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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Henri Bosco

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Message par Tristram Ven 3 Déc - 13:09

L'Épervier

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 L_zope10

L’éditeur nous apprend (incidemment, en quatrième de couverture) que ce roman est le troisième volet de la série des Balesta, après Les Balesta et Sabinus donc. Si j’ai pu lire les trois livres à la suite et dans l’ordre, ce n’est pas la faute de Gallimard.
L’unique descendant des Balesta revient à Pierrelousse, et s’installe dans une grande maison de la place des Aubignettes, également habitée par d’autres fort discrets locataires.
« − Ce que j’ai à faire de mieux maintenant, c’est de confronter ce que j’ai écrit de ce vieux pays, tel qu’il fut peut-être, avec ce qu’il est devenu dans une plus grande vieillesse. En l’évoquant, j’ai dû y faire entrer mes songes, qui en auront troublé l’image. »
La tranquille bourgade a peu changé, comme assoupie dans l’attente, ce qui nous vaut une superbe évocation du temps qui passe.
« Nulle ville n’est plus favorable à l’attente que Pierrelousse, s’il s’agit toutefois d’une attente paisible. […]
Mais elle excelle à ces attentes de patience où l’on sait que rien ne vous presse, qu’il n’arrivera rien d’inattendu, et peut-être, au fond, rien du tout. On attend tout de même. On regarde passer le temps comme d’autres le vol inutile des mouches, sans souci. Et c’est alors que le temps dure. Il ne disparaît pas aussitôt qu’apparu, il se ralentit, il s’attarde, il flâne, il se laisse saisir et caresser, arrêter peut-être, et on en jouit. […]
À Pierrelousse, en quelques mois de permanence, le temps vous devient tellement sensible que vous le touchez du doigt. Il a pris un corps… Ce corps lui-même a contracté des habitudes conformes au génie de Pierrelousse. Il se plaît où il est. Rien ne le presse d’en sortir. Il ne s’en va plus sans regret de ce lieu d’assoupissement qui a su façonner l’attente jusqu’à en faire le miroir magique où le temps finit par se laisser prendre, et où il s’endort. »
Peu à peu, le narrateur, qui s’appelle Joachim et raconte à la première personne du singulier, amadoue ses voisins, un chat et même un chemin qui mène à la vieille bastide qui appartint aux Balesta et qu’il a rachetée, « La Tonnelle de Saint-Antonin » sur sa restanque (terrasse cultivable soutenue par un mur de pierres sèches).
Est longuement décrite l’atmosphère de mystère provincial, de malveillance sourde, de passions secrètes et de songes silencieux de la maison qui devient « folle ».
« Conclusion raisonnable : les uns veulent me rejeter, ils travaillent à mon départ ; les autres veulent m’attirer et m’étouffer en s’étouffant eux-mêmes.
Partir, unique solution de sauvegarde. »
Joachim, qui se considère d’esprit lucide et critique, se retire pour l’hiver devant son feu dans la vieille demeure sur la colline.
« J’ai les mains faites à cela, des mains pour le feu… »

« …] l’accord se fait en hiver entre l’homme seul et une maison solitaire…
Alors, celle-ci se replie sur sa propre présence et devient peu à peu l’image modeste du monde. En un lieu clos, où tout fut mesuré pour rassurer l’homme que trouble l’espace, il y a tout de même l’âme et le feu devant l’âme, comme devant la terre où s’abrite la vie, il y a le soleil qui entretient la vie. Et ainsi dans la solitude recluse, rien de visible ou d’invisible n’enveloppe le cœur fragile qui ne soit une émanation de l’Univers… »
Il y médite sur les siens disparus, oubliés, et leur « don » auquel il ne croit pas. Son propre passé maritime se rappelle à lui.
« Qu’en moi survécussent les miens jusqu’à m’halluciner, je ne le niais pas. »

« Mais n’est-il pas constant qu’une vie solitaire attend toujours de sa solitude un événement désirable et tragique ?… »
Le drame (social) éclate alors. Joachim apprend du journal du Subrécargue de Sabinus la « dernière course et la glorieuse fin en combat dudit Sabinus », comment le corsaire saborda son vaisseau L’Accipiter avec les navires ennemis abordés.
Joachim repart au bord de la Méditerranée, en face de l’île du Levant ; il apprend que les "mauvais" qui conspiraient contre lui ont été "punis" par le sort. Puis apparaît un « bateau-fantôme », mystérieux voilier nommé l'Épervier…

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Message par Bédoulène Ven 3 Déc - 19:00

je te lirai quand j'aurai lu les deux livres qui précèdent donc ! Wink

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Message par Tristram Ven 28 Jan - 11:25

Mon compagnon de songes

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Mon_co10

Récit sur l’adolescence (et un peu celle de l’auteur), suite peut-être de trois livres sur l’enfance, dont Le chien Barboche, et aussi L’Enfant et la rivière.
Pascalet, quinze ans, part pour la première fois seul en voyage pour séjourner chez un cousin éloigné du triste bourg de Vénoves. Très vite son aventure y devient légèrement irréelle, avec la touche personnelle de Bosco pour le fantastique et le mystère ; les arbres, les maisons et même un vieux mur, ont une personnalité, une sorte d’humanité qui évoque une vision animiste du monde vivant. Le silence est analysé dans ses différentes variantes (voir aussi pp. 250-251 et p. 276 de l’édition princeps) :
« C’était sans doute, quand j’y pense, l’être même du vrai silence, caché derrière le voile trompeur des choses qui se taisent, mais qui ont parlé et qui parleront. Elles sont encore vibrantes des bruits, des mots, des souffles dont en nous les échos se prolongent à l’infini. Le souvenir des sons qui ont ému les airs ne cesse de hanter les plus silencieuses solitudes. »
Eustache Lopy, le cousin, est un nanti bestial et craint de ses trois sœurs, Clémence, Benoîte et Clélie, ainsi que de Balbine, la servante, si laide et vive d’esprit, « un cœur pur ». Pascalet réside dans la triste maison du tyran domestique à l’insu de ce dernier, où survit le sombre souvenir d’Hortense, la sœur qu’il y séquestra jusqu’à ce qu’elle meure… la maison qui ensevelissait le passé qui revient. Or, en arrivant à Vénoves, Pascalet rencontra Mathias, l’ancien amoureux éconduit d’Hortense, revenu incognito pour se venger.
Pascalet en est à peine sorti qu’il regrette déjà le « Jardin perdu » de l’enfance ; il vit d’imagination − et note un « mémento » à la base de sa rédaction d’adulte.
« Car en moi, sans moi, tout s’invente, tout devient et tout change quelquefois sur le coup, quelquefois lentement au gré d’une fantaisie toujours en éveil. »

« Par nature, j’aime mieux regarder que réfléchir. Un regard me tient lieu de pensée. »

« Ce que je dis là pourrais-je le dire comme je me dis, si je n’évoquais rien qu’un souvenir ?... Mais je n’évoque pas, je revis. »

« Je le sais, j’en parle après coup, comme à mon âge on peut parler de ces vestiges devenus inutiles et quand même obstinés à vivre. Lorsqu’on a acquis peu à peu, grâce à un long usage, l’habitude de commenter les images qu’a rencontrées notre jeunesse et les émotions dont alors nos cœurs ont battu, on se console avec des mots. […]
Je ne pensais pas avec un esprit séparé du monde. C’est le monde qui pensait en moi tout entier. »
La Clef des songes, livre de Tante Martine, puis de l’étrange pythonisse qui trône au café de la gare, est un signe du monde des rêves.
« Votre destinée n’est pas mûre…Elle n’en est qu’à ses racines, et ce ne sont pas les racines qui parlent. Ce sont les branches et les feuilles… L’arbre commence à peine à se gonfler… Je dis bien l’arbre… Car en nous il y a un arbre, chacun a le sien, et l’âme s’y plaît… Les âmes depuis très longtemps aiment les arbres… »
Cette belle métaphore est filée plus loin :
« …] la première enfance où le contact des choses et des créatures est nécessaire à une vie qui déploie une à une ses premières feuilles…
Peut-être dans l’adolescent qui naissait en moi en restait-il encore, enveloppées dans des bourgeons dont l’éclosion allait se faire. Et peut-être même aujourd’hui où j’ai pris tant d’années y en a-t-il un d’encore vivant qui pourrait s’ouvrir. D’ailleurs ce que j’écris pourrais-je l’écrire si ces quatre ou cinq feuilles closes et oubliées ne cherchaient pas tardivement un peu de soleil dans mon vieil hiver pour en réjouir les lentes et mélancoliques journées ?... Aurais-je en leur fraîcheur tant de souvenirs sous les yeux si l’arbre ne contenait plus un peu de cette sève qui nourrit quelquefois sur les plus vieilles branches d’un ormeau ou d’un chêne de larges feuillages, des feuillages presque aussi beaux que ceux de leur jeunesse ? »
Puis Mathias emmène Pascalet et Barbine à son domaine de Roqueselve, dans la forêt, et où le jardin le fascine. On retrouve les nomades Caraques qui alimentent un grand feu de bois, et l’occasion d’un rêve renvoie à L’Enfant et la rivière.
L’atmosphère est de sortilèges, de menace sourde, de manipulations et d’aguets, maintenant sous la volonté du Vieil homme aveugle et maléfique qui a caché l’âme d’Hyacinthe dans un arbre inconnu, dont les destins sont liés.
C’est aussi le roman d’initiation de Pascalet, qui passe de son enfance solitaire à l’adolescence comme de l’été à l’automne dans ce livre.

\Mots-clés : #initiatique #jeunesse

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Message par Bédoulène Ven 28 Jan - 14:07

merci Tristram (si j'avais plus de temps)

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Message par Pinky Ven 22 Avr - 19:39

Le mas Théotime

J’avais commencé mon entrée dans Henri Bosco par la lecture de son dernier livre Une ombre que j’essaierai de présenter plus tard. L’ouvrage n’est pas terminé, c’est le dernier de sa bibliographie.
Je suis donc revenue à un classique pour entrer dans cet univers, Le Mas Théotime.

Trois thèmes s’entrecroisent : la nature ou le plus souvent la nature et les activités agricoles au fil des saisons, des heures de la journée ; les deux familles Métidieu et les Dérivat liées par des mariages successifs et vivant en bonne entente ; l’amour passionné et impossible entre Geneviève Métidieu et son cousin Pascal Dérivat, le narrateur, deux sauvages.
Le Mas, ses terres dont fait partie la métairie cultivée par les Alibert, la Jassine proche du Mas et propriété de Clodius, le cousin malveillant  sont au centre du livre : terres cultivables et bien cultivées, terres arides, paysans laborieux, efficaces comme les Alibert ou négligents par dépit comme Clodius.
Le récit commence avec l’arrivée de Geneviève au Mas où Pascal est installé depuis une dizaine d’années. Tous deux ont passé leur enfance ensemble et sans qu’on sache exactement pourquoi, semble-t-il à l’initiative de Pascal, vers l’âge de 10 ans, ils se boudent et se terrent tous les deux dans un mutisme partagé tout en s’épiant à travers la haie qui sépare leurs deux jardins. Orgueil de Pascal qui ne veut pas revenir sur sa décision, coquetterie de Geneviève, le temps passe et les deux cousins finissent par se séparer complètement. Geneviève part vivre sa vie loin des habitudes assez traditionnelles des deux familles, se marie, n’est pas heureuse. Elle vient donc trouver refuge à Théotime où l’on sent que peu à peu, cette attirance que les deux enfants avaient l’un pour l’autre renaît mais reste inatteignable. Bosco parle de leurs natures sauvages et ainsi, revient à un de ses thèmes favoris, la transmission familiale qui peut aller jusqu’à une idée de réincarnation comme c’est le cas dans l’orphisme (ce qui est très présent dans Une ombre beaucoup moins ici).

Ainsi commence le livre

« En août, dans nos pays, un peu avant le soir, une puissante chaleur embrase les champs. Il n’y a rien de mieux à faire que de rester chez soi au fond de la pénombre, en attendant l’heure du dîner. Ces métairies que tourmentent les vents d’hiver et que l’été accable, ont été bâties en refuges et sous leurs murailles massives, on s’abrite tant bien que mal de la fureur des saisons. »

Geneviève
« Geneviève était Métidieu jusqu’à la racine des ongles. Elle ne vivait pas, elle dansait. Sa vivacité me déchirait le cœur. Car mon amour est lent à se poser ; il lui faut des objets un peu lourds et qui longtemps restent en place. Pour aimer j’ai besoin d’abord de m’attendrir et non pas d’admirer. Mais d’ailleurs comment admirer (du moins sans jalousie) une âme qui rit en plein vol quand on ne peut soi-même s’élever que faiblement au-dessus de la terre ?
…………
Elle était grande, leste, une peu rousse, hardie et offrait alors quelque image d’une créature du vent, s’il en est. Ces créatures-là on peut bien les aimer, je pense, mais on ne les retient pas longtemps à portée de son amour. »

Pascal
J’aurais voulu lui apporter cette lumière ; mais elle n’éclaire que moi, et en moi, malgré mon désir violent qu’on y pénètre, nul n’entre qu’avec de la peine et des mois de ténacité, comme si l’ascendant d’un mauvais astre m’obligeait à me refuser à ceux que j’aime, cependant qu’intérieurement je me donne à eux tout entier mais en silence.

Clodius
Clodius et ses trois moutons étaient visibles sur la pente qui descend de son bien dans le creux où s’enfonce la « carraire » avant d’entrer sur Théotime. Cette pente lui appartient. Il était évident qu’il ne voulait pas passer inaperçu. Il interpellait ses trois pauvres bêtes avec autant de zèle que s’il avait eu un troupeau de cent brebis à gouverner.
…………..
C’étaient trois bêtes taciturnes et fantomatiques, à l’échine osseuse, aux pattes maladives ; car elles se déplaçaient en boitillant ; et elles eussent fait pitié si, derrière leurs silhouettes de misère, ne se fût dressé ce berger de mauvais augure. »

Les travaux des champs : la moisson
« Jamais on ne faucha le blé à Théotime avec aussi peu de plaisir mais jamais cependant avec un plus rude courage. Les pensées étaient concentrées, les mains vigoureuses, les bras durs, les reins infatigables et rien qu’à voir tomber la faux qui entrait en crissant dans le chaume, on sentait notre volonté sur la terre.
En Compagnie des Alibert, au milieu des blés, le front bas j’ahanais avec persévérance et à pleins poumons j’aspirais dans les colonnes de chaleur montante le souffle de la glèbe saine et la force du sol. Le blé était beau, odorant de phosphore et il crépitait. »

Les sangliers
Il devait être un peu plus de minuit quand mon attention fut attirée par un bruit sourd et continu qui arrivait du dehors. Je sortis. Le temps était couvert ; mais la lune s’était levée depuis une heure ; et quoiqu’on ne la vit pas dans le ciel, elle y épandait une vaste clarté à travers les nuages.
…..
Je n’eus que le temps de sauter sur le talus, et de me coller contre un de ces arbres. Dans le lit du torrent déboucha une masse sombre. Cela haletait, grognait, soufflait barrissait même, avec une sorte de hâte furieuse, d’avidité brutale. Ils avançaient en colonne noire. En tête les plus gros : dos puissants, hures lourdes. Encaissés par les bords escarpés du torrent, ils arrachaient en passant les broussailles. De leurs cuirs suants s’élevait une odeur sauvage de crin, de boue séchée et de litière acide. Ils passaient sans me voir et descendaient vers Théotime avec une ivresse bestiale et leur irrésistible force, pour dévaster.
…………
Geneviève était debout. Les bêtes l’entouraient mais ne bougeaient pas. Je les voyais bien maintenant et j’entendais. Geneviève parlait. Que disait-elle ? J’étais trop loin pour comprendre. Elle parlait d’une voix très rauque et semblait se plaindre…Par moments la lune se voilait et tout le groupe s’effaçait dans l’ombre, puis il se reformait une éclaircie et ces fantômes reparaissaient.
………..
Elle se tut, puis fit un geste pour les écarter. Ils se reculèrent docilement et elle passa au milieu d’eux. Quand elle fut hors de leur cercle, elle se dirigea vers La Jassine. Ils se mirent en marche derrière elle.

Les heures du jour
La nuit

« Peu à peu l’ombre m’avait enveloppé et son opacité en ces lieux était telle que j’avais l’impression d’être engagé dans la matière même des ténèbres jusqu’à faire corps avec elles. La Jassine très lentement disparaissait. Les tons gris de ses vieilles pierres absorbaient l’ombre pour s’y fondre. Bientôt les fenêtres, la porte, et la lueur de la façade s’enfoncèrent dans cette puissante obscurité. Tout se confondit. L’effacement de ce monde, où cependant je m’attardais, avait emporté tant de choses, et moi-même avec elles, qu’il ne restait pas même un fugitif contour de ses figures indistinctes absorbées par le vide, à l’apparition de la nuit.
………..
Comme le ciel restait bas et couvert, l’étendue des champs, que n’éclairait aucune clarté d’astre, avait l’air d’un abîme
.

Le lever du jour
Car Théotime s’éclairait. Tout alentour la campagne trainait encore dans la médiocrité du petit jour. Mais déjà un peu de lumière se formait sur les tuiles de Théotime, rondes et douces, où se coloraient le lichen et la mousse des toits. Cette lumière impalpable ne semblait point se refléter sur l’argile cuite des tuiles, mais, en formant des tâches rousses, émaner mystérieusement de leur terre poreuse. Tout le mas sortait de la nuit. Du côté de la Font-de-l’Homme, à l’Est, on entendait l’appel vif des premiers oiseaux que touchait la clarté de l’aube, dans les bois, aux crêtes des collines. Quelques coulées d’air pur venues des plateaux odorants traversaient la campagne, où une petite calandre voletait. »

L’hiver
4 décembre
« le sanglier m’a observé, un bref moment, puis il a remonté la sente, sans daigner en passant, me jeter un regard.
Pourtant il paraissait inquiet, et rien qu’à la façon dont il flairait le sol, on devinait qu’il suivait une piste bizarre.
Ce qu’il cherchait dans la rocaille du ravin, ce n’était point des traces d’animal, marcassins égarés ou laie farouche ; ni le parfum des racines nourricières, mais peut-être bien l’odeur même de la terre travaillée par l’hiver précoce.
6 décembre
La bête l’avait bien flairé ; l’hiver était venu. Pendant la nuit la neige est descendue sur les pentes de Puyreloubes ; et ce matin, en ouvrant la fenêtre, on a vu cette nappe immatérielle posée sur les terrains, depuis le plateau jusqu’au bois de Vieilleville. Seule l’olivette de Clodius, appuyée aux premières falaises encore tièdes, n’a gardé, par endroits, que de petites plaques cristallines qui fondent doucement, sous le rocher. Partout ailleurs et même dans les hauts-labours, le sol brun est couvert de ce tapis friable, et sensible aux moindres bosselures. La Jassine noie apparaît, à travers son bois dépouillé, comme une lourde bête de l’hiver, accroupie dans la neige. Ça et là un corbeau sautille sur cette blancheur et fait un trou avec son bec.
Le silence est extraordinaire. On entend siffler doucement le sang dans les oreilles. Un  ciel bas, ouaté, étouffe les sons. Il ne neige plus ; mais ce n’est qu’un répit avant le soir. »

J'ai bien conscience d'être une "novice" dans l’œuvre de Bosco que vous avez lue, relue, en traquant les livres rares. Je craignais un peu le côté roman "pastoral", celui qu'on étudie à l'école. J'ai été séduite à la fois par cette plongée dans l'univers du midi provençal et de ses activités agricoles antérieures à la mécanisation mais aussi par cette façon de rendre présente la nature aussi bien par la vue que par tous les sens. Enfin, on se laisse prendre par l'intrigue.
J'essaierai de rendre compte d'Une Ombre, beaucoup plus ésotérique
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Message par Tristram Ven 22 Avr - 20:00

Autant de lecteurs, autant de mas Théotime ! Mais chaque lecture étoffe le livre : par exemple, je ne me souviens pas de "la transmission familiale qui peut aller jusqu’à une idée de réincarnation", ou plutôt j'ai vraisemblablement loupé cet aspect. Une perspective rattachée à l'attachement à la terre/ nature, pas seulement chez les paysans (et personnellement j'apprécie que cette approche du sacré reste vague, sous-jacente chez Bosco).

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Message par Pinky Ven 22 Avr - 20:06

En fait, cette lecture de la transmission familiale me vient de la lecture d'Une Ombre, franchement "orphique" le descendant est clairement la réincarnation de son ancêtre. C'est en consultant les analyses de Bosco et son attirance pour l'orphisme (dont un des aspects et la réincarnation) que j'ai relié transmission familiale, hérédité et quasi réincarnation. L'hérédité sauvage revient à plusieurs reprises dans Théotime. Pascal se sent appartenir à la lignée Clodius....
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Message par Tristram Ven 22 Avr - 20:34

Oui, terre et... sang ! Pas encore lu Une Ombre, et je n'ai plus que Le Récif à lire avant de vraisemblables relectures : ce vieux fonds mental de perpétuation plus familiale qu'individuelle me dit quelque chose, et il faut que j'y retourne voir...

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Message par Bédoulène Ven 22 Avr - 22:54

voilà ce que j'en disais à l'époque de ma lecture :

"Quand Clodius est assassiné à la lecture du testament Pascal découvre la justesse avec laquelle le disparu l’a jugé puisqu’il lui lègue tout ses biens, à lui alors que tant de haine les a fait ennemis, mais dont le même sang coule dans les veines ; c’est avec humilité et honneur qu’il acceptera les devoirs qui y sont rattachés."

la perpétuation familiale ?

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Message par Pinky Sam 23 Avr - 14:09

Merci Bédoulène pour cette citation qui conforte ce que j'ai pu écrire. Je pense qu'il s'agit bien d'hérédité (le même sang) et d'une certaine manière, d'une hérédité à la fois subie et revendiquée. La propriété de la terre en fait partie, héritage et hérédité se complètent.
Je viens d'une famille rurale et ces histoires de terres et de fermes ne sont jamais anodines.
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Message par Pinky Mar 26 Avr - 13:20

Une Ombre



jeunesse - Henri Bosco - Page 6 31dkku10

La quatrième de couverture, au moins des extraits, me permet de présenter clairement le fil du livre, livre qui n’est pas terminé, le dernier de Bosco.
« Monneval-Yssel, le narrateur, découvre un jour dans une vieille malle un manuscrit de son grand-oncle Jean-Gabriel Dellaurgues resté jusque-là secret : Relation d’un voyage que j’ai fait dans le Var en 1850 au cours de l’été. Il y a de cela 35 ans à ce jour. […] L’oncle Gabriel a-t-il vécu réellement ce trajet dans le Haut-Var avec ses lieux privilégiés – entre autres le village de Cotignac, une auberge, une église, un magasin d’antiquités- ou a-t-il été le jouet de ses fantasmes ? Car le voyage consistait à poursuivre, nuit et jour inlassablement, une Ombre insaisissable. […] Après une lecture attentive du manuscrit, le neveu décide de recommencer le fol itinéraire dans l’espoir d’en découvrir à partir de sa propre expérience les profonds motifs….. »

Je suis entrée par ce livre dans le monde d’Henri Bosco et le contraste avec Le Mas Théotime que j’ai lu dans la foulée m’est apparu clairement. Une Ombre est un livre quasi ésotérique dont la construction en boucle a fini par me lasser. Le petit-neveu refait les parcours de son grand-oncle, mêmes lieux ce qui est logique puisqu’il y retourne avec le manuscrit.
Mais après coup, j’ai cherché ce que voulait bien dire ce signe qui revient dans le livre.

Le signe
C’était une plaque d’argent assez massive carrée. Les bords en avaient été rehaussés au marteau et, au centre, on voyait, rehaussées aussi, ce que je pris d’abord pour des figures et qui en fait étaient des lettres, cinq caractères grecs facilement lisibles.
(dessin de la croix, à la verticale : phi minuscule, kappa majuscule, psi minuscule et à l’horizontale Sigma majuscule, Kappa majuscule (le centre de la croix), Sigma majuscule inversé droite/gauche)
Leur disposition formait une croix.
Le métal clair et très finement martelé était à peine bosselé à l’endroit où se dessinait le relief adouci des lettres.
Du pur argent. On eût dit un miroir mais il était étrange. La flamme mouvante du cierge y enfantait des formes. Elles répétaient cette flamme, mais les formes qui s’agitaient créaient sans cesse et détruisaient des clartés et des ombres. On eût dit de mystérieuses créatures qui vivaient et mouraient dans le métal. Il y avait là des âmes en peine. Prises dans l’épaisseur de cette matière solide elles essayaient vainement de s’en libérer. Leurs appels n’avaient d’autre sens que d’impuissance. Elles faisaient des gestes, mais c’étaient ceux du désespoir, ceux des vaines implorations.
Je remis la plaque d’argent dans l’étui pour ne plus les voir et la reposai sur la tablette du confessionnal. »

Recherche sur internet et je suis tombée sur un article de la revue Religiologiques de L’université du Québec à Montréal : "L’appel de la ténébreuse Eurydice dans Une Ombre d’Henri Bosco" de Sandra L. Beckett, paru en 1997. Tout prenait une autre dimension.
Ça me donnait aussi une première compréhension de la figure : Ombre se dit Skia en grec : les deux Sigma qui encadrent le kappa semblent bien représenter l’ombre. Le psi peut renvoyer aux âmes : psyché mais le phi (à retrouver)

Je suis revenue aux citations placées en exergue
Celle de Virgile, Géorgiques, IV

Invalidasque tibi tendens heu ! non tua palmas
Et je tends vers toi des mains impuissantes, hélas ! je ne suis plus à toi.

Et celle qui est attribuée à Samothrace. La Maison de la Milésienne, novembre 1916 (un texte de Bosco ?)
« Donne nous des corps pour nos pauvres âmes,
Donne-nous des âmes pour nos pauvres corps… »

Le livre se lit alors différemment avec en sous-texte, si on peut dire, des références aux ombres que sont les âmes du royaume des morts, celles que voit Ulysse dans l’Odyssée, qu’évoque Virgile, dans les Géorgiques et l’Enéide.

Le mythe d’Orphée devient omniprésent avec cette Ombre qui poursuit le narrateur : une Eurydice inquiétante qui cherche à s’approprier son corps dans tous les sens du terme.

On peut y ajouter le texte introductif, écrit en capitales, juste avant le début du récit
         
ICI
DEUX HOMMES D’UN MEME SANG
PARLENT D’UNE MEME AVENTURE
 L’UN LA RACONTE
 L’AUTRE LA COMMENTE
ENTRE LE RECIT ET LE COMMENTAIRE
  S’ETEND UN DEMI-SIECLE….
DE L’UN A L’AUTRE LES LUMIERES CHANGENT
ON PASSE D’UN SONGE A L’EXPLICATION DE CE SONGE
-SI CE FUT UN SONGE-
MAIS EXPLIQUER UN SONGE
N’EST-CE PAS REFAIRE CE SONGE ?.....

Sachant que le livre a été rédigé alors que Bosco était malade et qu’il n’a pu le terminer, on ne peut que penser que cette focalisation sur l’appel des âmes, de ceux qui sont sur l’autre rive, thème qui était déjà présent dans son œuvre, prend cette fois une dimension personnelle. La référence au rêve, est-elle une manière de prendre ses distances par rapport à cette figure inquiétante de l’Ombre qui cherche à attirer le narrateur pour retrouver la vie et la lui voler ? En tous cas, c’est une référence à Virgile qui termine le livre VI et la sortie d’Enée des Enfers par ce passage

« Il y a deux portes du Sommeil : l’une est de corne, dit-on, par où les ombres réelles sortent facilement ; l’autre, brillante et d’ivoire éclatant ; mais par cette porte les Mânes n’envoient vers le monde d’en haut que des fantômes illusoires ».

C’est le signe énigmatique qui aiguisé ma curiosité et m’a finalement entrainé vers une compréhension plus fine du roman. Cela mériterait une deuxième lecture, un peu plus outillée et pose la question de la nécessité ou pas de la connaissance de références pour mieux entrer dans un texte.
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Message par Tristram Mar 26 Avr - 13:58

Pinky a écrit:C’est le signe énigmatique qui aiguisé ma curiosité et m’a finalement entrainé vers une compréhension plus fine du roman. Cela mériterait une deuxième lecture, un peu plus outillée et pose la question de la nécessité ou pas de la connaissance de références pour mieux entrer dans un texte.
L'approfondissement d'une lecture par l'étude des références internes est, sinon nécessaire, hautement souhaitable pour approcher sa compréhension dans tous ses degrés. Je suis persuadé que tout auteur ne peut que se réjouir d'une exploration (honnête) des ressorts de son œuvre dans toute sa polysémie (volontaire ou pas).
Pour info, on a déjà débattu de cela, notamment dans les fils Critique littéraire et La participation active du lecteur.
J'estime que tu es une très bonne lectrice de Bosco, et te remercie pour le partage de tes recherches qui éclairent et enrichissent le livre !
Conviens-tu avec moi pour dire que l'enquête sur les aspects inconnus, cachés ou obscurs d'un bouquin prolonge et augmente le plaisir de sa lecture ?

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Message par Pinky Mar 26 Avr - 14:48

Je pense qu'en effet, certains livres demandent de dépasser la lecture "naïve". Une Ombre me semble en faire partie tant les références sont prégnantes. Cela me permet de faire un voyage chez les Ombres. Je parcours l'Enéide (avec de bons résumés avant chaque livre). Je retournerai vers l'Odyssée car je n'ai pas souvenir de ce contact avec le royaume des morts. Bien sûr, Dante mais aussi toutes ces croyances, à partir du XIIIe siècle, autour des âmes du Purgatoire. Je suis très sensible à cette "présence" des morts. Je pense, entre autres, à La Chambre verte de Truffaut et à la nouvelle de James.
Alors est-ce que cela augmente le plaisir de la lecture ? Disons que cela l'éclaire car même si ce n'est pas une préoccupation purement littéraire, j'aime bien savoir ou comprendre ce que l'auteur est en train de nous dire.
En même temps, j'ai parfois eu le sentiment que le rappel de trop de références pouvait décourager la lectrice "naïve" que je suis.
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Message par Pinky Mar 26 Avr - 15:32

Je suis allée voir du côté des deux fils que tu as indiqués Tristram et ce n'est pas encore ce que je voulais dire. Je suis d'accord avec une remarque d'Eglantine qui évoque Duras et Sarraute (pour moi, encore plus Sarraute), je n'ai pas besoin de références pour entrer dans leurs livres. Ils me parlent directement. Je pourrais aussi citer Virginia Woolf. Pour d''autres livres comme Une Ombre et les Bosco sans doute en général, les références aux textes classiques apportent un plus. En tous cas, pour moi.
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Message par Tristram Mar 26 Avr - 16:56

Je n'ai pas relu ces fils depuis longtemps, mais suis prêt à y échanger sur la question !
Par ailleurs, j'aime expliciter les termes et notions qui se présentent dans les livres, et d'ailleurs j'en parle souvent dans mes commentaires, que ce soit le glossaire provençal (que je ne connais guère) ou des concepts peu fréquents. Et si je trouve Une Ombre, je me référerai à tes lumières dans ma lecture !

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Message par ArenSor Sam 30 Avr - 18:46

Au sujet du "rameau d'or" :

Le tableau peint par Turner

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Turner10

Il faudrait pouvoir aussi se pencher sur James Frazer, mais c'est un énorme monument !

Enfin, il y a effectivement des liens avec la religion celtique. Les spécialistes travaillent beaucoup sur ce sujet des bois et arbres sacrés. Les indices sont tenus mais bien présents ; ainsi l'arbre en or trouvé sur l'oppidum de Manching

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Manchi10

Sur certaines pièces de monnaies, l'aurige tient un rameau en guise de fouet (ex chez les Vénètes)

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Venete10
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Message par Nadine Mer 4 Mai - 21:09

C'est beau, merci Arensor pour tes compléments...
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Message par Tristram Mar 2 Aoû - 10:41

Irénée

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Irzonz10

Le narrateur, le jeune Lampédouze, également personnage du premier roman de Bosco, éponyme (celui-ci est le second), rencontre à Capri la belle, « flexible » et « théosophique » Irénée, et en tombe amoureux, quoiqu’il en dise.
« Ah ! voilà le secret de mon amour. Du jour où je vis Irénée, je sentis dans mon cœur le désir de la fuir. »
Irénée partie, Lampédouze la cherche (plus ou moins) à Naples puis en Sicile, et ce sont des « pantomimes » après les « arabesques » (soit la seconde partie après la première). Dans sa petite pension aux cloisons trop minces, en client omniscient il élucubre cette énumération inattendue à propos de Célestin, un voisin qu’il imagine amoureux, en tout cas accablé d’une mère fort autoritaire :
« Ah ! les misérables ! Ils se jettent sur lui, ils le terrassent, ils le ligotent, ils lui mordent la carotide, ils lui fourrent du crottin frais dans les oreilles, ils le détrompent, ils lui mettent son cœur sous le nez, ils lui pompent le foie, ils lui sèchent la rate, ils le troufignent, ils l'obturent, ils l'athéïsent, ils l'incurvent, ils l'endosmosent, ils le décucurbitent, ils l'enflûtent, ils l'empistouflent, ils le floupètent, ils lui crachent dans l'ombilic, ils le lavementent, ils le succionnent, ils le défriffent, ils l'asymétriquent, ils l'empubèrent, ils l'hygiénisent, ils l'enfifrent, ils l'harpagonnent, ils le dépurent, ils l'hypopornouillent, et même ils l'embicornent, ils l'empénétrousquent, ils lui mingent dans le pylore, ils l'embouteillent, ils l'écœurent, ils l'inaniment, ils le débobinent, ils le transpédèrent, ils le conspergent, ils le déméningent, ils le décoctionnent, ils l'enfientent, ils le morbacquent, ils le décentripètent, ils le percutemboulent, ils le péri-compissent, ils le moralisent, ils le privent de génitoires. »
Lampédouze, qui se passe relativement facilement de l’absence d’Irénée en traînant son égotisme, s’entiche d’une autre belle, Cressida.
Même si la chère Provence de Bosco est fort présente en arrière-plan (et plus généralement « le Sud »), le ton est plus léger, voire malicieux, et davantage ancré dans son époque. Malgré une écriture déjà belle et bien maîtrisée, sa culture (notamment latine, et avec des références à son ami Max Jacob), les mélancoliques et paradoxales bénignes affres de Lampédouze m’ont paru assez fastidieuses dans ce déroutant roman "de jeunesse".

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Message par Tristram Mer 14 Déc - 14:41


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Message par Tristram Dim 18 Déc - 11:46

Le Récif

jeunesse - Henri Bosco - Page 6 Le_rzo12

Le petit-fils de Didier-Markos de Moneval-Yssel, qui a hérité de sa demeure « aux confins de Camargue », publie le cahier où son aïeul raconte son aventure dans l’île grecque de Paros. Selon l’arrangement de son ami Manoulakis, il réside chez les Kariatidès, face au Récif. Une chapelle dédiée à Saint-Élie s’y élève, objet d’une malédiction qu’on attend de Markos de l’élucider en y rallumant les trois lampes ancestrales.
Nuit et mer, leurs profondeurs ; aussi les étoiles, et les phosphorescences sous-marines. Attente, songes, ombres inquiétantes, mystère ésotérique de la Bête, d’un demi-dieu « inavouable » de l’Antiquité en sommeil. Énigmatique coexistence des fois chrétienne et païenne.
Dans le prolongement des précédentes œuvres de Bosco :
« Office singulier qui me rappelait cette bizarre liturgie familiale célébrée jadis par les Balesta, mes parents, pour apaiser l’Anonyme Puissance qui exerçait pour eux et malgré eux une aveugle et cruelle justice contre les moindres ennemis de leur Maison, même s’ils avaient été pardonnés. On l’appelait le « don ». »
Un fantôme/ créature sort de la mer pour lui parler.
« "Gardez le silence !…" Sur quoi ?…
Je n’ai pas obéi.
Les vivants parlent. Je suis sorti vivant de ce drame, et je parle. »
Mais il ne garde aucun souvenir de sa descente aux abîmes, dans ses songes et les sortilèges, et c’est Manoulakis qui racontera son retour.
« Car, sous le mouvement des illusions qui s’élèvent des songes, ces songes que vous aviez faits, vos paroles nous envoûtaient, comme vous aviez été envoûté vous-même par ces dieux qui voulaient remonter sur la terre parce qu’ils étaient encore à demi vivants, mais qui peut-être, depuis lors ont fini par mourir au fond des mers. Et vous seul pouviez les sauver. Ils vous l’ont dit. »
Puis son descendant, Jérôme, part à Paros enquêter sur la noyade de son aïeul, et témoigne.
« Mettez-vous bien dans l’esprit cependant, qu’on ne trouve la sûreté, qu’on n’arrive au salut qu’au-dessus des abîmes. Notre vie, la vraie vie de l’homme — se vit en tragédie. Nous n’y sommes pour rien, nous avons une âme. Il suffit de savoir prier. »
Étrange famille Kariatidès, notamment « le petit Dïakos et l’étrange Eudoxie », de même la branche Mavromichalis sur Naxos : personnages de tragédie grecque !
Ressouvenir du même thème traité par Jean Ray dans Malpertuis, par Lovecraft dans une large partie de son œuvre, et incidemment évoqué par Giono.
Aussi appris ce que sont les claparèdes : de l'occitan clapareda, plaine caillouteuse, dérivé de clap/clapa (masculin et féminin) désignant l'éclat de roche, le caillou, le bloc rocheux. Il s'agit de terrains pierreux, difficiles à travailler, très souvent arides (Wikipédia).

\Mots-clés : #fantastique #initiatique #merlacriviere

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