Elle, d'ailleurs c'est au début, parle de sa douleur. Elle n'aime plus Jason, mais sans lui elle a mal et se sent comme amputée d'un membre. C'est d'une attirance physique démesurée qu'il s'agit, elle est entièrement sous l'emprise de ses sens; son amour, scellé par les sacrifices qu'elle fit à Jason, est inscrit profondément dans sa chair : elle le trompe, voudrait s'en détacher et ne le supporte plus, mais ne peut pas vivre sans lui.
Est-ce que la trahison de Jason, sa volonté de rejoindre l'hypocrisie générale et le confort d'une vie sans histoire, ça pourrait être un reflet de ceux qui ont collaboré, peu d'années avant la parution de la pièce d'Anouilh ? Peut-être, je n'en sais rien. Je préfère cette phrase de Médée :
Race d'Abel, race des justes, race des riches, comme vous parlez tranquillement.
Enfin, la sorcière Médée, condamnée par Créon (mais oui, nouvelle hypocrisie : on ne la tue pas, mais partout où elle fuira se trouvera quelqu'un pour s'en charger), brûle dans le bûcher de sa roulotte. C'est aussi le rappel d'une tradition tsigane (et peut laisser imaginer que Jason pourra faire le deuil ?)
Quasimodo- Messages : 5461
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Re: Jean Anouilh
Tu as aimé, Quasimodo?
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
Date d'inscription : 02/12/2016
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Localisation : Roanne
Re: Jean Anouilh
Beaucoup. C'est Anouilh qui m'a largement amené à la littérature, et c'est l'auteur que j'ai le plus lu.
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
Re: Jean Anouilh
Je découvre ce fil, et m'aperçois qu'Anouilh fait profondément partie de notre culture commune, inéradicable...
« Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… »
Jean Anouilh, « Antigone »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15927
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: Jean Anouilh
Ah mais c'est vrai, topocl m'avait fait lire Antigone!
Je rapatrie:
Antigone
Cette version d'Antigone a été représentée pour la première fois en 1944 à l'Atelier, donc pendant l'occupation. La jeune Antigone , la rebelle, serait l'image de la Résistance ( plus précisément Paul Collette qui avait tiré sur Laval) qui s'oppose aux lois de Pétain- Créon. En fait , Anouilh dénonçait la passivité de la majorité.. C'est étonnant d'ailleurs que cette pièce ait eu l'autorisation d'être montée et représentée sous l'occupation sans intervention de la censure ( comme Clouzot a pu le faire pour Le Corbeau, en 43, grâce à certaines ruses).
En fait, il y a eu d'autres interprétations :
lien aimablement fourni par topocl
Si on ne garde que le contexte, c'est une évidence qu'on ne peut qu'admirer le courage d'Antigone. Car, sans des gens comme cela, la France donnait une image bien ..résignée.
Après, c'est une pièce très moderne qui peut tout à fait être lue sans en connaître le contexte historique. Et même sans cette notion de vrai pouvoir politique . C'est un texte qui nous renvoie à nous-mêmes, nous sommes tous confrontés tous les jours à ce genre de situation. Enfin, en moins dramatique, heureusement:)
On peut très bien trouver qu'Antigone est une emmerdeuse! Oui, un peu!
C'est un texte qui fait réfléchir car, finalement, aucun personnage n'est franchement mauvais, ni n'a vraiment tort. Ils ont tous leurs raisons d'agir comme ils le font, et ils les donnent. C'est bien le problème de la "tragédie".
Pourquoi Antigone va-t-elle jusqu'au bout? Et bien, à mon avis , elle le dit dans cette phrase magistrale: Il faut faire ce que l'on peut.
Et ce qu'elle peut faire, c'est mourir , car elle estime que son frère, quoi qu'il ait fait, a droit à être enseveli. Et qu'elle ne cédera pas , c'est sa volonté et sa seule liberté de choix.
Bien sûr qu'on peut tous se positionner face à cette attitude jusqu' au boutiste. En fonction de beaucoup de choses, de ses propres expériences, de ses réflexions sur certaines décisions prises trop précipitamment etc. Personnellement, je crois qu'il faut se fixer des limites. On apprend à transiger, composer, accepter , mais il y a des limites et à chacun les siennes.
Il y aurait, je suppose , un troisième niveau de lecture qui serait la comparaison avec l'Antigone de Sophocle. A réserver aux spécialistes de la tragédie grecque , que je ne suis pas du tout.Mais j'avais relevé une phrase citée par un intervenant ( salut, eXPie!) :
Juste une citation de Pierre Vidal-Naquet (Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique, page 86) à propos de l'Antigone d'Anouilh : "La tragédie est une crise, négative ou positive, après laquelle personne parmi les héros n'est semblable à lui-même. Le Créon qui réunit le Conseil après la mort d'Antigone, de Hémon et d'Eurydice dans la pièce d'Anouilh est inconcevable dans une tragédie athénienne."
Oui, là, il y a beaucoup de dégâts, mais les gardes continuent à jouer aux cartes, la vie continue..
Je rapatrie:
Antigone
Cette version d'Antigone a été représentée pour la première fois en 1944 à l'Atelier, donc pendant l'occupation. La jeune Antigone , la rebelle, serait l'image de la Résistance ( plus précisément Paul Collette qui avait tiré sur Laval) qui s'oppose aux lois de Pétain- Créon. En fait , Anouilh dénonçait la passivité de la majorité.. C'est étonnant d'ailleurs que cette pièce ait eu l'autorisation d'être montée et représentée sous l'occupation sans intervention de la censure ( comme Clouzot a pu le faire pour Le Corbeau, en 43, grâce à certaines ruses).
En fait, il y a eu d'autres interprétations :
Mais Breton ira jusqu’à écrire qu’elle était l’œuvre… d’un Waffen SS ! Longtemps – jusqu’à aujourd’hui ? –, certains feront peser sur Anouilh le soupçon de « collaboration » pour avoir fait représenter cette pièce à cette époque, mais aussi pour avoir livré des textes (uniquement littéraires) à Je suis partout et pour avoir signé, à la Libération, la pétition en faveur de la grâce de Brasillach. Les mêmes oublieront, évidemment, que, aux pires moments des persécutions antisémites, Anouilh cacha chez lui la femme d’André Barsacq, juive d’origine russe, et qu’il donna des nouvelles à la revue antinazie Marianne. Et les mêmes, en revanche, ne s’offusqueraient pas que, ayant fait représenter les Mouches, en 1943, puis Huis clos, en mai 1944, qu’ayant donné plusieurs articles à la revue Comoedia, contrôlée par la Propaganda-Staffel, Jean-Paul Sartre se fût métamorphosé en « héros » de la Résistance, allant jusqu’à siéger au Comité d’épuration des écrivains. Ces procès d’intention, l’exécution de Brasillach et, plus largement, les horreurs de l’Epuration venant après les horreurs de l’Occupation, laisseront en Anouilh des traces indélébiles et une amertume qui allait rehausser d’ironie une écriture déjà très noire. « J’ouvre les yeux, je vois partout la lâcheté, la délation, les règlements de comptes. Je suis d’un coup devenu vieux en 1944, voyant la France ignoble », confessera-t-il trente ans plus tard. De ce temps-là, les allusions sarcastiques aux représailles de 1944-1945 deviendront fréquentes, depuis Ornifle (1955) jusqu’à Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972).
lien aimablement fourni par topocl
Si on ne garde que le contexte, c'est une évidence qu'on ne peut qu'admirer le courage d'Antigone. Car, sans des gens comme cela, la France donnait une image bien ..résignée.
Après, c'est une pièce très moderne qui peut tout à fait être lue sans en connaître le contexte historique. Et même sans cette notion de vrai pouvoir politique . C'est un texte qui nous renvoie à nous-mêmes, nous sommes tous confrontés tous les jours à ce genre de situation. Enfin, en moins dramatique, heureusement:)
On peut très bien trouver qu'Antigone est une emmerdeuse! Oui, un peu!
C'est un texte qui fait réfléchir car, finalement, aucun personnage n'est franchement mauvais, ni n'a vraiment tort. Ils ont tous leurs raisons d'agir comme ils le font, et ils les donnent. C'est bien le problème de la "tragédie".
Pourquoi Antigone va-t-elle jusqu'au bout? Et bien, à mon avis , elle le dit dans cette phrase magistrale: Il faut faire ce que l'on peut.
Et ce qu'elle peut faire, c'est mourir , car elle estime que son frère, quoi qu'il ait fait, a droit à être enseveli. Et qu'elle ne cédera pas , c'est sa volonté et sa seule liberté de choix.
Bien sûr qu'on peut tous se positionner face à cette attitude jusqu' au boutiste. En fonction de beaucoup de choses, de ses propres expériences, de ses réflexions sur certaines décisions prises trop précipitamment etc. Personnellement, je crois qu'il faut se fixer des limites. On apprend à transiger, composer, accepter , mais il y a des limites et à chacun les siennes.
Il y aurait, je suppose , un troisième niveau de lecture qui serait la comparaison avec l'Antigone de Sophocle. A réserver aux spécialistes de la tragédie grecque , que je ne suis pas du tout.Mais j'avais relevé une phrase citée par un intervenant ( salut, eXPie!) :
Juste une citation de Pierre Vidal-Naquet (Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique, page 86) à propos de l'Antigone d'Anouilh : "La tragédie est une crise, négative ou positive, après laquelle personne parmi les héros n'est semblable à lui-même. Le Créon qui réunit le Conseil après la mort d'Antigone, de Hémon et d'Eurydice dans la pièce d'Anouilh est inconcevable dans une tragédie athénienne."
Oui, là, il y a beaucoup de dégâts, mais les gardes continuent à jouer aux cartes, la vie continue..
Marie- Messages : 653
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Re: Jean Anouilh
Pour moi aussi c'est un grand souvenir, Anouilh. Surtout le voyageur sans bagage, qui m'avait profondément marquée quand j'étais ado.
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Armor- Messages : 4589
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Re: Jean Anouilh
J'avais encore ce commentaire dans mes cartons virtuels.
Roméo et Jeannette
(Nouvelles pièces noires)
C'est toujours cette histoire de choix entre la passion et la raison. Cette fois-ci, ce n'est pas parmi les héros grecs, mais chez des petit-bourgeois, dont le souci principal est de savoir si c’est bien rangé et bien propre. Cela donne l'occasion d'un premier acte jouissif où ceux qui se croient la vertu débarquent chez ceux qu’ils identifient au vice avec tous leurs préjugés. Et puis, on passe aux choses sérieuses. Alors qu'il n'y a rien en l'autre qui devrait leur plaire, au premier coup d’œil, Frédéric et Jeannette tombent amoureux. Amoureux fous. Avant,
Et, une fois de plus, il va falloir choisir. Car, dans ces nouvelles pièces noires, choisir, c'est grandir , choisir, c’est la raison. Et la raison n'est pas loin de la compromission avec un certain ordre établi.
Et refuser de choisir, c'est accepter de mourir .
Le frère, Lucien, qui joue le rôle du chœur, désabusé et revenu de tout, commente, observe, appuie où ça fait mal, avec cette idée que le monde est vain, et que chacun tire son épingle du jeu comme il peut plutôt que comme il veut.
Voilà. Une fois de plus, il y a ces dilemmes déchirants, dont les réponses sont inacceptables. Il y a aussi à côté de cette idée de la pureté, un certain bonheur ordinaire impalpable, des petites choses qui rendent heureux si, finalement, on accepte de laisser de côté les grandes questions. Il y a toujours cette douceur et cet humour, qui disent que cela vaut peut-être la peine de souffrir, peut-être la peine de continuer.
Cette fois-ci, c'est un peu plus compliqué dans les choix, il n'y a pas celle qui refuse et celui qui accepte, il y a un peu plus d’allers et retours, une valse d’hésitations, la Vérité est un peu moins évidente, malgré le couperet final. Peut-être parce que nous sommes chez les hommes, et non plus chez les héros.
Il faut savoir aussi qu'on rencontrera quelques pensées définitives, toujours joliment exprimées mais pas moins sexistes pour autant, sur l'opposition entre hommes et femmes, qui risquent d'en gêner certain(e)s, et qui sont la seule raison pour laquelle on dira que ce texte, qui remonte à 1945, date un peu.
(commentaire récupéré)
Roméo et Jeannette
(Nouvelles pièces noires)
C'est toujours cette histoire de choix entre la passion et la raison. Cette fois-ci, ce n'est pas parmi les héros grecs, mais chez des petit-bourgeois, dont le souci principal est de savoir si c’est bien rangé et bien propre. Cela donne l'occasion d'un premier acte jouissif où ceux qui se croient la vertu débarquent chez ceux qu’ils identifient au vice avec tous leurs préjugés. Et puis, on passe aux choses sérieuses. Alors qu'il n'y a rien en l'autre qui devrait leur plaire, au premier coup d’œil, Frédéric et Jeannette tombent amoureux. Amoureux fous. Avant,
Les choses autour de moi avaient une place et un nom et tout était simple.
Et, une fois de plus, il va falloir choisir. Car, dans ces nouvelles pièces noires, choisir, c'est grandir , choisir, c’est la raison. Et la raison n'est pas loin de la compromission avec un certain ordre établi.
On doit vieillir. On doit sortir un jour de son monde d'enfant et accepter que tout ne soit pas aussi beau que lorsqu'on était petit.
Et refuser de choisir, c'est accepter de mourir .
Le frère, Lucien, qui joue le rôle du chœur, désabusé et revenu de tout, commente, observe, appuie où ça fait mal, avec cette idée que le monde est vain, et que chacun tire son épingle du jeu comme il peut plutôt que comme il veut.
Voilà. Une fois de plus, il y a ces dilemmes déchirants, dont les réponses sont inacceptables. Il y a aussi à côté de cette idée de la pureté, un certain bonheur ordinaire impalpable, des petites choses qui rendent heureux si, finalement, on accepte de laisser de côté les grandes questions. Il y a toujours cette douceur et cet humour, qui disent que cela vaut peut-être la peine de souffrir, peut-être la peine de continuer.
Cette fois-ci, c'est un peu plus compliqué dans les choix, il n'y a pas celle qui refuse et celui qui accepte, il y a un peu plus d’allers et retours, une valse d’hésitations, la Vérité est un peu moins évidente, malgré le couperet final. Peut-être parce que nous sommes chez les hommes, et non plus chez les héros.
Il faut savoir aussi qu'on rencontrera quelques pensées définitives, toujours joliment exprimées mais pas moins sexistes pour autant, sur l'opposition entre hommes et femmes, qui risquent d'en gêner certain(e)s, et qui sont la seule raison pour laquelle on dira que ce texte, qui remonte à 1945, date un peu.
(commentaire récupéré)
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Jean Anouilh
Marie a écrit:En fait , Anouilh dénonçait la passivité de la majorité.. C'est étonnant d'ailleurs que cette pièce ait eu l'autorisation d'être montée et représentée sous l'occupation sans intervention de la censure ( comme Clouzot a pu le faire pour Le Corbeau, en 43, grâce à certaines ruses).
En fait, il y a eu d'autres interprétations :[...] Ces procès d’intention, l’exécution de Brasillach et, plus largement, les horreurs de l’Epuration venant après les horreurs de l’Occupation, laisseront en Anouilh des traces indélébiles et une amertume qui allait rehausser d’ironie une écriture déjà très noire. « J’ouvre les yeux, je vois partout la lâcheté, la délation, les règlements de comptes. Je suis d’un coup devenu vieux en 1944, voyant la France ignoble », confessera-t-il trente ans plus tard. De ce temps-là, les allusions sarcastiques aux représailles de 1944-1945 deviendront fréquentes, depuis Ornifle (1955) jusqu’à Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972).
J'ai tout à fait retrouvé ça dans Médée justement.
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
Re: Jean Anouilh
Marie a écrit:Ah mais c'est vrai, topocl m'avait fait lire Antigone!
Je rapatrie:
Etonnant ! moizôssi.
Antigone
C'est très resserré et les deux figures les plus développées et autour des quelles se développe le texte sont Antigone et son oncle Créon. La première enfreint la loi du second pour recouvrir celui de ses frères qui n'a pas été enterré après qu'ils se soient entre-tués pour le pouvoir. Elle doit donc mourir.
Antigone est un mélange de résilience, de doute et d'idéalisme (et d'autres choses) et Créon se retrouve coincé par son geste car elle doit se marier à son fils. Et il est clair que la fin d'Antigone "insignifiante" ou plutôt non remarquée ne peut être sans suite.
Ce n'est donc potentiellement pas sans raisons (la dimension universelle de ce fait, de ce rapport, ce doute assez obscur et très mal défini) autres que personnelles (qui sont aussi un ressort de tragédie) que Créon tente de sauver les meubles, d'étouffer le fait (moyennant la mort de quelques gardes) et de rendre Antigone à ce qui se voudrait une certaine raison.
C'est le mélange des motivations (appelons ça comme ça pour simplifier) personnelles et plus diffuses, de principe ou d'esprit qui trame les tourments de ce fatal échange. Dans ce mélange que se développe quelque chose de non résolu.
Ça ne veut pas dire que peser les caractères est sans intérêt (le comportement de Créon n'est pas dénué de sens ni d'un certain idéalisme en regard de l'état des choses ?) mais il restera un "mais". Qui tient dans le goût un peu morbide de la fatalité, de la mortification, qui n'est pas absent chez Antigone, dans la séparation d'avec les autres qu'elle impose. Une exclusivité du sacrifice qui se termine en demi échec puisque les autres...
De cette lecture qui sur le moment ni même tout à fait ne m'a pas démonté complètement (je créonise peut-être trop sur certains fronts en ce moment pour être assez perméable), la question que je conserve le plus est : "de quoi Antigone est (ou serait) le déclencheur ?... sachant que sa mort signifiante est aussi une fin"
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